Entre santé au travail et culture ouvrière : la question du vin ‘‘prolétaire’’ dans la France de l’entre-deux-guerres.

Résumé

Depuis l’apparition de la question sociale et le Tableau de l'état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie de Villermé en 1840, le monde ouvrier a souvent été stigmatisé par sa misère, sa dangerosité, ses mœurs dissolues et/ou son ivrognerie. Si certains stéréotypes ont disparu, le penchant supposé des ouvriers pour l’alcool, et le vin en particulier, perdure. Ce qui est encore vrai aujourd’hui l’est donc évidemment pour l’entre-deux-guerres.

Or, dans le cadre d’une France en pleine mutation économique induite par la seconde révolution industrielle, la législation initiée avec la loi de 1898 sur les accidents du travail, se renforce durant notre période d’étude (création du Ministère de la Santé publique en 19201, loi du 25 octobre 1919 et modifiée en 1931 sur les maladies professionnelles, instauration des Assurances sociales en 19302) et questionne entre autre le lien entre la consommation de vin des ouvriers à l’usine et l’hygiène/sécurité au travail. L’Etat, les employeurs et les ouvriers, selon des intérêts différents et divergents (santé publique/antialcoolisme, productivité, protection), sont alors amenés à (re)penser leur rapport au vin en milieu professionnel.

Durant cette époque où chaque Français consommait près de 200 litres par an3, notre contribution se propose donc d’interroger les différents acteurs (étatiques, patronaux et syndicaux), d’analyser à la fois leur perception du vin mais également les politiques ou stratégies, plus ou moins prohibitives, adoptées dans le cadre de mesures de protection sanitaire des travailleurs et d’en évaluer les résultats. Notre démarche vise ainsi à mettre en lumière les oppositions qui ont pu exister entre ces différents intervenants autour du vin et de la santé au travail, le rapport ambigu que chacun entretenait vis-à-vis de ce qui demeure la « boisson nationale » (tantôt fortifiant, tantôt facteur accidentogène, marqueur d’une identité professionnelle partagée voire complément rémunérateur dans certains métiers) et de relever durant ces vingt années les permanences mais surtout les ruptures en termes de pratiques et de prévention.

Notre intervention s’articulera autour de trois points :

- Fantasmes et réalités de la consommation de vin sur (et hors) le lieu de travail : cantines, cafés, ateliers et « gamelles ».

- Le vin, un bouc émissaire désigné pour expliquer les accidents du travail et les maladies professionnelles ? Débats entre patronat et syndicats autour de la question de la responsabilité de l’ouvrier ou du manque de mesures de sécurité.

- Entre culture ouvrière et défense de la santé des travailleurs : un difficile équilibre syndical à trouver.

Pour traiter ces questions, nous nous appuierons sur les archives de la CGT de l’entre-deux-guerres (entre autres celles de l’Institut confédéral d’études et de prévention des maladies professionnelles), revenues de Moscou à la fin des années 1990 et sur celles du ministère du Travail relatives à la législation et aux travaux des organismes de consultation/conciliation telle la Commission d’hygiène industrielle où les différents acteurs interviennent. Nous utiliserons également la presse ouvrière de l’époque et les travaux récents issus des nouveaux champs de recherche appliqués aux pratiques alimentaires4 et à la santé au travail5, afin de compléter notre approche.

Plan

Texte

Foule avinée, absinthée, image bestiale du suffrage universel6

Depuis l’apparition de la question sociale et le Tableau de l'état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie de Villermé en 1840, le monde ouvrier a souvent été stigmatisé par sa misère, sa dangerosité, ses mœurs dissolues et/ou son ivrognerie. Si certains stéréotypes ont disparu, le penchant supposé des ouvriers pour l’alcool, et le vin en particulier, perdure. Ce qui est encore vrai aujourd’hui l’est donc évidemment pour l’entre-deux-guerres.

Or, dans le cadre d’une France en pleine mutation économique induite par la seconde révolution industrielle, la législation initiée avec la loi de 1898 sur les accidents du travail, se renforce durant notre période d’étude (création du Ministère de la Santé publique en 19207, loi du 25 octobre 1919 et modifiée en 1931 sur les maladies professionnelles, instauration des Assurances sociales en 19308) et questionne entre autre le lien entre la consommation de vin des ouvriers à l’usine et l’hygiène et la sécurité au travail. L’Etat, les employeurs et les ouvriers, selon des intérêts différents et divergents (santé publique, productivité, protection), sont alors amenés à (re)penser leur rapport au vin en milieu professionnel.

Durant cette époque où chaque Français consommait près de 200 litres par an9, notre contribution se propose donc d’interroger les différents acteurs (étatiques, patronaux et syndicaux), d’analyser à la fois leur perception du vin mais également les politiques ou stratégies, plus ou moins prohibitives, adoptées dans le cadre de mesures de protection sanitaire des travailleurs et d’en évaluer les résultats. Notre démarche vise ainsi à mettre en lumière les oppositions qui ont pu exister entre ces différents intervenants autour du vin et de la santé au travail, le rapport ambigu que chacun entretenait vis-à-vis de ce qui demeurait la « boisson nationale »10 (tantôt fortifiant, tantôt facteur accidentogène, marqueur d’une identité professionnelle partagée voire complément rémunérateur dans certains métiers) et de relever durant ces vingt années les permanences mais surtout les ruptures en termes de pratiques et de prévention.

Nous tenterons alors de discerner les éléments qui relèvent du fantasme de ceux décrivant une réalité : celle de la consommation de vin sur le lieu de travail. Nous verrons également pourquoi/comment le vin a pu servir de bouc émissaire pour expliquer les accidents du travail et les maladies professionnelles et nous attacherons à en analyser les débats consécutifs, entre patronat et syndicats, autour de la question de la responsabilité de l’ouvrier ou du manque de mesures de sécurité. Enfin nous verrons combien il aura été difficile pour le syndicalisme français de trouver un équilibre, entre culture ouvrière et défense des travailleurs,  sur cette question du vin et plus largement sur le danger de l’alcoolisme.

Pour traiter ces questions, nous nous appuierons sur les archives de la CGT de l’entre-deux-guerres (entre autres celles de l’Institut confédéral d’études et de prévention des maladies professionnelles), revenues de Moscou à la fin des années 1990 et sur celles du ministère du Travail relatives aux enquêtes, à la législation et aux travaux des organismes de consultation/conciliation telle la Commission d’hygiène industrielle où les différents acteurs interviennent. Nous utiliserons également la presse ouvrière ainsi que les travaux récents issus des nouveaux champs de recherche appliqués aux pratiques alimentaires11 et à la santé au travail12, afin de compléter notre approche.

Contextualisation

Depuis le 19ème siècle, la lutte antialcoolique achoppe sur la question vinicole. En effet si les alcools forts ou distillés sont vigoureusement dénoncés par les associations et les discours hygiénistes, une ambiguïté demeure autour du vin. Qualifié de boisson naturelle, voire antialcoolique, il bénéficie à l’instar de la bière d’une certaine impunité tant qu’il demeure consommé avec modération13. Appliquée au milieu ouvrier, la lutte antialcoolique se confond d’ailleurs généralement avec la lutte contre la tuberculose - véritable « mal public »14 - à tel point que l’alcoolisme ouvrier est considéré comme principal facteur de sa contagion au début du 20ème siècle.

Toutefois après la fin de la 1ère Guerre mondiale, la lutte antialcoolique tend à perdre en intensité. Le « Pinard » devenu « Père la Victoire »15, semble ne plus présenter que des avantages en termes de santé publique. On assiste alors à une hausse spectaculaire de la consommation, passant de 140 litres par personne et par an en 1921 à près de 200 en 193916. A cela s’ajoute la structuration d’un lobby viti-vinicole puissant destiné à promouvoir le vin et dont l’action s’illustre par l’instauration en 1931 d’un Comité de propagande en faveur du vin, la mise en place d’une Commission interministérielle de la viticulture ou encore la création de l’association des Médecins amis du vin17. C’est donc avec un contexte particulièrement favorable à la consommation de vin que notre problématique sanitaire s’articule et questionne la place du vin au travail.

Fantasmes et réalités de la consommation de vin sur le lieu de travail

Les lieux du vin

La consommation de vin en milieu professionnel s’inscrit dans un mouvement plus général qui est celui de l’alimentation au travail. Pour l’entre-deux-guerres, c’est un phénomène encore relativement récent puisque jusqu’au début du vingtième siècle, l’immense majorité des ouvriers se restauraient le midi à l’extérieur de l’usine, seules les pauses casse-croûte du matin ou de l’après-midi se prenaient sur place18. C’est la 1ère Guerre mondiale qui modifia cette organisation alimentaire. En effet, à l’incitation des pouvoirs publics les employeurs ont été « invités » à assurer le ravitaillement de leur main d’œuvre (mission cruciale en période de guerre) et à créer des cantines sur le lieu de travail19. Si les résultats sont en demi-teintes et que nombre d’entre elles ferment leurs portes après 1918, elles instaurent toutefois un nouveau rapport travail/nourriture et consécutivement travail/vin puisque ce dernier est la boisson qui accompagne le repas ouvrier.

A cela s’ajoutent les nouveaux modèles d’organisation industrielle de l’entre-deux-guerres (rationalisation, taylorisation …) qui contraignent la prise des repas sur site ; car s’ils le peuvent les ouvriers préfèrent toujours sortir de leur lieu de travail pour manger à la maison en famille ou avec des collègues dans les cafés ou estaminets avoisinants20 et qui ne manquent pas en zones urbaines et ouvrières21. Pour ceux qui se refusent à aller à la cantine (quand il y en a une dans leur usine) par anti-paternalisme22, qui habitent trop loin ou préfèrent économiser, reste la « gamelle » apportée et consommée sur place accompagnée de son « canon » (Illus. 1), malgré l’interdiction faite dès 1919 par l’Organisation Internationale du Travail d’introduire des aliments ou des boissons dans les ateliers23. Ce mode de restauration tend à s’imposer durant l’entre-deux-guerres en France comme en Europe, puisqu’à titre d’exemple en 1932 à Vienne, les deux tiers des ouvriers emmènent leurs gamelles contre 20% qui rentrent chez eux, 9% déjeunant à la cantine et 3% au restaurant24.

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Illustration 1 : « Après le lancement, trois ouvriers des chantiers navals cassent la croûte », 1932.

Mais quel que soit l’endroit où il est bu, quelle quantité de vin est consommée par un ouvrier, durant notre période, pendant sa journée de travail ? Dans ce domaine, les clichés sont légions. Docker « assez penché sur le pinard », ouvrier tourangeau « bon vivant […] aimant la bonne cuisine et une bouteille de bon vin », teinturiers rouannais « frustres, buveurs, parleurs […] et arsouilles »25 : les exemples ne manquent pas pour donner l’image d’une classe ouvrière acquise au vin. Pourtant passé le stade de la caricature, il est plus compliqué d’approcher la consommation réelle des travailleurs.

Quantité (et qualité)

A la fin de l’année 1918, Le Midi syndicaliste présente, dans son évaluation des dépenses alimentaires quotidiennes du foyer ouvrier, le demi-litre de vin par personne comme la quantité-type par repas26. Ce volume recoupe les résultats des premières enquêtes du début du 20ème siècle qui évaluent entre 1 et 1,25 litre de vin, la dose quotidienne par ouvrier – ce qui rappelons-le est considéré à l’époque comme tout à fait normal27. Des chiffres plus élevés sont cependant avancés pour certains corps de métier, de l’ordre de quatre litres par jour pour les mineurs, trois litres pour de nombreux travailleurs (terrassiers, coltineurs, débardeurs)28, deux litres chez les marins-pêcheurs ou les ouvriers agricoles29. Ainsi il semble que la moyenne d’un peu plus d’un litre de vin par jour puisse être retenue, en reconnaissant des variations à la hausse pour certaines professions, particulièrement pour les travaux de force. Mais l’image d’une classe ouvrière sur-alcoolisée dans son ensemble par rapport au reste de la société doit être battue en brèche.

Ce constat est confirmé par les « observations vécues » de Jacques Valdour que l’on ne peut suspecter de connivence avec le monde ouvrier puisque bourgeois, catholique, monarchiste, anticommuniste et proche de l’Action française30. Il souligne en effet à de multiples reprises – comme pour condamner ses propres préjugés – la modération dont font preuve les ouvriers vis-à-vis de l’alcool : « L’ivrognerie est un fait exceptionnel », « Très rares sont les ivrognes », « On ne voit plus d’ouvrier qui se fasse servir un litre de vin et moins de la moitié demande une ‘‘chopine’’ […] le plus grand nombre se contente d’un ‘‘quart’’ » 31, « Ils sont unanimes à manifester leur dégoût pour l’ivrognerie », « L’ivrognerie est tenue pour un vice d’avant-guerre », « Ces alcooliques restent des exceptions »32.

L’alcoolisation excessive des ouvriers semblerait donc dater d’un dix-neuvième siècle désormais révolu même si certains chiffres paraissent encore très importants en particulier pour ce qui est des métiers les plus abrasifs donc les plus « gourmands ». Pour ces derniers, l’alcool peut en certain sens être ici considéré comme une nécessité physique au vu des conditions de travail, au même titre que le café, le tabac ou tout autre type d’excitant33. Mais ce vin consommé en plus grande quantité, surnommé vin de soif ou de travail chez les métallurgistes, est la plupart du temps mouillé ou coupé à l’eau34, sans compter qu’il s’agit au départ d’un vin déjà peu titré (rares sont les appellations qui excèdent 10°)35 et souvent de mauvaise qualité, ce dont les travailleurs se plaignent d’ailleurs36 (Illus. 2). Notons de plus que le vin - rouge en particulier - est considéré dans l’imaginaire ouvrier comme un aliment qui, au même titre que la viande37, est associé à la force et censé mieux correspondre aux métiers robustes nécessitant une grande dépense d’énergie38. Enfin, et surtout, l’ouvrier assoiffé par un travail physique dans une usine asséchante et poussiéreuse est aussi un grand buveur d’eau39. Seuls les verres bus avant ou après la prise de poste (vin ou eau de vie40) peuvent être considérés comme le signe d’une consommation excessive voire d’un alcoolisme avéré.

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« Du vin pourri aux vendangeurs ! », L’Humanité, 7 septembre 1931.

Le vin, un bouc émissaire pour expliquer les accidents du travail et les maladies professionnelles ?

Même si durant l’entre-deux-guerres, le lien entre alcool et accident du travail n’est pas scientifiquement démontré – il faudra attendre les années 1950 pour cela41 – le patronat est conscient du caractère accidentogène de l’alcool et lutte depuis le 19ème siècle contre l’ivresse au travail par le biais de règlements intérieurs et de sanctions42. Or avec l’émergence de la législation (loi de 1893 sur l’hygiène et la sécurité des travailleurs dans les établissements industriels et celle 1898 sur les accidents du travail), puis son institutionnalisation durant l’entre-deux-guerres43, c’est bien la notion de prévention et de réparation qui est maintenant inscrite dans la loi et engage la responsabilité des employeurs44, moins sur un plan judiciaire45 que pécunier en cas d’indemnisation. Le vin n’est évidemment pas au cœur des politiques de prévention car il ne peut être en lui-même assimilé ni à un accident de travail (à une exception près46), ni à une maladie professionnelle. Il est par contre considéré par les employeurs comme un facteur, parmi d’autres, favorisant le risque d’accident/de maladie et devant à ce titre être combattu de manière accrue.

Le vin, ennemi et allié du patronat

A partir des années 1920, le patronat - l’Union des Industries et Métiers de la Métallurgie en tête – intègre donc la prévention des accidents du travail dans l’organisation même de la production47, car les coûts indus en cas de réparation peuvent s’avérer importants. S’ajoute la volonté d’éviter l’ingérence d’un Etat de plus en plus interventionniste qui inaugure la médecine du travail en 1927 et projette l’instauration de délégués ouvriers à l’hygiène et à la sécurité48. C’est en réaction que l’UIMM crée son propre service de prévention, suivie un an plus tard par la CGPF qui fonde son Association d’hygiène industrielle en 1928. Le Comité des Houillères quant à lui recrute des experts dans les facultés de médecine à partir des années 193049. L’industrie de ce premier 20ème siècle est en effet encore dangereuse. Aux usines Schneider du Creusot pas moins de 6726 accidents de travail sont recensés pour la seule année 1921 et on compte plus de 55 200 journées perdues en 1928 dont les frais (primes d’assurances, pertes) représentent 3% la masse salariale. A partir de 1926, le règlement de sécurité est ainsi refondu, la formation et l’information des salariés renforcées et les sanctions contre les fautes humaines durcies. En effet, Schneider fait incomber aux ouvriers et à leur non-respect des consignes de sécurité, la responsabilité des accidents à tel point qu’à la fin des années 1930, 60% des accidents de l’usine sont présentés comme résultant d’une faute individuelle (non-observation des règlements, négligence, inattention, ébriété…)50.

Ce qui est vrai pour Schneider l’est également pour le patronat de manière générale qui, pour limiter les coûts indus par la réparation tend donc à minimiser l’impact de l’industrialisation sur la santé des travailleurs ainsi que sa responsabilité et à mettre en cause les mauvaises conduites individuelles voire les facteurs collectifs, sinon culturels, du mode de vie ouvrière51. Le tabac, l’alcool et par voie de conséquence le vin, sont alors fréquemment mis en cause. Dans le cadre du saturnisme des peintres, aux yeux des employeurs, ce n’est pas la céruse qui est tenue pour responsable de la maladie mais l’alcoolisme des ouvriers, leur manque d’hygiène, leurs mauvaises habitudes alimentaires voire leurs idées politiques52 ! De même, les ouvriers du tabac échouent à faire reconnaître le nicotinisme comme maladie professionnelle, les employeurs arguant que les causes pathologiques ne peuvent exclusivement être attribuées à la nature de la profession et avancent une nouvelle fois l’alcoolisme comme facteur explicatif53. Ainsi pour limiter et contrôler la consommation, des règlements intérieurs peuvent interdire l’introduction d’alcool dans les ateliers, exclure le vin du menu des cantines ou le vendre séparément à un prix prohibitif54.

Ebriété contre sécurité

On le voit les politiques préventives patronales répondent à deux objectifs prioritaires : disculper la partie employeur et éviter autant que possible l’intervention directe de l’Etat à l’intérieur des établissements. Appuyé par sa propre médecine et revendiquant l’instauration d’une politique de prévention et de sécurité au travail, l’ébriété apparaît alors comme un argument récurrent du patronat pour renvoyer la faute sur l’ouvrier et faire du vin un bouc-émissaire. L’UIMM relève à cet endroit que le pourcentage d’accidents de travail est plus élevé les lundis et les lendemains de jours fériés, accroissement qui ne peut, selon elle, n’être attribué qu’à une consommation d’alcool excessive durant le(s) jour(s) de repos55. Or si l’alcool ne peut être disculpé, les syndicats opposent à l’argument patronal le manque de mesures de protection et la faiblesse des services de l’Etat, à l’instar de l’Inspection du travail (Illus. 3). Revenons sur le cas des peintres. Au début des années 1920, une enquête sur les dangers de l’utilisation du pistolet à peinture avait conclu à son interdiction, pour la région parisienne, en cas de non-respect des mesures minimales de protection (équipements, appareils de ventilation). En 1931, cette mesure n’était toujours pas appliquée et encore moins généralisée à l’ensemble du territoire, au dam de la CGT56.

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Affiche de la CGTU, 1928.

Cette opposition syndicats/patronat se lit également au travers des débats à la Commission d’hygiène industrielle où l’obstruction patronale est quasiment systématique et où les intérêts économiques affrontent le principe de précaution défendu par la partie ouvrière. Ainsi dans le cadre des discussions des métiers de la Chimie, portant sur le classement du trichloréthylène parmi les produits toxiques, l'Association de défense commerciale industrielle et artisanale invite la délégation syndicale à la plus grande retenue afin « qu’aucune décision nouvelle ne soit prise concernant ce produit avant qu'une étude plus complète du trichloréthylène ait pu apporter des certitudes sur ses propriétés »57. Quand la responsabilité individuelle de l’ouvrier ne peut être engagée, c’est donc le statuquo qui est défendu par le camp patronal qui rechigne à mettre en place des mesures de sécurité supplémentaires.

Mais si la Métallurgie apparaît comme le fer de lance de la lutte antialcoolique sur le lieu de travail, toutes les branches ne se montrent pas aussi moralisatrices et participent elles-mêmes à l’alcoolisation de leurs employés. Chez les armateurs, les dockers du Havre sont recrutés au café et payés jusqu’en 1925 en jetons échangeables dans les débits de boissons58. Chez les marins-pêcheurs, ce sont deux litres de vin par jour et par personne qui sont prévus au départ de chaque campagne, avec un surplus quand la pêche a été bonne. Dans le tissage lyonnais des années 1930, c’est le beaujolais qui est servi aux canuts directement par le patron pour les désaltérer59. Enfin chez ouvriers agricoles, le vin fait office de complément rémunérateur, à raison de 2 ou 3 litres par jour travaillé60. Dans ces métiers, le vin apparaît alors bien plus comme le marqueur d’une identité professionnelle partagée que comme un enjeu d’affrontement entre syndicats et patronat ; ce qui évite par là même à l’organisation syndicale de s’attaquer à cette épineuse question de l’alcool au travail, tant le vin est la boisson ouvrière par excellence.

Entre culture ouvrière et défense des travailleurs : un difficile équilibre syndical à trouver.

Le vin, objet de civilisation ouvrière

S’opposer à la consommation de vin - même au nom de l’intérêt physique des travailleurs - n’est pas évident pour les syndicats. Le vin est en effet la boisson quotidienne de la famille ouvrière, y compris des femmes et des enfants61. Le vin est un élément tellement familier qu’il fait culturel. La meilleure illustration de cette appropriation du vin par le monde ouvrier est le florilège de chansons, surnoms et d’expressions qui lui sont associés : le quart de vin est rebaptisé « fillette » 62 ; quand ils boivent, les imprimeurs « se barbouillent » ou « se  noircissent » et les cheminots « se graissent les roues » ; « l’aiguille de son manomètre n’a pas bougé du 5 » pour le mécanicien qui n’a pas dessaoulé quand le métallurgiste, lui, « rallume la chaudière »63.

Le vin participe également aux rites de socialisation du monde ouvrier. « La chopine du coup de quatre heures » marque la traditionnelle pause de l’après-midi64. Chez les dockers, « la couronne » est l’équivalent de la tournée que l’on paie aux collègues. Quant à « la gamelle à pois » remplie de vin et bue cul-sec, elle sert d’épreuve de bizutage pour les nouveaux car ici, tenir l’alcool c’est aussi faire preuve de virilité et d’honneur65. Robert Doisneau rappelait ainsi que lors de ses reportages aux usines Renault durant les années 1930, si les ouvriers n’aimaient pas être photographiés en train de manger, ils prenaient par contre plaisir à prendre des poses viriles et conquérantes lorsqu’ils partageaient un litre de vin66.

Chez les ouvriers, le vin est tenu pour être un fortifiant – qualité reconnue par les médecins eux même et diffusée dans la presse ouvrière67 - tandis que l’eau ou le lait sont assimilés à des boissons féminines, infantiles et débilitantes. Les qualificatifs de « buveur d’eau » ou de « classe biberon » sont péjoratifs et stigmatisants à l’encontre des réfractaires au vin. En somme, boire du vin peut être perçu comme un signe d’appartenance à la classe ouvrière et y renoncer c’est s’exclure68. Partager un verre de vin participe à nouer les solidarités et à renforcer les liens du groupe. Il est aussi un élément à prendre en compte pour comprendre l’opposition patronale à l’alcool et aux cabarets. Les débits de boisson sont en effet des espaces de sociabilité populaires et des lieux stratégiques pour saisir la construction des pratiques collectives ouvrières69. A Montceau-les-mines, le café adjacent au siège du syndicat des mineurs n’était pas surnommé « l’annexe » par hasard.

Car le mouvement ouvrier organisé a également intégré le vin à ses traditions. A l’occasion des vins d’honneur donnés pour tel(s) militant(s), à la fin des réunions syndicales ou lors de commémorations70, le vin accompagne les moments forts de la vie des organisations syndicales. La démonstration la plus magistrale de cette « symbiose » est donnée au moment des grandes grèves de mai- juin 1936 qui suivent la victoire du Front populaire. Car si la CGT tient à donner l’image de grèves dignes en interdisant l’alcool dans les usines occupées – et les actualités Gaumont de l’époque font d’ailleurs un gros plan sur une pancarte à l’entrée d’une usine occupée où il est inscrit « PAS DE VIN. Ordre et discipline »71  - il est évident que cette consigne n’est pas respectée si tant est qu’elle ait existé partout, comme le prouvent de très nombreuses photos. D’ailleurs le film « Grèves d’occupation », tourné par des militants de l’Union des syndicats de la région parisienne, montre des tables bien garnies en bouteilles et insiste sur la gaieté des banquets72.

Boire dans l’usine ou l’établissement occupé relève donc du caractère festif des grèves du Front populaire que Simone Weil assimilait à une joie73. Mais au-delà, les fonctions psychosociales liées aux rites de l’alcool74 mêlent ici les notions de partage, de célébration de la victoire,  forgent le sentiment d’appartenance à un groupe qui s’affirme, dans notre cas la classe ouvrière et participent à l’expression symbolique de la force de cette communauté solidaire, de sa liberté et de sa dignité retrouvée. C’est pourtant la dernière fois que le vin bénéficiera d’une si bonne image dans le monde ouvrier car avec le Front populaire vont émerger les premières mises en garde.

Le tournant du Front populaire

Avant 1936, le syndicalisme français accuse un retard certain par rapport à ses homologues européens sur la question des accidents du travail et des maladies professionnelles, à tel point que l’on peut même parler d’une « cécité syndicale »75 en matière d’hygiène et de sécurité. Un seul exemple suffira à illustrer cette carence. Au congrès de la Fédération du Livre de 1905 le rapporteur chargé de la question de « L’hygiène dans l’imprimerie » débute son intervention à la tribune par cette phrase surprenante : « Tout d’abord, la question de l’hygiène peut sembler un peu déplacée dans un congrès ouvrier »76.

Jusqu’aux années 30, il faut reconnaître que la protection et la prévention des travailleurs ne se situent pas au cœur de la matrice syndicale ni de ses revendications. Et quand elle l’aborde, elle insiste sur la réparation plus que sur les mesures de protection77. Quant aux méfaits de l’alcool, ils sont quant à eux totalement absents. Nous n’avons retrouvé qu’une seule affiche datant de 1912 abordant cette question et où l’alcoolisme est finalement présenté comme une conséquence intrinsèque à « l’exploitation capitaliste » mais non comme un danger en soi78 (Illus. 4). D’ailleurs si la revendication de la bouteille de vin est moins fréquente qu’au 19ème siècle, elle perdure dans les luttes syndicales de l’entre-deux-guerres, en particulier lors des grèves des ouvriers agricoles79 et même au-delà de cette seule corporation. En 1927, dans son ordre du jour, la Bourse du Travail d’Istres « Proteste contre la hausse toujours plus grande du coût de la vie et en particulier contre l’augmentation inconsidérée du prix du vin »80.

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Affiche de la CGT, 1912.

Les premières inflexions se produisent avec le gouvernement du Front populaire qui, suite à l’accord Matignon, augmente le budget du ministère du Travail81 et de sa section hygiène, renforce l’intégration des partenaires sociaux dans l’élaboration de la législation sociale via le Conseil National Economique82 ou à la Commission d’hygiène industrielle et accroît le nombre de maladies professionnelles reconnues. Parallèlement la CGT, désormais riche de quatre millions d’adhérents et impliquée par le Gouvernement, investit dans les domaines juridiques et médicaux afin de répondre aux nombreuses sollicitations législatives, réglementaires ou sanitaires. Le Conseil juridique de la CGT devient permanent à la fin de l’année 193683 tandis que la Commission confédérale des maladies professionnelles est elle aussi réorganisée et renforcée par la présence de deux membres par fédération84. Un an plus tard est inauguré l’Institut confédéral d’études et de prévention des maladies professionnelles85. Il diligente plusieurs enquêtes86 dont les résultats sont ensuite repris par la CGT pour exiger la mise en œuvre des mesures d'hygiène et de sécurité qui s'imposent. Ils servent aussi à initier les premières campagnes d’information et de prévention auprès des travailleurs par le biais de conférences (une trentaine à travers la France87), d’affiches ou de brochures88. Ces nouveaux outils syndicaux induisent de nouvelles pratiques et commencent à modifier les mentalités (Illus. 5). Ainsi, dans le cadre de la mise en place des conventions collectives, un nombre croissant d’ouvriers exigent l’instauration de délégués à l’hygiène et à la sécurité89. Anecdotique de prime abord mais révélatrice de cette évolution, la revendication de la bouteille de vin s’efface au profit de celle de lait (dans le BTP ou chez Renault)90, boisson censée prévenir les risques de maladies professionnelles, malgré les doutes quant à ses véritables effets thérapeutiques91.

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Brochure et affiche de la CGT, 1938.

Outre les seuls rangs syndicalistes, cette détérioration de l’image du vin tend à s’étendre à l’ensemble des organisations du mouvement ouvrier. Ainsi entre août et septembre 1936, L’Humanité, organe du Parti communiste, publie une série d’articles sur le vin rédigés par le Docteur Coron, médecin personnel des dirigeants du PCF92. Alors que ce dernier vantait encore dix ans plus tôt dans les colonnes du même journal les bienfaits du vin, il les remet désormais en cause, déconstruit ses représentations et les pratiques qui lui sont associées : le vin n’est pas un aliment, tout au plus un excitant aux effets très éphémères, il doit être bu avec la plus grande modération et être totalement proscrit pour les enfants. Même « le buveur d’eau » est réhabilité, incarné dorénavant par le sportif ou le pilote d’avion93. C’est donc bien à un début de remise en cause de l’univers culturel du vin ouvrier auquel on assiste à partir de la seconde moitié des années trente. Cette évolution de la gauche française semble néanmoins assez circonstancielle. Désormais au pouvoir, elle entend limiter les débordements, polir son image et prouver qu’elle est en mesure d’exercer ses responsabilités sérieusement94. Au niveau syndical, la bouteille de vin disparaitra définitivement des cahiers de revendications, avant de ressurgir durant la période de l’Occupation mais dans un contexte particulier de pénurie aggravée95.

Conclusion

L’approche de la question sociale par l’entrée vinicole s’avère donc beaucoup plus féconde qu’elle ne pourrait paraître au premier abord. En effet au-delà de la simple inefficacité au travail ou de l’indiscipline qui pourrait expliquer l’opposition patronale, le vin à l’usine met en tension des problématiques plus profondes touchant au cœur des relations sociales sur le lieu même du travail. Intérêts patronaux et syndicaux achoppent sur ce point, certes de manière secondaire ou indirecte, mais au combien révélatrice des enjeux économiques et industriels ainsi que des conséquences sociales qui s’y rattachent. Mesures d’hygiène et de sécurité, politique de prévention contre les accidents et les maladies professionnelles, organisation scientifique de la production, constructions de pratiques collectives et de groupes sociaux, le vin et sa consommation sont associés à chacune de ces questions fondamentales et accompagnent leurs évolutions durant ces vingt années particulièrement riches pour l’histoire sociale hexagonale.

Notes

1 Lion Murard, Patrick Zylberman, « Mi-ignoré, mi-méprisé : le ministère de la santé publique, 1920-1945 », Les Tribunes de la santé, 2003/1 (no 1), p. 19-33. Retour au texte

2 Michel Dreyfus, Les assurances sociales en Europe, Rennes, PUR, 2009. Retour au texte

3  Gilbert Garrier, Histoire sociale et culturelle du vin, Paris, Larousse, 1998, p. 336. Retour au texte

4 Stéphane Gacon (dir.), « L’alimentation au travail depuis le milieu du XIXe siècle », Le Mouvement social, Paris, La Découverte, 2014/2 et Thomas Bouchet, Stéphane Gacon, François Jarrige, François Xavier Nerrard, Xavier Vigna (dir.), La gamelle et l'outil. Manger au travail en France et en Europe de la fin du XVIIIe siècle à nos jours, Nancy, Arbre bleu éditions, 2016. Retour au texte

5 Anne-Sophie Bruno, Éric Geerkens, Nicolas Hatzfeld, Catherine Omnès (dir.) Santé au travail, entre savoirs et pouvoirs, Rennes, PUR, 2011. Retour au texte

6 Auguste Isaac, Journal d’un notable lyonnais (1906-1933), BGA Permezel, 2002, p. 199. Retour au texte

7 Lion Murard, Patrick Zylberman, « Mi-ignoré, mi-méprisé : le ministère de la santé publique, 1920-1945 », Les Tribunes de la santé, 2003/1 (no 1), p. 19-33. Retour au texte

8 Michel Dreyfus, Michèle Ruffat, Vincent Viet, Danièle Voldman, Se protéger, être protégé. Une histoire des assurances sociales en France, Rennes, PUR, 2006. Retour au texte

9  Gilbert Garrier, Histoire sociale et culturelle du vin, Paris, Larousse, 1998, p. 336. Retour au texte

10 Christophe Lucand, Le pinard des poilus. Une histoire du vin en France durant la Grande Guerre (1914-1918), Dijon, EUD, 2015, p. 111-113. Retour au texte

11 Stéphane Gacon (dir.), « L’alimentation au travail depuis le milieu du XIXe siècle », Le Mouvement social, Paris, La Découverte, 2014/2 et Thomas Bouchet, Stéphane Gacon, François Jarrige, Françoic Xavier Nerrard, Xavier Vigna (dir.), La gamelle et l'outil. Manger au travail en France et en Europe de la fin du XVIIIe siècle à nos jours, Nancy, Arbre bleu éditions, 2016. Retour au texte

12 Anne-Sophie Bruno, Éric Geerkens, Nicolas Hatzfeld, Catherine Omnès (dir.) Santé au travail, entre savoirs et pouvoirs, Rennes, PUR, 2011. Retour au texte

13 Dargelos Bertrand, « Une spécialisation impossible. L'émergence et les limites de la médicalisation de la lutte antialcoolique en France (1850 – 1940) », Actes de la recherche en sciences sociales, 2005/1 (n° 156-157), p. 52-71. Retour au texte

14 Lion Murard, Patrick Zylberman, L’hygiène dans la République. La santé publique en France ou l’utopie contrariée, 1870-1918, Paris, Fayard, 1986, p. 75, 360, 465, 472, 501. Retour au texte

15 Christophe Lucand, Le pinard des poilus, op. cit., p. 112. Retour au texte

16 Didier Nourrisson, Alcoolisme et anti-alcoolisme en France sous la Troisième République : l’exemple de la Seine-inférieure, Paris, La Documentation française, 1988, p. 848. Retour au texte

17 Lion Murard, Patrick Zylberman, « Mi-ignoré, mi-méprisé : le ministère de la santé publique, 1920-1945 », art.cit. et Jean-Marc Bagnol, Le Midi viticole au Parlement. Édouard Barthe et les députés du vin de l’Hérault (années 1920-1930), Montpellier, Presses universitaires de la Méditerranée, 2010, p. 159-190. Retour au texte

18 Stéphane Gacon, « Cantines et alimentation au travail : une approche comparée, du milieu du XIXe siècle à nos jours », Le Mouvement Social, 2014/2 (n° 247), p. 3-25. Retour au texte

19 Xavier Vigna, « La restauration collective des ouvriers en France pendant la Grande Guerre », Le Mouvement Social, 2014/2 (n° 247), p. 47-63. Retour au texte

20 Stéphane Gacon, François Jarrige« Les trois âges du paternalisme. Cantines et alimentation ouvrière au Creusot (1860-1960) », Le Mouvement Social, 2014/2 (n°247), p. 27-45, et Martin Bruegel, « Le repas à l'usine : industrialisation, nutrition et alimentation populaire », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2004/3 (n°51-3), p. 183-198. Retour au texte

21 A titre d’exemple, on ne compte pas moins d’un débit de boisson pour 82 habitants dans le Paris de la Belle Epoque et un pour 62 habitants dans la très ouvrière ville de Saint-Etienne. Cf. Didier Nourrisson, Alcoolisme et anti-alcoolisme en France sous la Troisième République, op. cit., p. 660 et Une Histoire du vin, Paris, Perrin, 2017, p. 203. Retour au texte

22 L’Humanité, 10 septembre 1925 : « Dans les bagnes de la région parisienne. A la C.A.M. à Ivry ». Extrait « Le réfectoire. Les ouvriers ne doivent quitter l’atelier qu’au signal de la cloche et doivent partir du réfectoire 5 minutes avant l’heure. De la sorte, la demi-heure prévue pour le repas se réduit en réalité à un quart d’heure. La C.AM. ne saurait rien perdre ; elle connait la valeur du temps sur lequel elle vole les ouvriers comme elle vole sur leurs salaires ». Retour au texte

23 Isabelle Lespinet-Moret, « L’OIT et la question du risque : signalement, expertise et prévention dans l’entre-deux-guerres », Catherine Omnes et Laure Pitti (dir.), Cultures du risque au travail et pratiques de prévention, Rennes, PUR, 2009, p. 91-103. Retour au texte

24 Martin Bruegel, « Le repas à l'usine : industrialisation, nutrition et alimentation populaire », art. cit. Pourtant l’illustration la plus connue de ce mode de restauration nous vient des Etats-Unis avec la célèbre photographie du « Déjeuner en haut d’un gratte-ciel » prise en 1932 à New-York en haut du Rockfeller Center en construction. Retour au texte

25 Xavier Vigna, L’espoir et l’effroi. Luttes d’écritures et luttes de classes en France au XXème siècle, Paris, La découverte, 2016, p. 188-189 et 237. Retour au texte

26 Le Midi syndicaliste, 12 octobre 1918 : « Lettre ouverte à M. Loucheur Ministre de l’Armement ». Retour au texte

27 Didier Nourrisson, Une histoire du vin, op. cit., p. 201-202 et Crus et cuites, Paris, Perrin, 2013, p. 204. Retour au texte

28 Michelle Perrot, Les ouvriers en grève, France 1871-1890, Paris, Editions de l’EHESS, 1974, tome 2, p. 23-24. Retour au texte

29 Gilbert Garrier, Histoire sociale et culturelle du vin, op. cit., p. 330. Retour au texte

30 Bernard Valade, « Un marginal de la science sociale : Jacques Valdour », Revue européenne des sciences sociales, 51-1 | 2013, p. 213-233. Retour au texte

31 Jacques Valdour, Sous la griffe de Moscou, Paris, Flammarion, 1929, p. 40, 71, 101. Retour au texte

32 Jacques Valdour, Le glissement : ouvriers d’après-guerre dans les provinces de l’Ouest, Paris, Editions de la Gazette française, 1926, p. 45, 114. Retour au texte

33 Michelle Perrot, Les ouvriers en grève, France 1871-1890, op. cit., p. 24 et Xavier Vigna, L’espoir et l’effroi, op. cit., p. 243. Retour au texte

34 Gilbert Garrier, Histoire sociale et culturelle du vin, op. cit., p. 338. Retour au texte

35 Archives de l’INAO. INAO_art_0002 : Procès-verbal de la séance du Comité Directeur en date du 6 mai 1936 ; INAO_art_0906 : Compte-rendu de la séance du Comité National du 7 mai 1936 ; INAO_art_0909 : Compte-rendu de la séance du Comité National du 3 septembre 1936 ; INAO_art_0908 : Compte-rendu de la séance du 24 juillet 1936. En ligne sur https://pandor.u-bourgogne.fr/ Retour au texte

36 L’Humanité, 29 juillet 1933 : « La piquette aux salariés » ; L’Humanité, 7 septembre 1931 : « Du vin pourri aux vendangeurs ! ». Retour au texte

37 Stéphane Gacon, « Cantines et alimentation au travail : une approche comparée, du milieu du XIXe siècle à nos jours », art. cit. Retour au texte

38 Martin Bruegel, « Le repas à l'usine : industrialisation, nutrition et alimentation populaire », art. cit. Retour au texte

39 Gilbert Garrier, Histoire sociale et culturelle du vin, op. cit., p. 337. Retour au texte

40 Didier Nourrisson, Crus et cuites, op. cit., p. 204 et Jacques Valdour, Sous la griffe de Moscou, op. cit., p. 55, 71, 100. Retour au texte

41 Ledermann Sully, Metz Bernard, « Les accidents du travail et l'alcool », Population, 15ᵉ année, n°2, 1960, p. 301-316. L’augmentation du nombre (et donc du risque) d’accident de travail sous l’emprise d’alcool est de 11% minimum et peut monter jusqu’à 20%. Retour au texte

42 Didier Nourrisson, Une histoire du vin, op. cit., p. 220. Retour au texte

43 Lion Murard, Patrick Zylberman, « Mi-ignoré, mi-méprisé : le ministère de la santé publique, 1920-1945 », art.cit. Retour au texte

44 Gérard Filoche, « Les avancées législatives en France (1892-1982) », Anne Thebaud-Mony (dir.), Travail et santé, Paris, La Documentation française, 2002, p. 26-30. Retour au texte

45 Laurent Vogel, « L’instauration d’un droit au travail », Anne Thebaud-Mony (dir.), Travail et santé, op. cit., p.23-25. Retour au texte

46 L’Humanité, 20 septembre 1908 : « Erreur fatale. Toulouse. Un ouvrier M. François Félio voulant boire une bouteille de vin, se trompa et but au goulot d’une bouteille d’acide phénique. Il tomba en proie à des convulsions et mourut à son arrivée à l’hôpital ». Retour au texte

47 Vincent Viet, « Recul d’influence des inspecteurs du travail sur le terrain de la protection », Anne Thebaud-Mony (dir.), Travail et santé, op. cit., p. 44-52 Retour au texte

48 Daniele Fraboulet, « Les syndicats patronaux de la métallurgie face aux risques du travail », Anne Sophie Bruno, Eric Geerkens, Nicolas Hatzfeld, Catherine Omnès (dir.), Santé au travail, entre savoirs et pouvoirs, Rennes, PUR, 2011, p. 175-188. Retour au texte

49 Julien Vincent, « Pour une histoire par en bas de la santé au travail. Entretien avec l'historien Jean-Claude Devinck », Mouvements, 2009/2 (n° 58), p. 68-78. Retour au texte

50 Christophe Capuano, « Le point de vue patronal sur les accidents du travail. Le cas des usines Scheinder du Creusot des années vingt à la Seconde Guerre mondiale », Anne Sophie Bruno et al, Santé au travail, op. cit., p. 145-160. Retour au texte

51 Frédérique Debout et al., « La santé à l'épreuve du travail », Mouvements, 2009/2, (n° 58), p. 7-12. Retour au texte

52 Judith Rainhorn, «  De l’enjeu invisible à l’outil de mobilisation : le syndicalisme ouvrier à l’épreuve du saturnisme des peintres (France, début XXème siècle) », Anne Sophie Bruno et al, Santé au travail, op. cit., p. 213-230. Retour au texte

53 Stéphane Buzzi, Jean-Claude Devinck, Paul André Rosental, La santé au travail, 1880-2006, Paris, La Découverte, 2006, p. 15. Retour au texte

54 Martin Bruegel, « Le repas à l'usine : industrialisation, nutrition et alimentation populaire », art. cit. et Stéphane Gacon, « Cantines et alimentation au travail : une approche comparée, du milieu du XIXe siècle à nos jours », art. cit. Retour au texte

55 Daniele Fraboulet, « les syndicats patronaux de la métallurgie face aux risques du travail », art. cit. Retour au texte

56 IHS CGT, CFD 97/27 : Rapport de la Chambre syndicale confédérée des ouvriers peintres en bâtiment de la région parisienne, 23 décembre 1931. Retour au texte

57 IHS CGT, CFD 97/27 : Lettre de l'Association de Défense Commerciale Industrielle et Artisanale, adressée à Robert Bothereau, 22 février 1938. Retour au texte

58 Xavier Vigna, L’espoir et l’effroi, op. cit., p. 237 Retour au texte

59 Gilbert Garrier, Histoire sociale et culturelle du vin, op. cit., p. 330, 339. Retour au texte

60 Le Midi syndicaliste, août 1918 : « A travers les Unions » et L’Humanité, 2 août 1923 : « Ouvriers agricoles et petits propriétaires ». Retour au texte

61 Stéphane Gacon, « Rôti de bœuf, pâtes au jus, fromage, figues et oranges. Un ravitaillement exemplaire : la soupe communiste de Bourgoin-Jallieu en 1923 », Thomas Bouchet, Stéphane Gacon, François Jarrige, François-Xavier Nérard, Xavier Vigna (dir.), La gamelle et l’outil, Nancy, L’Arbre bleu, 2016, p. 179-192 et Gilbert Garrier, Histoire sociale et culturelle du vin, op. cit, p.341. Retour au texte

62 Jacques Valdour, Le glissement : ouvriers d’après-guerre dans les provinces de l’Ouest, op. cit., p. 118. Retour au texte

63 Didier Nourrisson, Crus et cuites, op. cit., p. 205-2016. Retour au texte

64 Michelle Perrot, Les ouvriers en grève, France 1871-1890, op. cit., p. 24. Retour au texte

65 Xavier Vigna, L’espoir et l’effroi, op. cit., p. 237 et Michel Pigenet, « A propos des représentations et des rapports sociaux sexués : identité professionnelle et masculinité chez les dockers français (XIXe - XXe siècles) », Le Mouvement Social, 2002/1 (no 198), p. 55-74. Retour au texte

66 Gilbert Garrier, Histoire sociale et culturelle du vin, op. cit., p. 340. Voir la photo de Robert Doisneau « La pause, 1938 » : https://www.robert-doisneau.com/fr/portfolios/1483,automobiles-renault.htm Retour au texte

67 L’Humanité, 16 juin 1926 : « Les sciences. La croissance inquiétante de l’alcoolisme en France »  et 10 février 1927 : « Médecine. Les boissons alcooliques ». Retour au texte

68 Michel Pigenet, « A propos des représentations et des rapports sociaux sexués : identité professionnelle et masculinité chez les dockers français (XIXe - XXe siècles) », art. cit. ; Gilbert Garrier, Histoire sociale et culturelle du vin, op. cit., p. 338 et Michelle Perrot, Les ouvriers en grève, France 1871-1890, op. cit., p. 25. Retour au texte

69 Stéphane Gacon, « Cantines et alimentation au travail : une approche comparée, du milieu du XIXe siècle à nos jours », art. cit. et Dargelos Bertrand, « Une spécialisation impossible. L'émergence et les limites de la médicalisation de la lutte antialcoolique en France (1850 – 1940) », art. cit. Retour au texte

70 Le Midi syndicaliste, novembre 1928 : « Les 50 ans de la fondation de la Bourse du Travail de Toulouse ». Retour au texte

71 Actualités Gaumont : « Le mouvement de grève », juin 1936. Consultable en ligne sur le site de l’INA : https://fresques.ina.fr/jalons/fiche-media/InaEdu02006/les-greves-de-mai-juin-1936-en-region-parisienne-et-dans-le-nord.html Retour au texte

72 Film « Grèves d’occupation », Collectif Ciné-Liberté, 1936. Consultable en ligne sur le site de Ciné-Archives : https://www.cinearchives.org/Catalogue-d-exploitation-494-17-0-0.html Retour au texte

73 La Révolution Prolétarienne, 10 juin 1936, n°224 : « Vie et grève des ouvrières métallos ». Retour au texte

74 Pascal Lardelllier, Risques, rites et plaisirs alimentaires, Cormelles, Éditions EMS, 2013, p. 42-45. Retour au texte

75 Judith Rainhorn, «  De l’enjeu invisible à l’outil de mobilisation : le syndicalisme ouvrier à l’épreuve du saturnisme des peintres (France, début XXème siècle) », art. cit. Retour au texte

76 Madeleine Reberioux, « Mouvement syndical et santé en France, 1880-1914 », Parcours engagés dans la France contemporaine, Paris, Belin, 1999, p. 261-283. Retour au texte

77 Damien de Blic, « De la Fédération des mutilés du travail à la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés. Une longue mobilisation pour une « juste et légitime réparation » des accidents du travail et des maladies professionnelles », Revue française des affaires sociales, 2008/2, p. 119-140 et Laure Machu, « Entre prévention et réparation : les syndicats ouvriers face à la question des risques pendant l’entre-deux-guerres », Catherine Omnès et Laure Pitti (dir.), Cultures du risque au travail et pratiques de prévention, op. cit., p. 189-201. Retour au texte

78 CGT, Affiches et luttes syndicales de la CGT, Paris, Chêne, 1978, p. 62-63. Notons qu’à la même période les socialistes partageaient une analyse similaire dans leur lutte contre l’alcoolisme, faisant le pont entre santé publique et critique du système capitaliste cf. Vincent Chambarlhac, Maxime Dury, Thierry Hohl et Jérôme Malois, L’Entreprise socialiste. Histoire documentaire du Parti Socialiste, Tome 1, 1905-1920, EUD, Dijon, 2005, p. 157-159. Retour au texte

79 L’Humanité, 10 septembre 1925 : « Fin de la grève des ouvriers agricoles à Coursan » et L’Humanité, 21 septembre 1935 : « La grande victoire des vendangeurs du Midi ». A Narbonne, les ouvriers réclament et obtiennent, en plus des augmentations de salaires, deux litres de vin par jour (un litre pour les femmes) y compris le dimanche. Retour au texte

80 Le Midi syndicaliste, juin 1927 : « Bourse du Travail d’Istres ». Retour au texte

81 Lion Murard, Patrick Zylberman, « Mi-ignoré, mi-méprisé : le ministère de la santé publique, 1920-1945 », art.cit. Retour au texte

82 Alain Chatriot, La démocratie sociale à la française, l’expérience du CNE, 1924-1940, Paris, La Découverte, 2002. Retour au texte

83 IHS CGT, CFD 97/3 : Lettre de Jouhaux aux membres de la Commission administrative, au sujet d’un projet de réorganisation administrative de la CGT, 19 novembre 1936. Retour au texte

84 IHS CGT, CFD 97/27 : Rapport de la Commission Confédérale des Maladies Professionnelles, 16 mars 1938. Retour au texte

85 IHS CGT, CFD 97/28 : Brochure de présentation de l’Institut d’Etude et de Prévention des Maladies Professionnelles, 1938. Retour au texte

86 IHS CGT, CFD 97/28 : Rapports d’activité de l’Institut Confédéral d’Etudes et de Prévention des Maladies Professionnelles, 1938. Enquêtes chez les fossoyeurs et les égoutiers, sur le benzol, la soudure à l'arc, l'acétone, le saturnisme, l’héliogravure, la photogravure, la chaudronnerie. Retour au texte

87 IHS CGT, CFD 97/28 : Rapport d’activité de l’Institut d’Etude et de Prévention des Maladies Professionnelles, 1er novembre 1938. Retour au texte

88 IHS CGT, CFD 97/28 : Brochure de l'Institut d'Etude et de Prévention des Maladies Professionnelles Les maladies professionnelles, conseils pratiques, législation, 1939. Retour au texte

89 Stéphane Buzzi, Jean-Claude Devinck, Paul André Rosental, La santé au travail, 1880-2006, op. cit., p. 37. Retour au texte

90 IHS CGT, CFD 97/28 : Note n°7 bis de la Commission Confédérale des Maladies Professionnelles, 3 août 1938. « Les usines Renault ont supprimé le lait mettant ainsi dans leurs poches des sommes considérables qui étaient destinées à l'amélioration de la sécurité et de l'hygiène dans les ateliers» et Laure Machu, « Entre prévention et réparation : les syndicats ouvriers face à la question des risques pendant l’entre-deux-guerres », art. cit. Retour au texte

91 IHS CGT, CFD 97/28 : Compte-rendu de la Commission Confédérale des Maladies Professionnelles, 18 janvier 1939. Retour au texte

92 Le Maitron, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier : http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/ Retour au texte

93 L’Humanité, 30 août 1936 : « Médecine. L’alcool est-il un aliment ? » ; L’Humanité, 20 septembre 1936 : « Médecine. Les boissons : le vin » ; L’Humanité, 27 septembre 1936 : « Médecine. Le vin : avantages et inconvénients ». Retour au texte

94 Thomas Bouchet, Les fruits défendus. Socialismes et sensualité du 19ème siècle à nos jours, Paris, Editions Stock, 2014, p. 193-199. Retour au texte

95 Combat, organe du Comité populaire des usines des usines Citroën, n°1, août 1941 : « Cahier de revendications adressé à la Direction des usines Citroën ». http://gallica.bnf.fr Retour au texte

Illustrations

Citer cet article

Référence électronique

Morgan Poggioli, « Entre santé au travail et culture ouvrière : la question du vin ‘‘prolétaire’’ dans la France de l’entre-deux-guerres. », Territoires du vin [En ligne], 10 | 2019, publié le 16 octobre 2019 et consulté le 28 mars 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/territoiresduvin/index.php?id=1720

Auteur

Morgan Poggioli

UMR CNRS/uB 7633 Centre Georges Chevrier – Université de Bourgogne

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