Être Écossais, un entre-deux permanent ? Réflexions sur le pluralisme identitaire dans un État d’union

  • Is Scottish identity constantly in-between? Some thoughts on dual identities in a State of Union

Résumés

L’identité écossaise constitue un entre-deux car l’Écosse, indépendante jusqu’au XVIIe siècle, a conservé de nombreuses spécificités en formant la Grande-Bretagne à l’issue d’une union législative avec l’Angleterre. Cette identité nationale, loin d’être exclusive, est souvent associée à d’autres identités. Cet article met en évidence, grâce à des sources primaires, son utilisation par les partis politiques pour justifier l’adoption de politiques publiques distinctes, dans le cadre de la dévolution du pouvoir, ou de l’indépendance à venir pour certains. Il soutient que le Brexit, lié à l’affirmation d’une identité anglaise, pourrait entraîner une recomposition de cet équilibre.

Scottish identity is « in-between » for Scotland, that remained independent until the 17th century, retained numerous specificities when it formed Great Britain through the legislative union with England. This inclusive identity is often hyphenated. This article, based on primary sources, analyses the way political parties use it to justify distinctive public policies, as part of devolution, or, for some, within an independent Scotland in the future. It then contends that this in-between position might have to be adapted to Brexit, which resulted from a resurgent English identity.

Plan

Texte

Introduction

Constituée en royaume entre 843 (Union des Pictes et des Scots) et 1472 (intégration des îles Orcades et Shetland, alors sous tutelle scandinave), l’Écosse demeura indépendante jusqu’au XVIIIe siècle, résistant aux nombreuses tentatives d’invasion, ou de soumission, des Rois anglais. Cela la distingue des deux autres nations des îles britanniques. En effet, entre les XIIe et XVIe siècles, tandis que le pays de Galles fit l’objet d’une incorporation, notamment sur le plan politique et religieux, l’Irlande fut transformée en colonie. En 1603, en l’absence d’héritier direct de la Reine Élisabeth d’Angleterre, Jacques VI d’Écosse fut couronné roi d’Angleterre sous le nom de Jacques 1er, réalisant une Union des Couronnes. L’Écosse conservait son Parlement et son indépendance (en dépit d’une brève union forcée pendant le régime du Commonwealth). La Révolution Glorieuse de 1689, qui transforma la monarchie absolue en monarchie constitutionnelle, en affirmant le caractère protestant de cette dernière, précipita l’union entre les royaumes d’Angleterre et d’Écosse. Cette Union, négociée entre les deux parties, aboutit à un Traité, ratifié en 1707. L’Angleterre obtint une succession protestante de la Couronne. L’Écosse, partenaire minoritaire, plus faible, parvint néanmoins à préserver ses institutions (Église protestante établie, systèmes éducatif et judiciaire), tout en s’assurant un accès libre au marché anglais et aux colonies, en plein essor. Elle se trouvait déjà « entre-deux ». Cette Union, qui suscita de vifs débats parmi les élites quant à ses modalités, parfois sous pressions financières (la corruption étant pratique courante à l’époque), et même dans la population (manifestations, pétitions, Whatley 1994 : 43), se révéla néanmoins stable, et bénéfique aux deux parties sur le long-terme. La Grande-Bretagne, ainsi créée, se mua en Royaume-Uni en 1801, lorsque l’Irlande perdit son statut colonial. Cet État connut un dernier soubresaut majeur en 1921 avec l’accession à l’indépendance de la majeure partie de l’Irlande.

Pour autant, le Royaume-Uni n’est pas devenu un État unitaire. C’est un État d’Union, résultant de l’histoire singulière de chaque composante. L’existence d’une nation écossaise, distincte, ne fait pas débat (Duclos 2014 : 130). Elle se caractérise autant par des attributs objectifs (religion, institutions, voire langue, même si le gaélique est très minoritaire) (Smith 1991 : 14) que par un imaginaire collectif (Renan 1992 : 58 ; Anderson 1991 : 19). Le terme est largement usité. Cependant, cette nation écossaise, plurielle, se situe dans un entre-deux, ses caractères singuliers se mêlant à une identité britannique, forgée aux XVIIIe et XIXe siècles pendant la Révolution industrielle, l’Empire, dans des sociétés à majorité protestante (Colley 2005 : 6). Le XXe siècle, caractérisé par la désindustrialisation, la dislocation de l’Empire, le déclin de la pratique religieuse, a vu l’émergence d’un État-Providence, autre élément fédérateur sur le plan britannique, consolidé par la monarchie. L’identité écossaise a été préservée et façonnée par les institutions et ceux qui les géraient (Nairn 1988 : 31). Elle ne repose pas sur une revendication d’unicité, mais sur une volonté de reconnaissance par l’extérieur de traits communs (Descombes 2020 : 24) sur le sol britannique. Ces traits ne relèvent pas de l’essence, mais de constructions étroitement liées aux pratiques humaines (Mole 2007 : 4).

En Écosse, le nationalisme, donnée de la vie courante, s’est banalisé dans la vie politique en tant qu’ « habitude idéologique » (Billig 1995 : 41). Il s’agit, pour les élites locales, de défendre les intérêts de la nation, dans le cadre d’une union britannique négociée, et volontaire. Cela passe par des politiques publiques différenciées, menées par les institutions britanniques dans les domaines « réservés » et, depuis 1999, par des institutions écossaises dans le cadre de la dévolution du pouvoir (domaines dévolus). Les partis britanniques, travailliste, conservateur et libéral-démocrate, se satisfont de cet entre-deux. Le Scottish National Party (SNP), parti écossais au pouvoir en Écosse depuis 2007, prône l’accession à l’indépendance, mais sans rupture radicale avec le reste du Royaume-Uni. Si les Écossais ont rejeté cette perspective lors du référendum de 2014, les indépendantistes tentent d’utiliser le Brexit pour convaincre les indécis, alors que la fracture risquerait d’être plus profonde, imposant un choix entre deux unions devenues incompatibles.

Cet article est fondé sur des sources primaires, notamment une sélection de discours politiques au Parlement écossais et des enquêtes d’opinion réalisées lors des élections et des référendums depuis 1992. Il analyse la persistance d’un entre-deux, dans la rhétorique de l’élite politique comme dans les réactions de la population, au moment où l’identité, qui semblait dépassée en tant qu’outil méthodologique, retrouve sa pertinence avec l’avènement de la dévolution du pouvoir et les débats autour de l’indépendance qui reposent sur l’existence d’une entité sub-étatique distincte (Leith 2010 : 287). Ainsi, l’entre-deux, qui apparaît au travers de l’identité exprimée par les Écossais et par leurs représentants, est lié à des réformes constitutionnelles et à des politiques publiques dans le cadre d’un processus d’adaptation au contexte. Le Brexit, envisagé pour répondre à des aspirations identitaires anglaises, pourrait fragiliser cet équilibre.

1. L’identité écossaise, entre-deux

Les Écossais revendiquent fréquemment un dualisme, voire un pluralisme identitaire, associé à des traits caractéristiques.

1.1. Écossais/Britannique, une question de degrés

Les études menées à partir des années soixante-dix montrent que la majorité des Écossais se dit Écossais, seule une minorité se définissant comme Britannique (Bond / Rosie 2006 : 35). Depuis 1979, la proportion de personnes se décrivant comme Écossaises est passée de 60 à 75% environ, tandis que la proportion de « Britanniques » a régressé, de 40% à 25% environ (British Social Attitudes 30).

Cependant, cette opposition, binaire, empêche toute nuance. Dans les années soixante-dix, John P. Mackintosh, député travailliste écossais, avança le concept de dualisme à propos des Écossais au cours des deux siècles précédents, soulignant les loyautés écossaise et britannique, à la nation et à l’État (Mackintosh 1982 : 147). Quelques années plus tard, Luis Moreno, sociologue espagnol, dans sa thèse consacrée à l’Écosse et à la Catalogne, élabora une échelle afin de permettre l’expression de nuances entre le renforcement de l’identité écossaise antérieure à l’Union de 1707 avec l’Angleterre, et le produit de l’intégration britannique résultant de cette même union (Moreno 1988 : 166).

Cette échelle facilite les comparaisons dans l’espace et dans le temps. Près de 60% des Écossais se disent Écossais ou plus Écossais que Britanniques, entre un quart et un tiers se définissent à parts égales comme Écossais et Britanniques. L’avènement de la dévolution du pouvoir, ainsi que les référendums de 2014 sur l’indépendance de l’Écosse et de 2016 sur le Brexit, qui ont soulevé des questions constitutionnelles majeures, n’ont pas eu d’impact clair (tableau 1). Seule l’option « autant Écossais que Britannique » semble avoir progressé quelque peu depuis les débuts de la dévolution, la dimension étatique et politique se trouvant au cœur des débats.

Tableau 1 : Évolution du dualisme identitaire, 1992-2016.

1992

1999

2003

2006

2009

2011

2014

2016

Écossais, pas Britannique

19

32

31

33

27

31

23

27

Plus Écossais que Britannique

40

35

34

32

31

34

26

31

Également Écossais et Britannique

33

22

22

21

26

24

32

33

Plus Britannique qu’Écossais

3

3

4

4

4

4

5

4

Britannique, pas Écossais

3

4

4

5

4

3

6

6

Ratio principalement Écossais/principalement Britannique

9/1

9/1

8/1

7/1

7/1

9/1

4/1

6/1

Source : McCrone (2020 : 28).

Ce dualisme ne faiblit pas depuis le référendum de 2016 (tableau 2).

Tableau 2 : Évolution du dualisme identitaire, 2016-2022.

Jan12, YG

Déc13, YG

Mar14, YG

Août16, YG

Juin18, YG

Déc20, CR

Avr21, CR

Jan22, CR

Juin22, CR

Écossais, non Britannique

23

27

27

28

24

32

32

31

35

Plus Écossais que Britannique

28

27

24

28

33

20

21

22

21

Autant Écossais que Britannique

28

27

28

29

23

25

27

26

26

Plus Britannique qu’Écossais

6

4

5

4

9

6

5

6

7

Britannique, pas Écossais

8

10

10

6

5

10

10

9

6

Note : instituts de sondage YG ou YouGov, CR ou ComRes.

Source : whatscotlandthinks.org.

Les dirigeants du pays font référence à cette dualité. Ainsi, en 1999, lors de l’inauguration du Parlement écossais, la Reine Élisabeth II rappela la continuité entre les dynasties qui se succédèrent (en remontant à Alexandre III en 1294), entre les Parlements (le Parlement écossais ayant cessé d’exister en 1706 lors de sa fusion avec le Parlement anglais) (Auer 2013 : 272-273). Ce même jour, Donald Dewar, premier First Minister travailliste après avoir longtemps milité en faveur de la dévolution en tant que député au Parlement britannique, fit référence à William Wallace et Robert Bruce, héros lointains de guerres menées au tournant du XIVe siècle, qui avaient contribué à la préservation de l’indépendance de l’Écosse contre les assauts des rois d’Angleterre Édouard I et II, comme le rappellent les hymnes officieux, souvent évoqués par des indépendantistes (Auer 2013 : 274-275). Inversement, à l’été 2022, Nicola Sturgeon, alors Première ministre (SNP), a revendiqué une identité britannique lors du festival d’Édimbourg, renvoyant à la géographie des îles britanniques, distincte du statut politique (McKenna 2022 ; Smith 2022b). Certains indépendantistes sont toutefois moins conciliants. Margo McDonald, député à la Chambre des Communes (1973-1979) puis au Parlement écossais (1999-2014), récusait cette référence, préférant les héros de l’indépendance écossaise et de la rébellion républicaine irlandaise de 1916 contre l’élite britannique (anglaise) qui devait déboucher sur l’indépendance (Devine / Logue 2001 : 163).

Par ailleurs, l’Écosse est la partie des îles britanniques dans laquelle l’identité « nationale » est la plus affirmée (tableau 3). Cependant, le terme « Britannique » n’a pas la même signification dans les différentes parties du royaume, les Écossais l’associant à « Anglais », tandis que les Anglais y voient une identité étatique, assimilant Angleterre et Grande-Bretagne. Mais grâce à l’avènement de la dévolution, nombre d’Anglais ont pu clarifier les termes anglais et britannique, autrefois confondus. Quant à l’Irlande du Nord, la revendication d’une identité de cette province permet de concilier État protestant et composante irlandaise et catholique.

Tableau 3 : Dualismes identitaires dans les nations du Royaume-Uni, 2006-2007.

Écosse 2006

Angleterre 2006

pays de Galles 2007

Irlande du Nord 2007

National uniquement

35

22

24

19

National plus que Britannique

32

17

20

17

National autant que Britannique

22

47

32

17

Britannique plus que national

4

8

9

24

Britannique seulement

4

6

9

19

Ratio national/Britannique

8/1

3/1

2,5/1

1/1

Source : McCrone (2020 : 28).

Ces écarts sont constants, car ils se retrouvent à l’issue des référendums sur l’indépendance de l’Écosse (2014) et sur le Brexit (2016) qui ont soulevé des questions identitaires dans l’ensemble du Royaume-Uni (tableau 4).

Tableau 4 : Dualisme identitaire en 2016.

Écosse 2016

Angleterre 2016

National uniquement

27

16

National plus que Britannique

31

12

National autant que Britannique

33

48

Britannique plus que national

4

9

Britannique seulement

6

14

Ratio national/Britannique

6/1

1/1

Source : McCrone (2020 : 29).

1.2. Une identité écossaise primant sur les autres identités

L’identité écossaise constitue un élément important parmi les multiples identités individuelles (Rokkan / Unwin 1983 : 114). Jusqu’aux années quatre-vingt, c’est l’identité de classe qui primait, les Écossais se pensaient majoritairement comme appartenant à la classe ouvrière, même ceux qui avaient bénéficié d’une mobilité sociale ascendante. Depuis lors, l’identité nationale, plus englobante (Smith 1991 : 6), est primordiale. La moitié des « Écossais » affirment avoir plus en commun avec un autre Écossais qu’avec un Anglais appartenant à la même classe sociale (tableau 5), 25% soutenant l’inverse, alors que ces proportions étaient équivalentes en 1979 (Bond / Rosie 2006 : 39). Les Écossais sont deux fois plus nombreux à se définir par leur identité nationale que par leur classe (McCrone 2017 : 465). Les jeunes sont les plus enclins à privilégier la nation.

Tableau 5 : Identité nationale, classes et proximités.

Même classe, Anglais

Classe opposée, Écossais

Tout dépend de la personne

Écossais, pas Britannique

26

55

19

Plus Écossais que Britannique

31

54

15

Également Écossais et Britannique

29

48

24

Plus Britannique qu’Écossais

52

31

17

Britannique, pas Écossais

57

17

26

Source : Brand / Mitchell / Surridge (1993 : 149).

Cette identité écossaise évolue, sous l’effet des migrations, et s’exprime parfois avec un tiret aujourd’hui (hyphenated). L’Écosse, longtemps terre d’émigration, pour des raisons économiques, aurait développé un sentiment d’interconnexion avec l’étranger, alors que l’identité anglaise restait liée à l’insularité (Smith 2013 : 47). L’écrivain William McIlvanney, qui estimait que cette identité s’était forgée à travers l’histoire industrielle et les mouvements de populations (McIlvanney 1991 : 250-251), a employé l’expression « nation métisse » (mongrel nation) lors d’une manifestation coïncidant avec un sommet européen à Édimbourg à la fin de 1992, pour réclamer une plus grande autonomie institutionnelle.

L’identité écossaise intègre désormais une composante irlandaise, après s’être construite contre la religion catholique (Edwards 1989 : 215). Les Irlandais émigraient vers la Grande-Bretagne, notamment dans les régions industrielles de l’ouest de l’Écosse, un mouvement qui prit de l’ampleur au XIXe siècle. Leur intégration fut difficile, en raison de leur dénuement et de leur religion catholique, ressentiment alimenté par l’Église d’Écosse jusque dans l’entre-deux-guerres (Storrar 1990 : 218). Au XXIe siècle, tout en conservant des marqueurs identitaires comme les prénoms, certaines traditions, des clubs de football (Bradley 1995 : 188), ils se disent Écossais ou Irlandais (McKenna 2022). Inversement, en 2009, les Écossais se disaient plus proches des Irlandais que des Anglais dans des proportions respectives de 61% et 18% pour ceux qui se définissent uniquement comme Écossais (McCrone 2017 : 466).

Par contre, si depuis l’élargissement de l’UE en 2004, la communauté catholique en Écosse compte des Européens de l’Est, notamment des Polonais, ceux-ci ne revendiquent pas d’identité écossaise, l’objectif de cette migration de travail étant de rentrer dans le pays d’origine (tableau 6) :

Tableau 6 : Identité et ethnicité en 2011.

Identités choisies

« Blanc  Écossais »

 Anglais

« Blanc Polonais »

« Blanc Irlandais »

« Pakistanais »

« Chinois »

« Indien »

Écossais exclusif ou non

95

26

15

32

50

24

30

Britannique/Britannique et Écossais

26

39

2

10

47

27

28

Autre (hors Royaume-Uni) seulement

0

1

80

39

13

50

44

Source : recensement de 2011, Bond (2017 : 32).

Quant à l’immigration pakistanaise, qui s’est développée dans l’après-guerre, les personnes qui en sont issues revendiquent fréquemment une identité écossaise et musulmane ou pakistanaise, en particulier pour les deuxièmes générations, nées sur le sol écossais, ce qui n’est pas le cas en Angleterre. Cette identité écossaise est également nettement plus affirmée que parmi les Anglais résidant en Écosse (tableau 7), parce que ces derniers préfèrent se définir comme Britanniques pour se rapprocher des Écossais (Hussain / Miller 2006 : 15).

Tableau 7 : Identités des immigrés venus du Pakistan et d’Angleterre.

« Pakistanais » nés en Écosse

« Pakistanais » nés hors d’Écosse

Immigré anglais

Écossais, pas Britannique

15

11

1

Plus Écossais que Britannique

45

30

8

Également Écossais et Britannique

34

37

24

Plus Britannique qu’Écossais

3

8

20

Britannique, pas Écossais

1

7

42

Source : Hussain / Miller : 147; 157.

Les responsables politiques écossais, issus notamment du SNP, mettent en évidence cette identité plurielle, ces identités choisies, les mobilisent même afin de démontrer que l’Écosse est inclusive. En 2011, Fiona Hyslop, ministre SNP de la Culture et des Affaires extérieures, souligna, à propos des Irlandais présents sur le sol écossais, qu’au-delà du « fil celtique », élément fédérateur, l’identité évolue au fil des générations, tandis que Bob Doris, député SNP, mentionna des « couches multiples d’identités » (Scottish Parliament 2011). En 2022, Sturgeon rappela qu’on pouvait se sentir Écossais et Pakistanais, Indien ou Africain (Grant 2022).

Les élus mettent en avant leur identité plurielle, dès leur prestation de serment, étape obligatoire pour entrer au Parlement écossais (comme à la Chambre des Communes). Les personnes issues de l’immigration s’expriment dans la langue de leur pays ou région d’origine, ou de ceux de leurs ascendants. Ainsi, le 13 mai 2021, les serments ont été énoncés en gaélique, urdu, shona zimbabwean, français, allemand, langue des signes, différentes langues régionales écossaises (gaélique, dorique, scot, orcadien) (Scottish Parliament 2021). De même, lors des débats parlementaires, les élus n’hésitent pas à en faire état et à revenir sur l’arrivée de leurs ascendants sur le sol écossais (Scottish Parliament 2011). C’était l’opinion exprimée par Bashir Maan, né au Pakistan, premier conseiller local issu de l’immigration en 1970, premier élu musulman au Parlement écossais (2007-2009), évoquant le « métissage écossais », qui sait intégrer l’étranger, comme lui et qui lui apprend à accueillir l’Autre (Devine/Logue 2001 : 138). Roza Salih, première réfugiée élue dans un conseil local en 2022, Kurde, née en Irak, se prévaut d’une double identité favorisant l’intégration (Smith 2022a). Elle n’occulte pas le « racisme » présent en Écosse, mais le qualifie de moins « sérieux » que dans d’autres parties du Royaume-Uni. Robina Qureishi, née à Glasgow de parents pakistanais, à la tête d’une ONG en charge du logement, est moins conciliante, s’affirmant dans l’incapacité de se définir comme Écossaise en raison de la « ségrégation » qu’elle observe (Devine/ Logue 2001 : 218).

1.3. Une identité associée à des traits caractéristiques

Les élites ne manquent pas d’évoquer l’apport des Écossais au Royaume-Uni, grâce à leur identité propre, qu’il s’agisse de spécificités structurelles ou de valeurs.

L’éducation revient dans tous les discours, qu’il s’agisse de la Reine Elisabeth II lors de l’inauguration du Parlement écossais, d’Alex Salmond à l’approche du référendum sur l’indépendance (Scottish Government 2013 : VII) ou de Bashir Maan. En effet, dès le XVe siècle, l’Écosse comptait trois universités et une loi incitant à l’instauration d’écoles dans les paroisses. Le réformateur calviniste John Knox encouragea lui aussi ce mouvement, afin de permettre à chacun d’accéder aux textes sacrés. À la fin du XIXe siècle, la nation fut dotée d’écoles publiques avant le reste de la Grande-Bretagne. L’enseignement y demeura plus généraliste.

L’économie et la culture sont également mis en avant. Lors de l’inauguration du Parlement écossais, Donald Dewar choisit trois des quatre clivages présentés par les politistes Lipset et Rokkan comme étant à l’origine des systèmes de partis (Lipset / Rokkan 1967 : 6). Ainsi, les clivages entre classes et secteurs primaire/secondaire, à travers le son assourdissant des soudeurs dans les chantiers navals de la rivière Clyde, cœur industriel de l’Écosse qui assura sa prospérité lors de la Révolution industrielle (Auer 2013 : 274). Ils construisirent jusqu’au cinquième des bateaux du monde entier en 1913 (en tonnage) au moment où Glasgow était l’une des principales villes britanniques (Ward 2004 : 150). Outre ce passé industriel, dont l’Écosse est indissociable, Dewar évoqua l’immense territoire rural. Lors de l’Union de 1707, le tiers de la population résidait dans les Highlands, et cette région contribua à façonner l’image populaire de la nation. Dewar aborda également le troisième clivage, la culture, populaire et savante, à travers la langue du Nord-Est, allusion à l’âme de l’Écosse et à ses écrivains, à la philosophie des Lumières comme au son des cornemuses.

Par ailleurs, l’identité écossaise est également définie par des valeurs, des qualités. Bashir Maan fit référence à l’humanité. Donald Dewar, First minister (travailliste), souligna dès le 1er juillet 1999 que le Parlement écossais avait été conçu comme un moyen pour atteindre des finalités, fondées sur des valeurs enracinées dans l’histoire écossaise : sagesse, justice, compassion, intégrité. Déjà portées par le poète Robert Burns, elles valorisaient l’honnêteté et la dignité, pas le rang de naissance ni les privilèges (Auer 2013 : 274). L’un de ses successeurs, Alex Salmond (SNP) retenait en 2013 les valeurs de compassion et d’égalité qui avaient façonné cette nation ancienne au fil des siècles (Scottish Government 2013 : VII). En inaugurant le Parlement écossais, la Reine Elisabeth II évoqua la coopération, l’apprentissage, l’esprit d’entreprise, la détermination (Auer 2013 : 262).

Les droits de l’homme et l’éthique sont fréquemment mis en avant. John Swinney, alors dirigeant du SNP, premier parti d’opposition, soulignait en 2001 la nécessité de faire entendre une voix distincte au sujet du « calvaire » des demandeurs d’asile (qu’il faut accueillir) ou de l’ « obscénité » des armes nucléaires (à bannir du sol écossais) (Logue / Devine 2001 : 258). En 2019, Nicola Sturgeon, First minister, issue du même parti, a repris ces principes (Scottish Government 2019 : 1).

Ces valeurs, relativement consensuelles, doivent déboucher sur des actions, axées sur la justice sociale. Cependant, elles occultent un autre trait longtemps associé à l’identité écossaise : l’hésitation, sans doute liée à cette dualité fondatrice. En 1707, les élites écossaises négocièrent une Union avec leur puissant voisin anglais qui entravait le développement économique de leur nation. Elles obtinrent les mêmes droits pour les Écossais que pour les Anglais. Néanmoins, les premiers, longtemps présentés comme pauvres, repliés, arriérés, violents, voire intolérants (Beveridge / Turnbull 1989 : 8), ont pu développer un complexe d’infériorité face à une nation anglaise plus avancée (Craig 2003 : 225). Le discours de l’élite méprisait les Highlands dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Au XIXe siècle, cette image évolua, notamment grâce aux actions symboliques des souverains, comme la visite de George IV en Écosse ou l’achat du domaine de Balmoral par la reine Victoria, mais au profit d’objets et de tissus kitsch (tartanry). Néanmoins les Écossais, souvent décrits comme des Britanniques du Nord, s’efforcèrent de préserver leur identité contre l’assimilation.

Au XXe siècle, ce complexe d’infériorité fut décrit comme un manque de confiance empêchant toute action collective autonome. Cela constitua un élément d’explication du résultat du premier référendum sur la dévolution du pouvoir, organisé en mars 1979, la majorité de votants restant inférieure au seuil de 40% des inscrits requis par la législation (Pittock 2001 : 141). Nombre d’observateurs extérieurs reconnaissaient l’identité culturelle écossaise mais niaient l’existence d’une identité politique (McCreadie 1989 : 38), pourtant portée par une presse quotidienne distincte (Smith 1994 : 5). Jim Sillars, vice-président du SNP, désespérait en 1992, alors que son parti n’avait obtenu que 3 des 72 sièges écossais, d’une identité ne s’exprimant que pendant les 90 minutes d’un match de football (Jarvie / Walker 1994 : 1).

Mais ces hésitations furent rapidement balayées au cours des décennies suivantes. Au XXIe siècle, l’identité écossaise a des traductions politiques et institutionnelles. Le monstre du Loch Ness, l’un des emblèmes du kitsch écossais, est aujourd’hui utilisé dans les dessins de presse pour exprimer la volonté des dirigeants écossais, voire la menace qu’ils font peser sur les dirigeants britanniques.

2. Les traductions politiques et institutionnelles de ce dualisme identitaire : un entre-deux de compromis

L’identité écossaise, civique et non ethnique, a été mobilisée pour appeler à la création de nouvelles institutions, pour inviter à soutenir des partis politiques et pour justifier l’adoption de politiques distinctes.

2.1. Identité écossaise et institutions

En 1988, après neuf ans de gouvernements dirigés par Margaret Thatcher, les élites écossaises co-signèrent un texte se situant dans une tradition de protestation contre un pouvoir qui bafoue les principes essentiels de l’identité écossaise (Claim of Right). En 1688 et en 1842, ces protestations avaient des motifs religieux, respectivement contre le pouvoir arbitraire du Roi catholique Jacques II et contre les tentatives d’ingérence dans les affaires de l’Église d’Écosse. En 1988, la colère était dirigée contre les politiques néolibérales, symbolisées par la poll tax, impôt par capitation, égal pour tous les contribuables résidant dans une même collectivité territoriale, au mépris du principe de progressivité de l’impôt (Edwards 1989 : 32). Cela contrevenait à la « lettre » des procédures parlementaires (les gouvernements conservateurs imposant leurs politiques alors qu’ils n’avaient pas le soutien de la population), mais aussi, plus profondément, au Traité d’Union de 1707 qui protégeait l’autonomie des institutions écossaises (or l’éducation n’avait pas échappé à la centralisation et à la recherche d’efficacité). Il s’agissait d’une crise d’« identité et de survie », un problème concernant l’ensemble du Royaume-Uni, mais perçu avec une acuité particulière en Écosse (Edwards 1989 : 51). Refuser ponctuellement une politique ne pouvait constituer la solution. Afin de préserver leur identité, les Écossais devaient créer une Convention constitutionnelle qui élaborerait un projet d’assemblée écossaise, capable de prendre des décisions en leur nom. Le ton était grave. Dans le même temps, cette dévolution devait marquer la première étape du processus de réforme des institutions britanniques, déséquilibrées en faveur de l’Angleterre (la « Constitution anglaise »).

Cette Convention vit le jour, grâce aux élus d’opposition, travaillistes (majoritaires en Écosse), et libéraux-démocrates et à des représentants de la société civile. Trois mois après son arrivée au pouvoir, Tony Blair, Premier ministre travailliste, publia un Livre blanc fondé sur le rapport de cette Convention, qu’il soumit à référendum le 11 septembre 1997. Le référendum comportait deux questions, l’une concernant la création d’un Parlement écossais, l’autre la possession, par ce dernier, de pouvoirs fiscaux très réduits. Trois-quarts des votants se prononcèrent en faveur de la première. Le lien avec le sentiment identitaire écossais était très marqué, le vote en faveur du projet atteignant 89% chez les personnes se définissant uniquement comme Écossaises (tableau 8). À l’inverse, les « Britanniques » (identité choisie par les Anglais résidant en Écosse) s’opposèrent à la création d’institutions dévolues, alors décrites par les Conservateurs comme la première étape vers l’indépendance de l’Écosse.

Tableau 8 : Dualisme identitaire et votes relatifs à la dévolution du pouvoir.

Proportion de l’électorat

Vote

Oui Oui

Oui Non

Non Non

Écossais, pas Britannique

28

89

8

4

Plus Écossais que Britannique

35

75

12

14

Également Écossais et Britannique

29

42

15

43

Plus Britannique qu’Écossais

3

21

8

71

Britannique, pas Écossais

3

18

13

69

Note : réponses à la première et à la deuxième questions.

Source : Denver et al (2020 : 157).

Les catholiques, souvent issus de l’immigration irlandaise, étaient eux aussi très enthousiastes. Plus de 80% optèrent pour la dévolution, contre un peu plus de la moitié des fidèles de l’Église d’Écosse ou de la branche écossaise de l’Église anglicane (des Anglais pour la plupart) (Denver et al 2020 : 155). Or, lors du premier référendum sur la dévolution, en 1979, un tiers seulement des personnes d’origine irlandaise avait voté pour l’instauration d’institutions écossaises, susceptibles de porter atteinte à leur identité. Vingt ans plus tard, elles ne percevaient plus de conflit entre leur identité, multiple, et la dévolution, d’autant que celle-ci était plébiscitée par les Travaillistes qui avaient joué un rôle moteur dans leur intégration (Surridge/ McCrone 1999 : 43).

Par ailleurs, la dévolution constitue un processus, par lequel le Parlement britannique répond à des attentes formulées en Écosse, afin d’élargir les compétences du Parlement écossais, contribuant ainsi à assurer l’équilibre de l’entre-deux, en fonction du contexte politique. Outre le Scotland Act adopté en 1998 à l’issue du référendum, une loi éponyme fut votée en 2012 en réponse au rapport de la commission Calman (formée, à l’issue de la victoire du SNP de 2007, par les Conservateurs, les Travaillistes et les Libéraux-démocrates). En 2016, une autre loi éponyme fut rédigée à partir du rapport de la commission Smith (comprenant, à l’issue du référendum de 2014, les trois partis unionistes pré-cités et les deux partis indépendantistes siégeant à Holyrood, le SNP et les Verts).

2.2. Identité écossaise et partis politiques

Dans la première moitié du XXe siècle, les Écossais votaient pour les deux grands partis britanniques, conservateurs et travaillistes, chacun incarnant une facette de l’identité écossaise, qu’il défendait dans le cadre des institutions britanniques. Les Conservateurs (unionistes) étaient liés à l’Empire, aux institutions établies, au protestantisme, tout en veillant à la préservation des spécificités écossaises, tandis que les Travaillistes paraissaient plus centralisateurs, autour d’un État-Providence redistributeur. À partir de la fin des années cinquante, le Parti travailliste recueillit une majorité de suffrages écossais, majorité amplifiée dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. Il était considéré comme le plus susceptible de défendre les intérêts économiques et sociaux écossais face au Parti conservateur, en régression en Écosse d’abord avec la perte de l’Empire, et le déclin de la religion, puis en raison de la mise en œuvre de politiques néolibérales perçues comme anglaises. Longtemps attachés à un gouvernement central, britannique, fort, les Travaillistes conçurent un projet de dévolution, visant à restaurer l’autonomie de l’Écosse, ainsi que des politiques sociales-démocrates (Camp 2006 : 212-213). Ils concilièrent identité de classe et identité territoriale, que d’aucuns considéraient comme incompatibles (Mair / McAllister 1982 : 32). Ainsi, un tiers des personnes se définissant comme écossaise, à divers titres, optaient pour eux (tableau 9), tandis que 53% des personnes se décrivant comme Britanniques, à titre exclusif ou majoritaire, optaient pour les Conservateurs.

Le Parti travailliste emporta les premières élections au Parlement écossais en 1999. Mais, dès 2007, il fut devancé par le SNP, d’abord au Parlement écossais puis à la Chambre des Communes à partir de 2015. Le lien entre identité écossaise, exclusive ou majoritaire, et vote SNP, était net pour deux tiers des personnes interrogées (tableau 9). La percée du SNP est davantage liée à l’identité écossaise que ne l’était auparavant la domination des Travaillistes. Le parti a particulièrement progressé dans la catégorie « plus Écossais que Britannique ». Écossais, il ne se positionne pourtant pas contre l’Angleterre, affirmant agir au profit des personnes qui vivent en Écosse et affichant sa volonté de coopérer avec le gouvernement britannique, ce qui lui permet de rassembler. Parmi ses électeurs, seule la moitié se définit seulement comme écossais (McCrone 2017 : 478). Le Parti travailliste est davantage plébiscité par les personnes se disant Écossaises et Britanniques, tandis que les Conservateurs peinent à se détacher de leur image anglaise.

Tableau 9 : Dualisme identitaire et vote.

Élections de 1992 à la Chambre des Communes

Élections de 2011 au Parlement écossais

Conservateur

Travailliste

SNP

Conservateur

Travailliste

SNP

Écossais, non Britannique

10

30

38

4

28

64

Plus Écossais que Britannique

14

36

22

4

24

66

Également Écossais et Britannique

34

30

11

12

47

29

Plus Britannique qu’Écossais, Britannique

53

17

5

32

32

21

Sources : Scottish Election Survey, Brand, Jack et al (1994 : 220); McCrone (2020 : 32).

2.3. Identité écossaise et politiques publiques

Les dirigeants politiques écossais, travaillistes puis SNP, ont mené des politiques distinctes de l’Angleterre, fidèles aux principes fondateurs de la dévolution. Parmi les plus emblématiques, selon un mouvement amorcé dès 1999, la gratuité de certains services et prestations publiques, comme les droits universitaires (réduits, puis abolis, alors qu’ils s’envolaient en Angleterre) ou les médicaments sur ordonnance (gratuits alors que leur prix n’a cessé d’augmenter en Angleterre), la gestion des services publics par des autorités publiques (alors que les Anglais faisaient appel à des sociétés privées en matière de santé ou d’éducation). Par la suite, grâce aux compétences dévolues par la loi de 2016, les allocations confiées au Parlement écossais ont été revalorisées, étendues pour les enfants et rendues plus accessibles, notamment pour les personnes handicapées, tandis que la progressivité de l’impôt sur le revenu a été améliorée par la création de deux tranches et taux supplémentaires.

Dans tous les cas, il s’agissait d’exprimer des valeurs écossaises (éducation gratuite, afin d’assurer la promotion sociale, Fiona Hyslop, ministre de l’Éducation et de la Formation, Scottish Parliament 2008), mais aussi de revenir aux principes britanniques fondateurs de l’État Providence après la Seconde Guerre mondiale (création d’une Sécurité sociale écossaise respectueuse des besoins de chacun, Jeane Freeman, ministre de la Sécurité sociale, Scottish Parliament 2018). Il s’agissait également de montrer l’exemple, pour le Royaume-Uni (éradication de la pauvreté infantile, Angela Constance, ministre des Communautés, de la Sécurité sociale et des Égalités, Scottish Parliament 2017) voire pour le monde (droit de vote aux étrangers en situation régulière, Michael Russell, ministre de la Constitution, de l’Europe et des Affaires extérieures, Scottish Parliament 2020 : 122).

Cependant, la population demeure plus sceptique. Toutes les enquêtes font apparaître des préoccupations semblables des deux côtés de la frontière (tableau 10).

Tableau 10 : Les secteurs prioritaires pour la dépense publique.

2014

Écosse

Grande-Bretagne

Santé

77

75

Éducation

58

61

Logement

21

19

Soutien à l’économie

10

8

Police et prisons

7

8

Transport public

5

5

Routes

9

7

Sécurité sociale

8

6

Défense

0

1

Source : Keating / Lineira (2017 : 134).

Les opinions expriment des différences de degré et non de nature, entre Écossais et Anglais. La population a son propre entre-deux, lequel ne coïncide pas nécessairement avec celui des élites.

Ainsi, en 2014, la position la plus fréquemment choisie des deux côtés de la rivière Tweed était le statu quo en matière d’impôts et de dépenses publiques, les Écossais n’étant que légèrement plus susceptibles de plébisciter les hausses évoquées par leurs dirigeants (tableau 11). Or, les élus écossais non conservateurs ne cessaient de mettre en cause les conséquences délétères des politiques d’austérité du gouvernement de David Cameron, en particulier la montée de la pauvreté sous l’effet des réformes des prestations sociales (restrictions des conditions d’accès et plafonnements).

Tableau 11 : Perception des dépenses publiques et des impôts.

2014

Écosse

Grande-Bretagne

Augmenter les impôts et les dépenses publiques

44

37

Maintenir les niveaux de prélèvements et de dépenses

48

52

Réduire les impôts et les dépenses

4

7

Source: Keating / Lineira (2017 : 133).

De même, en 2019, l’égalité d’accès aux services publics n’était souhaitée que par la moitié des sondés (tableau 12). Or, cette égalité est régulièrement mise en avant par l’élite, justifiant la gratuité et la gestion publique, même si les résultats concrets en matière d’inégalités sociales ne sont pas meilleurs.

Tableau 12 : Perception des politiques publiques.

2019

Écosse

Angleterre

La répartition des revenus n’est pas équitable

73

65

Ce n’est pas normal de payer pour accéder à une meilleure éducation

46

34

Ce n’est pas normal de payer pour avoir accès à de meilleurs soins

42

32

La société britannique est globalement égalitaire

11

17

Le gouvernement britannique n’est pas parvenu du tout à réduire les écarts de revenus entre les plus riches et les plus pauvres

37

29

Source : British Social Attitudes 38, 2021.

Les Écossais ont intégré le durcissement des discours politiques britanniques, avec deux étapes-clés, l’arrivée au pouvoir du New Labour de Tony Blair, puis celle du Conservateur David Cameron dans le sillage de la crise financière de 2008. La tendance est identique, reflet du renouvellement des cohortes, mais les opinions exprimées en Écosse demeurent plus généreuses (tableau 13).

Tableau 13 : Positions relatives à l’État-Providence.

Écosse

Grande-Bretagne

1987

2014

1987

2014

Si les prestations sociales n’étaient pas aussi généreuses, les personnes chercheraient davantage à s’en sortir par elles-mêmes

-40

+16

-10

+30

Il faut augmenter les prestations versées aux plus pauvres

+47

+12

+32

-10

Les allocations chômage sont trop faibles

+50

-20

+10

-22

Note : écart entre la proportion de personnes en accord avec les propositions et celles en désaccord.

Source : Keating / Lineira (2017 : 136-137).

Les dirigeants politiques écossais, travaillistes, puis, surtout, SNP, construisent leur rhétorique dans une opposition aux politiques menées sur le plan britannique, l’opposition étant particulièrement marquée sous les gouvernements conservateurs qui ont bouleversé les grands équilibres (travail/capital, État-Providence/citoyen). Cela permet de souligner que les valeurs fondant le « contrat » sur lequel repose le Royaume-Uni sont bafouées, ces valeurs (égalité, justice sociale) étant alors définies comme écossaises (Hearn 2000 : 187). Tout échec est attribué à la limitation des compétences, et à l’insuffisance des ressources propres (Ben MacPherson, ministre de la Sécurité sociale et des Collectivités territoriales, Scottish Parliament, 2022a). L’État britannique fait figure de bouc-émissaire.

Ces contrastes sont amplifiés par la perspective de l’indépendance, notamment à l’issue du Brexit, qui obligerait à faire des choix, au lieu de rester dans un entre-deux.

3. Identité écossaise, indépendance et Brexit : un entre-deux compromis ?

Si l’indépendance est conçue par ses partisans dans le respect d’un entre-deux, le Brexit, reflet d’une identité anglaise, constitue une source potentielle de déséquilibre.

3.1. L’indépendance, reflet d’une identité écossaise ouverte

Selon les dirigeants du SNP, si l’accession à l’indépendance constitue l’expression de l’identité nationale, elle ne saurait être synonyme de repli. Pour Alex Salmond en 2013, ou Nicola Sturgeon, en 2019, l’indépendance permettrait aux élus écossais de gérer tous les domaines de l’action publique, notamment les domaines réservés aux institutions britanniques dans le cadre de la dévolution. Ainsi, la poll tax, ou la bedroom tax (baisse de l’allocation logement en cas de chambre inoccupée), infligées par des gouvernements conservateurs, seraient définitivement écartées (Salmond 2013 : VIII). Le Brexit n’aurait pas été envisageable (Sturgeon 2022 : 3). L’indépendance, comme la dévolution avant elle, devrait remédier au « déficit démocratique » (soumettant les Écossais à des décisions prises à la Chambre des Communes par des élus d’un parti, le Parti conservateur, minoritaire en Écosse). Les décisions seraient prises par les personnes qui ont choisi de vivre en Écosse, conception inclusive et ouverte (Salmond 2013 : VIII ; Sturgeon 2022 : 3). Les ressortissants de l’UE pouvaient déjà voter lors des élections écossaises. Le gouvernement SNP leur avait également conféré ce droit en 2014, lors du référendum. En 2020, alors qu’il venait d’en obtenir la possibilité, il a étendu le droit de vote à tous les étrangers en situation régulière (ce qui excluait les demandeurs d’asile). Toutefois, en 2014, les Écossais résidant hors du territoire n’ont pu se prononcer lors du référendum. Non seulement ils sont très nombreux (plus d’1,3 million de personnes, parmi lesquelles 800 000 en Angleterre, alors que la population écossaise ne compte que 5,1 millions d’habitants, Scottish Government 2009 : 6), mais, qui plus est, le SNP souhaitait éviter tout débat faisant appel à l’ethnicité pour définir un Écossais.

De plus, l’Écosse indépendante conserverait des liens étroits avec ses voisins les plus proches, Anglais, Gallois et Irlandais du Nord, dans le cadre d’une relation « florissante », désormais fondée sur un pied d’égalité (Salmond 2013 : IX). Sturgeon insistait tout particulièrement sur l’arrogance avec laquelle les élus britanniques se prévalaient de la souveraineté du Parlement de Westminster pour ignorer les requêtes de son gouvernement concernant les modalités de retrait de l’UE, en particulier le choix de la sortie du marché unique (Sturgeon 2022 : 3).

Les études électorales montrent que le vote en faveur de l’indépendance en 2014 était très étroitement lié à la force du sentiment national écossais (tableau 14 ; Henderson/ Mitchell 2015).

Tableau 14 : Dualisme identitaire et votes lors du référendum sur l’indépendance de 2014.

Oui

Non

Écossais, pas Britannique

84

16

Plus Écossais que Britannique

61

39

Également Écossais et Britannique

26

74

Plus Britannique qu’Écossais ou Britannique

13

87

Source : McCrone (2020 : 33).

Ce lien s’est consolidé depuis les débuts de la dévolution (tableau 15). Le SNP, apprécié en tant que défenseur des intérêts écossais et pas seulement par les personnes favorables à l’indépendance, est parvenu, avec le soutien d’autres indépendantistes, à présenter l’indépendance comme l’expression naturelle de l’identité écossaise.

Tableau 15 : Identité nationale et vote pour l’indépendance.

Écossais pas Britannique

Pro-indépendance

% Écossais, pas Britannique, pro-indépendance

1997 CC

24

28

48

1999 PE

34

28

46

2001 CC

36

27

41

2003 PE

35

27

46

2005 CC

33

38

57

2007 PE

28

25

48

2010 CC

29

25

46

2011 PE

32

32

53

2014 référendum

27

35

60

2015 CC

25

36

72

2016 PE

27

46

73

Note : élections à la Chambre des Communes (CC), au Parlement écossais (PE).

Source : McCrone (2020 : 35).

Néanmoins, le 18 septembre 2014, 55% des électeurs ont préféré préserver l’entre-deux qu’ils connaissaient, sensibles aux arguments des trois partis britanniques, réunis au sein de l’organisation Better Together, autour du slogan « the best of both worlds ».

3.2. Le Brexit, vote identitaire anglais

Les indépendantistes et les unionistes écossais, divisés quant au statut de l’Écosse, s’accordaient sur la composante européenne de l’identité écossaise. Les élites écossaises considéraient l’appartenance à l’UE comme une source d’enrichissement de la société écossaise, à l’inverse de nombreux élus anglais, Conservateurs et UKIP, toujours prêts à dénoncer des menaces émanant du « continent », et à stigmatiser un bouc-émissaire hors des frontières.

Ainsi, le 26 mai 2016, avant le référendum, les députés au Parlement écossais ont appelé à voter pour le maintien dans l’UE à une large majorité (106 sur 129). Le 28 juin, ils ont adopté à la majorité une motion invitant à trouver une solution pour « protéger la relation de l’Écosse avec l’UE », et ont souligné à l’unanimité la valeur accordée à la contribution des citoyens de l’UE à leur nation (Scottish Parliament 2006 : 12-16). L’identité écossaise, loin d’être menacée, s’épanouissait dans le cadre européen.

Les votes exprimés lors de ce référendum n’étaient pas liés à l’identité écossaise, les électeurs écossais choisissant majoritairement le maintien dans l’UE, quelle que soit leur perception de leur identité (tableau 16). Inversement, pour les Anglais, la revendication d’une identité « nationale » a favorisé le vote en faveur du Brexit, selon des nuances clairement établies (tableau 17). Le lien entre identité anglaise et Brexit était étroit, même si l’identité anglaise ne s’est pas pour autant renforcée au cours de cette campagne (The Economist 2023).

Tableau 16 : Dualismes identitaires et vote lors du référendum de 2016.

Écosse

Angleterre

National, pas Britannique

61

64

Britannique plus que national ; Britannique seul

61

27

Source : McCrone (2020 : 36).

Tableau 17 : Dualismes identitaires et intentions de vote lors du référendum de 2016.

Écosse

Angleterre

Remain

Leave

Remain

Leave

National uniquement

47

35

20

63

National plus que Britannique

53

25

29

51

National autant que Britannique

47

38

39

37

Britannique plus que national

51

38

56

27

Britannique seulement

43

33

52

33

Note : Votes pro-UE (Remain) ou favorable au Brexit (Leave).

Source : Future of England, Henderson / Jeffery / Wincott / Jones (2017 : 639).

3.3. Une indépendance plus radicale après le Brexit ?

Le Brexit constitue une rupture radicale, comme n’ont cessé de le dénoncer les dirigeants politiques écossais. Définitive, elle affecte de nombreux secteurs de l’action publique. L’équilibre, l’entre-deux construit depuis 1999, semble remis en cause, pour deux raisons principales. D’une part, le Royaume-Uni n’est plus lié par la réglementation européenne, jugée protectrice par les élus écossais mais contraignante par de nombreux Anglais. C’est la raison pour laquelle le Parlement écossais s’est prononcé en faveur d’un alignement de la législation écossaise sur la réglementation européenne, dans les domaines dévolus (santé animale, produits phytosanitaires, protection de l’environnement, droits sociaux, droits de l’homme), en votant un Continuity Act (Scottish Parliament 2020c : 136). Cependant, le gouvernement britannique a fait adopter en 2023 une loi devant abroger 600 règlements européens (Retained EU Law (Revocation and Reform)) à la fin de l’année, abrogation présentée comme une première étape vers l’affranchissement complet (House of Commons 2023 : 438). D’autre part, le gouvernement britannique entend profiter de l’occasion pour harmoniser les législations anglaise et écossaise dans des domaines dévolus. Il a fait voter en 2020 une loi (Internal Market Act) sur le « marché unique » britannique, qui limite les possibilités de variations nationales des réglementations au nom du principe de non-discrimination et de libre accès des produits (Scottish Parliament 2020b : 66). Le Parti conservateur semble renouer avec les politiques d’assimilation qui le caractérisaient dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. La plupart des élus non conservateurs en concluent à un retour de la centralisation, menace grave pesant sur la dévolution (Angus Robertson, ministre des Affaires constitutionnelles et extérieures, Scottish Parliament 2022b).

Les dirigeants indépendantistes utilisent le Brexit pour renouveler leur appel à l’accession à l’indépendance. Il s’agit de réintégrer un ensemble plus large, plus ouvert que l’Angleterre qui se replie sur elle-même, appel qui ne laisse pas indifférent. Les proportions de personnes pro-indépendance, égales en 2014 parmi les partisans et les adversaires du Brexit, ont nettement progressé chez les pro-UE pour s’établir à 65% (British Social Attitudes, 39).

Ce faisant, les indépendantistes minimisent les conséquences sur les relations entre Écosse et Angleterre, qui seraient distendues par une barrière, celle du marché unique, impliquant l’existence d’une frontière et de contraintes douanières. De ce fait, seules les personnes se définissant comme exclusivement Écossaises estimaient en 2019 que le Brexit était justifié s’il devait permettre l’accession à l’indépendance (tableau 18). Les personnes se disant Écossaises et Britanniques ont conscience de la remise en cause de l’entre-deux forgé au fil du temps. Le SNP pourrait avoir des difficultés à mobiliser en axant sa campagne sur l’UE, d’autant que celle-ci ne fait pas l’unanimité dans son électorat.

Tableau 18 : Identités, Brexit, indépendance.

Le Brexit vaut la peine pour accéder à l’indépendance

Le Brexit est un prix excessif à payer pour tenter d’accéder à l’indépendance

Écossais, pas Britannique

60

40

Plus Écossais que Britannique

31

69

Également Écossais et Britannique

26

74

Plus Britannique qu’Écossais

50

50

Britannique, pas Écossais

44

56

Source: YouGov, Future of England, 2019.

Le SNP devrait aussi composer avec une partie de l’électorat qui ne se mobilise pas contre l’immigré, européen ou extra-européen, pour des raisons identitaires, comme en Angleterre, sans pour autant se montrer très enthousiaste. En 2016, après le référendum, 40% des Écossais pensaient que les ressortissants d’autres pays de l’UE devraient avoir automatiquement le droit de vivre et de travailler en Écosse, 36% n’étaient pas d’accord, cette proportion passait à 27% parmi les pro-indépendance (Panelbase, Curtice 2017 : 48).

Plus généralement, les Écossais ont une conception plus fermée de la nation que leur élite. Si, comme celle-ci, ils retiennent la résidence pour fonder la citoyenneté écossaise, ils évoquant également les ancêtres et le lieu de naissance pour définir l’identité écossaise (Leith / Soule 2012 : 88-89), deux conceptions susceptibles d’entrer en conflit dans un État indépendant. De plus, si la mise en avant de la résidence choisie permettrait à tout étranger d’être reconnu dans la nation en tant qu’individu, conférer des droits collectifs à des communautés serait probablement plus difficile qu’en Angleterre (Bryant 2006 : 100).

Les Anglais pourraient apparaître comme des bouc-émissaires, à l’instar des immigrés européens en Angleterre (tableau 19).

Tableau 19 : Des bouc-émissaires différenciés.

2011, 2013 SSA, BSA

Sans diplôme, « blancs »

Autres

Écosse

Cible : immigrés anglais

Les Anglais prennent les emplois des Écossais

40

23

L’Écosse perdrait son identité si le nombre d’Anglais augmentait

36

26

Cible : gouvernement britannique

Faible confiance dans le gouvernement britannique pour prendre des décisions équitables

47

31

L’Écosse n’obtient pas une proportion équitable des dépenses publiques britanniques

49

36

Angleterre

Cible : immigrés européens

La Grande-Bretagne perdrait son identité si le nombre d’immigrés d’Europe de l’Est augmentait

79

47

Le coût de l’immigration européenne l’emporte sur les bénéfices

67

47

Cible : institutions européennes

Faibles bénéfices pour le Royaume-Uni de l’adhésion à l’UE

59

32

Le Royaume-Uni ne devrait pas appliquer les décisions de l’UE qu’il désapprouve

75

55

Note : enquêtes Scottish Social Attitudes (SSA) et British Social Attitudes (BSA).

Source : Sobolewska / Ford (2020 : 256).

Conclusion

L’identité écossaise constitue la norme en Écosse d’après les sondages d’opinion ou les discours publics. C’est avant tout une identité culturelle, mobilisable à loisir par les élus. Les partis sont écossais, leurs programmes également, ainsi que les politiques qu’ils mènent. Cependant, la dimension britannique ne saurait être sous-estimée. Les élus, y compris les indépendantistes, doivent composer avec cette dualité. L’adjectif écossais est souvent employé par comparaison avec l’adjectif anglais, notamment pour contraster les politiques publiques, les valeurs dont elles sont porteuses, mais au sein d’un État unique, britannique.

L’identité écossaise ne représente pas la base des comportements, elle n’en constitue qu’un aspect, dont les effets évoluent dans le temps. Cela a permis à divers partis de devenir dominants (Conservateurs puis Travaillistes puis SNP). Cela a ensuite justifié différentes réformes constitutionnelles (dévolution puis indépendance), considérées comme des prolongements naturels de l’identité (Logue / Devine 2001 : 258). La politisation de cette identité ne doit pas mettre en danger son caractère inclusif (Bulmer 2014 : 176).

La dévolution du pouvoir permet de jouir d’un système politique distinct, étroitement imbriqué avec le système britannique. Elle incarne une forme de recomposition (Sibony 2003 : 15) de l’entre-deux écossais. Cependant, le Brexit constitue un véritable écueil car s’il facilite l’expression de la composante européenne de l’identité écossaise, et, plus généralement, de l’ouverture internationale projetée depuis les débuts de la dévolution (Dellepiane/ Reinsberg 2023), il ne peut justifier l’abandon de la composante britannique.

En 2023, Humza Yousaf, désigné par le SNP pour succéder à Sturgeon, après avoir été député à partir de 2011 et ministre depuis 2012, incarne l’identité plurielle écossaise. Écossais et musulman, issu de l’immigration pakistanaise, il n’a pas hésité, lors de sa prestation de serment, à s’exprimer en anglais et en urdu, tout en portant un kilt. À titre personnel, il retient de son mentor Bashir Maan, dont il fut l’assistant parlementaire, l’idée selon laquelle ce ne sont pas les origines qui comptent, mais la destination commune. Au plan collectif, s’il se situe dans la continuité de son prédécesseur, en insistant sur le souci de préserver les multiples identités individuelles dans une Écosse indépendante (Scottish Government 2023 : 5), il va devoir définir son propre entre-deux pour apporter une réponse à l’usure du pouvoir dont souffre son parti, en particulier sur la question centrale de la lutte contre la pauvreté.

Dans le même temps, les Travaillistes, en forte progression dans les sondages britanniques, tentent de trouver un nouvel équilibre, consistant à renforcer les pouvoirs du Parlement écossais, alors que depuis 2014 notamment, ils étaient sur le déclin parce qu’ils persistaient à apporter des réponses négatives au projet indépendantiste (Wright 2022). Certes, le parti dispose de voix écossaises fortes, Gordon Brown, ancien Premier ministre britannique, qui a présenté un projet de réforme (Brown 2022 : 3), ou Anas Sarwar, leader écossais, musulman d’origine pakistanaise, autre incarnation de l’identité écossaise plurielle, mais tous deux restent soumis aux lignes définies à Londres, par le leader britannique du parti, perçu comme anglais. Le Brexit, que ce dernier n’entend pas remettre en cause, requiert pourtant de nouvelles traductions institutionnelles de l’identité écossaise dans le cadre britannique.

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Référence électronique

Edwige Camp-Pietrain, « Être Écossais, un entre-deux permanent ? Réflexions sur le pluralisme identitaire dans un État d’union », Textes et contextes [En ligne], 19-1 | 2024, publié le 15 juillet 2024 et consulté le 17 septembre 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=4621

Auteur

Edwige Camp-Pietrain

Professeur des Universités en civilisation britannique, laboratoire LaRSH, département CRISS, Université Polytechnique Hauts-de-France (Valenciennes), bâtiment Matisse, le Mont Houy, Valenciennes Cedex 9

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