Radio, guinguettes, chansons et jazz dans le roman aragonien

Abstracts

Traiter de la présence de la chanson dans le roman aragonien pourrait paraître paradoxal ou secondaire si l’on en reste à la quantité remarquable de poèmes mis en musique par les chanteurs contemporains d’Aragon ou les compositeurs d’aujourd’hui. Les adaptations musicales des textes poétiques touchent une période de production qui commence à partir des années trente, moment où Aragon promeut la chanson, en particulier dans le cadre de la création de la Maison de la Culture, et dans une période qui est aussi celle où Aragon devient romancier. L’analyse de quelques phénomènes textuels, liés aux mentions de chansons dans les romans aragoniens, permettra de saisir le réalisme poétique à l’œuvre dans les productions.

Tackling the question of the presence of song in Aragon’s novels may seem paradoxical or unimportant, if one were to limit their analysis to the numerous poems by Aragon to be put into music by contemporary singers – or today’s composers. Musical adaptations of his texts deal with an era of his production which begins in the 1930s, when Aragon advocates for song, particularly with the creation of the Maison de la Culture – and also a moment when he becomes a novelist. The analysis of some textual phenomena, in parallel with the references to songs in his novels, should allow us to grasp the kind of poetic realism at work in Aragon’s productions.

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Traiter de la présence de la chanson dans le roman aragonien pourrait paraître paradoxal ou secondaire si l’on en reste à la quantité remarquable de poèmes mis en musique par les chanteurs contemporains d’Aragon ou les compositeurs d’aujourd’hui : comme l’indique Nathalie Piégay dans La Romance inachevée (Piégay 2007 : 9), l’un des deux ouvrages qu’elle a consacrés à Aragon et la chanson : plus de deux cents poèmes sont ainsi devenus des chansons, portées par plus d’une centaine d’interprètes1. Pourtant elle souligne d’emblée que peu de poèmes dadas et surréalistes ont alimenté cette production (Piégay 2007 : 6). On peut s’en étonner puisque le lyrisme est d’emblée présent dans la prose fictionnelle d’Aragon, en particulier Le Paysan de Paris (1926), comme l’a indiqué Olivier Barbarant2. De fait, ces « phrases nerveuses et langoureuses » - selon une formule d’André Germain3 à propos de ce texte (1925 : 19) - ont suscité une chanson d’Hélène Martin – Blond partout, en 1970 – mais elle a alors mis en évidence, dans l’écriture du Paysan de Paris, l’existence d’une rythmique relevant du vers compté : les octosyllabes qui hantent cette prose deviennent le texte de la chanson.

De fait, on a observé que les adaptations musicales des textes poétiques touchent une période de production qui est plutôt celle des années trente : il s’agit d’un moment où Aragon promeut la chanson en particulier dans le cadre de la création de la Maison de la Culture4 puis, à partir de mars 1937 à la direction du journal Ce Soir où Desnos tient une chronique des derniers disques parus et Jean Wiener une chronique musicale. Dans cette période, Paul Vaillant-Couturier valorise « le rôle que peut jouer la chanson populaire » (cité par Ory, 1994 : 333) parce qu’elle mobilise une mémoire collective et Jean-Richard Bloch fait paraître, en 1936, Naissance d’une culture5 qui fait place à la culture populaire comme aux créations novatrices les moins académiques. Aragon participe aux Congrès internationaux pour la Défense de la culture, dans le contexte des luttes contre la montée des extrêmes-droites en Europe. Et, comme on le sait, cette période est aussi celle où Aragon entre en roman : Les Cloches de Bâle paraissent en 1934 ; Les Beaux Quartiers obtiennent le prix Renaudot le 9 décembre 1936 ; ensuite, la série romanesque du Monde réel se poursuit jusqu’à la parution des Communistes (1949-51) que suivent d’autres productions romanesques : La Semaine sainte (1958), La Mise à mort (1965) Blanche ou l’oubli (1967) et Théâtre/Roman (1974), ainsi que l’entreprise éditoriale à quatre mains des Œuvres romanesques croisées (1964-1974).

La période des années trente, où la chanson semble donc commencer à se lier très fortement aux productions poétiques d’Aragon, est aussi celle qui est marquée par « Le Retour à la réalité » - pour reprendre le titre d’un discours, prononcé le 25 juin 19356 - où l’écrivain se demande : « qu’y a-t-il de vivant, qu’y a-t-il à reprendre dans les grands mouvements créateurs qui nous ont précédés ? ». Il indique alors sa volonté d’inscrire la « réalité » dans les productions littéraires dans un geste qui relève du « réalisme », c’est-à-dire ici d’une catégorie esthétique, valorisée par Diderot, qui s’oppose à l’idéalisme. En juillet 1937, à l’occasion du second Congrès international pour la défense de la culture, Aragon met en scène très concrètement les effets de ce choix : « Je te salue ma France, pour Il pleut bergère, pour Racine et pour Diderot, Nous n’irons plus au bois et Maurice Chevalier7 ».

Alors que, pendant la période de la Résistance, des poèmes fort connus aujourd’hui8 sont pour la première fois parus dans une brochure de dix-neuf pages, signée François la Colère, sous le titre Neuf chansons interdites, on voit que la chanson devient un objet valorisé : elle appartient à une culture commune dans une période donnée et peut ainsi servir de repère, d’ancrage, de support mémoriel dans une économie romanesque9. Il s’agit donc d’observer tout d’abord comment fonctionnent les références à la chanson dans les romans aragoniens et leur rôle dans l’économie narrative avant de saisir la présence, grâce à la chanson, d’une fonction poétique à l’œuvre dans l’écriture romanesque.

1. Les mentions de chansons dans les romans aragoniens

Si l’on observe les paratextes ajoutés aux romans du Monde réel pour leur parution dans l’ensemble éditorial des Œuvres romanesques croisées, l’accent est mis sur la fonction mémorielle du roman qui se fait « témoignage d’un univers qui allait devenir tout à fait incompréhensible […] prochainement sombré », comme on peut le lire à propos du monde représenté dans Les Voyageurs de l’impériale, tel qu’il est donné dans le paratexte - « Et comme de toute mort renaît la vie » - roman alors présenté comme : « l’histoire imaginaire de mon grand-père » (Aragon, 1965 : 489).

Ce texte préfaciel, ajouté au roman en 1965, souligne la labilité des souvenirs, l’écart entre les époques, les transformations dues à l’écoulement du temps et mentionne le fait qu’« on chante aujourd’hui [en 1965] “Marguerite, Marie et Madeleine” sur une musique de Léonardi » (Aragon, 1965 : 498) : un poème paru en 1958 dans Le Roman inachevé (Aragon 1956 : 134-35) à présent chanté par la femme du compositeur Monique Morelli. La chanson permet donc d’inscrire un lien avec une époque révolue : dans Les Beaux Quartiers10, on lit que dans l’univers provincial et provençal de Sérianne, « des boîtes à musique jouaient dans les petits cafés » (Aragon, 1936-1965 :178) ; « le patronage fait des tournées dans les villages » : « On chantait. Les gars du peuple fraternisaient avec les jeunes messieurs de Sérianne, et on faisait marcher la boîte à musique dans le bistrot. Parfois même on dansait » (Aragon : 112). Le personnage de Thérèse Respellière est construit dès son premier portrait, au chapitre VI, par la mention de sa « petite voix » et le fait qu’elle chantait quand on l’accompagnait « Sur la mer calmée » : un des airs les plus connus de l’acte II de Madame Butterfly (1904), l’opéra de Puccini qui fut représenté en français à Paris en 1910. Elle chante aussi « O Lola, blanche fleur à peine éclose » - un air de la première scène du mélodrame en un acte de Pietro Mascagni (1863-1945) Cavalleria rusticana. Mais elle interprète également « l’air favori de son mari » : « ô Paris gai séjour » : une valse adaptée pour chant et piano, tirée d’un opéra-bouffe11 de Charles Lecoq (1832-1918) (Aragon, 1936-1965 : 69-70). Les chansons sont ce qui reste de ces compositions, leur trace ou leur écho loin de Paris et elles sont pour le lecteur les marqueurs d’un temps lointain. De même, dans Les Voyageurs de l’impériale, la mention des chansons de la grand-mère pour Pascal – le petit Calino – permet d’ancrer une trace de son pays dans la voix (Aragon, 1947-1965 : 53-54) ; elles sont données « comme d’étranges refrains d’un monde oublié » (Aragon, 1947-1965 : 65) et permettent ainsi d’évoquer une atmosphère. Cette fonction de la chanson, se faire l’indice de lieux ou d’une époque révolue, perdure jusque dans les romans plus tardifs. Les noms de chanteurs permettent ainsi de caractériser une époque ainsi que le personnel romanesque comme on le voit par exemple dans Blanche ou l’oubli :

Le type qu’elle avait rencontré à Deligny, Marie-Noire, son métier, c’était la télévision, mais sa vie, c’étaient les chansons. Il n’en ratait pas une. Adamo, Guy Béart, Richard Anthony, Catherine Sauvage… et puis le Musicorama d’Europe no 1… il traînait sa nouvelle amie partout. Un garçon d’un sentimental ! (Aragon, 1967 : 464).

On lit plus loin : « Il lui demandait, rêveur : “qui tu préfères ? Aznavour ou Barbara”… ». (Aragon, 1967 : 465). L’actualité récente s’inscrit ainsi dans le corps du roman : « Le drame était que, ce soir-là, Johnny Hallyday faisait sa rentrée à l’Olympia. On n’allait tout de même pas manquer ça ! » (Aragon, 1967 : 524). Le roman se fait alors peinture précise du monde contemporain :

Donc, le jeudi 25 novembre 1965, ils s’étaient installés tant bien que mal au balcon, pardon : mezzanine, de l’Olympia, Marie-Noire, Agnès et Philippe. Il y avait eu un coup d’état militaire au Congo dans les journaux du soir. Agnès avait écouté, à la télévision, M. Marcilhacy, candidat je ne sais quoi à la présidence de la République. La première partie du spectacle, il campait à leurs côtés des étrangers qui demandaient tout le temps, à l’entrée d’un numéro, c’est celui-là, Johnny Hallyday ? (Aragon, 1967 : 525).

Dans Blanche ou l’oubli, on lit également la mention, sous son premier titre, de L’Accordéoniste chanté par Édith Piaf à partir de 1940, ce qui permet d’évoquer une époque antérieure : « Qu’est-ce qu’on chantait alors, quand ce n’était pas le temps de Johnny Hallyday : La fille de joie est triste … oui, et pas seulement » (Aragon 1967 : 557). Cependant, le jeu aragonien avec la référence se fait plus complexe comme on le voit si l’on est attentif aux détails du texte. On peut en voir un exemple dans l’extrait suivant :

Peut-être que je m’attarde sur l’année 22 parce que je crains de penser à plus tard, que je recule devant mon destin. Parce qu’il tremble en moi de cette femme. Non… qu’allez-vous penser ? La seule. Son nom se tait avant ma lèvre. C’est la chanson de l’autre : Si vous croyez que je vais dire – qui j’ose aimer… – Je ne saurai pour un empire avec mes lentes, lourdes mains… tous les noms balbutiés, c’est comme dans la chanson : Y avait Dine – y avait Chine, y avait Claudine et Martine… ah ! Martine… – y avait la belle Suzon, – la duchesse de Montbazon… – y avait Madeleine… (Aragon 1967 :430).

Le texte fait ici référence à une chanson populaire : « Y avait dix filles dans un pré » : Si l’on se reporte au texte de cet air d’Ancien régime12, on peut voir que le prénom de Madeleine en est absent, un écho de Brel paraît alors s’ajouter à la chanson du passé, dans un jeu de superposition des époques qui crée des liens entre passé lointain et présent, tout en inscrivant l’allusion à celle dont le nom est tu, Elsa, chantée par « l’autre » : Aragon. Ces jeux de superpositions complexes sont particulièrement sensibles dans La Mise à mort :

La musique… on ne sait pas quelle sorte de musique fait du roi de Danemark un assassin. Le professeur de cithare avait-il inventé le jazz ou le cante jondo, l’ivresse du fado ou celle de Parsifal ? L’incrédulité que rencontre l’histoire d’Erik le Très-bon est singulière à qui peut voir les jeunes gens perdant la tête pour la guitare électrique des Beatles ou de Johnny Hallyday. La musique fait de l’homme qu’il n’est plus lui-même. (Aragon 1965 : 206)

La densité des références et l’entrelacs des domaines géographiques, historiques et culturels est ici sensible : la cithare, moins connue que la lyre, est pourtant valorisée dans la culture grecque antique comme l’instrument premier du poète, le canto jondo, ce « chant profond », est le plus ancien dans la tradition andalouse du flamenco et le « fado », le chant populaire portugais, émerge au début du XIXe siècle à partir de traditions populaires anciennes. Le propos associe les références qui convoquent Shakespeare ou Wagner, mêlées avec le surnom du roi du Danemark Erik Ier (1056-1103) dit Eigod, « le Très bon » ; elles voisinent avec les noms de chanteurs contemporains à la mode lors de la parution du roman : Johnny Halliday et les Beatles. Ces mentions permettent bien sûr un tissage référentiel qui associe passé lointain et présent, cultures savantes et populaires. La présence du chant crée cependant un lien entre des domaines disparates. La comparaison entre « l’incrédulité » donnée comme « singulière » face aux histoires rapportées à propos du roi Erik 1er et la vision des « jeunes gens » aux concerts « des Beatles ou de Johnny Hallyday » peut aussi trouver une motivation. Dans la Geste des Danois (1200), Saxo Grammaticus indique que ce roi gaillard et proche du peuple paraissait d’une extrême stabilité : restant immobile lors de banquets même si quatre hommes tentaient de le déplacer. Le détail érudit est plaisant si l’on pense au discours commun dans les années soixante qui souligne souvent l’incroyable transe de ces corps de rockeurs, agités lors des concerts sur la scène comme dans la salle.

La Mise à mort peut livrer ainsi quelques secrets de fabrication qui montrent l’épaisseur référentielle complexe – et parfois vertigineuse – de l’écriture romanesque aragonienne : elle ne relève pas d’un réalisme entendu comme une stricte vérisimilarité : une copie du réel au moyen de mentions qui permettraient que fonctionne une illusion réaliste fondée sur l’ancrage direct dans la mémoire ou le présent du lecteur. On peut l’observer dans cette autre affirmation :

Tous les héros de roman sont comme les midinettes qui épinglent au mur les beaux jeunes gens d’Hollywood ou Johnny Hallyday, les soldats dans leur chambrée Claudia Cardinale ou Mylène Demongeot. Pour ne rien dire des romanciers. Sauf que la plupart, quand ils mettent au monde leurs créatures, nous cachent plus ou moins bien à quelle autre ils avaient rêvé. Il manque à Mme Bovary que nous sachions qui était son James Dean…. (Aragon 1965 : 298)

Les références explicites, affichées, dans le roman ou dans les paratextes qui les accompagnent peuvent donc dissimuler des ancrages effectifs autres.

On mentionnera par exemple la présence d’une possible référence à une chanson, qui vient donner une autre résonance, d’ordre biographique, à ce roman d’amour impossible qu’est Aurélien. Comme le rappelait Yannick Seité dans une conférence consacrée à Aragon et le jazz13, le prénom de Bérénice donne son titre à l’une des premières chansons écrites par Samuel Beckett et mise en musique par Henry Crowder, le nouvel amour de Nancy Cunard en 1928, alors qu’elle délaisse Aragon pour lui. On se souvient aussi que, dans l’intrigue, Bérénice délaisse Aurélien pour Paul Denis et que le roman fait du poète dadaïste un pianiste amateur… comme l’a été Henry Crowder à ses débuts.

On voit donc que l’écriture romanesque s’empare des éléments pris au réel pour les agencer selon une logique autre, au sein de l’économie narrative. Ainsi, dans La Mise à mort, le chanteur Johnny Halliday est un nom propre qui permet la référence au monde réel mais il devient aussi un personnage de fiction pour la section intitulée le « troisième conte de la chemise rouge ». En 1974, Théâtre/Roman permet effectivement d’affirmer, : « Je suis le Vieux [...] l’air se raréfie [...] Le spectre qui revient traîne comme un refrain dont on ne connaît plus toutes les paroles, d’une chanson d’ailleurs qui n’a plus que des brins de rimes brouillées, la brume à l’oreille d’un écho lointain ». (Aragon 1974 : 107-109). La chanson, fait ici image pour caractériser le jeu de brouillage référentiel à l’œuvre dans l’écriture romanesque.

Il s’agit donc d’observer plus précisément cet usage qui est fait de la chanson dans la mise en intrigue où, au-delà de la seule référence, elle peut assurer un rôle fonctionnel, en particulier sur le plan macrostructurel.

2. Rôle fonctionnel dans l’économie narrative

Afin d’observer le travail auquel donne lieu l’usage aragonien de la chanson dans l’économie narrative, on peut s’attacher à des exemples particulièrement significatifs, issus du second roman du Monde réel, Les Beaux Quartiers, qui avait obtenu le prix Renaudot le 9 décembre 1936 et qui a été repris ensuite pour les Œuvres romanesques croisées. Ici, on peut, selon un trait récurrent dans les romans aragoniens14, voir se dégager plusieurs séquences longues, marquées par la présence récurrente d’un motif discret, qui créent un effet de composition supplémentaire : chaque séquence pouvant surplomber la division en chapitres explicitement affichée. Ainsi, on peut observer qu’une chanson militaire rythme une première séquence pendant qu’un air de valse constitue un autre trait fonctionnel récurrent. Au fil de l’intrigue, des éléments associés à ces deux chansons font retour et permettent de tisser la cohérence et la cohésion textuelles.

Lorsque les ruines du Haut Sérianne « se peuplent de romances » « à l’enseigne de l’été » « le chant d’un phonographe » permet d’entendre « les derniers airs de la capitale dans la salle de consommation » : Le Comte de Luxembourg (1912) ou Rêve de valse (1910) sont ainsi mentionnés. De Flers et Caillavet avaient alors donné à l’Apollo, salle parisienne de la rue de Clichy, une version française de l’opérette de Franz Lehar (1870-1948) : Le Comte de Luxembourg, donnée jusqu’alors en allemand. Rêve de valse d’Oscar Straus (1870-1914) avait été créé deux ans auparavant dans sa version française, dans le même lieu. Le texte pourrait s’interrompre ici, la mention des chansons a permis d’ancrer l’intrigue dans la période d’avant-guerre mais deux vers sont alors retranscrits :

Un soldat – Racin’ l’a décrété
Ne peut pas – Farder la vérité.

Ensuite le chapitre XVIII fait toute sa place à la chanson dans l’économie romanesque : on y apprend à l’ouverture que le docteur Lamberdesc se lasse de son amante « Mme Butterfly comme il appelait pour sa propre jubilation Thérèse Respellière » (Aragon 1936-1965 : 130) Au terme du chapitre, le docteur retrouve Thérèse : « elle se mit à fredonner Sur la mer calmée… – ‘Oh ta gueule ! coupa sans périphrase le docteur. Viens donc un peu ici qu’on bavarde’. C’est-à-dire qu’ils se turent aussitôt ». Entre ces deux moments, les pages du chapitre XVIII ont développé une scène où la chanson occupe une place déterminante pour la suite de l’intrigue. Lamberdesc est entré dans un café populaire. Le cadre est alors donné et saisi selon le point de vue du personnage :

Il y avait une dizaine de personnes, et des conscrits.  Le patron rinçait des verres derrière le comptoir. Dans le fond, un violoneux jouait un air que chantait une femme brune […] mélodiquement ce n’était pas bien malin ce qu’ils faisaient là : l’homme jouait et elle chantait à l’unisson une mélodie assez simplette, mais que tout le monde devait connaître à voir comme on remuait la tête dans le café. (Aragon 1936-1965 : 132)

Suivent les paroles d’une chanson pacifiste dont trois couplets et le refrain sont cités, intégrés dans une narration où se maintient le point de vue du personnage : le docteur Lamberdesc finit par apercevoir celui que chacun pense alors promis à la prêtrise, Armand Barbentane, le « fils du maire, son concurrent, [qui] solfiait le refrain antimilitariste » (Aragon 1936-1965 : 133). Ensuite, la mention du refrain : « Non, non, plus de combats » sera de nouveau présente au chapitre XXIII (Aragon 1936-1965 : 157) sur le mode de la blague narquoise adressée à Armand par le docteur Lamberdesc. Puis, lorsque Thérèse reçoit Armand comme nouvel amant, elle lui murmure : « Sale petit antimilitariste ». (Aragon 1936-1965 : 175). Dans la suite du roman, un autre café, parisien cette fois (Aragon 1936-1965 : 322) permet de mentionner un autre chant antimilitariste qui fait alors écho au premier.

La relation de Thérèse et d’Armand s’inscrit quant à elle entre les mentions d’une autre chanson qui fait également retour « La Chaloupée - c’est la valse aujourd’hui » présente à deux reprises dans la scène (Aragon 1936-1965 : 185-186) ; il s’agit d’une chanson de Max Dearly – la Valse chaloupée – écrite sur la musique de « Valse des rayons » de Jacques Offenbach qui est un des premiers succès de Mistinguett au Moulin rouge, en 190815. Les mentions de la « valse » sont assez remarquables dans le roman : ainsi, un succès de Mayol est cité, avant l’entrée en scène de la foule à la fin de la première partie (Aragon 1936-1965 : 190) ; le nom de Mayol fait retour ensuite, au chapitre XXVII de la seconde partie mais, cette fois, il est perçu selon le point de vue d’Edmond et non plus d’Armand : « un phono joue un vieil air de Mayol » (Aragon 1936-1965 : 328). Dans la troisième partie, du roman – « Passage-club » – une autre valse est mentionnée et joue de nouveau un rôle fonctionnel : elle n’est plus un élément d’arrière-plan mais un motif qui fait sens dans le déroulement de l’intrigue. Alors que le personnage de Carlotta va raconter sa jeunesse et sa rencontre avec le père d’Edmond, au chapitre V de cette troisième partie : « l’histoire de Carlotta, un peu par hasard, un peu par griserie, prend le rythme de cette valse » (Aragon 1936-1965 : 404). Pendant le récit et les échanges entre les personnages, le motif fait retour : « Il devait y avoir au premier des gens qui l’aimaient cette valse, et qui la bissaient sans fin » (Aragon 1936-1965 : 405). La mention de la valse clôt ensuite ce chapitre avec les confidences de Carlotta à Edmond : « La valse s’était tue au premier et dans la rue blafarde, les voitures de laitiers passaient déjà » (Aragon 1936-1965 : 407). De fait, la chanson est souvent associée à l’affect, à tous les liens qui engagent le sujet. Si l’on observe la place de la chanson dans Aurélien, le mot est convoqué pour évoquer la force de la séduction de Bérénice : ainsi, au chapitre XIV, l’amour naissant est annoncé en ces termes : « Pour l’instant, ce n’était pas plus grave qu’un air qui vous poursuit, qu’on a essayé de chasser par toutes sortes de stratagèmes, et qui s’est montré plus fort ». Il s’agit de retrouver ou de saisir « ce qui chante en elle, le cœur de son chant » (Aragon 1944-1966 : 108-109). Le chapitre s’achève ainsi :

Tout à coup, Aurélien retrouve l’émotion de cette main dans sa main, de cette main prisonnière, comme un oiseau qui frémit, et ce n’est pas l’oiseau qui est pris, c’est l’oiseleur.
Il frotte la paume de sa main et s’étonne. Une brûlure. Une présence. Une absence. Les deux à la fois.
Une chanson. (Aragon 1944-1966 : 109)

L’usage des phrases averbales manifeste très concrètement le trouble qui saisit le personnage : un discours direct libre livre le flux de pensées. Le mot de « chanson » vient alors achever le chapitre où se fait la révélation de la force du sentiment et reste ensuite associé à l’amour d’Aurélien pour Bérénice. Après l’aveu fait à Armandine qui scelle le fait d’être amoureux, on lit au chapitre XXII :

Plein de cette chanson secrète qu’il surveillait au fond de lui-même, n’attendant que le départ de cette sœur, de cette étrangère, pour s’abandonner à la nouveauté de ces sentiments, à cette révélation arrachée, à cette passion impatiente, il regarda le masque blanc pour ne demander pardon à Bérénice. (Aragon 1944-1966 : 150).

Qu’il s’agisse de voix collective ou des voix les plus singulières et les plus intimes, la chanson permet donc de donner présence et vie aux personnages.

On voit donc que les mentions de chansons particulières, de leurs mots mais aussi de leurs motifs rythmiques, viennent inscrire des réseaux qui participent de la création d’un univers romanesque en jouant à la fois de la référence mais aussi de la cohérence et de la cohésion interne. Il ne s’agit donc pas d’usages de la chanson seulement référentiels qui relèveraient de simples effets de couleur locale ou d’ancrage historique. La chanson se fait motif structurant l’œuvre et image pour une saisie de la singularité des sujets et la complexité des affects.

Il s’agit à présent d’observer comment les jeux de résonance liés à la chanson permettent d’inscrire dans la prose romanesque des jeux polyphoniques : au-delà de la linéarité syntagmatique et du fil de l’intrigue.

3. Fonction poétique de la chanson

J’évoquerai ici tout d’abord un élément très restreint : à partir d’un simple mot, présent dans Les Voyageurs de l’impériale. Il fait référence à un contexte historique, celui des années 1880, mais permet également un jeu d’empilement et d’échos intertextuels. Il s’agit des « cocodettes » mentionnées au chapitre V, à propos de la robustesse du jeune Pascal, face à la scarlatine.

L’air des cocodettes appartient à l’histoire du temps et peut faire référence au chœur et à la chanson des cocodettes qui prennent place dans Geneviève de Brabant d’Offenbach mais étaient aussi présents à l’acte IV scène 4 de la Vie parisienne de Meilhac et Halevy en 1867. On rencontre dans la période « Cocodette et cocorico », un duo comique pour deux voix mixtes, chœur et piano d’Emmanuel Chabrier. Si le nom « cocodette » désigne une « femme frivole » selon les dictionnaires, Aragon romancier se fie bien davantage aux précisions lexicales qui sont apportées par Apollinaire dans son introduction aux Souvenirs d’une cocodette [1877] d’Ernest Feydeau, réédités en 192116: On apprend ainsi que la « cocodette » n’est pas la « cocotte » ; la seconde désigne la « demi-mondaine », la première, « la Femme du monde » : « la jeune femme du monde… en révolte contre le sens commun17 ». Le mot se charge également d’échos à la poésie verlainienne, où il est présent à plusieurs reprises, en particulier dans la dédicace du recueil Parallèlement, précisément en 1889 :

Vous souvient-il, cocodette un peu mûre
Qui gobergez vos flemmes de bourgeoise,
Du temps joli quand, gamine un peu sure,
Tu m’écoutais, blanc-bec fou qui dégoise ?

Gardâtes-vous fidèle la mémoire,
Ô grasse en des jerseys de poult-de-soie,
De t’être plu jadis à mon grimoire,
Court par écrit, postale petite oye ?

Le mot existe aussi au masculin : il est un surnom méprisant donné par Champfleury aux Goncourt, comme on peut le lire dans leur Journal la même année : « ‘Cocodès de lettres’, ainsi il nous appelle, c'est-à-dire ne méritant pas même la dénomination d'hommes de lettres » (E. et J. de Goncourt, Journal, 1889 : 1081). Le terme à la mode, déjà vieilli, permet d’inscrire une densité intertextuelle au-delà du marqueur significatif d’une époque.

Pour saisir de façon plus large le fonctionnement poétique des références à la chanson, à des airs, on peut se souvenir de la voix du poète qui affirme dans Le Roman inachevé (1956) : « Et la plus banale romance /M’est l’éternelle poésie ». Ces vers semblent significatifs puisqu’ils rencontrent un propos de Germaine de Staël qui, contre le classicisme français, appelait de ses vœux une poésie romantique18 qui donnerait à la France ce qui existait déjà dans d’autres contrées :

Les stances du Tasse sont chantées par les gondoliers de Venise ; les Espagnols et les Portugais de toutes les classes savent par cœur les vers de Calderon et de Camoëns. Shakespeare est autant admiré par le peuple en Angleterre que par la classe supérieure. Des poëmes de Goethe et de Bürger sont mis en musique, et vous les entendez répéter des bords du Rhin jusqu'à la Baltique19.

De fait, Aragon, grand connaisseur du premier romantisme qu’il valorise à plusieurs reprises – et très tôt20 – fait paraître en avril 1942 dans le recueil Les Yeux d’Elsa, un poème intitulé « Imité de Camoëns21 ». L’édition reprend également en Appendice « La Leçon de Ribérac22 » qui paraît faire écho aux propos de Germaine de Staël puisqu’elle reprend, en son commencement, une critique portée par Stendhal en 1823 contre la poésie classique de Delille ; l’auteur de Racine et Shakespeare prônait un style qui « convînt aux enfants de la Révolution […] aux gens qui ont fait la campagne de Moscou et ont vu de près les étranges transactions de 1814 » (Aragon 1942 : 114). Dans ce recueil, le lien entre la poésie est la chanson est directement repris et analysé dans le texte préfaciel – « Arma virumque cano ». Aragon rappelle que des critiques bienveillants avaient dit à propos de poèmes du Crève-cœur : « que cette poésie tient de la chanson, qu’elle est aux confins de la chanson et de la pensée » (Aragon 1942 : 28). Ce propos suscite alors des précisions : « chanson » ou « complainte » peuvent n’être que des images, ce qu’Aragon revendique est le mot « chant » dans ses résonances étymologiques : il « traduit le latin carmen, qui a aussi donné le mot ‘charme’, qui fait tout aussi bien image magique, qu’image musicale » (Aragon 1942 : 29). On peut voir le jeu proprement poétique à partir d’une mention de chant présente dans La Mise à mort : « Fougère chantait, j’en suis sûr. N’importe ce qu’elle chantait, si elle chantait ! Im wunderschonen Monat Mai… quand elle chante, c’est toujours le mai miraculeux de sa voix » (Aragon 1965 : 8). La référence est ici celle à un lied de Schumann, le premier des Dichterliebe - Les Amours du poète - cycle de seize mélodies qui date de 1840, composées sur des poèmes d’Henri Heine. Dans le détail du texte, on observe que le « merveilleux mois de mai », tel qu’il est chanté par Fougère, devient dans la prose aragonienne « le mai miraculeux de sa voix ». La chanson aussi légère, fugace et futile qu’elle soit, permet d’atteindre à l’intime des sujets et de construire l’épaisseur des personnages. De plus, lorsque le roman aragonien mobilise la chanson, il parvient à jouer des effets polysémiques et des jeux intertextuels qui donnent densité aux mots : ils ouvrent l’espace poétique d’une polyphonie qui convoque les airs envolés, les mots dérisoires : la culture commune, qu’elle soit savante ou populaire.

Loin d’un romanesque qui serait purement documentaire, historique ou militant, Aragon propose une écriture qui peut faire place au jazz, aux guinguettes, à la radio et à la chanson, parce qu’ils ancrent les trames narratives dans un savoir partagé et permettent aussi l’expression des imaginaires et des affects. Cependant, la présence de la chanson permet d’observer des jeux référentiels, mémoriels et polysémiques complexes où les effets de résonance se multiplient. La chanson donne lieu à une abondance d’échos, de tissages narratifs, de jeux d’intertextualité et d’interdiscours – liés au présent ou au passé, biographiques ou historiques, relevant de champs culturels et géographiques pluriels, érudits ou populaires – abondance qui peut donner, au lecteur, le vertige. Leur saisie paraît devoir être sans fin, en perpétuel rebond : la chanson dans le roman aragonien paraît entrer dans une très rimbaldienne « alchimie du verbe » : qui relève des vertiges fixés23.

Comme Aragon l’indiquait dans « La fin du Monde réel » – postface qui vient clore la dernière version des Communistes (1972) il tente de se démarquer des romans, de Paul Bourget à Alain Robbe-Grillet, qui seraient trop fondés sur « le principe de crédibilité », et en appelle à un roman qui doit « pénétrer le domaine de l’inimaginable, se faire conjecture », qui doit « s’appuyer sur les découvertes de la poésie » et recourir à Nerval, Rimbaud, Lautréamont et Mallarmé. (Aragon 1967 : 639-640). Le roman n’est alors plus entendu comme un simple genre littéraire mais proprement comme un langage, « qui ne dit pas seulement ce qu’il dit, mais autre chose encore au-delà » (Aragon 1967 : 620). Grâce aux quelques formes de présence de la chanson que l’on a pu saisir ici, elle apparaît effectivement comme un des moyens qui permettent à l’auteur des Chroniques du bel canto de faire entendre, dans la prose romanesque, « ce qu’est proprement la poésie. Le chant » (Aragon 1947, p. 10).

Bibliography

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Vaillant-Couturier, Paul, Naissance d’une culture, Quatrième essai pour mieux comprendre mon temps, Paris : Rieder, 1936.

Notes

1 Piégay-Gros, Nathalie, Aragon et la chanson, Paris : Textuels, deux volumes, 2007. Return to text

2 Voir Barbarant, Olivier, La Mémoire et l'Excès, Ceyzérieu : Champ Vallon, 1997 ainsi que la Notice de Daniel Bougnoux à l’édition : Aragon, « Le Paysan de Paris », in Œuvres poétiques complètes, O. Barbarant dir., t. I, Paris : Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2007, p. 1248-1266. Return to text

3 L’article d’André Germain, « Lettre à Louis Aragon » - paru dans La Revue européenne, n°29, 1er juillet 1925, p. 18-23 - faisait du Paysan de Paris un « roman » où « [les] phrases nerveuses et langoureuses, étirées comme des odalisques et dressées comme des fauves, […] éclatent en fusées de 1869 et marchent aussi dans la traîne du grand siècle ». Il ajoutait : « Les dernières pages [...] me paraissent constamment traversées, soulevées de la plus ravissante poésie ». Ce texte d’Aragon a paru pour partie dans la même revue de juin à septembre 1924 et de mars à juin 1925, avant son édition en 1926 puis sa réédition en Livre de poche seulement en 1966. Return to text

4 Voir sur ces éléments : Pascal Ory, La belle Illusion. Culture et politique sous le signe du Front populaire 1935-1938, Paris : Plon, 1994. Return to text

5 Paul Vaillant-Couturier, Naissance d’une culture, Quatrième essai pour mieux comprendre mon temps, Paris : Rieder, 1936. Sur les positions de Jean-Richard Bloch et d’Aragon, dans la période : Michel, Trebitsch, « Jean-Richard Bloch et la défense de la culture », in Sociétés & Représentations, vol. 15, n° 1, 2003, p. 65-76. Return to text

6 Il est repris dans Pour un réalisme socialiste paru chez Denoël et Steele la même année, puis dans Aragon, Œuvre poétique, Paris : Livre Club Diderot, 1974-1981, 15 volumes, pour la citation, t. VI, p. 326. Return to text

7 Aragon, Œuvre poétique, op. cit., t. VII, p. 382. Return to text

8 Parmi ces « Chansons » on trouve la « Chanson du franc-tireur » et la « Ballade de celui qui chanta dans les supplices ». Return to text

9 Un article de Corinne Grenouillet traite de la chanson dans Les Communistes selon cette perspective : « L’Univers sonore des Communistes : chansons et références musicales » in Recherches Croisées Elsa Triolet/Aragon, n° 7, Besançon, Presses Universitaires Franc-Comtoises, 2001, p. 125-152. Return to text

10 Les références aux romans sont données dans l’édition des Œuvres romanesques complètes d’Aragon dans la collection « Bibliothèque de la Pléiade » qui présente les textes tels qu’ils figurent dans leur forme revue pour les Œuvres romanesques croisées d’Aragon et Elsa Triolet, parues chez Laffont. Aragon, Les Beaux Quartiers, Les Voyageurs de l’Impériale in Œuvres romanesques complètes, D. Bougnoux éd., Paris : Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », t. II, 2000. Return to text

11 Charles Lecoq, Les cent Vierges, Opéra-bouffe en trois actes. - Livret de Clairville, Chivot et Duru. - Créé à Bruxelles, Théâtre des Fantaisies-Parisiennes, le 16 ou 17 mars 1872. Return to text

12 Voici la liste des prénoms convoqués dans « Y avait dix filles dans un pré » : « Nous étions dix filles dans un pré /Toutes les dix à marier/ Y avait Dine, y avait Chine/ Y avait Claudine et Martine/ Ah ! Ah ! / Catherinette et Caterina / Y avait la belle Suzon/ La duchesse de Montbazon/ Y avait Célimène/ Puis y avait la du Maine. /Le fils du roi vint à passer/Toutes les dix a saluées […] ». Return to text

13 Yannick Seité, « Un fervent du jazz-band : Louis Aragon », Conférence donnée à la fondation Bodmer, Genève, le 24 janvier 2018. Return to text

En ligne : https://www.youtube.com/watch?v=1CVY9U8Gsgc

14 Que j’ai analysé dans plusieurs articles : voir en particulier Dominique Massonnaud, « Les voix de l’entre-texte : travail du réalisme aragonien des Voyageurs de l’Impériale à Aurélien », in Critique et Fiction, A.-M. Monluçon dir., Recherches & Travaux, n° 60, Grenoble, janvier 2002, p. 91-108. Return to text

15 Voir sur cette création par Mistinguett : Jean Jacques Lévêque, Les Années folles, 1918-1939. Le triomphe de l'art moderne, Paris : ACR éditions, 1992, p. 200. Return to text

16 Ernest Feydeau, Souvenirs d’une cocodette écrits par elle-même, avec une introduction et une notice bibliographique par Guillaume Apollinaire, Paris, Bibliothèque des curieux, « Le Coffret du bibliophile », 1921. Return to text

17 Apollinaire, « Introduction », in Ernest Feydeau, Souvenirs d’une cocodette écrits par elle-même, op. cit., p. 2. Return to text

18 On se souvient que Chateaubriand avait écrit des « vers à mettre en chant », une romance qui figure dans les Aventures du Dernier des Abencérages. Chateaubriand, François-René de, Aventures du dernier des Abencérages, Œuvres romanesques et voyages, Paris : Gallimard, « Bibliothèque de La Pléiade », 1969, t. II, p. 1392. Return to text

19 Germaine de Staël-Holstein, « De la poésie classique et de la poésie romantique », De l'Allemagne (1810-1813), en ligne : https://www.uni-due.de/lyriktheorie/texte/1813_stael.html Return to text

20 Comme on peut le voir par exemple dans le travail fait par Aragon, sur la peinture du tout premier romantisme, pour la parution du roman de Marceline Desbordes-Valmore, L’Atelier d’un peintre dans les Lettres françaises. Voir D. Massonnaud, « Aragon et L’Atelier d’un peintre. Scènes de la vie privée (1833) » in Marceline Desbordes-Valmore prosatrice, F. Bercegol et A. Boutin (dir.), J'écris pourtant, Douai, 2019, p. 135-145. Return to text

21 Les Yeux d’Elsa, paru en avril 1942 aux éditons La Baconnière à Neuchâtel, dans la collection « Les Cahiers du Rhône » dirigée par Albert Béguin. Le poème mentionné « p. 87 » dans la Table des matières figure en fait p. 88. Return to text

22 Texte paru initialement dans la revue Fontaine, n°14, juin 1941. Return to text

23 On peut relire ici le texte rimbaldien : « J'aimais les peintures idiotes, dessus de portes, décors, toiles de saltimbanques, enseignes, enluminures populaires ; la littérature démodée, latin d'église, livres érotiques sans orthographe, romans de nos aïeules, contes de fées, petits livres de l'enfance, opéras vieux, refrains niais, rythmes naïfs […] Ce fut d'abord une étude. J'écrivais des silences, des nuits, je notais l'inexprimable. Je fixais des vertiges. », Rimbaud, Arthur, « Alchimie du verbe » [1870], Poésies, Une saison en enfer, Illuminations. Avec une préface de René Char. Louis Forestier (éd.), Paris, Gallimard, « Poésie », 87, 1998, p. 170-171 pour la citation. Return to text

References

Electronic reference

Dominique Massonnaud, « Radio, guinguettes, chansons et jazz dans le roman aragonien », Textes et contextes [Online], 15-1 | 2020, 15 June 2020 and connection on 25 April 2024. Copyright : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=2601

Author

Dominique Massonnaud

Professeur des universités, Centre de Recherches ILLE –UR 4363, UHA, Faculté des Lettres et Sciences humaines

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