Le crépuscule d’une icône : Le Líder Máximo face aux auteurs dissidents cubains

  • The Twilight of an Icon: The Líder Máximo and Cuban Dissident Authors

Résumés

Avec le triomphe de la Révolution en 1959 s’est imposé un nouvel ordre social, politique et économique, mais aussi une nouvelle mythologie centrée sur la figure imposante et charismatique de Fidel Castro. Incarnant la Révolution, il est devenu le héros d’un ‘grand récit’ épique qui organise autour de lui un système de représentations qui en fait très tôt un personnage de légende, un mythe vivant. C’est contre ce système de représentations que s’élèvent les auteurs dissidents qui, dans leurs œuvres de fiction, entreprennent de dénoncer le régime en prenant pour cible le dirigeant cubain. S’emparant de cette figure fondatrice de l’histoire cubaine et de cette icône internationale qu’est le Líder Máximo, ils en font un personnage littéraire autour duquel ils élaborent des représentations négatives, une ‘légende noire’.
S’appuyant sur l’étude de textes et d’auteurs contemporains comme Guillermo Cabrera Infante, Reinaldo Arenas, Zoé Valdés, Carlos Eire, Amir Valle et Abilio Estévez, ce travail analyse le processus de déconstruction littéraire de la figure de Fidel Castro opéré dans la littérature dissidente cubaine et interroge les stratégies mises en œuvre par les auteurs dissidents pour dénoncer un régime et revendiquer une légitimité face à un pouvoir avec lequel ils sont engagés dans un conflit autant politique que symbolique.

With the victory of the Cuban Revolution in 1959 a new social, political and economic order was instituted, as well as a new mythology centred on the impressive and charismatic figure of Fidel Castro. As an embodiment of the Revolution, Castro became the hero of a great epic narrative in which he stands, at the heart of a system of representations, as a legendary character and a living myth. Dissident writers have surged up against this system of representations: in their works of fiction they aim to denounce the regime by targeting the Cuban leader. They appropriate this founding figure of Cuban history, and turn the international icon of the Líder Máximo into a literary character around which they construct negative representations, namely a sort of « Black Legend ».
Based on the analysis of fictional works by such contemporary authors as Guillermo Cabrera Infante, Reinaldo Arenas, Zoe Valdés, Carlos Eire, Amir Valle and Abilio Estévez, this dissertation studies how the figure of Fidel Castro is deconstructed in dissident Cuban literature. We explore the strategies deployed by dissident writers to denounce the regime and assert their legitimacy in confronting it both politically and symbolically for more than sixty years.

Plan

Texte

« Fidel Castro est une fiction ». Cette idée provocante, qui a inspiré le titre d’un pamphlet récent sur le dirigeant cubain (Valdés 2010), souligne une facette assez peu prise en compte de la figure de Fidel Castro, à savoir sa dimension imaginaire et tout particulièrement littéraire. C’est cette dimension que nous nous proposons d’analyser ici.

Il y a eu autour du personnage de Fidel Castro une construction héroïque assez bien connue : nous en proposerons une synthèse. Ce processus d’élaboration d’une image héroïque, que l’on pourrait qualifier de « légende dorée » est ancien et important. Il a commencé avec la victoire des troupes rebelles de Fidel Castro en 1959, voire un peu avant. Il s’intègre dans une première étape, essentielle, de « la configuration littéraire de la Révolution cubaine », pour reprendre une expression employée par la critique Emilia Yulzari (2004). Mais dans le contexte de la perte de prestige de la Révolution cubaine et de son leader historique, l’image héroïque de ce dernier a été déconstruite et rejetée, de façon de plus en plus virulente, au cours des dernières années, qui ont été celles d’une exposition grandissante de la littérature cubaine dite dissidente, et cela tout particulièrement en Europe. Cette exposition médiatique et éditoriale correspond à une seconde étape de la configuration littéraire, de la mise en littérature de la Révolution cubaine, et plus précisément de son leader historique. C’est dire que notre approche repose sur le postulat, confirmé par le double phénomène médiatique et littéraire susdit, qu’il existe un processus esthétique – littéraire – d’appropriation et d’élaboration par les auteurs de ‘l’objet’ Révolution et de ‘l’objet’ Fidel Castro qui va de la mythification à la démystification.

Ce phénomène de la dissidence littéraire, qui se trouve au cœur de nos réflexions et de nos interrogations, a été analysé dans le cadre notamment d’études sur la littérature cubaine de l’exil et du phénomène diasporique (Álvarez Borland 1998 et Machover 2001), ou dans celui des phénomènes de résistance au pouvoir (Lucien 2006) et de ce qu’on pourrait appeler la littérature du désenchantement ou de la dystopie, pendant antagonique de la littérature utopiste qui mettait en scène le ‘grand récit’ de la Révolution cubaine. Mais à ce jour, les rapports entre le personnage de Fidel Castro lui-même et la dissidence littéraire n’avaient pas encore été abordés directement. Il s’agit donc ici d’une étude de représentations : comment apparaît le personnage de Fidel Castro dans cette littérature écrite par des auteurs rejetant, à des degrés divers, le régime et l’idéologie qu’il incarne ? Que donnent ces auteurs à lire de ce personnage, sous quelles formes et selon quelles variations ? Dans la mesure où depuis un demi-siècle l’histoire de Cuba se confond avec celle d’un homme, Fidel Castro, quelles lectures de l’histoire de Cuba sont proposées à travers les représentations de cette figure ? Mais aussi, plus généralement, comment le texte (dissident) se propose-t-il comme le révélateur d’un contexte (la dégradation de l’image de la Révolution cubaine), comme le symptôme d’une crise ? Et, par ailleurs, dans quelle mesure ce texte peut-il à son tour influer sur son contexte politique, historique, social et idéologique ?

Face au « grand récit » de la Révolution propagé à partir de 1959 et aux représentations héroïques qu’il construit de Fidel Castro, les auteurs dissidents entreprennent un travail de démystification. Ils mènent à bien une tâche de critique historique qui les conduit à dénoncer comme autant de mythes, c’est-à-dire de mensonges, les affirmations et les promesses du discours officiel. Ils se penchent sur l’histoire pour montrer qu’elle peut être falsifiée et manipulée. Ce faisant, ils entendent exercer une parole libre pour briser le monopole de la parole légitime exercé par le Pouvoir.

Mais cette littérature dissidente, tout en déconstruisant une histoire encore proche, en promenant sur le chemin parcouru depuis l’avènement du régime révolutionnaire un miroir critique, élabore des représentations symboliques négatives de la figure de Fidel Castro et participe, ce faisant, à la construction d’une nouvelle dimension de la stature imaginaire de ce personnage. Cette mythification négative de la figure de Fidel Castro constitue une troisième étape paradoxale de la construction contemporaine de son image. Paradoxale, car à la volonté affichée de déconstruire, de mettre à bas un mythe, qui apparaît comme une mystification, succède l’élaboration d’une autre construction imaginaire de type mythique, elle aussi. Le mythe apparaît comme un outil pour dire le présent et pour transcrire une expérience personnelle en lui permettant d’accéder à une lisibilité pour la collectivité. Par le truchement du mythe et de la représentation imaginaire, ces auteurs tentent de dépasser « le caractère intransmissible de l’expérience révolutionnaire cubaine » souligné par l’écrivain cubain José Manuel Prieto (2010 : 57).

1. Fidel Castro : genèse et développement d’un mythe

Il faut rappeler les grandes lignes de la geste révolutionnaire, qui correspondent aux grandes étapes de la construction et de l’émergence de la figure héroïque de Fidel Castro et qui commencent bien avant la Révolution proprement dite. Comme le rappelle très justement Rafael Rojas (1998 : 65), « toda épica nacional exige una narrativa edificante del pasado, en la que aparezcan héroes, batallas, gestos honorables y, sobre todo, mucho coraje, mucho arrojo, mucha valentía »1. Fidel Castro apparaît d’abord comme un héros épique, et la Révolution cubaine comme une épopée, mais paradoxale, dans la mesure où elle commence sur un échec retentissant. Ana Cairo (2006 : 24) souligne cette première transfiguration littéraire du personnage : « A partir de 1956, se introdujo el motivo literario de la dimensión épica del héroe en los versos. Se exaltaba la valentía personal, la tenacidad para cumplir las promesas »2. La première étape, l’étape fondatrice de cette geste, est en effet l’assaut des casernes de la Moncada, à Santiago de Cuba, et de Bayamo, le 26 juillet 1953, au beau milieu des festivités du Carnaval. Fidel et Raúl Castro, les organisateurs et les leaders de l’opération, à la tête d’un groupe de 165 hommes – dont la moitié a péri dans l’attaque – avaient en effet voulu profiter de cette atmosphère de liesse populaire pour attaquer par surprise ces deux endroits stratégiques ; ils projetaient de s’emparer des lieux et, dans la foulée de cet exploit symbolique (qui aurait ridiculisé l’armée de Batista), d’adresser par voie radiophonique un appel au peuple de la ville pour l’inciter à se soulever contre le régime inique et dictatorial de Fulgencio Batista. C’est Fidel Castro lui-même qui a révélé ces plans lors de son procès, où il doit répondre des faits devant un tribunal en octobre 1953.

Cet assaut, qui fut un échec sanglant pour le groupe mené par les Castro, fut cependant relu, à la lumière de la victoire des barbudos en janvier 1959, comme le premier pas vers le triomphe. Ce fut un échec militaire, mais une victoire politique. Comme l’écrit Ottmar Ette :

Con todo, el fracaso militar pasó a convertirse en una victoria sicológica. La sangrienta reacción de la soldadesca de Batista ante el ataque, que se tradujo en una oleada de detenciones, torturas y asesinatos, le dio un vuelco fundamental al clima político de Cuba. Los atacantes del Cuartel Moncada eran vistos ahora como héroes y mártires, quienes podían inscribirse en una tradición que, como Martí, Mella, Martínez Villena, Guiteras o Eduardo Chibás […], « habían muerto antes de su tiempo » (Ette 1995 : 166)3.

Ainsi, Alejo Carpentier, dans un article intitulé « Viaje a los frutos » paru dans la revue Revolución y Cultura en décembre 1973 et cité par Ana Cairo, écrivait-il :

Y así, un día, ocurrió el acontecimiento del Moncada, hombres nuevos, acaso desconocidos de muchos, dieron el ejemplo que se esperaba, mostrándose en una dimensión heroica que fue lo que, para nuestra juventud, había soñado, deseado, predicho, José Martí (Cairo 2006 : 9)4.

Le grand auteur cubain met, d’une part, l’accent sur la dimension héroïque de l’assaut, malgré son échec objectif sur le moment et, d’autre part, établit un lien de continuité historique entre l’utopie de José Martí et cet événement. Cette analyse, qui correspond à la relecture de l’histoire faite par le gouvernement révolutionnaire et les artistes qui défendent la Révolution, est un bel exemple d’invention, ou si l’on préfère, de création d’un événement historique : c’est bien l’analyse et l’interprétation qui créent ici l’événement historique, en lui accordant une valeur et une portée.

Les assauts du 26 juillet 1953, restés dans la mémoire collective comme « les événements de Moncada », constituent la première légende de la mythologie castriste. Leur commémoration officielle – célébrée tous les 26 juillet, date devenue la fête nationale de la Cuba révolutionnaire – deviendra ensuite un rite structurant de la liturgie révolutionnaire.

La seconde étape essentielle de la geste castriste, est le débarquement de Fidel Castro et des hommes qu’il a recrutés et entraînés au Mexique, durant sa phase d’exil dans ce pays5. Ernesto Guevara a couché par écrit dans son journal les détails de cette odyssée catastrophique : les inclémences de la mer, les maladies des hommes, la surcharge du navire, le débarquement raté, détails dont s’est inspiré Julio Cortázar pour écrire sa nouvelle « Reunión ». Car ce débarquement, qui a lieu début décembre 1956, est un échec cuisant, tout comme les assauts de 1953.

Un événement important mérite d’être signalé : c’est en quelque sorte l’acte de naissance médiatique international de Fidel Castro, qui peut être précisément situé le 24 février 1957 : c’est la date à laquelle le journaliste états-unien Herbert L. Matthews, envoyé spécial à Cuba du New York Times, publie le premier d’une série d’articles consacrée aux rebelles menés par Castro, qui ont établi leurs quartiers généraux dans la Sierra Maestra, où ils se sont repliés après leur débarquement désastreux de décembre 1956 en provenance du Mexique. C’est Castro lui-même qui a rendu possible cette interview, en donnant l’ordre à ses hommes de conduire le journaliste jusqu’à lui, en pleine Sierra Maestra. Le but de cette opération de communication inédite et très moderne, était double : il s’agissait de démentir par les faits les rumeurs – propagées par le gouvernement de Batista – qui annonçaient sa mort, et en même temps d’occuper un espace médiatique important, pour donner l’illusion d’une grande puissance du groupe des rebelles6. Le portrait que Matthews dresse des guérilleros est si séduisant que selon Ruby Hart Phillips, correspondante permanente du New York Times basée à La Havane, il incite les jeunes à rejoindre les rangs des insurgés (Conde 1999 : 5). L’interview de Castro est publiée dans le New York Times, puis dans la presse cubaine, à la faveur de la levée de la censure décidée par le gouvernement. Les articles de Matthews ont eu un impact important sur l’imaginaire collectif des Cubains. Ils ont contribué, à bien des égards, à la formation du mythe castriste.

Le mot mythe est extrêmement polysémique. Il ne s’agit pas pour nous de revenir sur les débats que créent encore le mot et ses possibles acceptions, mais si on voulait en exprimer en quelques mots la quintessence, on pourrait dire qu’un mythe est « une histoire exemplaire […] un récit symbolique faisant sens pour une communauté donnée » (Huet-Brichard 2001 : 4). Dans le cas qui nous intéresse, il semble qu’il y ait bien un « passage de l’historique au mythique », un « mystérieux processus d’héroïsation qui aboutit à la transmutation du réel et à son absorption dans l’imaginaire », pour reprendre les expressions de Raoul Girardet dans son ouvrage Mythes et mythologies politiques (Girardet 1986 : 71). Il ajoute par ailleurs, et c’est aussi une observation essentielle, qu’il existe souvent dans ce type de construction mythique « une certaine part de manipulation volontaire ». Nous nous proposons d’analyser deux traits essentiels par lesquels se traduit ce processus de mythification de la figure de Fidel Castro. Nous en avons retenu deux, qui se construisent dès la période fondatrice de 1959-1962, et qui ont perduré, quoiqu’avec des variations, tout au long de l’exercice du pouvoir par Fidel Castro : sa dimension prométhéenne et sa dimension christique.

1.1. Fidel Castro, nouveau Prométhée

Dans La lune et le caudillo : le rêve des intellectuels et le régime cubain, Jeannine Verdès-Leroux rapporte des extraits d’un dialogue entre Fidel Castro et Jean-Paul Sartre lors de la visite de ce dernier à Cuba au début de l’année 1960.

Les mots manquaient à Sartre – fort doué pour les mots – pour exprimer son admiration vis-à-vis de Castro […] Le besoin d’un homme est un droit fondamental, disserta Castro ; alors Sartre s’enhardit : « Et s’ils demandaient la lune ? » Castro, ayant réfléchi, répondit : « S’ils me demandaient la lune, ce serait parce qu’ils en ont besoin… » Et Sartre, peu enclin à se faire des amis, confiait-il, sentit brusquement que ce Castro démiurgique était un ami (Verdès-Leroux 1989 : 213).

Il existe sans doute dans toute révolution une dimension prométhéenne. En effet, une révolution se fait toujours en vue d’instaurer ou de restaurer un ordre meilleur et plus juste. La Révolution cubaine n’échappe pas à cette règle : elle s’affirme d’une part comme une volonté de rétablissement d’un ordre juste dévoyé, un retour à ce qui doit être, et d’autre part comme l’instauration d’un ordre nouveau qui apporte le progrès, et partant, l’épanouissement. C’est tout le paradoxe temporel contenu dans le terme même de « révolution ».

Fidel Castro apparaît ainsi fondamentalement comme celui qui vient apporter quelque chose, celui qui vient offrir quelque chose ; il vient essentiellement apporter la liberté à un peuple opprimé par le joug de la dictature de Fulgencio Batista.

L’un des éléments qui illustrent le mieux cette posture prométhéenne du personnage est sans doute son rôle dans la gigantesque campagne d’alphabétisation de 1961. Cet an III de la Révolution est baptisé « année de l’Éducation »7 ; cet événement est célébré comme il se doit par la revue officielle Bohemia qui relaie les slogans : « Cada cubano, un maestro; cada casa, una escuela »8 et rappelle les préceptes de José Martí en la matière : « Ser cultos para ser libres »9 ; « A un pueblo ignorante puede engañársele con la superstición y hacérsele servil. Un pueblo instruido será siempre fuerte y libre»10. Fidel Castro apparaît comme celui qui réalise l’idéologie de José Martí et, par là, comme celui qui vient apporter aux Cubains l’outil du progrès et de leur libération, tel Prométhée offrant le feu, jusque là réservé aux dieux, aux hommes.

Cette image d’un Fidel éducateur est essentielle dans la construction de la posture prométhéenne du personnage. Elle traduit l’idée d’un dirigeant entièrement tourné vers l’intérêt et le bien-être intellectuel de son peuple, d’une sorte de démiurge qui vient donner à tout un chacun la possibilité d’accomplir toutes ses potentialités. C’est un chef éclairé. Par ailleurs, Fidel Castro apparaît comme une figure proche de la jeunesse : il existe pléthore de photographies où on le voit en compagnie d’enfants ou d’adolescents, posant, discutant ou jouant avec eux. La revue Bohemia du 15/01/1961 s’ouvre sur une photographie le représentant en gros plan, en tenue militaire, coiffé de sa casquette, portant une petite fille souriante, et semblant lui montrer quelque chose. Cette photographie pleine de symboles suggère que Fidel Castro est celui qui construit le futur de Cuba.

D’autre part, ce genre de cliché renvoie à l’idée de Castro comme figure paternelle, c’est-à-dire une figure d’autorité inspirant le respect, mais qui assure aussi la protection. Cette représentation du chef d’État en chef de famille rappelle la corrélation traditionnelle qui existe entre ces deux figures, en particulier dans les régimes autoritaires, où le pouvoir est entre les mains d’un homme fort. On sait le lien qui existe entre les grands hommes d’État, les grandes figures de l’histoire d’une nation et l’image du père. Ce lien procède d’une vision organique de l’État, assimilé à la structure familiale, cellule de base de la vie en société. De là l’expression bien connue de ‘père de la Patrie’, expression par ailleurs redondante dans la mesure où la patrie est par définition le ‘lieu du père’. Ainsi Staline était-il surnommé le ‘petit père des peuples’, comme on le sait.

Cette dimension paternaliste sera à la fois dénoncée et renversée par le discours dissident : en effet, certains dissidents s’en prennent à cette figure paternelle qui, loin de fournir une protection, abuse de son pouvoir (c’est le sens étymologique du mot despote, du grec despotês : maître de maison, maître absolu). Dans Te di la vida entera (Valdés 2004), Zoé Valdés constate que Fidel Castro est très vite passé du statut de fiancé de la révolution à celui de père de tous les Cubains. La bloggeuse Yoani Sánchez s’insurge avec virulence dans un de ses billets contre un pouvoir qui brime de façon arbitraire les Cubains comme un « papa » peut le faire avec ses enfants, dénonçant par là-même un processus d’infantilisation des Cubains, privés de leur dignité et de leur liberté de citoyens. Mais l’exemple le plus frappant est sans doute celui de la représentation de Fidel Castro en père punisseur que livre Carlos Eire dans Nieve en La Habana (Eire 2007) : Castro y est assimilé à une figure paternelle symbolique, mais qui expulse ses propres enfants. Les thèmes de la punition et du châtiment sont omniprésents, qui construisent le lien avec l’hypotexte de la Genèse biblique.

Une autre image, mythique elle aussi, nous semble participer de la posture prométhéenne de Fidel Castro : c’est celle de Robin des Bois, qui a été, à plusieurs reprises, superposée à celle de Fidel Castro, notamment lors de la période de repli des guérilleros dans la Sierra Maestra. José Álvarez (Álvarez 2008) et Nancy Berthier (Berthier 2010) reviennent tous deux sur cette référence légendaire. Ils la font remonter au rôle important joué par le journaliste états-unien Herbert Matthews dans la construction précoce de l’image héroïque de Fidel Castro. Le lien entre la figure de Prométhée et celle de Robin des Bois est moins saugrenu qu’il n’y paraît ; en effet, ces deux personnages ont en commun une attitude qui consiste à prendre aux privilégiés (les dieux, les riches) pour donner aux plus faibles (les hommes, les pauvres).

Notons que le personnage de Robin des Bois est une sorte de dissident, dans la mesure où il conteste l’ordre établi. À l’origine, les guérilleros de Fidel Castro sont des révoltés, des dissidents qui s’affirment comme tels en occupant un territoire à part, la Sierra Maestra, qui devient pendant la guerre civile contre Batista une véritable terre de dissidence.

Par opposition et par renversement de cette image fondatrice du héros généreux, comme nous le verrons dans les deuxième et troisième parties, dans le discours des dissidents Fidel Castro apparaît fondamentalement comme une figure qui enlève, qui prive de quelque chose. Ainsi de l’image du Dieu jaloux qui expulse chez Eire (Eire 2007) ou du mystérieux prestidigitateur maléfique qui fait disparaître ce qui existait chez Estévez (Estévez 2008). La dimension prométhéenne du personnage est totalement déconstruite.

1.2. Fidel Castro, figure mystique

Un autre faisceau de références qui nous semble très important dans la construction de l’image héroïco-mythique de Fidel Castro est celui qui renvoie à la dimension religieuse du personnage, en particulier aux symboles de la religion catholique, plus précisément encore, à la version cubaine du catholicisme. Plusieurs textes, contemporains ou postérieurs aux événements de 1959, soulignent l’importance de cette facette du personnage.

Dans son livre-témoignage sur l’opération ‘Peter Pan’, Yvonne M. Conde, qui fut comme Carlos Eire une des enfants sortis de Cuba lors de cette opération, décrit l’atmosphère mystique de l’entrée de Fidel Castro et de ses rebelles à La Havane le 8 janvier 1959 :

Le fait que le jeune leader venait d’entrer dans sa trente-troisième année provoquait des comparaisons mystiques avec Jésus et suscitait chez les gens une révérence spontanée. Les longues chevelures et les chapelets qu’arboraient les rebelles évoquaient les Apôtres, une image qui accroissait encore le respect qu’ils suscitaient. Et pour ce qui est de la colombe qui avait choisi de se poser sur l’épaule de Fidel pendant son premier discours d’importance à la population, c’était à n’en pas douter le signe venu d’en haut qu’il était un homme de paix et de bien. En outre, les chefs spirituels des Cubains d’origine africaine y virent une preuve de « la protection divine » accordée à Fidel (Conde 1999 : 2-4).

Dans son roman Tuyo es el reino, Abilio Estévez fait lui aussi référence à l’atmosphère pleine de religiosité de ce 8 janvier 1959, évoquant « la entrada en La Habana de los Rebeldes victoriosos (que tomamos por enviados del Señor)»11 (Estévez 1997 : 344).

La mention de l’âge de Fidel Castro – il était dans sa trente-troisième année –, le fait que, selon le récit communément admis, seuls douze hommes – comme les douze Apôtres – survécurent à l’épopée du Granma12, la dimension verticale de l’itinéraire des guérilleros, qui descendirent littéralement de la Sierra Maestra comme des anges libérateurs descendraient du ciel, et enfin les barbes impressionnantes arborées par les guérilleros, tous ces éléments furent reçus comme autant de signes symboliques par une population qui, rappelons-le, est l’une des plus religieuses d’Amérique latine13.

La dimension christique du Fidel Castro triomphant en 1959 est bien perçue par cette population ; cette dimension se construit sur un double fondement : en premier lieu, l’idée du sacrifice personnel, idée essentielle dans l’imaginaire héroïque cubain et dans la mythologie christique ; et en second lieu, sur le parti pris des faibles et des opprimés, idée clef du discours castriste depuis « La historia me absolverá », texte de 1953, dans lequel il condamnait le régime de Fulgencio Batista.

Pour l’historien cubain exilé José Álvarez, la dimension religieuse et la ferveur mystique ont été à dessein alimentées par une efficace propagande, qui a notamment joué sur la force symbolique du chiffre 12 :

El mito de los doce revistió a la lucha guerrillera de un carácter casi religioso al evocar a Jesuscristo con sus doce apóstoles. El número 12 fue un invento propagandístico y así lo muestran los hechos. […] Así que, después del desastre de Alegría de Pío, tres días después del desembarco, los hombres bajo el mando directo del jefe fueron dos, siete, quince y dieciocho y luego seguirían en aumento. Pero nunca se alcanzó el místico número. […] El nuevo […] Jesucristo, acompañado de su vanguardia de doce apóstoles barbudos, seguiría dándole la vuelta a Cuba y al resto del mundo hasta el día del triunfo revolucionario. Además de la referencia a los doce hombres aparecida en la prensa cubana en los meses que se levantaba la censura, el mismo Fidel Castro se prestó a convertir la leyenda en mito cuando, en su manifiesto rechazando el pacto de Miami, fechado en la Sierra Maestra el 14 de diciembre de 1957, declaró: « Y solos sabremos vencer o morir. Que nunca será la lucha más dura que cuando éramos solamente doce hombres… »14 (Álvarez 2008 : 46-47).

2. Briser la légende : les enjeux du discours dissident

2.1. Conceptualisation de la notion de dissidence

Le Trésor de la langue française en ligne définit la dissidence comme l’« action ou état d'une personne ou d’un groupe de personnes qui, en raison de divergences doctrinales, se sépare d'une communauté religieuse, politique, philosophique ». Outre ce sens aujourd’hui vieilli, il en existe un autre, plus usuel, qui désigne « l’action ou l’état d’une personne ou d’un groupe de personnes qui ne reconnaît plus l’autorité politique à laquelle il se soumettait jusqu’alors ». Par extension, le terme désigne le fait de refuser une autorité politique ou idéologique, et le dictionnaire cite à titre d’exemple cette phrase d’Albert Camus tirée de L’homme révolté : « Il est possible de séparer la littérature de consentement […] et la littérature de dissidence qui commence avec les temps modernes ».

Le concept de dissidence est complexe et plus difficile à manipuler qu’il n’y paraît. La dissidence peut être comprise, de façon synthétique, comme une force centrifuge (qui peut s’exprimer, en dernière instance, dans l’exil). Elle s’inscrit dans le cadre théorique plus général de la protestation, une notion essentiellement étudiée par la sociologie, et donc perçue comme un phénomène collectif.

Selon Romain Lecler (Lecler 2005), la dissidence serait, avec le meurtre et la sédition, l’un des trois types de protestation individuelle. Cette dernière est à opposer à la protestation collective. Comme l’indique Romain Lecler, si la sociologie a vu de façon assez logique dans la protestation un phénomène essentiellement collectif – ce qui l’amène à étudier principalement les mouvements sociaux –, la théorie politique, elle, peut compléter utilement cette approche en tentant de penser et de conceptualiser la protestation individuelle. Celle-ci doit être entendue comme

une protestation qui relèverait de l’individu ou du très faible nombre. Non que ces individus protestataires ne soient pas pris dans un environnement, des réseaux […] Cela renvoie simplement ici à l’idée d’individus qui mettraient en avant leur seule qualité d’individus pour protester. L’enjeu […] est le suivant : la construction d’un modèle de la protestation individuelle, et l’analyse d’une forme particulière de protestation individuelle, la dissidence (Lecler 2005 : 6).

Comme le rappelle Michel Malowski dans « Désir d’être », son introduction au volume Dissidences, les dissidents sont essentiellement : « des personnes qui [ne sont] pas d’accord avec les opinions obligatoires [latin dissidens, participe présent de dissidere, « être en désaccord »] » (Delsol 2005 : 2). Cette définition succincte a l’intérêt de souligner deux éléments clés. D’une part, les dissidents sont des personnes, c’est-à-dire des sujets moraux, qui agissent au titre de leur individualité. D’autre part, ce qui les définit, c’est un conflit qui les oppose à des « opinions obligatoires », autrement dit un contexte dans lequel ils s’insèrent de façon antagonique.

Le terme dissident est attesté en français dès 1539. Son étymon latin, le verbe dissidere, issu du vocabulaire militaire, signifiait originellement « établir son camp à côté », puis il a pris le sens de « ne pas être d’accord ». Quant au substantif de « dissidence », il vient directement du latin impérial dissidentia, qui signifie ‘opposition’, ‘désaccord’. Synthétisant ces quatre acceptions, Romain Lecler montre qu’elle est « autant une séparation physique du reste de la communauté (1), qu’un refus de reconnaître l’autorité politique (2), qu’une divergence doctrinale (3) et l’expression d’un dissentiment (4) (Lecler 2005 : 41).

Cette définition strictement étymologique n’est cependant pas suffisante. En effet, la notion de dissidence et le statut de dissident supposent un positionnement actif. Il ne suffit donc pas d’’être en désaccord’, il faut aussi manifester ce désaccord de façon suffisamment claire – ce qui ne veut pas forcément dire de façon explicite – pour être qualifié à juste titre de dissident. Lorsque cette manifestation de désaccord est impossible, car dangereuse, il faut trouver des moyens plus ou moins détournés d’exprimer sa non-concordance avec les ‘opinions obligatoires’.

2.2. Intellectuels et dissidence

Il existe un lien étroit entre le statut d’intellectuel et la posture dissidente comme le prouvent de nombreux exemples historiques, notamment celui des dissidents soviétiques, celui des dissidents chinois et celui qui nous intéresse, les dissidents cubains.

On peut expliquer ce lien sur le plan théorique par le fait que l’intellectuel est le plus à même de s’opposer au pouvoir sur son terrain, celui du langage et du symbolique :

Le lieu de déploiement du pouvoir, c’est le terrain du symbolique, de l’imaginaire, du langage, autour desquels se noue le conflit, la rivalité […] Les puissants, comme ceux qui les contestent, se situent irrémédiablement sur ce terrain. Il s’agit pour les deux camps de confisquer le langage, l’imaginaire. Et quand le langage du pouvoir se réfugie dans le silence, il s’agit pour l’individu qui proteste de briser ce silence, de le remplir. [Nous soulignons] (Lecler 2005 : 17)

L’exemple des dissidents soviétiques, mais aussi plus récemment celui des dissidents chinois, a montré que, selon la formule de Cécile Vaissié, « le rapport dissidence-pouvoir » est avant tout un « conflit entre paroles » (Lecler 2005 : 61).

Le critique allemand Ottmar Ette, reprenant une définition de Jacques Julliard, affirme que « L’intellectuel se définit, surtout, par sa capacité de transposer le capital symbolique acquis dans sa spécialité dans le champ politique […] sa condition d’intellectuel présuppose, en outre, sa capacité performante tant dans le champ littéraire et intellectuel que politique…» (Lucien 2006 : 14). C’est cette habileté particulière qui fait de l’intellectuel un agent privilégié de la dissidence.

La figure mythique et littéraire de Prométhée nous semble intéressante au moment d’analyser la posture particulière qui est celle du dissident. Selon l’étude de Romain Lecler, la dissidence, modalité de la protestation individuelle, est un acte solitaire, qui implique une prise de risque et qui peut aboutir à un châtiment, comme c’est le cas pour Prométhée, mais aussi pour Antigone. Le dissident, seul et exposé, est ainsi vulnérable, mais c’est précisément cette faiblesse qui est en réalité sa force.

L’une des caractéristiques de la posture dissidente est en effet l’inversion d’une position de vulnérabilité en une position de puissance. On trouve dans la littérature des auteurs dissidents cubains, en particulier chez Abilio Estévez et Reinaldo Arenas, une illustration de cette position de vulnérabilité de l’intellectuel, de l’artiste, dans son face-à-face avec le Pouvoir, à travers la figure de l’écrivain maudit. Chez Arenas, cette figure de l’écrivain maudit, persécuté et harcelé, dans laquelle l’auteur se projette, est récurrente, en particulier dans sa Pentagonie. L’identification d’Arenas à cette figure, mythique en littérature, du poète maudit, trouve son expression ultime dans son autobiographie Antes que anochezca (Arenas 2008) : l’écrivain y met en scène son corps moribond sur son lit d’agonie – c’est le sens de l’introduction intitulée « El fin » – et prend le soin, dans la lettre d’adieu qu’il laisse à ses amis, destinée explicitement à être publiée, de désigner nommément le coupable selon lui de tous ses malheurs, Fidel Castro. Ce faisant, il finalise cette recréation et cette actualisation du vieux mythe littéraire du poète maudit, magistralement étudié par Pascal Brissette (Brissette 2005), en défiant une dernière fois ce Pouvoir qui l’a opprimé, mais qui l’a aussi créé. Plus encore, il fait de son suicide, qui a lieu de façon symbolique un 7 décembre, jour férié à Cuba15, un sacrifice, une sorte de martyre politique pour la liberté de Cuba.

Dans cette mise en scène de la victimisation de l’intellectuel-artiste dans son rapport conflictuel au pouvoir, on retrouve deux éléments fondamentaux de la protestation individuelle : l’affirmation d’un sujet résistant, car « l’individu protestataire est un sujet qui s’affirme » ; mais également la « triangulation du conflit », rendue possible par la mise en scène d’un individu en position de vulnérabilité :

La force en effet de la position de faiblesse réside dans le capital de sympathie qu’elle a naturellement auprès du public : on le sait, la sympathie accompagne toute démonstration de vulnérabilité. C’est ce capital de sympathie qui permet de faire du public un rempart protecteur. Pour ce faire, celui qui se met dans la position de faiblesse doit procéder à deux choses : premièrement, donner la publicité la plus large possible à son action ou à ses paroles, pour que leur réception dans le public soit également la plus vaste et la plus complète ; deuxièmement, accepter de se placer dans une position de vulnérabilité, c’est-à-dire de faire de son corps une cible potentielle. […] Il y a donc un pari de la protestation qui est un pari pour ainsi dire auto-sacrificiel (Lecler 2005 : 23).

Ce qui est intéressant dans notre cas, c’est que la posture prométhéenne revendiquée par les dissidents cubains vient s’opposer à la posture prométhéenne que nous avons définie, dans la première partie, comme étant constitutive du mythe de Fidel Castro.

2.3. La dissidence littéraire cubaine depuis 1959

Si la dissidence littéraire cubaine commence en réalité assez tôt, il aura fallu du temps et quelques désillusions des deux côtés de l’Atlantique pour qu’elle accède à une véritable reconnaissance en tant que phénomène digne d’intérêt. La perception de cette dissidence littéraire, en Europe du moins, a en effet bien évolué depuis 1959 : on est passé d’un certain rejet, voire d’un rejet certain, à une exposition de plus en plus grande, liée à la dégradation générale de l’image internationale de la Révolution cubaine et de son leader. Cette évolution est sans doute également liée au coup de projecteur jeté sur l’île depuis la crise sans précédent de la « Période spéciale en temps de paix » qui, selon l’expression de Françoise Moulin-Civil dans sa préface à l’ouvrage de Clémentine Lucien (Lucien 2006 : 9), a donné une « soudaine lisibilité » à la littérature cubaine.

Le phénomène de la dissidence littéraire s’inscrit dans le cadre plus général de la mise en littérature du processus révolutionnaire et en ce sens, elle devrait occuper une place dans l’ensemble appelé par certains critiques la « littérature de la Révolution », selon la définition qu’en a donnée la critique cubaine Camila Henríquez Ureña : « Al hablar de la literatura de la Revolución nos referimos a la literatura que refleja el proceso revolucionario »16 (Yulzari 2004 : 12). Car qu’est-ce que la littérature dissidente si ce n’est une vision critique du processus révolutionnaire et de son leader charismatique ?

La littérature qualifiée de dissidente est une littérature de la protestation ou, pour le dire autrement, une littérature en armes. L’œuvre littéraire étant essentiellement, quoique non exclusivement, le produit d’un individu, nous sommes dès lors dans le cadre de la notion de protestation individuelle, dont, dans la perspective de la théorie politique, la dissidence est une forme particulière. Romain Lecler, en la définissant comme « individuelle par essence mais collective par destination », souligne implicitement la congruence entre cette forme particulière de protestation et la littérature. La dissidence littéraire serait donc une voie naturelle de la protestation. Cette idée est assumée plus ou moins explicitement par les auteurs dissidents, à l’instar d’un Reinaldo Arenas qui déclara à maintes reprises et sans détours que son œuvre littéraire était à replacer dans le contexte de son combat politique.

Romain Lecler glose la valeur ajoutée de la protestation individuelle eu égard à la protestation collective, et du même coup, nous éclaire sur les enjeux et les ambitions de la littérature dissidente :

La qualité individuelle de la protestation, parce qu’elle rend patent le risque encouru à vouloir rompre un tel monopole, donne un poids accru à la parole protestataire. Le non du protestataire est un non d’affrontement avec le pouvoir, sur son propre terrain. En ce sens, la protestation a plus de visibilité et plus de crédibilité en étant individuelle qu’en étant collective. Elle est en tout cas plus sûre d’atteindre un public. Mais de ce point de vue, le protestataire est aussi, quoi qu’il fasse, un prétendant : en disant non, il prétend au pouvoir qu’il conteste. Il prend le risque de dénoncer un mensonge, et en cela rompt un monopole, mais dans le même temps qu’il rompt ce monopole il installe une autre parole légitime, une autre vérité, la sienne. Par définition, le protestataire est un prétendant à la parole légitime, c’est donc du même coup un prétendant au pouvoir. [Nous soulignons] (Lecler 2005 : 27).

C’est dans ce contexte d’affrontement entre deux discours, celui du Pouvoir et celui des dissidents, les seconds attaquant le premier sur son propre terrain, celui du symbolique et du langage, qu’il faut replacer le processus singulier de mythification négative autour de la figure de Fidel Castro qui est à l’œuvre dans les fictions narratives des dissidents cubains, dont nous donnerons ici quelques exemples significatifs.

3. La légende noire de Fidel Castro

Dans leurs fictions narratives, des auteurs dissidents tels que Guillermo Cabrera Infante, Reinaldo Arenas, Zoé Valdés, Carlos Eire, Amir Valle et Abilio Estévez, entreprennent un travail de déboulonnage du mythe castriste, selon des modalités aussi diverses que la dénonciation pamphlétaire, la subversion par le rire, l’inscription de la Révolution dans la perspective d’une fatalité sinistre, le dévoilement de la face sombre de la Révolution et de son chef… De l’étude de cette littérature engagée de l’entre-deux-siècles, pendant antagonique de la littérature célébrant les valeurs et les héros révolutionnaires dans les années 1960 et 1970, se dégage toute une série d’images et de portraits de Castro en tyran. Nous nous contenterons de citer ici un exemple de réélaboration littéraire autour de la figure de Fidel Castro emprunté à l’œuvre d’Abilio Estévez.

Un des éléments communs aux textes très différents des dissidents est la représentation de Fidel Castro comme matérialisation du désastre. On la trouve particulièrement chez trois auteurs : Reinaldo Arenas, Abilio Estévez et Carlos Eire. Chez Abilio Estévez, cette idée est suggérée par la métaphore de l’ouragan, cette dernière renvoyant en filigrane à l’épisode du déluge biblique, hypotexte mythique du roman. Chez Arenas, dans El color del verano (Arenas 1999), c’est le motif du naufrage qui structure cette isotopie de la catastrophe, tandis que chez Eire, dont le texte est beaucoup moins connotatif, Fidel Castro apparaît directement comme le provocateur du désastre, dans la mesure où il est responsable, dans la logique de dénonciation de l’auteur, de l’expulsion du Paradis que représente le départ en exil loin de la terre natale, ainsi que de la transformation de l’île en espace infernal.

Dans El navegante dormido (Estévez 2008), Abilio Estévez propose une représentation de type métaphorique de l’histoire récente de l’île, qui repose sur l’image, centrale, d’un phénomène à la fois redoutable et fascinant, bien connu des habitants de la Caraïbe : le cyclone ou ouragan. On trouve un indice essentiel de la mise en place de ce système métaphorique à la fin du premier roman de la trilogie, Tuyo es el reino, dont l’intrigue se situe à la fin des années 1950 ; la Révolution, qui est aux portes de la capitale, y est comparée à un cyclone :

[…] regresar a los meses finales de 1958 en que estábamos próximos, sin saberlo, a un cambio tan definitivo en nuestras vidas, aquel ciclón que abriría puertas y ventanas, y destruiría techos, y echaría abajo paredes, ignorábamos entonces el poder de la Historia en la vida del hombre común [Nous soulignons] (Estévez 1997 : 344)17.

El navegante dormido raconte précisément l’arrivée d’un puissant cyclone sur Cuba et l’attente chargée d’appréhension et d’espérance, de souvenirs et de pressentiments dans laquelle il plonge les personnages.

Fernando Ortiz, ethnologue et anthropologue, grand penseur de la culture cubaine et de ses spécificités18, publia en 1947 un ouvrage intitulé El huracán. Su mitología y sus símbolos (Ortiz 2005). Dans cet essai d’anthropologie culturelle, il analyse l’un des phénomènes les plus impressionnants qui soient, qui frappe toujours l’imagination, en remontant à des représentations indocubaines, où dominent les formes de spirales, retrouvées par les archéologues : l’ouragan ou cyclone. Il souligne un trait particulier du cyclone : sa « personnalité », le fait que par bien des égards il se comporte comme un être humain.

Voici ce qu’écrit le narrateur de El navegante dormido à propos du cyclone qui menace :

Es justo también que esta narración comience con una amenaza, puesto que la historia que en ella se relata […] coincide con el momento en que un huracán anunciaba su violencia en las costas de la Habana. Un huracán, se decía, con mucho poder. El centro Nacional de Huracanes de la Florida había decidido llamarlo Katherine. Por tanto, éste pretende ser el relato verídico de cómo se vivió en aquella playa el torbellino que pareció no tener fin (Estévez 2008 : 22)19.

On peut voir ici un exemple de double discours : si l’on admet que le cyclone qui est au centre de la structure et de la tension narratives de El navegante dormido est en fait une représentation métaphorique de la Révolution, comme l’indique la fin de Tuyo es el reino, voire de Fidel Castro lui-même20 – puisque, plus que tout autre phénomène naturel, le cyclone paraît « humain » et avoir une « personnalité propre », il peut, plus que tout autre, être la métaphore d’un être humain –, tout le récit prend un sens symbolique et s’inscrit dans une isotopie générale de la destruction.

Dans cet extrait, le double discours d’Estévez est subtil : ce n’est pas la force (fuerza) du cyclone qui est évoquée, comme on pourrait s’y attendre, mais son pouvoir (poder), qui renvoie parfaitement d’ailleurs à « l’autoritarisme » de l’ouragan évoqué par Fernando Ortiz. D’autre part, ce tourbillon « qui semblait interminable » ne renverrait-il pas à un autre temps qui semble « sans fin », et qui serait celui de ce pouvoir destructeur suggéré implicitement ? Le narrateur évoque par ailleurs « tantos y tantos huracanes de toda naturaleza y condición »21 (Estévez 2008 : 319), comme pour insister sur l’idée qu’il existe des cyclones de toutes natures…

Cette isotopie hautement symbolique de la destruction est une donnée fondamentale dans la prose cubaine contemporaine, comme le souligne l’historien cubain Rafael Rojas, qui montre que l’écriture de la destruction matérielle, physique, de La Havane devient une métonymie de la déliquescence de la nation tout entière (Rojas 2006 : 374).

Le roman d’Abilio Estévez, qui se présente comme ayant une trame historique – le « récit véridique » du passage de l’ouragan Katherine en octobre 1977, dont il est donné force détails à la fin du roman – semble ainsi s’inscrire dans la veine de ce que Rojas qualifie de « politique du chiffre », c’est-à-dire de l’écriture codée, qu’il repère dans la prose cubaine contemporaine et qui se caractérise, entre autres choses, par « le recours à l’allégorie pour narrer obliquement le présent politique » (Rojas 2006 : 366). Dès lors, cette écriture s’apparente à celle analysée par Léo Strauss (Strauss 1989) dans La persécution et l’art d’écrire, en ce qu’elle implique une lecture « entre les lignes ».

Précisons que le contexte dans lequel a été publié El navegante dormido n’est plus exactement celui décrit par Léo Strauss, dans la mesure où Abilio Estévez est à cette époque installé en Espagne, et ses ouvrages publiés par une maison d’édition catalane : il n’est donc plus soumis à l’impératif d’écrire entre les lignes. Par ailleurs, son texte est tantôt très explicite, tantôt plus allusif. Le choix de discours « chiffré » qu’il fait dans ce roman a donc sans doute plutôt à voir avec une poétique et une esthétique propres à Estévez.

Il faut revenir sur ce fameux ouragan évoqué dans le roman. Selon les archives du National Hurricane Center de Miami, centre scientifique de référence en ce qui concerne les phénomènes cycloniques de la zone Atlantique, il y a eu six phénomènes cycloniques en 1977, respectivement dénommés : Anita, Babe, Clara, Dorothy, Evelyn et Frieda. Il n’y aucune trace d’un ouragan nommé Katherine. Au mois d’octobre 1977, ce sont les ouragans Evelyn et Frieda qui sont enregistrés dans les archives du Centre. Cela suggère que le cyclone dont il est question dans le roman ne correspond pas à un phénomène historiquement avéré. Ce cyclone fictif ne serait-il pas une façon d’attirer l’attention du lecteur complice sur le fait que le nom importe peu ou, pour le dire autrement, qu’un nom peut en cacher un autre ? D’ailleurs, c’est bien ce que dit, désabusée, la vieille Andrea : « Ya sé que da lo mismo el nombre que tenga este ciclón y todos los que vengan, los ciclones son como las desgracias y poco importa cómo se llamen »22 (Estévez 2008 : 28).

« Los ciclones son como las desgracias […] Nunca llegan solos »23, s’exclame en écho la vieille Mamina (Estévez 2008 : 23). Quelle meilleure métaphore, dès lors, qu’un cyclone interminable pour rendre compte d’une histoire perçue comme une chaîne infinie de désastres et de malheurs ?

La métaphore du cyclone apporte deux éléments essentiels au discours chiffré de El navegante dormido : l’idée d’un pouvoir tel qu’il réduit tout ce qui n’est pas lui à l’impuissance, et l’idée de destruction. Impuissance et destruction : ce sont précisément ces deux éléments qui forment la trame discursive du roman.

On voit comment dans ce texte le cyclone devient une métaphore du pouvoir et de Fidel Castro lui-même. Dans ce roman, comme dans d’autres textes de fiction écrits par des dissidents, se déploie un imaginaire extrêmement négatif de la Révolution cubaine, à travers la construction d’un mythe négatif autour de la figure de Fidel Castro. En l’espace d’un demi-siècle, tout se passe comme si la machine symbolique s’était emballée et répétait, cette fois en sens inverse, le processus de mystification des années cinquante et soixante. Le travail de dissidence de ces auteurs s’exprime ainsi de façon originale : ils se placent résolument sur le terrain du symbolique et du langage pour lutter contre un Pouvoir qu’ils exècrent, soulignant par là que la dissidence est essentiellement un acte discursif.

Dans leur perspective de déconstruction du mythe castriste, les auteurs dissidents, laissant jouer leur créativité artistique et leur imagination, élaborent à leur tour de nouvelles constructions imaginaires, de nouveaux mythes donc, autour du personnage de Fidel Castro. Le corps naturel de Fidel Castro, devenu un corps politique, se transforme ainsi en corps littéraire. Cette omniprésence du personnage ne doit pas nous étonner : pouvait-il en être autrement, dans la mesure où comme nous l’avons vu, c’est bien dans la personne de Fidel Castro que la Révolution cubaine prend son sens ?

Du charisme qu’il irradiait aux temps glorieux de la Révolution à la répulsion qu’il suscite aujourd’hui chez certains, un élément demeure : la fascination qu’exerce le personnage de Fidel Castro, et les dissidents n’échappent pas à son emprise. En effet, la relation bien particulière qui se noue entre les dissidents et la figure de Fidel Castro semble révéler la persistance de la fascination qu’exerce cette dernière sur les Cubains.

Personnage charismatique omniprésent, il est devenu une source d’inventivité littéraire. Son personnage nourrit le processus créatif d’auteurs, lesquels, qu’ils tentent de le discréditer, de détruire son image, de le ridiculiser ou d’exorciser son emprise, demeurent néanmoins dans sa sphère d’attraction. Ce phénomène s’explique d’abord par le fait que, comme le rappelle Pierre Vayssière (Vayssière 2001), les révolutions et la personnalité de leurs leaders stimulent généralement la créativité des écrivains et des artistes, et ensuite par la singulière capacité du personnage de Fidel Castro à capter l’attention et à susciter l’intérêt.

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Notes

1 « Toute épopée nationale a besoin pour se construire d'un récit édifiant du passé, dans lequel apparaissent des héros, des batailles, des actions glorieuses et, surtout, beaucoup de courage, beaucoup d'audace, beaucoup de témérité » (toutes les traductions ont été réalisées par nous). Retour au texte

2 « A partir de 1956 apparut dans la poésie le motif littéraire du héros épique. On exaltait sa valeur personnelle, son entêtement à tenir ses promesses ». Retour au texte

3 « Pourtant, cet échec militaire se transforma en victoire psychologique. La répression sanglante à laquelle se livrèrent les soldats de Batista après l'attaque, qui se traduisit par une vague d'arrestations, d'actes de torture et d'assassinats, fit basculer le climat politique de Cuba. Les assaillants de la caserne Moncada apparaissaient à présent comme des héros et des martyrs, qui pouvaient s'inscrire dans le sillage d'hommes tels que Martí, Mella, Martínez Villena, Guiteras ou Eduardo Chibás, qui “étaient morts trop tôt” ». Retour au texte

4 « Et ainsi un jour, survinrent les événements de Moncada : des hommes nouveaux, sans doute inconnus de beaucoup, montrèrent l'exemple qu'on attendait, se nimbant par la d'une aura héroïque, telle que José Martí l'avait rêvée, désirée, prédite pour notre jeunesse ». Retour au texte

5 Après avoir été amnistié par le gouvernement de Fulgencio Batista en 1955, Fidel Castro rejoignit son frère Raúl au Mexique. Là, il récolta des fonds, organisa une petite troupe d’hommes motivés et conçut le plan du débarquement maritime à Cuba pour encore une fois tenter de renverser la dictature de Batista. C’est aussi là qu’il fit la connaissance, dans la capitale mexicaine, du jeune médecin argentin Ernesto Guevara, de retour de son aventure guatémaltèque auprès du gouvernement de Jacobo Arbenz, renversé par la CIA en 1954. Retour au texte

6 On connaît l’artifice de génie utilisé par Fidel Castro pour faire croire à Herbert Matthews qu’il était à la tête d’une troupe nombreuse : il chargea ses hommes de passer plusieurs fois de suite devant le journaliste pour donner le change. Fidel Castro révéla publiquement ce subterfuge lors d’une conférence de presse aux État-Unis en avril 1959, ce qui contribua à ternir durablement l’image du journaliste. Retour au texte

7 Comme toute Révolution, la Révolution cubaine, pour asseoir son statut d’événement fondateur, forge un nouveau calendrier, façon de marquer symboliquement un « avant » et un « après ». Ainsi, l’année 1961 est celle de l’éducation, l’année 1965 celle de l’agriculture et l’année 1968, est baptisée « Año del guerrillero heroico » (Année du guérillero héroïque), en hommage à Ernesto « Che » Guevara, mort en 1967 en Bolivie. Retour au texte

8 « Chaque Cubain doit être un maître, chaque maison, une école ». Retour au texte

9 « Être instruits pour être libres ». Retour au texte

10 « Un peuple ignorant peut être abusé par la superstition et asservi. Un peuple instruit sera toujours fort et libre ». Retour au texte

11 « l'entrée dans La Havane des Rebelles victorieux ( que nous prîmes pour des envoyés du Seigneur) ». Retour au texte

12 Le Granma est le bateau acquis par Fidel Castro et ses hommes pour effectuer la traversée du Mexique jusqu’à Cuba, où ils débarquèrent, dans la province d’Oriente, en décembre 1956. Devenu un symbole, voire une relique de l’épopée castriste, il est exposé à La Havane. Il a donné son nom au journal officiel du régime. Retour au texte

13 La religiosité populaire cubaine est un mélange assez équilibré de catholicisme et de santería, ce culte arrivé dans le bassin caribéen avec les esclaves noirs en provenance d’Afrique. Durant la période coloniale, les esclaves, puis leurs descendants, apprirent à se soustraire aux foudres des autorités religieuses en travestissant leurs dieux, les orishas, en figures saintes du catholicisme. De là est né le syncrétisme religieux cubain, qui n’est pas cantonné à la population noire, bien au contraire. On trouve des références à la santería chez Zoé Valdés, qui semblent exemptes de toute visée sarcastique. Il existe d’ailleurs une rumeur ancienne et quasiment communément admise que Fidel Castro lui-même serait un adepte de la santería. Retour au texte

14 « Le mythe des douze, qui évoquait Jésus-Christ et ses douze apôtres, para la lutte des guérilleros d’une dimension presque sacrée. Ce nombre 12 fut une invention de propagande et c’est ce que démontrent les faits. […] Ainsi, après le désastre d’Alegría del Pío, trois jours après le débarquement, les hommes qui se trouvaient sous le commandement direct du chef furent successivement au nombre de deux, de sept, de quinze et de dix-huit, et par la suite ce nombre continua à augmenter. Mais jamais on n’atteignit ce nombre mystique. […] Le nouveau Jésus-Christ […] accompagné de son cortège de douze apôtres, ne cesserait de faire le tour de Cuba et du reste du monde jusqu’au jour du triomphe révolutionnaire. Outre la référence aux douze hommes propagée par la presse cubaine durant les mois où fut levée la censure, Fidel Castro lui-même s’empressa de transformer la légende en mythe en déclarant dans le manifeste qu’il publia pour rejeter le pacte de Miami, rédigé dans la Sierra Maestra et daté du 14 décembre 1957 : “Et nous ne saurons faire qu’une chose : vaincre ou mourir. Car jamais la lutte ne sera plus dure que lorsque nous n’étions que douze hommes…” ». Retour au texte

15 On commémore ce jour-là la mort d’Antonio Maceo, héros des guerres d’indépendance de Cuba, survenue le 7 décembre 1896. Retour au texte

16 « Nous entendons par littérature de la Révolution la littérature qui reflète le processus révolutionnaire ». Retour au texte

17 « Revenir à ces derniers mois de l’année 1958 où nous étions sur le point de vivre un changement qui bouleverserait radicalement nos existences, un cyclone qui forcerait portes et fenêtres, et détruirait les toits, et renverserait les murs, nous ignorions alors le pouvoir de l’Histoire sur la vie de l’homme ordinaire ». Retour au texte

18 On lui doit notamment la définition de la culture cubaine comme ajiaco, comme intégration harmonieuse de divers ingrédients, à l’instar de la soupe du même nom ; il proposa aussi la désormais célèbre distinction entre cubanidad et cubanía, ainsi que le non moins célèbre concept de transculturation. Retour au texte

19 « Il est juste également que ce récit commence avec une menace, puisque l’histoire qu’il raconte […] se passe alors qu’un ouragan laissait entrevoir sa violence sur les côtes de La Havane. Un ouragan, disait-on, des plus puissants. Le Centre national de surveillance des phénomènes cycloniques de Floride avait décidé de l’appeler Katherine. Ainsi, ce récit se veut le récit véridique de la façon dont on vécut sur cette plage ce tourbillon qui semblait interminable ». Retour au texte

20 Il nous semble trouver cette même image, sous forme de clin d’oeil, dans Te di la vida entera de Zoé Valdés (Valdés 2004 : 88) : « El país entero se detuvo, como es habitual en época de huracanes. (Pareciera que hace décadas que tenemos uno) » (« Le pays tout entier s’est arrêté, comme cela se produit toujours en période de cyclone. [On dirait que nous en vivons un depuis des lustres] »). Retour au texte

21 « des ouragans, des ouragans, de toutes natures et de toutes sortes ». Retour au texte

22 « Moi, je sais bien que peu importe le nom de ce cyclone-là et celui de tous ceux qui viendront après : un cyclone, c’est comme un malheur, peu importe comment il s’appelle ». Retour au texte

23 « Un cyclone, c’est comme un malheur […], il n’arrive jamais seul ». Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Audrey Aubou, « Le crépuscule d’une icône : Le Líder Máximo face aux auteurs dissidents cubains », Textes et contextes [En ligne], 6 | 2011, publié le 01 décembre 2011 et consulté le 22 novembre 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=318

Auteur

Audrey Aubou

Ancienne élève de l’École Normale Supérieure de Paris, agrégée d’espagnol et docteure qualifiée aux fonctions de MCF (section 14 du CNU), ECAL- Université de Paris IV-Sorbonne, New York

Droits d'auteur

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