« Entre Trublions et scoops, un contemporain à contretemps : Anatole France »

Abstracts

Anatole France (1844-1924) est un écrivain-journaliste tourné vers les enjeux politiques et les débats intellectuels du présent, mais aussi un féru d’histoire dont la conscience et la culture se réfèrent constamment au passé. Cet article étudie quelques exemples de la pratique de l’anachronisme historique dans l’œuvre d’Anatole France, qu’elle serve un dessein satirique et militant (Histoire contemporaine) ou qu’elle promeuve une réflexion sur la civilisation médiatique et son rapport à l’événement (Les Sept Femmes de la Barbe-Bleue). In fine, l’anachronisme francien se lit comme un geste provocant destiné à stimuler l’imagination métahistorique, à une époque où l’histoire méthodique (parfois dite positiviste) domine les études historiques.

Anatole France (1844-1924) is a writer and journalist who is very engaged in his time’s political and intellectual matters. At the same time, he is passionate about history; his fictions constantly refer to past times. This paper studies a few cases in which Anatole France uses historical anachronisms. Sometimes anachronism supports satirical views or strong statements about French late 19th-century society (Histoire contemporaine). Sometimes it promotes thinking about the media world and the media coverage of historical events (Les Sept Femmes de la Barbe-Bleue). In the end, France uses anachronisms as a provocative gesture to stimulate his reader’s critical thinking and metahistorical imagination, at a time when French historical research is dominated by the “méthodiques” historians (sometimes called positivists).

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S’il est relativement peu étudié aujourd’hui, Anatole France (1844-1924) est un écrivain central dans le champ littéraire de la fin du XIXe siècle. Critique littéraire influent au Temps, puis académicien et mondain respecté, il est l’auteur d’une œuvre en prose abondante, dans laquelle l’histoire, l’érudition, l’ironie et la réflexion morale occupent une place essentielle. Par ailleurs, Anatole France est chroniqueur et journaliste. Son œuvre se développe dans la presse avant d’être éditée en volume, comme c’est le cas de presque tous les écrivains de l’époque1. Après une jeunesse peu engagée sous le Second Empire, il fait montre d’une conscience politique de plus en plus tournée vers le présent. À partir des années 1880, France critique les travers de la République parlementaire, dénonce le scandale de Panama et le boulangisme, s’inquiète de l’actualité internationale, défend l’innocence de Dreyfus2… Ses fictions sont imprégnées de ses engagements multiples, tout en conservant une ambition historique.

Bien que son œuvre se compose face aux urgences de l’actualité, Anatole France traite les événements sans se départir d’une culture historique et d’un regard tourné vers le temps long. Ses multiples anachronismes lui permettent de problématiser le sens du présent. Son écriture se situe à contretemps, répondant à la définition de la contemporanéité proposée par Giorgio Agamben : est contemporain celui qui éprouve « une singulière relation avec son propre temps, auquel on adhère tout en prenant ses distances ; elle est très précisément la relation au temps qui adhère à lui par le déphasage et l’anachronisme3 ». Anatole France est un écrivain contemporain à contretemps non au sens où il serait conservateur, réactionnaire ou antimoderne4, mais dans la mesure où il joue d’un art du décalage historique, avec une portée critique et politique – en effectuant des rapprochements inattendus, en distillant l’anachronisme et en maniant l’ironie, pour mettre en valeur des idées que le lecteur est invité à scruter de près. On verra que son art du décalage, tributaire de l’ironie, est en lien avec sa conception de l’histoire et sa critique des historiens positivistes de la fin du XIXe siècle.

Le premier exemple analysé ici, la fable des Trublions, est une représentation d’un élément d’actualité autour de l’affaire Dreyfus : la poétique anachronique, caractérisée par des jeux stylistiques et intertextuels qui miment une langue et une littérature datées, sert un dessein directement critique et polémique. Le second est une réécriture d’un récit a priori désuet (un conte de Perrault) avec des schèmes sensationnels empruntés à la civilisation médiatique contemporaine. Cet anachronisme dans l’autre sens constitue une critique plus directement liée à l’écriture de l'histoire.

1. La fable des Trublions : une archaïque affaire Dreyfus

Entre 1897 et 1901, France publie quatre romans formant une série intitulée Histoire contemporaine. Il s’agit en fait de recueils de contes et chroniques satiriques fondées sur des personnages récurrents et publiées en feuilleton dans L’Écho de Paris puis Le Figaro. Le personnage principal, M. Bergeret, est un professeur de langues anciennes qui ironise à propos de l’actualité politique et des mœurs de ses concitoyens. À travers les dialogues de Bergeret, l’Histoire contemporaine dresse un panorama de la société française et de ses divisions. L’affaire Dreyfus éclate dans les médias au début de l’année 1898 ; dans le roman d’actualité, elle s’impose à partir du troisième tome de la tétralogie.

M. Bergeret à Paris est le dernier tome de la série Histoire contemporaine. Dans les nouvelles qui paraissent dans Le Figaro dreyfusard, tout comme dans le volume publié par Calmann-Lévy en février 1901, M. Bergeret y fait figure d’érudit paisible, abrité dans le confort intemporel d’une belle bibliothèque qui contient « des peuples entiers […] d’historiens5 ». Il reçoit diverses personnalités ambiguës, comme M. Panneton de la Barge, un notable qui défend l’armée et la tradition tout en s’inquiétant du possible déclassement de son rejeton nationaliste, ou encore l’archiviste Mazure, un jacobin fidèle à la tradition de la Révolution française jusque dans sa propre violence politique. La représentation ironique condamne ces personnages de façon circonstancielle, en montrant l’incohérence de leur raisonnement vis-à-vis de l’affaire Dreyfus, mais aussi de façon plus existentielle, en faisant allusion à l’étroitesse d’esprit et à l’égoïsme qui motivent leurs décisions.

Au chapitre VIII, Bergeret s’entretient avec son élève latiniste, M. Goubin. Il prétend avoir trouvé « dans la bibliothèque d’un ami, un petit livre rare et peut-être unique […] un petit in-douze » imprimé en 1538. En apparence, l’ouvrage n’est qu’une curiosité bibliophile pour érudits philologues ; il connote l’atmosphère sérieuse et docte du bureau-bibliothèque de Bergeret. Cependant, un décrochage énonciatif se met en place : le récit s’interrompt pour laisser place à cinq pages d’une fable apocryphe6, en moyen-français, qui suggère immédiatement la référence rabelaisienne.

Des Trublions qui nasquirent en la républicque […] Lors parurent gens dans la ville qui poussoient grands cris, et feurent dicts les Trublions, pour ce que ils servoient ung chef nommé Trublion, lequel estoit de haut lignage, mais de peu de sçavoir et en grande impéritie de jeunesse. Et avoient les Trublions ung autre chef, nommé Tintinnabule, lequel faisoit beaux discours et carmes mirifiques. Et avoit esté piteusement mis hors la republicque par loi et usaige de ostracisme7.

Une première forme de comique naît du décalage entre le récit cadre, marqué par le sérieux et la courtoisie du dialogue, et le récit encadré, représentant une truculente scène de chahut. La fable décrit un groupe d’agitateurs qui entendent faire la loi dans la République, les « Trublions » – France invente ce terme en détournant un mot grec qu’il pare d’une discrète charge8. La situation renvoie évidemment au climat politique agité des années 1898 et 1899. Car les Trublions, qui représentent les groupes conservateurs nationalistes ou royalistes, antidreyfusards, s’adonnent à de violentes polémiques. Ils sont xénophobes et antisémites : le texte dit plaisamment, avec un jeu de fantaisie lexicale et paronymique, « misoxènes, xénophobes, xénoctones et xénophages9 ». Tintinnabule et Robin Mielleux sont des orateurs nationalistes dénoncés par l’onomastique drôle et accusatrice10. Le Trublion Gelgopole (« un vieil coronel le plus inepte es guerres11 ») correspond au général Mercier, ministre de la Guerre pendant l’affaire Dreyfus, qui a couvert la falsification des procès, et qui est aussi tristement célèbre pour avoir conduit le désastre de l’expédition de Madagascar en 1895.

La langue rabelaisienne ressort de façon saillante dans le cadre d’un quotidien de masse tel que Le Figaro, ou au sein d’un roman où elle fait figure de hapax. Le choix de l’anachronisme linguistique est certes un trait ludique destiné à entretenir la connivence avec le lectorat – à la manière des Contes drolatiques de Balzac, autre variation intertextuelle rabelaisienne. Mais le pastiche en moyen-français relève aussi d’une stratégie argumentative. Au cours de sa lecture, M. Bergeret s’interrompt pour commenter :

M. Bergeret lisait son texte conformément à la prononciation traditionnelle. Sa diction rendait aux vieux mots la jeunesse et la nouveauté. Aussi le sens en coulait-il clair et limpide pour M. Goubin, qui fit cette remarque :
— Ce qui me plaît dans ce morceau c’est la langue. Elle est naïve.
— Croyez-vous ? dit M. Bergeret12

Le personnage souligne l’étrangeté de la langue archaïque. Ce propos métadiscursif est une façon d’attirer l’attention sur la fable elle-même et d’y arrêter le lecteur – le pastiche, on le sait, est souvent l’occasion d’un propos réflexif sur l’objet textuel. En un autre contexte, on pourrait penser que le procédé est un moyen de masquer la critique politique, de la crypter à destination des happy few. Cependant, l’exotisme linguistique est surtout visuel et la mystification ne trompe personne ; à quelques étrangetés syntaxiques près, le texte ne pose aucun problème de compréhension. Il s’agit d’un pastiche provocant, d’une manière flamboyante d’insulter ses adversaires. Sous couvert d’un objet archaïque ludique et faussement naïf, France construit un violent portrait à charge des antidreyfusards. Le chapitre se clôt, de même, sur une remarque métanarrative qui fait ressortir le caractère provocant de la fable anachronique au sein d’une histoire explicitement désignée comme « contemporaine ».

M. Bergeret posa le feuillet sur sa table. Il avait terminé sa lecture.
— Ces vieux livres, dit-il, amusent et divertissent l’esprit. Ils nous font oublier le temps présent.
— En effet, dit M. Goubin.
Et il sourit, ce qu’il n’avait point coutume de faire13.

Le prétendu vieux livre est une forgerie, un faux manifeste. L’artificialité de la fable est d’autant plus visible et amusante dans le roman, qu’au chapitre précédent, M. Bergeret déclarait, de façon gratuite au regard de la diégèse (mais cohérente avec son ethos d’érudit scrupuleux), qu’il détestait les faux et les faussaires. Comme l’affaire Dreyfus repose à l’origine sur de fausses accusations basées sur de faux documents, dont le fameux « bordereau », il est savoureux que, dans un contexte de riposte dreyfusarde, France se fasse justement auteur d’un document exagérément et ostensiblement faux. D’ailleurs, le fait que le décryptage documentaire soit l’un des enjeux de l’Affaire judiciaire est présent dans la fable des Trublions : au début du chapitre, Bergeret préconise de lire attentivement les documents – ce que ne font pas les antidreyfusards.

M. Goubin demanda quels étaient ces Trublions. M. Bergeret lui répondit que peut-être il le saurait par la suite, et qu’il était bon de lire un texte avant de le commenter14.

Là encore, l’allusion est lourde d’insinuations sur l’incompétence intellectuelle des adversaires.

France pastiche la langue de Rabelais, une époque et un auteur qu’il affectionne15, et qui charrie un riche imaginaire intertextuel. L’anachronisme ne se limite pas à la construction d’un décalage en vue d’une parabole satirique ; il est aussi recherché pour ses valeurs affectives et axiologiques. Car l’univers rabelaisien est un réservoir verbal outrancier qui intensifie la caricature et sa portée critique. Les Trublions sont dépeints comme des « traineurs de casserole et papegays en fureur » ; ce sont des « fols plein de vent » qui causent du « grant tintamarre » et « garbouil » (c'est-à-dire du grabuge), avec parfois des termes aux sonorités enfantines. Il y a un plaisir au pastiche en moyen-français, qui est aussi le plaisir d’insulter bassement des adversaires, de les traiter de créatures anachroniques, au sens d’arriérées16.

Bergeret met en scène l’idiotie et la violence primitive de ses adversaires. Quand il est victime de diffamation, il explique qu’il n’a aucune chance de gagner un procès, sauf s’il se met au même niveau qu’eux :

à moins que je ne pénètre dans la salle des assises en chapeau à plumes, une épée au côté, des éperons à mes bottes, et traînant derrière moi vingt mille camelots à mes gages. Car alors ma plainte serait entendue des juges et des jurés17.

Là encore, l’anachronisme du costume, ainsi que la posture incongrue de matamore imaginée par Bergeret, est une façon truculente, voire bouffonne, d’attirer l’attention. Passé et présent sont mis en lien par la connivence culturelle : outre l’allusion au tribunal, le terme « camelot » évoque les vendeurs de journaux de la Belle Époque18 qui forment un cortège de suiveurs aux journaux antidreyfusards. L’allusion discrètement polémique rappelle que la dimension commerciale et même spectaculaire de la presse française est un élément capital dans la bataille pro et contra Dreyfus, qui d’une certaine manière est entièrement déterminée par sa scansion médiatique.

Il est intéressant de comparer la fable des Trublions avec une autre scène de l’Histoire contemporaine tirée de L’Anneau d’améthyste (le troisième tome), car l’imitation d’un registre anachronique y produit un effet différent. Le chapitre XXIII19 contient un conte grec, « Sur Hercule Atimos », prétendument traduit par Bergeret. Son élève Goubin l’incite à lire sa version : le procédé de décrochage énonciatif et les cibles sont les mêmes que dans la fable des Trublions. Dans la version de L’Écho de Paris du 29 novembre 1898, Bergeret prétend avoir trouvé une mystérieuse comédie antique (« quelque contemporain d’Aristophane ») qui évoque des traîtres au sein de la démocratie athénienne.

« Fragment d’une comédie attique »

Bolbos. – Tout cela est plus noir que l’antre de Trophonios.

Trygée. – Et le pis est que, dans les ténèbres, les polémiques font un bruit de ferraille qui me donne la colique.

Bolbos. – Cela sent mauvais.

Trygée. – Ce qui me fait peur, c’est la faiblesse du gouvernement. Je voudrais qu’il eût plus de vigueur, plus de… (Ici, un terme obscène.)

Trygée. – Par Hercule ! si tu es là de la liberté, si tu n’es pas content du régime démocratique, prends un tyran. En ce moment, un petit Pisistratide, amateur de chevaux, s’offre à toi. N’as-tu pas lu les lettres du jeune Trublion ? C’est un éphèbe bouillant.

La satire met ici l’accent sur les implications politiques de l’affaire Dreyfus et plus précisément sur la menace que les royalistes font peser sur la IIIe République (avec ici la mention du jeune Trublion, Philippe d’Orléans20, comparé au tyran Hippias, fils de Pisistrate). Le cadre de la comédie grecque (à l’instar de l’univers rabelaisien) autorise les débordements bouffons : la réplique scatologique de Bolbos fonctionne comme un dispositif comique renforçant la connivence, dans l’espace médiatique, avec le lecteur de L’Écho de Paris, tout en préservant l’ethos courtois et spirituel du satiriste. Au sein du journal, cette saynète entre en résonance avec les autres articles qui évoquent l’Affaire, plus ou moins gagnés par la tendance fictionnalisante de la presse du XIXe siècle.

Dans la version en volume (paru en février 1901), cet épisode a considérablement évolué. La prétendue traduction est cette fois un apologue, dont le style mime la syntaxe légèrement artificielle en français des textes traduits depuis le grec ancien. Elle conte l’histoire d’un anti-héros, le jeune Hercule Atimos21, qui, pensant punir un voleur de bœufs, tue un brigand. Mais il s’est trompé en accusant le mauvais brigand. Il refuse de reconnaître son erreur, même quand une déesse de l’Olympe, déguisée en pâtre, lui en présente la preuve. Le ton, plus sobre que celui de la « comédie attique », rend la fable solennelle. Elle a perdu tout comique au profit d’une ironie grave. L’histoire d’Atimos s’achève sur une menace voilée : au moment où Bergeret interrompt sa lecture (à cause d’une prétendue lacune dans le manuscrit, dispositif qui là encore attire l’attention métatextuelle du lecteur), le jeune homme est en train de bander son arc sur la déesse – signe que les antidreyfusards s’apprêtent à commettre un crime de lèse-humanité. On constate donc que le procédé narratif anachronique, dûment ironique, évolue en fonction des enjeux directs de l’actualité. Provocant voire outrancier dans le contexte du journal, il se décrypte de façon moins immédiate et plus philosophique dans le cadre du volume.

2. Une poétique à contre-courant

Anatole France est coutumier des dispositifs poétiques décalés, anachroniques. C’est un auteur qui refuse les hauts faits stylistiques des avant-gardes littéraires de son époque. Dans sa critique littéraire (rassemblée en recueil de son vivant dans la série La Vie littéraire), il condamne par exemple la langue décadente et son vocabulaire qu’il juge inutilement compliqué. Il adopte le plus souvent une langue sobre, classique à sa manière22, et lui adjoint ponctuellement des façons d’écrire datées, sans toujours recourir au pastiche hyperbolique qu’incarne la fable des Trublions.

Le procédé de mimétisme stylistique est assez systématique à l’échelle de l’œuvre. Les contes franciens sont, pour la plupart, des fictions historiques porteuses d’une finalité morale. Tel est le cas dans les recueils Balthasar (1899), L’Étui de nacre (1892), Le Puits de Sainte Claire (1895) ou encore dans Clio (1899). Ces récits brefs sont plus proches de l’esthétique du conte que de la nouvelle à la mode de la fin du XIXe siècle, dont l’auteur prototypique pourrait être Maupassant. De même, France met rarement en pratique le modèle du grand roman du XIXe siècle, avec les techniques narratives mises au point par Balzac et Stendhal et raffinées par Flaubert et Zola, à savoir le déroulement d’une intrigue dans un cadre social et historique déterminé, autour de quelques personnages centraux. Il utilise des formes narratives plus anciennes et plus souples, voisines du roman picaresque et du conte voltairien (par exemple dans La Rôtisserie de la Reine Pédauque23), du roman conversationnel à la Marivaux (Sur la pierre blanche), des récits à tiroir du XVIIIe siècle ou encore du dialogue philosophique à la Diderot.

Ce positionnement poétique n’est ni une forme de réaction esthétique, ni une condamnation de toute écriture moderne – en tant que critique littéraire, France célèbre volontiers les trouvailles de ses contemporains. Il s’agit néanmoins du choix d’une tradition particulière, d’une culture intertextuelle à contre-courant de la tendance fin de siècle, qui témoigne d’un goût humaniste et d’une nostalgie, en partie fantasmée, pour des façons d’écrire et de penser d’un autre temps. Cette adhésion à des poétiques désuètes relie la pensée francienne à une forme de rationalité qui n’est pas celle de la Troisième République dite positiviste : l’élection d’une tradition vaut pour un commentaire à la fois esthétique, politique et moral. Il faut insister sur le fait que France, malgré son amour du passé et des bribes désuètes, n’est en rien réactionnaire : il défend le modèle républicain qui encourage la pacification des mœurs et éprouve même des sympathies socialistes à partir des années 1900 (où il collabore notamment à L’Humanité). Le satiriste de l’Histoire contemporaine épingle les travers de ses contemporains, mais non les fondements de leur société. France n’idéalise pas l’Ancien Régime, dont il sait qu’il n’a pas été un âge d’or pour le peuple. Il n’a aucun désir de restauration monarchique, contrairement à l’Action française qui se dit « classique » et même néo-classique à la même époque, et qui envisage le monde de façon anachronique, dans un triple refus de la Réforme, de la Révolution et du romantisme24. De façon significative, le goût classique d’Anatole France se déploie en direction des langues et des littératures bigarrées du XVIe et du XVIIIe siècles, ou en direction de genres mineurs comme le conte, se tenant à distance du Grand Siècle et de ses autorités poétiques, politiques et morales25.

On peut comprendre l’attachement aux poétiques désuètes chez Anatole France de plusieurs manières. Tout d’abord, l’aspect ludique du pastiche et de la connivence ironique avec le lecteur ne peut être écarté – on rappellera que le premier article publié de l’auteur est un pastiche d’André Chénier, qui a longtemps passé pour un texte authentique. Le goût de la mystification (inséparable de son corollaire, la démystification) est enraciné dans la pratique et la personnalité littéraire d’Anatole France – le trait s’applique à bien d’autres écrivains du XIXe siècle qui, nourris de grec et de latin, ont des pratiques linguistiques parodiques, parfois potaches26 (songeons à Vallès…), qu’ils transposent volontiers dans l’univers du journal et du livre. Outre le plaisir de l’érudition et du texte crypté, ces procédés intertextuels ont une portée subversive : ils démonumentalisent les œuvres littéraires du passé et les rendent plus audibles aux consciences présentes, par le jeu et la réflexivité. Enfin, ils s’accordent aux principes poétiques d’Anatole France (et de bon nombre d’écrivains peu séduits par les avant-gardes et les révolutions esthétiques), au sein duquel les œuvres se constituent avant tout par imitation et reprise du patrimoine littéraire. Le choix du pastiche bat en brèche l’esthétique de l’originalité qui domine les lettres françaises depuis le romantisme. En promouvant des modèles poétiques qui peuvent être jugés anachroniques, France fait honneur à l’historicité longue des textes passés ; il montre comment le présent, loin de tout inventer, est pénétré d’une mémoire littéraire qui échappe au régime usuel de péremption des événements historiques. Ce geste se superpose à la critique qu’il adresse, tout au long de son œuvre, aux historiens qui traitent le passé comme une matière neutre, accessible au moyen de sources et documents et aisée à scinder en périodes et événements. Selon France, l’histoire ne peut être étudiée ainsi comme un objet refroidi, puisque le présent est encore tout entier traversé de traces du passé qui ont, elles aussi, leur actualité.

3. L’anachronisme comme outil de révision historiographique

Anatole France traite parfois les événements présents en mimant le point de vue des hommes du passé. Inversement, sa pratique de l’anachronisme peut résider dans un regard résolument présent sur des événements passés. C’est le cas dans le recueil de contes Les Sept Femmes de la Barbe-bleue (1909) : des récits supposés se dérouler dans un passé flou n’excédant pas la fin du XVIIe siècle s’y trouvent mis en scène avec des éléments d’énonciation caractéristiques de la modernité médiatique. Pour reprendre les termes des débats historiographiques sur l’anachronisme, on pourrait dire que France projette, sur les événements passés, des traits propres à « l’outillage mental » (et rhétorique) du présent. Ce regard anachronique volontaire fait partie d’une stratégie de révision historiographique, laquelle est à envisager conjointement avec les préceptes documentaires et objectivistes des historiens méthodiques qui dominent l’université française rénovée au tournant des XIXe et XXe siècles – Monod, Langlois, Seignobos et Lavisse en sont les figures iconiques27 – mais aussi en lien avec le régime médiatique de masse de la Belle Époque, qui entretient une forme de confusion entre actualité et historicité28.

Dans Les Sept Femmes de la Barbe-bleue, France réécrit des contes de fées pour en tirer de nouvelles interprétations. Certes, les contes de Perrault se situent dans un passé vague et merveilleux et non dans un passé historique avéré. Cependant France traite les contes comme s’ils étaient réellement advenus, en prétendant réviser la tradition à partir de nouveaux documents : c’est la méthode qui importe. Dans « Histoire de la duchesse de Cicogne et de M. de Boulingrin », l’écrivain investit le célèbre conte de la Belle au bois dormant et l’intègre à la civilisation médiatique contemporaine. L’univers du conte devient le terrain d’un reportage et le conteur se fait journaliste.

L’histoire de la Belle-au-Bois-dormant est bien connue […]. Je n’entreprendrai pas de la conter de nouveau ; mais, ayant eu communication de plusieurs mémoires du temps, restés inédits, j’y ai trouvé des anecdotes relatives au roi Cloche et à la reine Satine, dont la fille dormit cent ans, ainsi qu’à divers personnages de la Cour qui partagèrent le sommeil de la princesse. Je me propose de communiquer au public ce qui, dans ces révélations, m’a paru le plus intéressant29.

L’intention première est plaisante et parodique vis-à-vis des pratiques journalistiques et historiennes qui toutes deux, et à la même époque, s’appuient sur les documents et valorisent l’usage du fait brut30, conduisant ainsi à dramatiser l’émergence de nouvelles informations. La nouvelle est ici transformée en « révélation » inédite, en scoop sensationnel. Comme chez Perrault, le récit commence par évoquer la malédiction de la mauvaise fée. France donne à ce geste une explication sociologique : la mauvaise fée n’aurait pas été invitée parce qu’« il lui manquait un quart de noblesse » et parce que le roi Cloche « était esclave de l’étiquette »… Il analyse ces pratiques avec distance : la rigidité de ce « cérémonial suranné31 » aurait par la suite mis en péril la monarchie. La discordance de ton prête à sourire pour le lecteur, tout en évoquant une critique politique rétrospective de l’Ancien Régime. Par ailleurs, le conteur suggère des rapprochements qui témoignent d’une conscience métahistorique. La superposition de personnages et de faits produit un effet de réel, ou du moins semble rationnelle, à des degrés très variables :

Le premier ministre qui, sous le faible roi Cloche, gouvernait la monarchie, M. de la Rochecoupée, respectait les croyances populaires, que tous les grands hommes d’État respectent. César était pontife maxime ; Napoléon se fit sacrer par le pape ; M. de la Rochecoupée reconnaissait la puissance des fées32.

Enfin, le conte, avec un détachement ironique et un sens de la juxtaposition très voltairiens, fait allusion aux inégalités sociales sous l’Ancien Régime :

La famine sévissait dans le royaume et des millions de malheureux mangeaient du plâtre au lieu de pain. Cette année-là, le bal de l’Opéra fut très brillant et les masques plus beaux que de coutume33.

Cette dernière remarque peut être liée au contexte social de 1908-1909, des années de grèves ouvrières importantes, auxquelles Anatole France s’est montré sensible. Cependant, la mention du bal de l’Opéra n’est pas cohérente sur le plan historique : cette tradition mondaine, qui existe encore à la Belle Époque, a lieu pour la première fois en 1716. Elle est donc postérieure au conte de Perrault. Ainsi, la construction du conte travestit le matériau historique en direction de préoccupations contemporaines. Au lieu de prétendre analyser le passé de façon neutre, comme le revendiquent et le préconisent les historiens professionnels de la fin du XIXe siècle, France introduit un décalage énonciatif et chronologique qui est souligné, comme pour alerter le lecteur sur la nécessité d’aiguiser son sens herméneutique et sa conscience critique.

Les anachronismes au service du dérèglement chronologique du texte sont explicitement thématisés dans le dénouement. À la fin du conte, les personnages principaux, Cicogne et Boulingrin, se réveillent après avoir dormi cent ans. Au réveil, ils ont changé d’époque et sont devenus anachroniques au sens strict. Ils « louent une guimbarde du XVIIe siècle34 » pour aller à la gare et ainsi se rendre à Paris. La chronologie est absurde : entre Perrault et les premières lignes de chemins de fer parisiennes, il y a bien plus que cent ans d’écart. Propulsés au XIXe siècle, Cicogne et Boulingrin ne comprennent rien. Au bout d’un quart d’heure, ils cessent d’être émerveillés. De surcroît, personne ne s’intéresse à eux ! Ils décident de vivre en bohèmes, de façon caricaturale. Cicogne se met à jouer à la manille avec frénésie, comme autrefois elle jouait au pharaon : le changement d’époque n’affecte pas sa personnalité et ses mœurs ludiques.

Ce dernier trait est très significatif. À l’échelle de l’œuvre d’Anatole France, les personnages populaires sont souvent représentés au moyen de scènes topiques de la vie quotidienne, et ce indifféremment des époques historiques auxquels ils appartiennent. Ainsi, l’attention aux repas, les jeux de cartes, les marionnettes, le soin porté à un exemplaire matériel d’un livre, entre autres nombreux exemples35, sont des motifs présents dans des fictions historiques aussi différentes que La Rôtisserie de la Reine Pédauque (qui se déroule aux alentours de la Régence), Les dieux ont soif (dont l’intrigue se situe sous la Terreur) ou les récits d’histoire contemporaine. Ces motifs ne varient pas en fonction des époques, car les mœurs ne varient guère et, pour France, l’esprit humain fait preuve de bien plus de continuité et de permanence que les régimes politiques. Sur le plan historiographique, cela conduit à distinguer le rythme de l’histoire des hommes, dont l’évolution est très lente, et celui des événements politiques, susceptible de changements brusques. Or l’historiographie méthodique, qui domine le paysage des études historiques à la fin du XIXe siècle, se focalise principalement sur les événements politiques et les soubresauts de l’histoire nationale ; en dépit de quelques remises en cause36, la discipline historique n’a pas encore intégré à ses questionnements la réflexion sur la pluralité des régimes d’historicité37 au sein d'une même époque.

Si la fin peu assertive de l’histoire de Cicogne et Boulingrin délivre un enseignement historiographique, c’est l’idée qu’au fond, l’anachronisme, le télescopage des temps et la circulation des caractères d’une époque à l’autre, n’ont rien de problématique. L’erreur serait de croire que la concordance des temps distincts relève du surnaturel et de la déraison, alors que l’histoire contient justement des discordances, des éléments peu rationnels, incohérents, des retours du refoulé de l’histoire. Mais France exprime aussi une critique de fond. Ce conte, comme l’ensemble de son œuvre, souligne le caractère relativement indifférent des événements. L’idée est importante : pour l’écrivain, les cadres et les décors changent, des péripéties adviennent, mais le caractère des hommes demeure identique dans le temps long. L’intérêt du récit ne réside pas dans son pouvoir explicatif ou sa capacité à ordonner rationnellement les événements, mais dans son charme, ses éléments merveilleux, qui sont métaphorisées par la présence des « fées » de la Belle au bois dormant. Il faut croire aux fées, dit Anatole France38, c'est-à-dire au charme du passé et du récit historique, pas aux faits, qui sont à tort la religion des historiens positivistes.

C’est en fait toute l’œuvre en prose de l’écrivain qui remet en cause l’histoire scientifique, qui se constitue et s’institutionnalise en France dans le dernier quart du XIXe siècle, et qui sert de moteur à la refondation de l’université française. En interrogeant les procédures d’inscription de l’événement, France va donc à l’encontre de la doxa qu’incarne l’histoire scientifique de son temps. Il montre que l’histoire – ou l’actualité – ne se réduit pas à une suite de faits à glaner dans les documents dont il serait possible de rationaliser le cours. Il insiste au contraire sur la structure feuilletée39 de l’expérience historique : il revisite le passé au moyen de parcours interprétatifs multiples, puisque les époques se ressemblent et parfois se répètent.

Chez Anatole France, l’anachronisme est l’un des multiples procédés poétiques et intellectuels qui permettent de proposer une autre vision de l’actualité et de l’histoire : l’écrivain met l’accent sur le charme du passé, sur sa persistance dans le présent, sur la nécessaire révision des idées reçues en termes de connaissance et représentation du passé. Dans sa réflexion métahistorique, France réhabilite les points de vue marginaux qui n’ont pas été conservés par l’histoire, se plaît à souligner les ressemblances et les permanences là où ses contemporains voient des révolutions ; son roman le plus connu, Les dieux ont soif, incarne finement la continuité entre « l’Ancien Régime et la Révolution » et suggère le décalage entre la Révolution des élites, qui seule est demeurée dans les livres d’histoire, et celle vécue par le peuple. En outre, France n’endosse pas le ton docte d’un professeur, sinon celui du sage M. Bergeret : il s’attache à habiller la réflexion critique de dehors plaisants, le plus souvent au moyen de l’ironie et de la satire, mais aussi via la connivence intertextuelle. Il existe d’ailleurs très probablement une affinité intellectuelle entre l’anachronisme volontaire et la pratique satirique. Le satiriste tend à la société un miroir déformant, qui lui rappelle d’où elle vient ; l’anachronisme dans le récit est aussi un art du détour et de la prise de distance qui invite le lecteur à réfléchir sur les mécanismes de la fiction. À travers ses gestes ironiques, Anatole France s’attache à mettre en miroir les époques, et à montrer qu’une société qui croit être résolument moderne, est en fait fidèle à ce qu’elle a toujours été.

Bibliography

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Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant (dir.), La Civilisation du journal. Histoire culturelle et littéraire de la presse française au XIXe siècle, Paris, Nouveau Monde éditions, 2011.

Daniel Sangsue, La Relation parodique, Paris, Corti, 2007.

Notes

1 Voir Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant (dir.), La Civilisation du journal. Histoire culturelle et littéraire de la presse française au XIXe siècle, Paris, Nouveau Monde éditions, 2011. Return to text

2 Voir Marie-Claire Bancquart, Anatole France polémiste, Paris, A. G. Nizet, 1962. Voir aussi Marie-Claire Bancquart, Anatole France, un sceptique passionné, Paris, Calmann-Lévy, 1984. Return to text

3 Giorgio Agamben, Qu’est-ce que le contemporain ?, trad. de l’italien par Maxime Rovere, Paris, Rivages Poches, « Petite Bibliothèque », 2008, p. 11. Return to text

4 Sur cette notion, voir Antoine Compagnon, Les Antimodernes. De Joseph de Maistre à Roland Barthes, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des Idées », 2005. Return to text

5 Anatole France, M. Bergeret à Paris, dans Œuvres. III, éd. Marie-Claire Bancquart, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1991, p. 212. Return to text

6 La fable est attribuée, dans la fiction, à un certain Nicole Langelier, qui serait contemporain de Jacques Amyot. Ce nom sera réutilisé pour un personnage de Sur la pierre blanche. Return to text

7 M. Bergeret à Paris, éd. cit., p. 231. Return to text

8 En grec ancien, trublion signifie « écuelle ». Le terme a une résonance politique et satirique. En effet, après l’effondrement du boulangisme, le prétendant orléaniste (Philippe d’Orléans) est l’objet d’une manipulation politique qui le pousse à revenir en France malgré la loi d’exil de 1886. Brièvement emprisonné en 1890 et refusant dans cette circonstance les repas fastueux, il déclare ne demander « que la gamelle du soldat ». Il en récolte le sobriquet durable de « Gamelle ». Return to text

9 M. Bergeret à Paris, éd. cit., p. 232. Return to text

10 Tintinnabule et ses « carmes mirifiques » évoque l’agitateur nationaliste Paul Déroulède et ses Chants du soldat, tandis que Robin Mielleux (« jà tout chenu, en semblance de fouyn, ou blereau ») fait songer à Jules Méline, président du Conseil jusque juillet 1898. Return to text

11 M. Bergeret à Paris, éd. cit., p. 232. Return to text

12 Ibid., p. 234. Return to text

13 Ibid., p. 235. Return to text

14 Ibid., p. 231. Return to text

15 Il y a une autre allusion à Rabelais dans M. Bergeret, avec la mention d’une sibylle venue du Tiers Livre. France a déjà parodié le style et les thèmes rabelaisiens dans des romans antérieurs ; voir par exemple La Rôtisserie de la reine Pédauque (1892). Return to text

16 Les Trublions d’Anatole France évoquent un autre peuple archaïque fictif : le peuple des Talpa chez Gaston Leroux (La Double-Vie de Théophraste Longuet, 1904). Les êtres taupins de Gaston Leroux vivent dans les catacombes parisiennes depuis le XIVe siècle et parlent encore l’ancien français. La vie dans l’obscurité du sous-sol les a contraints à des mutations physiologiques fantastiques. Dans l’archéologie bouffonne de Leroux, les bas-fonds parisiens tiennent à l’écart une humanité primitive (voir Thomas Conrad, « Les souterrains au XIXe siècle : des images du temps », Communications, n° 105, 2019, p. 60). En revanche, chez Anatole France, l’archaïsme des brutes antidreyfusardes coexiste scandaleusement avec la société contemporaine. Return to text

17 M. Bergeret à Paris, éd. cit., p. 274. Return to text

18 Le terme sera d’ailleurs utilisé à partir de 1908 par le groupe des « Camelots du roi », le réseau des vendeurs du quotidien de L’Action française, né dans le sillage de l’affaire Dreyfus, ainsi que le service d’ordre du mouvement du même nom. Return to text

19 Voir L’Anneau d’améthyste, dans Anatole France, Œuvres III, éd. cit., p. 157-159. Return to text

20 Voir note 8. Return to text

21 Autre exemple du caractère significatif de l’onomastique chez Anatole France : en grec ancien, Atimos signifie « méprisé » ou « déshonoré ». Return to text

22 Sur le « classicisme » francien dans ses implications stylistiques et éthiques, voir Élodie Dufour, « Comment peut-on être classique au tournant des XIXe et XXe siècles ? (France, Régnier, Boylesve) », thèse de doctorat en lettres sous la direction de Bertrand Vibert, soutenue à l’Université de Grenoble Alpes en 2017. Return to text

23 Sur ce point, voir Julie Moucheron, « Le palimpseste classique dans La Rôtisserie de la reine Pédauque d’Anatole France : regards obliques sur le siècle de l’histoire », dans Claudie Bernard et Corinne Saminadayar-Perrin (dir.), L’Histoire feuilletée. Dispositifs intertextuels dans la fiction historique au XIXe siècle, (à paraître). Return to text

24 Michel Leymarie et Jacques Prévotat (dir.), L’Action française, culture, société, politique, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2008. Return to text

25 Voir Delphine Antoine-Mahut et Stéphane Zékian (dir.), Les Âges classiques du XIXe siècle, Paris, Éditions des archives contemporaines, « Actualité des classiques », 2018. Return to text

26 Voir Denis Saint-Amand, Le Style potache, Genève, La Baconnière, « Nouvelle collection Langages », 2019. Return to text

27 Les textes fondateurs de l’historiographie méthodique sont l’article de lancement de la Revue historique de Monod en 1876, et le manuel d’Introduction aux études historiques de Langlois et Seignobos en 1898. Pour une présentation synthétique, voir Christian Delacroix, François Dosse, Patrick Garcia, Les courants historiques en France, 19e-20e siècle, Paris, Armand Colin, 1999. Pour approfondir, voir William R. Keylor, Academy and Community: The Foundation of the French Historical Profession, Cambridge, Harvard University Press, 1975. Return to text

28 Voir Alain Vaillant, « L’histoire au quotidien », dans Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant (dir.), La Civilisation du journal. Histoire culturelle et littéraire de la presse française au XIXe siècle, op. cit, p. 1320. Return to text

29 Anatole France, Les Sept Femmes de la Barbe-Bleue, dans Œuvres IV, éd. Marie-Claire Bancquart, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1994, p. 361. Return to text

30 Dans l’histoire de la presse française, le journalisme d’information (inspiré du news journalism américain) gagne en influence à partir des années 1880, grignotant du terrain sur la tradition plus littéraire du journalisme français. En matière historiographique, c’est l’école méthodique qui promeut et formalise la recherche des « faits » historiques appuyée sur les documents, ainsi que le travail collectif et l’impersonnalité de l’écriture historienne (voir note 27). Return to text

31 Les Sept Femmes de la Barbe-Bleue, éd. cit., p. 362. Return to text

32 Ibid., p. 365. Return to text

33 Ibid., p. 366. Return to text

34 Ibid., p. 372. Return to text

35 On pourrait commenter le point commun entre ces différentes images : ce sont toutes, dans l’imaginaire d’Anatole France, des images à portée culturelle ou (méta)littéraire. Pour ce sobre Rabelaisien dont l’esprit semble émaner du XVIIIe siècle, plus que du XIXe siècle, la littérature est un jeu et une nourriture, et la marionnette est une version miniature et émouvante de la condition humaine. Return to text

36 Voir par exemple la controverse entre l’historien Charles Seignobos et le sociologue François Simiand ; ce dernier, dans un article demeuré fameux (« Méthode historique et science sociale », Revue de synthèse historique, 1903), dénonce les « trois idoles » des historiens contemporains, le domaine politique, l’individu et la chronologie. Return to text

37 Selon la notion mise au point par François Hartog, dans Régimes d'historicité. Présentisme et expériences du temps, Paris, Le Seuil, 2003. Return to text

38 Voir par exemple « Roman et magie », dans La Vie littéraire. Deuxième série, Paris, Calmann-Lévy, 1890. Return to text

39 Terme proposé par Michel de Certeau : « Se pose comme historiographique le discours qui comprend son autre – la chronique, l’archive, le document –, c'est-à-dire celui qui s’organise en texte feuilleté dont une moitié, continue, s’appuie sur l’autre, disséminée, et se donne ainsi le pouvoir de dire ce que l’autre signifie sans le savoir. » Voir L’Écriture de l’histoire [1975], Paris, Gallimard, « Folio histoire », 2002, p. 130. Return to text

References

Electronic reference

Julie Moucheron, « « Entre Trublions et scoops, un contemporain à contretemps : Anatole France » », Textes et contextes [Online], 17-1 | 2022, 15 July 2022 and connection on 02 November 2024. Copyright : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=3519

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Julie Moucheron

Doctorante, Rirra 21, Université Paul-Valéry Montpellier 3, Route de Mende, 34199 Montpellier Cedex 5

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