Le nouveau localisme conservateur ou les ambiguïtés de la modernisation

  • The New Conservative Localism or the Ambiguities of Modernisation

Résumés

Le localisme est l’un des thèmes favoris de la nouvelle équipe dirigeante qui s’est saisie des rênes du Parti conservateur à la suite de l’élection de David Cameron au poste de leader en décembre 2005. Réponse conservatrice à l’intérêt grandissant pour de nouvelles formes de gouvernance, le nouveau localisme est également présenté comme une troisième voie en rupture avec le régionalisme travailliste et l’individualisme néolibéral. Cet article vise à examiner les présupposés qui sous-tendent le discours localiste, puis à présenter les grandes lignes de la réforme du pouvoir local imaginée par les nouveaux conservateurs pour finalement s’interroger sur la dimension novatrice d’un projet révélateur des tensions et des ambiguïtés qui caractérisent le nouveau conservatisme.

Localism is one of the favourite themes developed by the team of new conservatives who have been leading the party since David Cameron’s election in December 2005. A Conservative response to the growing interest in new forms of governance, new localism is also presented as a third way offering the prospect of a break with Labour’s regional policies as well as with neoliberal individualism. This paper looks at the ideological undercurrents of localism, then gives a general overview of the reformist localist policies designed by the new conservatives before setting out to question the novelty of a project which reveals the tensions inherent in the ambiguities of New Conservatism.

Plan

Texte

How can conservatism be the basis of a humane, socially responsible philosophy, or set of policies, that nevertheless gives sufficient scope for individual expression?
(O’Hara 2005 : 150).

Introduction : Qu’est-ce que le localisme ?

Le localisme est une notion diffuse, indéniablement soumise à interprétation(s) et à variation(s) ; pour les besoins de cet article, il peut être temporairement défini comme un courant de pensée qui s’inscrit dans une logique de décentralisation et de déconcentration, visant un transfert de responsabilités et d’initiatives à un niveau infranational ; dans ce « déboîtement des échelles » sont définis de nouveaux espaces signifiants de la fonction institutionnelle, politique, sociale ou économique et de nouveaux acteurs sont appelés à se manifester. Le localisme est donc étroitement lié aux questions de «gouvernance », de réorganisation des responsabilités et de redéfinition du rôle et du périmètre de l’Etat, que l’on retrouve dans les travaux de Bob Jessop notamment, par le biais des concepts de dénationalisation de l’Etat et de « désétatisation » du système politique, (Jessop 2002, 2004) ou bien encore dans ceux d’Anthony Giddens (1998).

L’intérêt pour l’échelon infranational s’inscrit également dans la logique du principe de subsidiarité qui, depuis le Traité de Maastricht, est un élément incontournable de la réflexion sur la mise en œuvre des politiques publiques par exemple, mais aussi de la revitalisation du tissu économique et social, voire d’un renouveau de la démocratie. Rappelons que le principe de subsidiarité repose sur la thèse selon laquelle la légitimité et l’efficacité de l’action publique sont étroitement liées à la notion de proximité.

Parallèlement, le localisme bénéficie de la perte de crédit et de légitimité du discours de l’expert ; avec la théorie de la sagesse des foules ou « wise crowds theory »1, liée aux nouvelles modalités de production et de diffusion de l’information et à la diversification des sources qui font autorité, se développe une nouvelle conception de l’expertise, déclinée dans sa dimension collective, qui milite en faveur d’une décentralisation de la décision.

Enfin, le localisme peut être interprété comme l’une des réponses aux forces centrifuges de la mondialisation. Nous soulignerons ici la coïncidence avec la résurgence d’un discours identitaire soucieux de promouvoir la notion d’ancrage local et de cultiver un sentiment d’appartenance à une communauté, mais également conscient des potentialités nouvelles qui s’offrent aux localités.

Le localisme est à nouveau dans l’air du temps au Royaume-Uni comme en témoignent les nombreux et récents articles, documents de recherche, discours et publications2 sensibles aux vertus de l’échelon local et favorables à une révision des échelles (rescaling). Les partisans du localisme sont représentés dans les trois grandes formations politiques britanniques ; chez les Travaillistes citons Yvette Cooper, une proche de John Prescott, et Nick Raynsford, Ministre du développement local et régional ; le parti Libéral-démocrate, héritier de la tradition décentralisatrice libérale, s’est rallié au localisme sous l’impulsion de son nouveau leader, Nick Clegg ; les Conservateurs enfin, jadis parti du pays et des localités, ont également un pedigree en matière de décentralisation ; par le biais de ses figures tutélaires, on pense bien évidemment à Burke et à ses « little platoons » (Burke 1790), le discours conservateur du localisme est adossé à une tradition séculaire de défense et promotion des communautés dites naturelles qui peut offrir une légitimité idéologique à ce nouvel intérêt pour le local. Toutefois, pour tous ceux qui sont un tant soit peu familiers du bilan des deux précédents gouvernements conservateurs et des prises de position du parti en matière de décentralisation, l’association conservatisme-localisme ne va pas de soi.

Chez les Conservateurs, la promotion du localisme est indissociable de la politique de rénovation du parti menée par un groupe de modernisateurs3, appartenant à une nouvelle génération de « quadras » issus du cercle rapproché de Michael Howard et qui ont été promus à des postes à responsabilités après l’élection de 2005. Anciens élèves d’Eton, résidant dans les beaux quartiers, ils sont connus sous le nom de Notting Hill Set, en référence à un ancrage « local » des plus enviables. Au moment où les Conservateurs signent une remontée spectaculaire dans les sondages (même si l’on note un fléchissement dû à la crise financière internationale), et remportent de francs succès aux élections locales en faisant tomber des bastions travaillistes4, il semble opportun de s’intéresser à l’entreprise de rénovation idéologique, dont les origines remontent aux prédécesseurs de l’actuel leader du parti, mais à laquelle l’équipe Cameron a donné une nouvelle impulsion. Certes, l’embellie électorale dont bénéficient les Conservateurs au plan local s’inscrit dans un schéma bien connu qui voit le principal parti d’opposition profiter du coup de semonce adressé au gouvernement par des électeurs mécontents ; toutefois, compte tenu des performances désastreuses d’un parti devenu quasiment inéligible, les récents succès aux urnes semblent témoigner d’un revirement de l’opinion auquel la stratégie de modernisation n’est peut-être pas étrangère. Dans cette optique, une analyse du nouveau discours du localisme peut contribuer à prendre la mesure de l’entreprise de renouvellement « idéologique » du parti conservateur.

Le localisme en images

Le localisme en images

La stratégie de modernisation poursuivie par les rénovateurs passe par une transformation de l’image du parti visant à « décontaminer » le label conservateur5 : sur le terrain de la communication politique, les modernisateurs annoncent la couleur, si l’on peut dire, grâce l’adoption d’un nouveau logo qui illustre un changement d’échelle intéressant. La transition de la torche au chêne, des couleurs de l’Union Jack à une nouvelle gamme chromatique dominée par des pastels bleu-vert, constitue une condamnation tacite d’un nationalisme grandiloquent, voire arrogant, d’une Grande-Bretagne conquérante, tournée vers le grand large ; l’évocation de la nation est toujours présente mais en sourdine, sous la forme plus discrète et locale de l’arbre emblématique de l’Angleterre, le chêne, comme représentation iconique de la nation. Il est utile de s’arrêter un instant sur la polysémie du logo : on peut y voir en premier lieu un symbole de permanence et de longévité (et donc un démenti a ceux qui annonçaient encore récemment la mort du parti conservateur), mais aussi la promotion d’un nouvel espace signifiant qui, en l’absence de lignes de fuite vers l’horizon, célèbre le territoire, la proximité et la quotidienneté. En dépit des échos d’une conception organiciste de la nation et d’une forme de nostalgie que l’on retrouve aussi sous la plume de Roger Scruton dans News from Somewhere (2004) ode à l’enracinement et à l’ancrage dans un terroir séculaire, le graphisme du poster ne se réduit pas à de simples évocations passéistes6 mais cherche à illustrer l’adhésion à des problématiques actuelles, en phase avec les préoccupations des classes moyennes, telles que le souci du respect de l’environnement, du développement et de la croissance durables (que l’on retrouve dans le slogan, Vote Blue Go Green), ou bien encore ce qu’Anthony Giddens a décrit comme les « lifestyle politics ». Cette stratégie du recentrage s’inscrit dans une ligne tracée par d’autres partis de droite en Europe qui sont parvenus à succéder à des gouvernements sociaux-démocrates. À cet égard, il faut citer le modèle suédois, et l’exemple du parti Moderaterna, cher à David Cameron7.

Par le biais du localisme, les nouveaux conservateurs espèrent à la fois rompre avec ce qui fut perçu comme l’individualisme délétère du « nasty party »8 des années 80 et 90, et penser à nouveau le collectif, tout en continuant à affirmer que l’Etat central et centralisateur constitue une forme imposée et usurpée de collectivité, par ailleurs inadaptée aux exigences d’un contexte post-keynésien et post-fordiste. Nous verrons également qu’ils renouent avec des préoccupations et des problématiques plus anciennes, liées à l’histoire mouvementée de la réforme du gouvernement local, telles que la question du contrôle des dépenses, ou bien celle de ce que l’on appelle en anglais « accountability », terme qui renvoie aux notions de responsabilité des élus et des élites mais aussi de transparence.

Le mieux-disant localiste : un nouveau paradigme de la décentralisation et de la diffusion du pouvoir

La centralisation furtive (centralisation by stealth) : le discours localiste conservateur se présente tout d’abord comme une alternative aux politiques travaillistes. Il condamne les dérives d’une décentralisation qui, par souci de garantir l’équité sur l’ensemble du territoire national et d’éviter le creusement des inégalités, a sacrifié le pluralisme et la diversité et paradoxalement renforcé le contrôle exercé par les autorités de tutelle. La lutte contre la « loterie du code postal » (postcode lottery), s’est manifestée par une frénésie de contrôles (control freakery) visant à garantir le respect des normes et objectifs fixés par le pouvoir central. C’est donc sans surprise que les Conservateurs dénoncent le tropisme centralisateur du gouvernement travailliste et les effets pervers d’une politique qui déroge au principe de diversité ; ils déplorent également le harcèlement bureaucratique qui détourne les professionnels de leur mission de service public9.

La cible privilégiée des Conservateurs est sans conteste la politique de régionalisation orchestrée par John Prescott à partir de la fin des années 90 (et notamment les Regional Development Agencies)10. Le régionalisme travailliste constitue à leurs yeux une illusion de décentralisation qui s’apparente davantage à une forme de déconcentration ou de délocalisation ; il se limite, en grande partie, à une simple reconfiguration des échelles de gouvernance, le pouvoir central supervisant, coordonnant, et finançant les activités des régions. Celles-ci sont des communautés imaginées, artificielles et subalternes, issues de la réflexion des planificateurs, de simples relais institutionnels et administratifs des politiques du gouvernement central, « bricolées » pour prétendre aux fonds structurels de l’Union Européenne, et donc des manifestations à peine déguisées de l’interventionnisme travailliste. Les Conservateurs ne font du reste que reprendre à leur compte des études qui ont développé cette thèse11.

Par contraste, le localisme bien compris suppose un déplacement du centre de gravité décisionnaire et un réel partage du pouvoir, le gouvernement central se désengageant au profit de nouveaux acteurs institutionnels (municipalités, conseils locaux) ou non institutionnels (société civile, monde associatif), le pluralisme et la diversité étant la condition sine qua non d’un véritable renouveau socio-économique et démocratique. David Cameron se prononce régulièrement en faveur de cette conception plus conforme à l’esprit d’un localisme authentique, comme lors du forum de printemps du Parti conservateur le 8 avril 2006, où il déclare « A future Conservative Government will scrap unelected regional assemblies and give power back to local people » (Cameron 2007b) ou bien encore: « We don’t view society from above, like some national project to be managed, directed and monitored ».(Cameron 2007a)

« Real localism » : de Whitehall au Town Hall- le renouveau du conservatisme municipal? : les propositions qui émanent du courant localiste du Parti conservateur visent en premier lieu à garantir l’autonomie des collectivités locales. Là où les précédents gouvernements conservateurs ont mené une politique de destruction systématique des « Léviathans locaux »12 l’entourage de David Cameron semble prêt à accepter la thèse selon laquelle les politiques de leurs prédécesseurs ont été dévoyées sous l’effet d’une interprétation exclusivement néolibérale de la gouvernance dominée par la théorie du choix public (public choice theory) et ont produit des effets secondaires indésirables parmi lesquels le quasi anéantissement électoral du parti dans l’ensemble des circonscriptions, à l’exception de quelques bastions irréductibles. La dénonciation du « one-size-fits-all » travailliste se prolonge en une défense d’un gouvernement local régénéré13.

Le localisme conservateur de ce début du xxie siècle accorde la priorité à la définition d’une nouvelle géopolitique de la gouvernance qui passe par le renforcement du contrôle local et le développement de nouvelles formes d’autogestion à l’échelon local, l’objectif ultime étant, sur le thème de la dévolution inachevée, de transférer aux municipalités et aux collectivités locales des pouvoirs équivalents à ceux du Parlement de Holyrood.

La clé du renouveau : la vision conservatrice est articulée autour d’une idée principale selon laquelle une décentralisation authentique passe par la mise en capacité (empowerment) des communautés locales et leur émancipation du contrôle exercé par Whitehall. Dans ce qui constitue un renversement par rapport aux politiques des années 80, le terme de révisionnisme ayant du reste été employé, les thèses « localistes » sont favorables à l’augmentation de la part de la fiscalité locale dans le budget des collectivités14. En conformité avec la charte européenne sur l’autonomie locale ratifiée par la Grande-Bretagne en 1997, qui recommande que les revenus des collectivités locales soient en adéquation avec leurs responsabilités, les Nouveaux Conservateurs ont exploré les possibilités d’accroître la part du budget des collectivités territoriales qui relève des impôts locaux et non pas de subventions gouvernementales ; à l’heure actuelle, seuls 25%15 du budget total des collectivités proviennent des impôts locaux, pourcentage nettement inférieur à celui des autres pays européens, et le gouvernement central les subventionne à hauteur de 70 milliards de livres sterling. S’inspirant du modèle américain, ils proposent, en remplacement de la Council Tax, l’introduction d’une Local Sales Tax qui viendrait également se substituer à la TVA.

Les arguments avancés par les défenseurs du nouveau localisme sont les suivants : ils voient dans la nouvelle autonomie accordées aux collectivités territoriales l’occasion d’opérer une synthèse éminemment souhaitable entre les deux objectifs jusqu'à présent incompatibles des politiques de réforme du gouvernement local, d’une part la participation et l’engagement des populations, de l’autre l’efficacité et la performance. Le transfert de pouvoir à des collectivités locales, en prise directe avec le terrain, et donc en position d’apporter une réponse adaptée sur la base d’une connaissance immédiate des besoins et des particularismes locaux, doit être privilégiée aux dépens de la pseudo-expertise de Whitehall. On peut voir ici l’occasion de réactiver quelques grands principes conservateurs : constatant l’échec des stratégies universalistes16, ils dénoncent les politiques se réclamant d’une vérité universelle et absolue pour leur opposer des stratégies, soucieuses de respecter la multiplicité de vérités particulières et contingentes, résultant d’accords négociés localement. Leur caractère relatif serait la garantie de les voir acceptées : par exemple, le plus efficace des mécanismes de solidarité consisterait à réconcilier les contribuables avec les politiques fiscales de solidarité par le biais de la proximité.

Par ailleurs, la réforme soumet les élus à une obligation de résultats et de transparence- ce qui introduit un rapport de force favorable aux électeurs : la dépense publique sera évaluée par ces derniers en termes quantitatifs et qualitatifs, les élus locaux tenus pour responsables de leurs résultats. Elle peut également contribuer à revitaliser la vie démocratique, en permettant de renforcer le taux de participation aux élections (pour l’instant l’un des plus bas d’Europe) et améliorer la qualité du personnel politique par le recrutement d’élus de valeur, attirés par de réels pouvoirs et la perspective d’une carrière nationale sur la base de leurs succès locaux. À cet égard, les promotions au sein du parti de Sandy Bruce-Lockhart ou de Nicholas Boys-Smith17 témoignent d’une certaine volonté de rééquilibrage entre les échelons local et national. La direction du parti, jusqu’alors assez hermétique aux problématiques locales, semble vouloir donner la garantie que les questions et les expériences locales ne seraient plus absentes de ses préoccupations, voire qu’elles pourraient influencer l’agenda politique national. David Cameron salue régulièrement les initiatives des militants et des élus locaux, dans le cadre de la lutte contre la « fracture sociale » (broken society) ; il déclare par exemple : « I am proud of Tory-run councils like Wandsworth in London that has taken the initiative in tackling homelessness. It is called Hidden Homes. They scour every estate for empty houses and spare space » (Cameron 2007b : 105), suggérant ainsi que la crise du logement par exemple, peut être, sinon résolue, du moins atténuée par l’engagement sur le terrain d’élus locaux altruistes, inventifs et animés d’un réel esprit civique.

Le deuxième volet de la stratégie « localiste », concerne la mise en place de partenariats entre le gouvernement local et le secteur associatif, le tiers secteur, des groupes de bénévoles ou d’usagers, ou bien encore des associations caritatives. En matière de services publics et de développement économique notamment, le nouveau localisme encourage la mobilisation de la société civile, signe d’un intérêt nouveau pour la micro génération de projets, les microstructures, et la multiplication des initiatives locales en prise avec le terrain. En écho aux thèses de Richard Florida qui salue la montée de la classe créative (the rise of the creative class) ainsi que l’émergence de la ville créative (the creative city) (Florida 2005) et souligne l’importance cruciale de la contribution des éléments moteurs de la communauté, des groupes générateurs de richesse, à la renaissance urbaine, les Nouveaux Conservateurs rendent hommage à la vitalité de la société civile tout en prenant soin de se démarquer de la rhétorique libérale, individualiste et consumériste des années 80. David Cameron évoque une nouvelle forme de déréglementation : « I want to open the gates and let the people into the citadels of power. I want to deregulate our system of government as previous governments deregulated the economy » (Cameron 2007c : 128).

La Grande Illusion ?

Les déclarations d’intention et engagements pris par la nouvelle direction du parti en faveur de l’autonomie locale et de la diffusion du pouvoir s’insèrent dans une lignée de projets antérieurs qui ont fait la preuve de l’écart entre la rhétorique de la décentralisation et sa réalité. On est en droit de craindre que le nouveau localisme conservateur, n’en déplaise à ses partisans, échoue sur les mêmes écueils que ses prédécesseurs ; on est également en droit d’établir des parallèles avec des expériences similaires où la promotion de la diversité s’est traduite par un éclatement de la communauté en groupements d’intérêts incompatibles avec une authentique mixité sociale ; la diffusion du pouvoir a cédé la place à une relocalisation hors de la juridiction des collectivités, dans des organismes quasi gouvernementaux, ce qui aboutit à une « recentralisation » sournoise du fait de la faiblesse institutionnelle des nouveaux acteurs locaux.

Ces dérives ont été identifiées par Tony Travers, dans un texte intitulé False Steps to Localism18, où il démontre les effets pervers des politiques « localistes » travaillistes ayant consisté à transférer la responsabilité en matière de service public d’éducation notamment19 à des organismes dédiés, à privilégier un modèle de gestion sur objectifs et des financements sur projets, versés à des micro-institutions appartenant au tiers secteur, au secteur privé, ou au mouvement coopératif et mutualiste. D’après Travers, l’approche « localiste » court-circuite les collectivités locales au profit de micro-quangos, dépourvus de légitimité démocratique, et donc dans l’incapacité, encore bien davantage que les collectivités locales, de s’opposer aux recommandations, voire aux pressions de Whitehall ; il s’alarme du déficit démocratique de cette nouvelle « quangocratie » et d’une dérive consumériste de la représentation démocratique ; dans le secteur de l’éducation, les City academies en sont un exemple manifeste20. Cette stratégie défaillante, dont les dérives ont été maintes fois condamnées, rappelle les objections soulevées en son temps par le concept de citoyenneté active (active citizenship) présenté par Margaret Thatcher en 1988 devant l’Assemblée Générale de l’Église d’Ecosse, repris et affiné par John Major dans la Charte du Citoyen, et les politiques de « décentralisation » qui suivirent en matière de logement notamment (les housing associations dans le secteur du logement locatif subventionné par exemple).

Les thèses localistes des nouveaux conservateurs peuvent également susciter un certain nombre d’inquiétudes légitimes. L’autonomie budgétaire tout d’abord, si elle permet certes d’effacer le souvenir cuisant de la Poll Tax et de se démarquer des politiques antérieures de plafonnement de la fiscalité locale (rate capping et council tax inclus21), elle ne déroge toutefois pas à la règle du contrôle des dépenses publiques mais opère un glissement d’une situation où la maîtrise des dépenses est imposée par le pouvoir central (selon le principe de restraint imposé par le Trésor public) à une nouvelle situation où la pression en matière de responsabilité budgétaire est exercée par le contribuable-électeur (self-restraint).

En second lieu, la question de l’interaction entre fiscalité locale et nationale mérite d’être posée : outre qu’il permet aux Conservateurs de botter en touche sur la question épineuse du financement des services publics en privilégiant les arbitrages locaux, le nouvel impôt local (élaboré par les instances nationales du parti) permet en théorie d’opérer un transfert de fiscalité de l’impôt sur le revenu aux impôts locaux, ceci pouvant éventuellement fournir un argument de campagne aux Conservateurs, et leur permettre de renouer avec l’argument électoral traditionnel de la baisse de la pression fiscale22.

De façon assez prévisible, des risques de polarisation sociale et spatiale induits par la réforme de la fiscalité locale sont également envisageables ; le lien entre fiscalité, représentation et dépenses publiques peut s’avérer propre à instaurer un rapport de force défavorable aux populations les plus nécessiteuses, et par la même conduire à un sous financement chronique des services les concernant en priorité ; un scénario est envisagé pour les communautés à la dérive en raison de la faiblesse de leurs recettes fiscales, le « top-up for deprived areas », soit une rallonge financée par l’Etat conforme à une logique de ciblage des ressources dont on sait qu’elle s’apparente à une sorte de résidualisation des services et des prestations, l’assistance publique étant un motif supplémentaire de désaffection qui aggrave l’isolement de ces communautés ; dans ces conditions, la redéfinition de la collectivité en communautés d’intérêts peut paraître assez peu compatible avec l’idéal de diversité et de renouveau démocratique du localisme.

Notons également que le projet de réforme de la fiscalité locale, et l’introduction d’une taxe à la consommation, prend ses distances avec le principe de la progressivité de l’impôt. L’objection n’est du reste ni récente, ni novatrice, la Fondation Joseph Rowntree s’appuyant sur une étude de l’Institute for Fiscal Studies (Hall / Smith 1995)23, attire l’attention sur les effets néfastes d’un projet qui soumettrait les foyers les plus pauvres au même taux d’imposition que les familles les plus aisées.

En outre, la question de l’autonomie budgétaire des collectivités locales se charge à l’heure actuelle d’une tonalité particulière ; sur fond de crise financière, alors que de nombreuses municipalités et collectivités territoriales ont été contraintes par le désengagement de l’Etat à des placements financiers hasardeux, le risque encouru peut paraître rédhibitoire. Or, les Conservateurs n’ont pas détaillé leur projet en matière de recours au crédit et à l’endettement des collectivités locales.

Enfin, sur la question de la régénération de la démocratie locale et de la responsabilisation des élus locaux, la capacité des électeurs à contraindre ces derniers à rendre des comptes et à peser efficacement sur les décisions n’a jamais été démontrée de façon incontestable.

Bref, à bien lire les écrits des Conservateurs, l’on comprend que la nouveauté, si nouveauté il y a, ne se situe pas dans les mécanismes de la « révolution localiste ». De même, la garantie d’atteindre les objectifs de décentralisation, de pluralisme de la structure de pouvoir, de diversité et de renouveau démocratique, ne réside pas dans les outils des politiques « localistes ». La spécificité de la nouvelle offre conservatrice, mais également sa garantie de succès aux yeux des ses partisans, réside dans la promotion des valeurs d’un nouveau civisme associatif et de la notion de responsabilité sociale qui n’est pas sans rappeler le titre d’une publication du One Nation Group, The Responsible Society (1959). Se dessine alors une vision du collectif et du bien commun, apte à transcender les particularismes et les intérêts catégoriels, qui s’inscrit dans une tradition conservatrice depuis longtemps délaissée par le Parti. Le leader insiste sur ce retour à une tradition conservatrice que ses prédécesseurs ont négligée à leurs dépens : « We are reconnecting with a proud part of our political heritage. Conservative faith in civic pride stretches back to the Chamberlains in Birmingham » (Cameron 2007 b : 105). Ou bien encore: « I am determined to reclaim the proud tradition within the Conservative Party of local rule and civic pride that stretches back to the Chamberlain family in Birmingham » (Cameron 2007 c : 126).

Il nous faut donc ici souligner l’évolution du cadre référentiel du discours conservateur, qui semble abandonner en matière d’allocation de ressources le crédo néolibéral du « trickle down effect », où la main invisible du marché assure la «juste » répartition des richesses. Les Conservateurs « localistes » tracent une troisième voie, distincte de la culture d’entreprise et de la culture bureaucratique, et font la promotion de valeurs mutualistes, de responsabilité sociale, de philanthropie et de coopération24, brouillant même les cartes en évoquant la mémoire sacrée des Rochdale cooperators.

L’importance de l’échelon local dans la promotion et l’activation de ces valeurs est incontournable : le local dans le discours conservateur n’est pas tant un terroir qu’une échelle, une forme socio-spatiale privilégiée, où s’exprime le collectif, par opposition à l’individualisme, et où la communauté est définie sur le mode civique et non pas organique ; les Nouveaux Conservateurs font valoir que les valeurs du civisme associatif sont historiquement associées à l’échelle locale, lieu d’expression naturel du civisme, de la coopération et de la participation, garanties par la proximité et la fréquentation quotidienne, où se construit la confiance indispensable à la solidarité et à la responsabilité citoyenne.

La réponse conservatrice à la dislocation des formes et mécanismes traditionnels de la solidarité et de la coopération (notamment les dysfonctionnements du paternalisme bureaucratique de l’Etat-providence keynésien) ne se manifeste nulle part aussi clairement qu’au travers du nouveau conservatisme municipal, volet urbain de la pensée localiste et réponse conservatrice à la problématique très actuelle de la renaissance urbaine, dont l’actualité est confirmée par la généralisation des maires25 ; ils proposent la création de zones d’action sociale, calquées sur les Enterprise Zones des années 80, célèbrent les grandes figures du réformisme social telles le social impérialiste Joseph Chamberlain et érigent en modèle d’un localisme bien compris, la cité idéale des Cadburys à Bournville :

That is what the Bournville development - recognised by the Joseph Rowntree Foundation as the best place to live in England - achieved. Life in Bournville is dominated by residents’ committees, clubs and councils which are important not just for the votes they pass, but also for getting people together. They create the environment in which the same people meet again and again, so that acts of altruism will be recognised, rewarded, and repaid. Localism is not just about giving people more of a say over local budgets. It is about creating the environment where charity and community can flourish. 26

Négation du localisme compris comme redistribution égalitaire et diffusion du pouvoir de décision et d’initiative, appel à la responsabilité et à l’altruisme des élites et des classes moyennes, le nouveau localisme conservateur renoue avec les valeurs d’un paternalisme tory teinté de « noblesse oblige » qui risque de renforcer le contrôle social et économique et le monopole exercé par les élites managerielles. Il propose donc à la fois une lecture minimaliste des idéaux de participation, d’assistance et de réciprocité et une conception hiérarchique de la diffusion du pouvoir, justifiée par un idéal de remoralisation de la vie publique27 qui préfigure le retour de valeurs associées au paternalisme tory.

Pour terminer, il est souhaitable de revenir sur la portée électorale du localisme, qui permet de défier les Travaillistes sur leur propre terrain, à partir du thème de la décentralisation inachevée, tout en adaptant certaines des méthodes qui ont permis au New Labour de s’imposer aux urnes, la technique du brouillage idéologique, le déplacement du débat politique sur des questions d’ordre institutionnel, et la réalité d’un pacte électoral avec les Libéraux démocrates dont le soutien potentiel sera un paramètre important aux prochaines élections législatives28.

Dans une certaine mesure, le localisme est une incarnation de la redéfinition de la stratégie électorale conservatrice ; il correspond à l’adoption d’un thème porteur tout en prolongeant la critique de la politique de décentralisation mise en œuvre par le gouvernement sur la base d’un mieux-disant institutionnel ; le discours « localiste » témoigne du recentrage du parti sur le terrain des idées, celui-ci n’hésitant plus à défier les Travaillistes sur leur propre terrain. La conquête du centre comporte des risques, notamment celui jamais bien éloigné de relancer une guerre des factions ; toutefois, le localisme, de par son élasticité, se prêtant donc à une multiplicité d’interprétations antagonistes voire rivales, peut constituer un moyen de présenter un front uni, aussi longtemps que ces ambiguïtés ne sont pas levées29.

Enfin, le localisme, concept émotionnel et programmatique, recèle la promesse d’une réelle cohésion sociale, d’une participation active à la vie de la communauté et d’une démocratie revitalisée. Vaste horizon d’attente qui dans un contexte post keynésien et postfordiste fait figure d’outil de régénération économique, sociale et démocratique. On peut néanmoins s’interroger sur la nature incantatoire du nouveau localisme conservateur et sur sa capacité à générer les valeurs de civisme et de coopération dont il fait la promotion, même dans la version minimaliste qu’il en propose, tout comme l’on peut douter qu’il se révèle à la hauteur des enjeux. Il est encore trop tôt pour se prononcer sur l’authenticité de l’engagement de la direction du parti ainsi que de la réalité de la rupture qui dépend en tout état de cause du rapport de force qui s’instaure dans les rangs conservateurs, rapport de force volatile et soumis à la conjoncture. S’agit-il d’un simple révisionnisme de façade, le retour des Birmingham Men cacherait-il le retour des Manchester Men ? La rhétorique du localisme, nouveau produit d’appel du parti conservateur, est suffisamment floue pour ne pas aliéner le courant légitimiste qui donne de la voix au sein du parti tout en permettant aux Tories d’opérer un rétablissement auprès d’un électorat qui a déserté le parti. L’avenir dira si le localisme conservateur se limite à une rhétorique, ou à un simple subterfuge teinté de démagogie destiné à garantir la reconquête du centre ou s’il annonce le retour de la périphérie.

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Scruton, Roger (2004). News from Somewhere, Londres : Continuum.

Notes

1 Dans le cadre d’une conférence (Power inquiry conference, 6 mai 2006), David Cameron y fait référence dans son discours, intitulé Sharing power with the people. Il déclare: « Citizen equipped with degrees and broadband connections are the equals of those who aspire to rule them ». Retour au texte

2 À titre d’exemple, ci-après, quelques publications conservatrices qui font la promotion du localisme: The Localist Papers, 6 numéros publiés par le Centre for Policy Studies en 2007 mais aussi dans le Daily Telegraph à un rythme hebdomadaire entre le 21mai et le 25 juin 2007 ; Social responsibility - the big idea for Britain’s future, Londres : the Conservative Party, janvier 2007; Direct Democracy: an Agenda for a New Model Party, direct-democracy.co.uk, 2005. Plus récemment on peut y ajouter un texte de Willetts, David (2008). Conservatives in Birmingham, Londres : Centre for Policy Studies. Retour au texte

3 En juin 2005, un groupe de 23 députés, eurodéputés, candidats et militants conservateurs lancent le manifeste Direct Democracy: An Agenda for a New Model Party (Douglas Carswell, direct-democracy.co.uk, 13 June 2005). Le texte est présenté ainsi : « This radical blueprint for a Conservative future tackled head-on the growing power of the state, and proposed specific measures for reinvigorating the politics and public services of this country. Since then, localism has become one of the fast-growing causes in British politics. It aims to restore confidence in the democratic process. It envisages a Britain in which there is pluralism, diversity and variety, where decisions are taken closely to the people they will affect, where individuals are not coerced by state power. A Britain where towns and counties raise their own budgets and run their own affairs, where those who pass laws are directly vulnerable to the votes of those who are expected to abide by them ». Parmi les signataires, Jesse Norman, ancien banquier, co-fondateur du think tank Policy Exchange et auteur de Compassionate Conservatism (Londres : Policy Exchange, 2006) souvent décrit comme la bible du Cameronisme, Theresa Villiers, Ian Dale de Politico’s, Danny Kruger, ancien éditorialiste du Daily Telegraph, conseiller de David Cameron et auteur du récent On Fraternity: Politics beyond liberty and equality (Londres : Civitas: Institute for the Study of Civil Society, septembre 2007), ou bien encore Michael Gove anciennement au Times et à présent secrétaire d’Etat à l’éducation dans le cabinet fantôme. Retour au texte

4 En mai 2008 les conservateurs remportent les élections à Crewe, avec un transfert de voix du Labour vers le candidat conservateur de l’ordre de 17,6%. Retour au texte

5 L’expression est employée par le journaliste politique Francis Elliott, dans un article publié dans le Times du 8 juillet 2008, « On a Glasgow estate, David Cameron has hard words for broken society ». (http://www.timesonline.co.uk/tol/news/politics/article4290073.ece), dernière consultation le 2 mars 2010). Retour au texte

6 Les détracteurs du nouveau logo conservateur en ont tourné le graphisme en dérision, le comparant aux gribouillis d’un enfant de trois ans. Retour au texte

7 Lire à ce propos l’article de Wennström, Johan (2007). « Lessons from Scandinavia », Prospect Magazine, n° 139. Retour au texte

8 Expression qui a fait florès et que l’on doit à Teresa May. Retour au texte

9 La critique a été partiellement entendue par les travaillistes qui mettent en place à partir de 2005 des Local Area Agreements, contrats de coopération entre Whitehall et les collectivités locales, initiant un partenariat sur des bases plus équilibrées. Retour au texte

10 Le Livre Blanc Building Partnerships for Prosperity (Department for the Environment, Transport and the Regions. Séries: Cm -- 3814, Londres : Stationery Office, décembre 1997) a conduit à la mise en place d’Agences de Développement Régional ; celles-ci étaient au nombre de 9 en avril 1999. Retour au texte

11 Analyse qui reprend les grandes lignes d’une discussion menée par les universitaires. Voir par exemple l’article de Jones, Martin / MacLeod Gordon (1999), « Towards a regional renaissance? Reconfiguring and rescaling England’s economic governance », in : Transactions of the Institute of British Geographers New Series, vol. 24, n°3, Blackwell Publishing on behalf of The Royal Geographical Society with the Institute of British Geographers, 295-313. Retour au texte

12 On pense par exemple à l’abolition du Greater London Council ou des Metropolitan Councils en 1986. Retour au texte

13 Les Conservateurs se sont opposés à la politique travailliste de transfert de responsabilités aux régions en des termes qui rappellent la réception qu’ils avaient réservée au rapport Redcliffe-Maud en 1969, dénonçant la dimension managerielle de ses recommandations et suggérant que les tensions entre les deux objectifs de la réforme, d’une part favoriser la participation et l’engagement des populations, d’autre part une logique d’efficacité et de performance, seraient résolues au détriment de la première. Retour au texte

14 « This would mean financing local government from local taxes without any subsidy from general taxes whatsoever, so that local decisions are made by cost-conscious taxpayers on their own behalf », Green, David (1993). Reinventing Civil Society, Londres : Civitas, Institute for the Study of Civil Society, 108. Ce texte est accessible en ligne à l’adresse suivante: http://civitas.org.uk/pdf/cw17.pdf (dernière consultation, 2 mars 2010) Retour au texte

15 Selon les estimations les plus hautes. Par comparaison, la Suède approche les 80%, la France se situe au-delà des 40%, le Canada et les Etats-Unis s’en approchent. Retour au texte

16 En écho à la thèse défendue en son temps par Timothy Raison (1990). Tories and the Welfare State: a history of conservative social policy since the Second World War, Londres : Macmillan. Retour au texte

17 Nicholas Boys-Smith est notamment l’auteur de True Blue - How Fair Conservatism can win the next election, Londres : Demos, 28 novembre 2005. Copie téléchargeable à l’adresse suivante : http://www.demos.co.uk/files/trueblue.pdf?1240939425 Retour au texte

18 Tony Travers est un expert en gouvernement local et ancien directeur de la LES ; il publie, « False Steps to Localism », Public Finance, Londres : FSF Ltd., 7 janvier 2005, 16-19. Retour au texte

19 On peut citer ici la doctrine Clarke en référence au discours du ministre de l’Education en 2004 à Newcastle. Retour au texte

20 L’objectif du gouvernement est d’atteindre le chiffre de 200 City academies en 2010; pour obtenir ce label, un établissement doit obtenir un financement du secteur privé pouvant atteindre les 2 millions de livres sterling, la contrepartie de ce financement privé étant l’entrée dans le conseil d’administration de l’établissement de représentants de ces sponsors, ou représentants de la société civile, qui se verront également attribuer un droit de regard sur les contenus pédagogiques. Retour au texte

21 La council tax ou taxe foncière est un impôt hybride contesté principalement parce qu’il n’est pas un indicateur fiable des revenus des contribuables ; il introduit une forme d’injustice entre ces derniers, la valeur immobilière étant plus élevée au sud de l’Angleterre, dans les terres conservatrices. Retour au texte

22 Pour l’instant George Osborne, le Ministre des Finances du cabinet fantôme, n’a pris aucun engagement dans le sens d’une baisse sensible des impôts, malgré les recommandations de la Commission Lyons (favorable a un allégement d’impôts à hauteur de 21 milliards de sterling), et David Cameron s’est jusqu'à présent officiellement démarqué de la stratégie du paquet fiscal en dépit des appels en ce sens au sein de son parti. Notons toutefois que lors du congrès 2008, George Osborne a annoncé qu’il prendrait des mesures favorables à un gel des impôts locaux pour une période de deux ans, en garantissant une aide de Whitehall aux collectivités territoriales qui s’engageraient à ne pas augmenter leur fiscalité de plus de 2,5% sur une base annuelle. Au-delà de ce pourcentage, les collectivités seraient placées dans l’obligation (coûteuse) d’organiser un référendum de leurs administrés pour valider ou invalider leur budget. Outre qu’il témoigne d’un regain d’intérêt pour la thématique de l’allègement de la pression fiscale, cet exemple est également révélateur d’une réelle réticence à accepter l’idée de l’autonomie budgétaire des collectivités locales, idée qui se trouve portant au cœur de la « révolution localiste ». Retour au texte

23 John Hall et Stephen Smith, Local sales taxation: an assessment of the feasibility and likely effects of sales taxation at the local level in the UK, Londres: Institute for Fiscal Studies, 1995. Ce document est téléchargeable à l’adresse suivante : http://www.ifs.org.uk/publications/521 (consulté le 2 mars 2010). Retour au texte

24 S’adressant à des représentants du secteur associatif le 23 novembre 2005, David Cameron déclare : « The desire to help people is the noblest aspect of the human spirit ». « Building a pro-social society », op. cit., p. 59. Retour au texte

25 « I want to see a generation of visionary civic leaders with more freedom for local communities to shape their public spaces. That means more elected mayors in our cities, and a massive cut in red tape and central government interference ». David Cameron, « Helping make Britain the most civilised place in the world to live », discours devant les membres du parti, novembre 2005. Au panthéon du parti, les Nouveaux Conservateurs réservent une place de choix à des héros de la régénération économique, tels Mike Whitby qui, à la tête de la chambre de commerce et d’industrie de Birmingham, a développé une stratégie ciblée d’encouragement aux micro projets. Retour au texte

26 Willetts, David (2008), op. cit. Retour au texte

27 Ces vertus civiques traditionnelles sont célébrées par David Green : « traditional civic virtues—such as honesty, duty, self-sacrifice, honour, service, self-discipline, self-improvement, civility, fortitude, courage, diligence and patriotism—which appeal to our better nature? », Green, David (1993 : 109). Retour au texte

28 La coalition gouvernementale "Lib-Con" issue des urnes à la suite des élections du 6 mai 2010 n'est bien évidemment pas dénuée d'un certain opportunisme de part et d'autre, toutefois elle témoigne à la fois de la convergence des trajectoires poursuivies par les "rénovateurs" conservateurs et libéraux-démocrates ainsi que de la prise de conscience partagée de l'atout stratégique que constitue une collaboration inter-partisane susceptible de marginaliser les oppositions au sein des deux partis. Il est impossible de se livrer ici à une analyse poussée des fondements idéologiques de ce rapprochement, qui devra bien sûr être étudié dans le détail, mais il convient de souligner que les réorientations annoncées notamment dans l'ouvrage programmatique The Orange Book: Reclaiming Liberalism, publié en 2004, peuvent constituer une base théorique au pacte gouvernemental entre les Conservateurs et les Libéraux-démocrates. Pour ce qui concerne plus directement notre propos, les réflexions menées de part et d'autre sur la question du rôle et du périmètre de l'État se rejoignent à la fois dans la condamnation de la dérive bureaucratique initiée par les Travaillistes mais aussi dans l'hésitation, voire la confusion, entre une simple défense de l'État minimaliste et sa relocalisation. Retour au texte

29 Il faut du reste signaler ici une évolution assez nette du nouveau localisme conservateur qui à partir de l’automne 2008 salue les initiatives de certaines collectivités locales, Barnet, Hammersmith et Fulham notamment, élevées au rang de modèles, qui mettent en place des services publics à deux vitesses : sur le modèle des compagnies aériennes low-cost, ces « easyCouncils » proposent des services de base financés par l’impôt, auxquels viennent s’ajouter des services payants ou des traitements préférentiels moyennant finances, tels qu’accélérer une procédure de demande de permis de construire par exemple. Sur le terrain, cette stratégie qui n’est pas sans rappeler les politiques sociales des années 80 coexiste toutefois avec des approches plus « traditionnelles », ces variations étant révélatrices des tensions idéologiques au sein du parti et de l’indécision de la nouvelle équipe dirigeante sur lesquelles le nouveau localisme tente de jeter un voile pudique. On pourra lire à ce propos les articles suivants : « Tory controlled borough of Barnet adopts budget airline model », The Guardian, 27 août 2009 (http://www.guardian.co.uk/politics/2009/aug/27/tory-borough-barnet-budget-airline, consulté le 2 mars 2010), ou bien encore le commentaire de Tony Travers, « Will 'easyCouncil' be a Tory triumph? The success or failure of Barnet council's no-frills service model is a critical test of contemporary Conservatism », The Guardian, 22 octobre 2009 (http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2009/oct/22/barnet-council-conservative-david-cameron, consulté le 2 mars 2010). Retour au texte

Illustrations

Citer cet article

Référence électronique

Valérie Auda-André, « Le nouveau localisme conservateur ou les ambiguïtés de la modernisation », Textes et contextes [En ligne], 5 | 2010, publié le 21 novembre 2017 et consulté le 22 novembre 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=267

Auteur

Valérie Auda-André

Université de Provence : Aix-Marseille1

Droits d'auteur

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