« He may be a servant but he’s still a human being » : le corps et l’intime dans le couple maître/valet de The Servant (Joseph Losey, 1963)

Résumés

En décomposant le fonctionnement intime de la relation entre l’aristocrate Tony et son majordome Barrett, The Servant montre comment le domestique parvient à prendre l’ascendant sur son maître. Grâce au jeu de la corporéité et de l’espace, le film suit les différentes étapes de cette relation privilégiée : entente/complicité, familiarité/promiscuité, possession/dépossession de soi. Cet affrontement de forces intérieures troubles et ambiguës met le corps et l’intime au centre d’une sorte de lutte des classes dans une société en pleine mutation en ce début des années 1960 où les barrières sociales et sexuelles s’effritent simultanément.

By decomposing the intimate relationship established between upper-class Tony and his manservant Barrett, The Servant shows how the butler manages to take the upper hand over his master. Using corporeality and space, the film follows the various stages of that special relationship: kinship/affinity, informality/overfamiliarity, possession/self-surrender. This confrontation of dark and ambiguous internal forces puts the intimate body at the centre of a sort of class struggle in a society undergoing great changes in the early 1960s with social and sexual barriers concurrently crumbling away.

Plan

Texte

The Servant est un film qui appartient à la période dite anglaise de Joseph Losey, réalisateur américain jusque-là connu pour ses films de genre hollywoodiens ou britanniques, suite à son exil européen forcé en raison de ses problèmes avec le Maccarthysme. Après une présentation quelque peu mitigée à la Mostra de Venise en 1963, il connut un succès critique et commercial international, ce qui relança la carrière du réalisateur et établit définitivement sa réputation en tant qu’auteur notamment auprès de la critique française. Il fait partie, avec Accident (1967) et The Go-Between (1971), d’une trilogie scénarisée par Harold Pinter mettant en scène la complexité des codes sociaux régissant le système de classes britannique.1 Adapté d’une ‘novella’ de Robin Maugham (1948), The Servant est une chronique de mœurs centrée sur la relation entre l’aristocrate Tony et son majordome Barrett au début des années 1960. En décomposant le fonctionnement intime d’un rapport humain solidement codifié par les conventions sociales, elle montre comment le domestique parvient à prendre l’ascendant sur son maître en trois grands actes, ponctués par une séquence extérieure dans laquelle la caméra effectue un léger panoramique sur la rue où habite Tony. Attraction, fusion, déperdition, la corporéité est au cœur de chaque étape de cette confrontation.

1. Une relation maître/valet très intime

La relation maître/valet s’établit sous l’angle de l’intime et de la proximité corporelle. Lors de leur première rencontre, Barrett entre sans frapper puisque la porte est entrouverte, comme s’il était déjà un peu chez lui, et surprend Tony endormi sur son fauteuil. Ce dernier n’est pas troublé par l’irruption de Barrett avec qui il entame une conversation sur un ton assez jovial, loin du formalisme de l’habituel entretien d’embauche. Les questions posées donnent lieu à des confidences comme les spécialités et préférences culinaires de chacun. Il reçoit Barrett dans le futur salon, près de la cheminée et lui demande à deux reprises de s’asseoir avant qu’il ne le fasse lui-même. La relation hiérarchique est d’emblée ambiguë puisque Tony traite son futur domestique comme un ami alors que sa fiancée Susan commence par ignorer ce dernier. Dans leur deuxième scène, Tony fait visiter la maison à Barrett, lui confie rapidement le soin de la décoration intérieure et défend ses suggestions face à Susan. Barrett sait se rendre indispensable en le flattant et en devançant ses moindres désirs. Leur complicité est donc grande.

Il est manifeste que l’intimité est plus forte entre le maître et son serviteur qu’entre les fiancés. La scène du restaurant (29’) montre à quel point seules comptent la façade de respectabilité et l’illusion du bonheur bourgeois car ils n’ont rien à se dire de personnel et les visages des autres clients se glissent constamment entre eux, soulignant le caractère vain et mondain de leur vie sentimentale/sociale. Leurs relations manquent cruellement d’intimité. Dans la séquence finale, Tony ne parvient pas à toucher Susan et sa main, qui se veut protectrice, reste à distance, comme si ce geste était une sorte de crime de lèse-majesté. Au contraire, Barrett retire les chaussettes de son maître pour réchauffer ses pieds frigorifiés ou lui propose une boisson chaude. C’est pourquoi Tony se laisse dorloter : cette chaleur enveloppante tranche avec la rigidité physique et mentale des gens de sa classe, comme le suggèrent les quelques plans qui associent en permanence le froid, la pluie ou la neige à Susan ou à son oncle et sa tante, aussi marmoréens que les statues qui ornent leur salon et dont ils apparaissent comme les parodies.2 Cette association entre classes inférieures et chaleur humaine3 semble renvoyer à l’enfance de Tony qui, dans le film, se moque gentiment de Barrett en lui disant qu’il est trop maigre pour jouer les nounous. Cette scène apparemment anodine fait écho à la ‘novella’ dans laquelle le maître avoue que la seule personne qui l’ait jamais véritablement aimé était sa nounou.4 Ces allusions expliquent peut-être en partie pourquoi Tony n’est pas aussi méprisant que ses proches envers son domestique. Son histoire, son expérience intime vécue avec un membre d’une classe inférieure, fait qu’il ne peut ignorer la corporéité de Barrett, contrairement à son oncle et à sa tante, pour qui le majordome n’existe pas en tant que personne comme le montre la scène à leur domicile.

A l’exception de cette relation particulière entre Tony et Barrett, le degré d’intimité entre les personnages (absence ou présence de contact physique voire charnel) souligne la différence entre les classes sociales. Les maîtres sont encore engoncés et corsetés dans des codes qui paraissent obsolescents en ces prémices du ‘Swinging London’ (soulignés par les rares scènes au restaurant, au pub ou dans la rue qui capturent à la volée des bribes de discours des clients ou passants) alors que les domestiques jouissent déjà sans entraves dans ce qui sera bientôt la ‘permissive society’.5 Cette différence apparaît par exemple dans le rapport à la nudité puisque les mouvements qui couvrent et découvrent les corps servent à opposer maîtres et domestiques : la pudeur de Tony, qui remonte la couverture sur sa poitrine lorsque Vera (femme de chambre, maîtresse de Barrett présentée comme sa sœur) vient lui servir le petit-déjeuner au lit, contraste avec l’impudeur de la bonne qui remonte légèrement sa jupe sur ses cuisses en s’allongeant lascivement sur la table de la cuisine lorsque Barrett revient des courses. Les scènes entre les couples Tony/Susan (17’) et Barrett/Vera (39’) opposent là encore la froideur des uns à l’érotisme des autres. Tony a beau tout préparer minutieusement pour créer une atmosphère propice à une idylle romantique avec Susan (feu dans la cheminée, lumière tamisée, musique jazzy6), tout sonne faux. Les deux partenaires ne sont pas en phase ou plutôt pas sur le même plan, comme le suggère leur position allongée respective : Susan sur le canapé, Tony sur le tapis. Les cigarettes qu’ils fument ne sont pas là pour signaler un moment de plaisir partagé mais pour séparer les personnages par un écran de fumée et leur donner une contenance alors qu’ils n’ont rien à se dire. La conversation se cantonne aux projets professionnels de Tony qui ne semble pas très empressé de répondre aux avances de sa fiancée. Cette scène contraste fortement avec celle qui se joue peu après dans la cuisine entre Barrett et Vera. Leurs sourires entendus et leurs jeux avec le service à thé, les gants et les cigarettes créent un climat sensuel qui culmine avec un gros plan sur la tête renversée de la bonne dont la bouche laisse échapper un halo de fumée. L’intimité, sous quelque forme que ce soit (camaraderie, amitié, intimité conjugale), semble donc consubstantielle à la présence des domestiques dans la maison.

2. L’intime et les jeux troubles de la séduction

Cette forte intimité entre le maître et le domestique et l’ambiguïté de leur rapport qui frise la familiarité voire la promiscuité ne cessent d’interroger Susan et par ce biais le spectateur. La question est de savoir pourquoi Tony laisse Barrett prendre peu à peu les commandes de la maisonnée. Une des lectures possibles du film consiste à considérer l’intimité grandissante entre le maître et son valet comme une forme d’homoérotisme, voire d’homosexualité latente7. Il est vrai que le comportement de Tony peut suggérer une attirance pour Barrett. Si son choix semble dicté par des critères vaguement professionnels ou moraux (les autres candidats « ne convenaient pas »8) et par une certaine dose de misogynie (il ne se voyait pas avec « une vieille bonne femme »9), la manière dont il mentionne toujours Barrett dans ses conversations avec Susan, même les plus intimes, pourrait signaler un intérêt qui tourne à l’obsession. Les mots qu’il emploie pour justifier son attachement à Barrett peuvent ainsi prendre un double sens et la simple satisfaction professionnelle être évoquée de manière plus familière (le cordon bleu, la perle irremplaçable, la fée du logis). Tony refuse de congédier Barrett et même de le loger ailleurs, malgré les demandes réitérées de Susan, car il aime pouvoir profiter de sa présence à toute heure du jour et de la nuit. Sa manière de toujours le défendre, même s’il est en tort, montre un lien entre les deux hommes qui rappelle la solidarité masculine du ‘male bond’. Les souvenirs partagés de régiment accentuent encore le caractère homoérotique de la relation puisque les deux hommes confient n’avoir éprouvé ce fort sentiment d’union et d’amitié masculine qu’à l’armée.

Cependant cette camaraderie se transforme rapidement en relation passionnelle, comme le montrent les plans qui figurent une sorte de triangle amoureux symbolique : Barrett apparaît la première fois entre le couple mais, la deuxième fois, c’est Susan qui est entre le maître et le domestique. C’est elle qui fait désormais obstacle à la liaison fusionnelle qui est en train de s’opérer sous ses yeux et contre laquelle elle ne peut rien. Lorsque Barrett les interrompt dans leurs ébats, il entre précisément au moment où Tony prononce la phrase « épouse-moi » et devient dès lors symboliquement sa femme. Tony reconnaît à demi-mot sa dépendance, comme dans la scène où Barrett annonce qu’il doit se rendre chez sa mère malade. Tony le prie de faire vite et la manière dont il l’observe partir à la gare, par la fenêtre, en discutant distraitement avec Susan au téléphone ne trompe pas sur son véritable centre d’intérêt. Il est complètement perdu sans lui, comme le montrent les scènes où il doit dîner à l’extérieur. Plus tard, lorsqu’il surprend Barrett et Vera dans son propre lit, il est totalement défait, moins par l’outrage fait aux conventions de son monde (ce sur quoi insiste Susan) que par la douleur causée par l’infidélité de Barrett. Tony, bien qu’amant de Vera, est jaloux de devoir partager Barrett avec Vera et non l’inverse car on le voit reprendre espoir dans la scène ultérieure du pub lorsque ce dernier annonce que Vera l’a quitté.10 Pour encaisser le choc de la trahison, il se sert à boire en écoutant All Gone dont les paroles soulignent à quel point il vient de tout perdre. Il se résout à le congédier pour préserver les apparences auprès de Susan11 mais ses déambulations nocturnes et ses larmes dans la chambre des domestiques montrent son désarroi. Quand ils se recroisent au pub, c’est avec soulagement qu’il accepte de donner une seconde chance à un Barrett qui joue les penauds,12 rejetant la faute sur Vera. Il le reprend donc à son service et, une fois définitivement débarrassé de Susan puis de Vera, le couple devient alors quasiment fusionnel dans des scènes qui relèvent de l’intimité conjugale. C’est bien parce qu’il trouve dans cette relation profonde et simple avec un inférieur ce qu’il ne trouve pas avec ses pairs au sein d’un Establishment superficiel et froid que Tony est si attiré par son domestique malgré ses défauts et ses outrecuidances.

Cette intimité consentie terrifie cependant Tony parce qu’elle le révèle à lui-même. Deux scènes sont signifiantes de ce point de vue. La scène où Tony découvre Barrett et Vera dans son lit possède un caractère oppressant et horrifique car le spectateur est tenu à l’écart et ne voit que les réactions sur le visage du couple de maîtres. Après un instant d’hésitation prémonitoire, Tony s’avance dans le couloir puis gravit quelques marches de l’escalier central et s’arrête, effrayé, en regardant vers le haut. On entend en voix-off le rire assez diabolique de Barrett (qui se moque du maître) et les cris suraigus de Vera puis on voit la silhouette du domestique se dessiner à contrejour sur le mur de l’escalier, comme un fantôme qui hanterait la maison. Celle où Tony et Barrett jouent à cache-cache mêle peur enfantine et thriller, et se termine par une mise en scène digne de Psycho (Hitchcock, 1960).13 Alors qu’il monte l’escalier comme un chasseur guette sa proie (en invitant Tony « puss » à sortir de sa tanière « lair »), Barrett, tout de noir vêtu et ébouriffé, est filmé en gros plan avec un fort contraste, ce qui rappelle Boris Karloff en monstre de Frankenstein. La caméra alterne les gros plans de plus en plus serrés sur les visages de Barrett, aux yeux exorbités, et de Tony qui se mord la main pour ne pas hurler. Au moment où Barrett se rapproche du rideau de douche sur lequel se projette l’ombre de Tony, la caméra épouse le point de vue du grand méchant loup (avec ses grosses pattes/mains velues s’apprêtant à l’ouvrir) et se focalise en très gros plan sur le visage effrayé de Tony qui tombe à la renverse dans la baignoire. La première scène révèle le pouvoir de fascination de Barrett puisque Tony ne peut s’empêcher de fixer ce corps qu’on devine nu alors que Susan, elle, détourne immédiatement le regard. Ce qui terrorise le maître dans la seconde, c’est la prise de conscience de sa possible homosexualité tant il semble fébrile à l’approche du domestique14. Cette fin un peu abrupte sur Tony couché dans la baignoire alors qu’on entend le goutte-à-goutte du robinet fait écho à deux scènes de séduction entre Barrett et Vera et entre Tony et Vera, ponctuées elles aussi par ce goutte-à-goutte, une façon pour le réalisateur de suggérer le dénouement de cette scène passé sous ellipse. A chaque fois, le malaise créé vient du déchirement entre l’identité sociale de Tony, imposée par sa naissance, son passé militaire et ses connaissances, et ses aspirations profondes (amour et chaleur des gens du peuple, goût pour le confort domestique, homosexualité non assumée15),16 comme s’il succombait à son corps défendant.

Le comportement de Barrett envers Tony est encore plus ambigu. A l’instar de Ripley envers Dickie (The Talented Mr Ripley, Patricia Highsmith, 1955), l’envie du domestique pour son maître mêle attirance physique et attrait du statut social. Le regard insistant et le temps pris avant de réveiller Tony dans la scène d’ouverture montrent l’intérêt voire le coup de foudre du sombre et brun Barrett pour le bel endormi, dans toute sa blonde beauté solaire. Son utilisation de la lampe à UV de Tony et de son eau de Cologne signalent également sa fascination. signale également sa fascination. Après son renvoi, Barrett tente, dans la scène du pub, de se faire pardonner (la cloison vitrée qui sépare le maître et le domestique après l’incartade de ce dernier évoque un confessionnal). Les expressions utilisées sont toutes à double sens et il obtient son pardon lorsqu’il reconnaît explicitement avoir trompé Tony. En affirmant que sa nouvelle employeuse est une vieille femme horrible qui lui prend toute son énergie vitale, Barrett rejoue la scène d’embauche. Il utilise Vera pour détourner Tony de Susan mais aussi pour le rendre jaloux. Le fait que les deux hommes partagent la même femme peut être interprété comme une relation homosexuelle sublimée par l’intermédiaire du corps féminin. La scène où Vera passe directement du lit, où elle est avec Barrett, au salon, où l’attend Tony, est particulièrement parlante puisqu’elle fait clairement un lien direct entre les deux hommes à demi dévêtus. Afin de le déciller, Barrett conclut d’ailleurs de manière grivoise face à la désapprobation de Tony qui, dans sa naïveté ou son aveuglement, croit encore que le domestique est coupable d’inceste : « je dirais plutôt que nous sommes tous les deux dans le même bateau, Monsieur ».17 Ce procédé se répète ensuite avec la scène finale de l’orgie puisque les seuls hommes sont Tony et Barrett, et les femmes invitées ne sont que des prostituées, ce qui paradoxalement renforce le caractère homoérotique du couple.

Le film joue d’ailleurs constamment sur l’ambiguïté de l’orientation sexuelle des personnages masculins en révélant une atmosphère fétichiste, d’où sa réputation sulfureuse.18 Les nombreuses esquisses et photographies qui ornent les murs de la maison montrent que les silhouettes masculines sont beaucoup plus travaillées et toujours flatteuses alors que les féminines sont à peine ébauchées et caricaturales.19 En outre, les seules femmes qui trouvent grâce à leurs yeux sont de très jeunes filles à la silhouette un peu androgyne.20 Le corps féminin est parcellisé mais, contrairement à l’imagerie érotique traditionnelle, ce sont uniquement les jambes et les pieds qui attirent leur regard alors qu’ils ne supportent pas les visages, comme dans la scène de la cabine téléphonique lorsque Barrett cache avec sa main contre la vitre le visage d’une passante qui le presse d’abréger sa conversation avant de l’insulter en sortant. Il semble même être obsédé par la longueur des jupes toujours trop courtes à son goût. Dans la scène finale déjà évoquée, les gros plans successifs sur toutes les femmes présentes autour de Tony trahissent sa méfiance, voire son dégoût, puisqu’elles apparaissent toutes plus ou moins monstrueuses en étant méprisantes, moqueuses ou déçues en le regardant. Quand Barrett renvoie toutes ces prostituées, il demande à l’une d’elles de revenir le lendemain avec un homme, comme si seule une présence masculine pouvait réveiller la libido de Tony.

3. L’intime, l’arme de la prise de pouvoir

L’intimité de la relation maître/valet, acceptée par Tony, est clairement et sciemment utilisée par Barrett comme un moyen d’émancipation. Sous couvert d’intimité, The Servant est avant tout un corps à corps, ‘a power play’.21 Le véritable projet de Barrett apparaît dès la scène d’ouverture puisque son regard se dirige directement sur l’escalier qu’il s’apprête à monter avant de se raviser et d’explorer le rez-de-chaussée où il trouve Tony. Son but est clairement énoncé : gravir les échelons pour accéder au sommet de la hiérarchie et profiter des avantages de la haute société. Le film montre l’inversion progressive du rapport de force. Comme on l’a vu, l’inversion hiérarchique commence dès l’entretien d’embauche et Barrett va saisir toutes les occasions pour s’imposer. Sa façon de s’immiscer dans le couple Tony/Susan lorsqu’il entre sans prévenir dans le salon relève d’une stratégie, renforcée par les multiples jeux de miroir qui le font souvent apparaître dans le champ, pour contrôler Tony et l’isoler d’un monde extérieur empêtré dans des conventions immuables faisant obstacle à une relation intime vue, à juste titre, comme hautement subversive. Ce jeu autour de la verticalité se double d’un jeu autour de l’axe centre/périphérie puisque, dès le début, Barrett occupe le hall, pièce centrale de la maison, alors que Tony est, pour ainsi dire, confiné sinon rejeté dans le salon d’hiver d’abord séparé par une cloison puis par un rideau. Le maître est d’ores et déjà marginalisé dans sa propre demeure.22 L’axe centre/périphérie est également renforcé par la circularité quasi constante des mouvements de caméra, notamment dans la scène d’ouverture, donnant un pouvoir illusoire à Tony, qui papillonne, alors que Barrett, assis, semble dominé. Cependant, ce dernier s’ancre déjà dans la maison et y développe dès lors une force centripète, telle l’araignée qui attend patiemment que sa proie échoue au cœur de sa toile pour mieux la dévorer.23

Barrett cherche à isoler Tony socialement et spatialement en utilisant la sexualité sous toutes ses formes, en l’incitant par exemple à assouvir le fantasme de la soubrette24 lorsqu’il lui présente sa supposée sœur Vera.25 La scène où elle séduit Tony est rythmée par le robinet qui fuit et le tic-tac de l’horloge dans un crescendo qui signale une tension érotique inexistante avec sa fiancée. Leur deuxième scène est un parfait pendant à celle déjà évoquée avec Susan. Tony prépare en effet la même mise en scène (feu de cheminée, lumière tamisée, musique, verre d’alcool) mais l’effet est radicalement opposé. La débauche qui commence réellement par l’encanaillement du très distingué Tony avec la soubrette Vera dans des scènes à l’atmosphère fétichiste (jambes nues sur fauteuil de cuir noir) marque d’ailleurs le premier tournant du film et le passage au deuxième acte de la prise de pouvoir de Barrett qui culmine dans la scène du pub. Le retour en force du domestique est annoncé par le soudain changement d’angle de caméra qui fait comprendre que, une fois encore, la scène est en fait un reflet dans un miroir, comme c’est régulièrement le cas dans les scènes avec le grand miroir convexe de la maison. Ce retournement symbolise une inversion de place ou de statut dans le rapport de force établi et, dans le troisième et dernier acte, lorsque Barrett revient après son bref renvoi, il prend alors définitivement le dessus car tout se fait selon ses conditions. Lorsque Tony, excédé, le traite de paysan, Barrett se rebiffe26 et répond qu’il n’est plus le domestique de personne car il est « le gentleman d’un gentleman mais [Tony n’est] pas un gentleman ».27 La perte de statut est alors explicite et l’ordre social est remis à plat.28 Tony propose un compromis qui rétablit un statut d’égalité,29 tout comme, dans le jeu de balles, il proposait un match nul. Mais l’égalité ne suffit pas à Barrett qui commence à donner des ordres à son maître qui s’exécute. Tony se met à cuisiner pour Barrett qui critique tout, à la manière d’un maître difficile à satisfaire. Le maître et le domestique mangent ensemble. Signe suprême du recours à l’intimité comme prise de pouvoir du domestique sur le maître, Barrett finit même par toucher Tony en lui secouant le menton pour le sortir de sa torpeur.

Ces jeux de pouvoir et de séduction ne sont possibles que dans le cadre intimiste de la maison du maître, ce qui fait du film un quasi huis-clos où chaque pièce révèle l’ambiguïté de la relation qui unit Tony à Barrett.30 Ce dernier exploite le caractère casanier de Tony qui a des projets de construction au Brésil mais on devine rapidement qu’il ne quittera plus la maison qu’il vient d’acheter. Ses sorties se raréfient au cours du film (trois scènes extérieures dans la première partie du film, seulement deux dans la deuxième, aucune dans la troisième31) pour mieux signaler l’emprise croissante de Barrett qui le coupe progressivement de tout contact extérieur en fermant fenêtres et rideaux. Les coups de téléphone stridents signalent aussi le repli sur soi du maître. Au départ, Tony répond encore, même de manière distraite et à reculons. Lors de la scène de séduction avec Vera, pour la première fois, il laisse le téléphone sonner. Dès lors, plus jamais il ne daignera vraiment répondre aux appels désespérés de Susan pour tenter de le faire sortir de sa tanière.

Le partage de l’espace intérieur symbolise la lutte d’influence à l’œuvre. La maison du maître fait corps avec le domestique tant son agencement semble servir ses desseins : les nombreux miroirs reflètent souvent ce qui ne devrait pas être vu (comme les ébats furtifs de Tony et Vera32) et la porte dérobée de la bibliothèque lui permet d’aller et venir à son gré dans la pièce à vivre du maître. Le domestique choisit ses apparitions alors que le maître les subit et manque clairement d’intimité puisque tous ses faits et gestes semblent épiés à la fois par les nombreux portraits de famille et masques africains, témoins du passé impérial de Tony et par Barrett qui, lui, accumule ainsi un précieux « capital intime » sur son maître.33 En outre, contrairement aux codes en vigueur qui veulent que les domestiques soient des présences discrètes, celle de Barrett est ostensible. Comme le remarque Susan, il semble omniprésent – elle souhaiterait d’ailleurs que Tony le cantonne à sa chambre34 – et quasiment omniscient (elle le traite de voyeur) vu sa propension à apparaître derrière chaque porte. Barrett étant logé au-dessus de la chambre du maître, il a, dès le départ, une grande zone d’influence puisqu’il occupe à la fois le rez-de-chaussée, avec la cuisine et le hall/couloir, et le dernier étage qui est la propriété exclusive des domestiques (sa chambre, l’ancien débarras transformé en chambre pour Vera et une salle de bain), où Tony ne s’aventure que rarement et prudemment. En effet, si la cuisine est le lieu de nombreuses transgressions visibles pour spectateur et auxquelles Tony prend parfois part,35 il n’en va pas de même pour le dernier étage. Même lorsqu’il fait visiter la maison à Barrett avant les travaux, Tony n’entre pas (ni la caméra) dans les pièces destinées au majordome et à la femme de chambre. Cet espace, source de tous les fantasmes, dont parviennent régulièrement, une fois Vera installée, des éclats de rire d’un couple qui semble batifoler, ajoute encore à l’aura sulfureuse et à la charge érotique portée par les domestiques. Et Tony semble souvent regarder avec envie et effroi du bas de l’escalier la porte fermée de cette chambre. Si le maître n’ose pas se rendre dans les lieux des domestiques, ces derniers en revanche n’hésitent pas à prendre possession de ceux du maître.36 Les deux pièces qui relèvent le plus de son intimité sont des espaces à conquérir en priorité. Tony surprend ainsi le couple dans sa salle de bain puis dans sa chambre mais il demeure interdit, ce qui laisse entendre qu’il consent à l’envahissement de son espace personnel. L’escalier central massif de la maison est un autre symbole de ce renversement du rapport de force. Lors d’un jeu de balle auquel ils se livrent, Barrett finit par envoyer Tony en bas lui chercher un verre. Le dialogue de cette scène est une fois de plus plein de sous-entendus et justifie implicitement la stratégie de Barrett. Au grand dam de Tony qui, en bon représentant de l’Establishment, se veut adepte du fair-play, Barrett pense que tous les coups lui sont permis en raison de sa position inférieure.37 Le maître arrête cependant bien vite le jeu tant il est fatigué de se baisser constamment pour se mettre au niveau de son domestique38 (et rappelle à Barrett sa vraie position en tant que serviteur), ce à quoi Barrett rétorque que cette gymnastique lui fait du bien39 et qu’apprendre à courber l’échine est le but même du jeu.40 Le caractère baroque du film souvent mentionné par la critique41 vient d’ailleurs principalement de cette esthétique de la maison du maître qui joue de l’exubérance des décors et de l’extravagance des personnages pour mieux renverser les rôles.

La maison du maître est aussi le champ de bataille de la lutte des classes sublimée à laquelle se livrent Barrett et Susan. Cette dernière est un corps étranger qu’il doit à tout prix expulser. Les fleurs et les coussins qu’elle dispose un peu partout dans la maison témoignent de sa volonté d’occuper le terrain face à l’envahissant Barrett qui, lui, les élimine au fur et à mesure. L’épisode du vase de fleurs est un autre exemple symbolique. Pour manifester sa présence auprès de Tony et son autorité sur le domestique, Susan exige que le vase qu’elle vient d’apporter reste dans la chambre de son fiancé alors que Barrett veut le mettre dans le couloir. Elle obtient satisfaction mais Barrett lui fera payer chèrement l’humiliation et les autres vexations subies. Dans la scène où il est surpris avec Vera dans le lit du maître, il en profite pour révéler implicitement l’infidélité de Tony, et dans la séquence finale, il oblige l’altière Susan à l’embrasser et à danser avec lui pour tenter de retenir l’attention de Tony et lui souffle la fumée de sa cigarette au visage.42 Les expressions utilisées pour parler d’elle sont très méprisantes et il l’appelle même « love ». Alors que les manières de Barrett s’effacent et que son allure devient de plus en plus débraillée, c’est à Susan de lutter contre le laisser-aller et le désordre généralisé. La grande bourgeoise devient donc la servante pendant que Vera folâtre à sa guise avec Tony ou Barrett. Susan a beau user de tout son sarcasme pour affirmer sa supériorité et montrer son mépris de classe, elle a déjà perdu son statut de maîtresse de maison et le cœur de Tony, comme le souligne le plan à la dérobée sur les fleurs fanées dans le vase. Elle n’a alors d’autre choix que de s’effacer en sortant définitivement de cette maison qui ne veut plus d’elle et où elle étouffe : on la voit s’appuyant sur l’arbre devant la porte d’entrée pour reprendre son souffle et ses esprits avant de rentrer chez elle. Avant de partir définitivement, elle regarde longuement Barrett en triturant ses perles, comme si elle tentait de se rattacher au dernier symbole de son appartenance à la classe dirigeante, puis elle le gifle. Mais, malgré cette dernière bravade, le vrai maître des lieux est bien Barrett qui referme précautionneusement le verrou (en plongée pour mieux souligner l’importance de maintenir une barrière étanche avec le monde extérieur) avant de monter se coucher dans la chambre du maître avec Vera pendant que Tony se traîne comme un chien sur le palier.

La progression inéluctable de la domination du serviteur se compte au nombre de pièces investies mais elle se signale aussi par le jeu des contrastes de lumière qui mêle intime et épouvante, grâce au travail mené par le chef opérateur Douglas Slocombe.43 Le domestique est ainsi présenté dès le départ comme un prédateur, tout de noir vêtu lorsqu’il se rend pour la première fois dans la maison lumineuse d’un quartier immaculé. Son ombre projetée sur les murs donne immédiatement un côté expressionniste ou gothique à l’atmosphère.44 Telles certaines croyances qui veulent que le vampire n’entre dans une maison que lorsqu’il y est invité, Barrett trouve la porte non fermée à clé, sans cloche pour sonner, et surprend dans l’entrebâillement d’une porte le propriétaire des lieux endormi et vulnérable. Le jeu de plongée/contre-plongée et zoom avant/arrière souligne la pesanteur de l’atmosphère et rappelle le Nosferatu de Murnau (1922), la noirceur et la raideur de Barrett contrastant avec la blondeur et la langueur de Tony.45 Cette scène annonce celle, à l’ironie dramatique, dans laquelle, pour se moquer de la méfiance de Susan envers Barrett, Tony renchérit en disant qu’il s’adonne également au vampirisme durant ses jours de congé, sans se rendre compte qu’il est déjà ‘mordu’ et qu’il va se laisser peu à peu vampiriser par ce domestique à l’allure méphistophélique.46 Un critique a d’ailleurs noté que la structure du film renvoie à un sous-genre du film d’horreur, le ‘domestic horror film’, qui repose sur l’insinuation du mal par le biais de l’intime au cœur d’une maison tranquille.47 Le contraste de lumière illustre également les différents duels auxquels Susan et Barrett se livrent pour asseoir leur suprématie et matérialise leur aura bénéfique ou maléfique auprès de Tony. Susan, toujours habillée de couleurs claires, ouvre les rideaux pour laisser entrer la lumière, rideaux que Barrett s’empresse de refermer dès qu’elle a le dos tourné. Elle tente de sortir Tony de cette maison aux effets délétères. Elle le convainc d’aller chez son oncle qui vit dans une demeure dont la blancheur est renforcée par la neige immaculée qui couvre le parc mais Tony s’ennuie et rentre plus tôt que prévu. Dans la scène où, en l’absence de Tony, elle tente d’humilier Barrett, elle lui demande s’il pense se fondre dans le décor.48 Elle n’a pas encore compris que c’est elle qui détonne car lorsque Barrett présente sa supposée sœur, Vera, à Tony, elle est entièrement vêtue de noir, tout comme les prostituées dans la séquence finale. Dès lors, Tony porte lui aussi un pull-over noir, premier signe visible vers la convergence de personnalité avec Barrett. Et alors que Barrett dévoile de plus en plus son côté obscur, l’aspect, voire l’essence même, de la maison change, reflet de l’âme des protagonistes. L’éclairage passe de faibles à de forts contrastes insistant sur les ombres portées et obscurcissant les cheveux et la silhouette de Tony. Vampirisé, il éteint désormais les lampes partout où il passe. Les miroirs convexes déformants renforcent l’atmosphère étrange voire fantastique de la maison, un corps de logis presque organique, dont les murs mêmes semblent vivants. Les barres et rampes de l’escalier central l’enserrent dans une véritable cage. Leurs ombres portées filmées en plongée forment une spirale qui symbolise le tourbillon sans fin dans lequel il est aspiré. Dans la séquence finale, Tony, le teint blafard et les cernes creusés, erre et rampe, ivre ou drogué, dans la maison alors que Barrett virevolte, organise leurs soirées orgiaques et établit les projets à sa place. Le domestique a donc eu raison de son maître qui, dépossédé de lui-même, semble perdu pour l’éternité dans les limbes, une stase figurée par le plan final sur une horloge arrêtée alors que la maison était naguère pleine de tic-tacs et carillons en tout genre.

The Servant montre la relation ambiguë d’un couple maître/valet qui passe par différentes phases : professionnelle (patron/employé), privée (amis/ennemis), intime (amants réels/symboliques). Le film décrit comment le domestique prend progressivement l’ascendant sur son maître en déconstruisant peu à peu les valeurs sur lesquelles il assoit sa supériorité. Même si le film s’inscrit dans une tradition littéraire britannique qui aime jouer autour du possible renversement éphémère de la relation maître/valet,49 ce véritable travail de sape lui donne son caractère éminemment subversif et par là-même unique. C’est bien par le moyen de l’intime, notamment de la sexualité réelle ou sublimée, que Barrett, ‘us’, prend le dessus sur ‘them’.50 On assiste en effet à une véritable désintégration de la barrière de classe entre le maître et son domestique, à mesure que le contact devient physique entre ‘us’ et ‘them’. Le comportement de Barrett est, à l’image de celui de tous les domestiques, « le résultat du désir caché de compenser l’inégalité de sa condition » selon l’auteur de la nouvelle originelle et peut donc se voir comme le symptôme d’une névrose obsessionnelle dont la conscience prolétarienne est le moteur.51 Barrett apparaît in fine comme une sorte de vengeur social à tendance psychopathe dont la mission consiste à semer la zizanie dans cet Establishment si policé et présenté comme de plus en plus ridicule : Tony, au début du film, tient à dîner en costume alors qu’il est seul chez lui.52 Si on parle d’une forme de névrose obsessionnelle,53 c’est parce qu’apparemment, Barrett n’en est pas à son coup d’essai. Lors de son entretien d’embauche, il prétend avoir été majordome pendant treize ans, notamment pour des pairs du Royaume et, plus tard, il affirme avoir déjà opéré de la même manière avec le père de Vera qui lui a vendu sa fille pour trente livres.54 Tel un phagocyte ou un double démoniaque,55 Barrett détruit ‘them’ de l’intérieur en jouant de leur/sa faiblesse particulière, la paresse et la boisson dans le cas de Tony.56 Si certains critiques ont pu voir dans la fin du film un message conservateur voire réactionnaire (lorsque la hiérarchie entre maître et serviteur est chamboulée, le chaos s’ensuit),57 on peut a contrario interpréter le film comme l’observation ironique d’un système de classe obsolescent par un réalisateur américain souvent qualifié d’outsider et de moraliste58 qui se délecte de l’esprit d’anarchie ainsi développé tout en appelant, certes de manière détournée, à un idéal plus démocratique et égalitaire (un discours qui reste d’actualité puisque le film a bénéficié d’une ressortie avec une copie restaurée pour son cinquantième anniversaire).

Bibliographie

Armion, Clifford (2007), « Shakespeare et Pinter : la maison victorienne comme scène de théâtre », in : Sens public. Document électronique consultable à : http://www.sens-public.org/spip.php?article465. Page consultée le 18 février 2018.

Binh, N.T. / Pilard, Philippe (dir.) (2000), Typiquement British, le cinéma britannique, Paris :

Editions Centre Pompidou.

Blottière, Mathilde (2014), « “The Servant”, de Joseph Losey : la grande histoire d’un film au parfum de soufre », in : Télérama. Document électronique consultable à : http://www.telerama.fr/cinema/the-servant-de-joseph-losey-la-grande-histoire-d-un-film-au-parfum-de-soufre,115980.php. Page consultée le 18 février 2018.

Bradshaw, Peter (2013), « The Servant: a 60s masterwork that hides its homosexuality in the shadows », in : The Guardian. Document électronique consultable à : https://www.theguardian.com/film/filmblog/2013/mar/27/the-servant-homosexuality-harold-pinter. Page consultée le 18 février 2018.

Ciment, Michel (1994), Joseph Losey. L’œil du maître. Textes réunis et présentés par Michel Ciment, Mayenne : Institut Lumière/Actes Sud.

Ciment, Michel (2009 [1973]), Kazan, Losey. Edition définitive : Entretiens, Paris : Stock.

Connolly, Matthew (2013). « The Servant », in : Slant Magazine. Document électronique consultable à : http://www.slantmagazine.com/film/review/the-servant. Page consultée le 4 octobre 2015.

Durgnat, Raymond (1971), A Mirror for England: British Movies from Austerity to Affluence, London : Praeger.

Gardner, Colin (2015 [2004]), Joseph Losey, Manchester : Manchester University Press.

Locke, John L. (2010). Eavesdropping: An Intimate History, Oxford : Oxford University Press.

Macnab, Geoffrey (2013), « The Servant that led cinema into a new era », in : The Independent. Document électronique consultable à http://www.independent.co.uk/arts-entertainment/art/features/the-servant-that-led-cinema-into-a-new-era-8535019.html. Page consultée le 4 octobre 2015.

Maugham, Robin (2000 [1948]), The Servant, London : Prion.

Marin-Lamellet, Anne-Lise (2011), Le Working Class Hero ou la figure ouvrière à travers le cinéma britannique de 1956 à nos jours. Thèse consultable à l’Université de Grenoble.

Morefield, Kenneth R. (2009), « The Servant », in : 1 More Film Blog. Document électronique consultable à http://www.patheos.com/blogs/1morefilmblog/the-servant-losey-1963/. Page consultée le 4 octobre 2015.

Palmer, James / Riley, Michael (2010 [1993]), The Films of Joseph Losey, Cambridge : Cambridge University Press.

Pinel, Vincent (2000), Ecoles, genres et mouvements au cinéma, Paris : Larousse.

Sargeant, Amy (2011), The Servant, London : Palgrave Macmillan.

Shaïmi, Gustave (2011), « The Servant », in : Courte-focale.fr, Grand angle sur le cinéma. Document électronique consultable à http://www.courte-focale.fr/cinema/analyses/the-servant/. Page consultée le 19 février 2018.

Street, Sarah (2001 [1997]), British National Cinema, London : Routledge.

TV Tropes. « French Maid ». Document électronique consultable à http://tvtropes.org/pmwiki/pmwiki.php/Main/FrenchMaid. Page consultée le 24 septembre 2017.

Notes

1 Pour une étude détaillée des différentes époques de la filmographie de Joseph Losey, voir Ciment (1994 et 2009), Palmer/Riley (2010 : 1-2). Pour un résumé de la genèse du film, voir Blottière (2014), Palmer/Riley (2010 : 42-44), Ciment (2009 : 418, 456-470). Pour une analyse de la réception critique et commerciale du film, voir Sargeant (2011 : 99-104) et Ciment (2009 : 458-459, 479, 577). Retour au texte

2 « Je voulais que toute cette scène fût tournée avec les vraies personnes faisant comme des parodies des attitudes des statues derrière elles. […] L’attitude de chaque personnage est un reflet de l’attitude d’une des statues dans les niches. » (Ciment 2009 : 463) Retour au texte

3 Joseph Losey explique à ce propos: « J’espère qu’il y a dans ce film autant d’amour et de chaleur humaine que d’horreur. » (Ciment 1994 : 137) Retour au texte

4 « The favourite woman in my life […] the only woman who really loved me when I was a child. She would have given me anything in the world if she could. » (Maugham 2000 : 64) Retour au texte

5 La scène finale de l’orgie à laquelle participe Tony fait cependant écho aux multiples scandales de mœurs ayant touché des membres de l’Establishment et défrayé la chronique à l’époque et dont la plus célèbre, l’affaire Profumo, a justement été découverte l’année de la sortie du film en 1963 (Street 2001 : 89). « Apprehensions over the invasion of lower-class sexual licentiousness aren’t so much smuggled in by the would-be pair of servants as preexisting their arrival, if exacerbated by their presence. […] These sidelong narrative glances [des clients du restaurant] suggest a privileged world brimming with innuendo-laden excess and barely concealed sexual jealousies. » (Connolly 2013) Retour au texte

6 Le thème principal est la chanson All Gone de John Dankworth et Cleo Laine. Retour au texte

7 Cette lecture semble être la raison de la redécouverte du film par certains critiques qui classent ce film équivoque dans la liste de tous ceux qui essayaient de contourner la censure de l’époque pour aborder des thèmes interdits comme l’homosexualité (Connolly 2013, Bradshaw 2013, Blottière 2014). « The Servant played like a twisted, homoerotic 1960s version of one of PG Wodehouse's Jeeves stories », selon Macnab. La version restaurée de 2013 a d’ailleurs été projetée dans le cadre du BFI London Lesbian and Gay Film Festival (Macnab 2013). Retour au texte

8 « Unsuitable chaps somehow. » Retour au texte

9 « An old hag. » Retour au texte

10 Dans une autre scène, Tony pleure sur le lit de Vera mais la caméra monte légèrement afin de laisser découvrir des photographies de culturistes au-dessus du lit. L’homoérotisme est donc omniprésent dans une scène qui pourrait a priori passer pour du chagrin hétérosexuel. Plus tard, lorsque Barrett tente de soutirer de l’argent à son maître en utilisant à nouveau Vera, Tony choisit rapidement son domestique plutôt qu’elle en la traitant de garce (« slut »). Retour au texte

11 De manière assez significative, Tony et Barrett souhaiteraient tous deux s’entretenir en privé pour régler cette affaire mais Susan s’y oppose. On devine que, sans sa présence, aucune punition n’aurait été décidée, en raison de l’autorité défaillante du maître dont la voix se casse dans les aigus lorsqu’il tente de crier sur son domestique. Retour au texte

12 Ses regards en coin pour étudier l’effet de son jeu d’acteur ne trompent pas sur la mise en scène constante à laquelle il se livre pour reprendre le dessus sur Tony. Retour au texte

13 Tony qualifie à plusieurs reprises Barrett de « creep », terme accepté par le domestique puisqu’il l’utilise à son tour dans la scène de cache-cache (« I’m creeping up on you »). Retour au texte

14 Les critiques britanniques contemporains semblent d’ailleurs associer le caractère horrifique du film qu’ils qualifient, en écho aux termes utilisés par les personnages, de « creepy », « startling » ou de « scary movie » davantage à son sous-texte crypto-gay qu’au chamboulement des rapports de classes explicite sur lequel s’était focalisée la critique dithyrambique lors de la sortie du film (Bradshaw 2013, Macnab 2013). Retour au texte

15 Voir les propos du réalisateur quant à la possible homosexualité refoulée de Tony, selon lui à la fois le produit de son milieu social et du matriarcat britannique, qui fait de lui une victime toute désignée (Ciment 2009 : 461-462). Retour au texte

16 Dans la ‘novella’, l’horreur naît du fait que la relation Tony/Barrett est perçue d’un point de vue externe et parcellaire par le narrateur Richard, ami de Tony. Les ellipses, les interrogations et surtout les non-dits font écho au tabou de l’innommable victorien à une époque où l’homosexualité était encore réprimée par la loi. D’où aussi peut-être la vision de l’évolution de Tony comme une déchéance, même si Richard n’est pas sans ambiguïté non plus avec son dégoût de la sexualité débridée de son ami, sa peur de la sexualité féminine (Vera) et son mépris de classe teinté de jalousie envers Barrett qui a obtenu l’exclusivité des faveurs de Tony. Retour au texte

17 « We’re both rather in the same boat, Sir. » Retour au texte

18 Ce qualificatif est ainsi récurrent chez les critiques : « un film au parfum de soufre, [crainte de mettre] de l’eau dans le soufre, ce film sulfureux » (Blottière 2014). Retour au texte

19 Peut-être peut-on voir en cela l’adaptation de la ‘novella’ dans laquelle les corps masculins sont décrits avec moult détails évocateurs alors que Sally (Susan dans le film) est présentée, de manière équivoque, comme un jeune poney (Maugham 2000 : 6-7). Retour au texte

20 La ‘novella’ se teinte un peu d’ironie en jouant sur les mots et les sous-entendus lorsque Vera explique à propos de Barrett : « I’ve known a few men since then. And I’ll tell you he was the queerest. » Barrett est même plus ou moins défini comme un pédophile en puissance puisque, toujours selon Vera, il l’a séduite à 14 ans pour la délaisser à 17 : « He only likes them young. » (Maugham 2000 : 68) Retour au texte

21 Le réalisateur lui-même insistait sur la dimension politique de son film : « I don’t want the film to be simply a study of a little homosexual affair. » (Macnab 2013) Retour au texte

22 Pour une étude détaillée de l’espace dans le film, voir Armion (2007). Retour au texte

23 Pour une analyse de la fluidité circulaire des mouvements de caméra dans le film, voir Palmer/Riley (2010 : 46-47), une technique initiée dans Eva et affinée ici selon le réalisateur (Ciment 2009 : 458-459, 464). Retour au texte

24 Ce trope venu du théâtre et de la littérature (connu sous le nom de ‘French Maid’ chez les Anglo-Saxons) est passé dans le cinéma érotique et les séries télévisées (Devious Maids). On trouve des références constantes dans la presse, la dernière en date à l’occasion de l’affaire DSK. Retour au texte

25 Un cliché retourné dans la mesure où Vera ressemble davantage à la Jolie Môme chantée par Juliette Gréco qu’à une pauvre ingénue comme le croit Tony, une fois encore victime des préjugés de sa classe ou de sa naïveté. Dans la ‘novella’ et, dans une moindre mesure dans le film où, signe des temps, elle paraît davantage en femme libérée, Vera est même décrite comme une nymphomane (Maugham 2000 : 69). Retour au texte

26 « Nobody talks to me like that! » Retour au texte

27 « I am a gentleman’s gentleman but you are not a gentleman. » Retour au texte

28 Cette phase fait écho à un passage très explicite de la ‘novella’ qui montre bien comment l’intimité développée entre le maître et le domestique est l’outil même de la désintégration de l’ordre social : « The screen of convention which stood between him and Barrett had been shattered. There was now an easy understanding. The barriers were down. They had been after the same girl. They were no longer master and servant. Both were still bachelors. Both were lonely. And thus Barrett gradually became the dragoman who could be trusted to bring Tony safely whatever he needed. » (Maugham 2000 : 61) Retour au texte

29 « Perhaps we could both make an extra effort. » Retour au texte

30 Le goût du réalisateur pour les décors hautement signifiants contribuant à la caractérisation des personnages (« I think places are actors » dit-il dans Palmer/Riley 2010 : 12 et Ciment 2009 : 485), trait récurrent de ses films quel que soit le genre abordé, viendrait de son passé de metteur en scène (Blottière 2014, Shaïmi 2011). Retour au texte

31 L’acte I comprend la scène de la cabine téléphonique, gare, rue entrecoupée de celle du restaurant, celle chez l’oncle et la tante, celle du club-restaurant et de la rue. L’acte II comprend la scène du parc et celle du pub. Dans l’acte III, Tony s’attendrit un instant à l’idée de sortir en entendant les cris des enfants dans la rue mais il ne met pas son projet à exécution. Retour au texte

32 La mise en scène utilise aussi les portes, notamment la porte d’entrée pour laisser deviner ce que Barrett et Vera font sur le palier alors que seul le bras de Barrett est visible depuis le couloir où est située la caméra. Retour au texte

33 Concept emprunté à Locke (2010 : 6). Retour au texte

34 L’emprise de Barrett est totale puisque, on l’a vu, il est présent dans le dialogue s’il ne l’est pas physiquement dans pratiquement toutes les scènes. Retour au texte

35 Peut-être parce que le basement de cette demeure géorgienne, qualifié de « den » et de « bowels of the house » (Sargeant 2011 : 61, 70), correspond symboliquement à l’enfer du théâtre shakespearien (Armion 2007). Retour au texte

36 Gardner (2015 : 140) ajoute même une connotation religieuse à cette conquête de l’espace vue comme une possession quasi démoniaque, en lien avec le caractère méphistophélique du serviteur : « rooms that were once demarcated as a haven or sanctuary are now the site of desecration and open transgression. » Retour au texte

37 « You’re sitting in the best position. I have to climb uphill. » Retour au texte

38 « I have to bend all the time. » Retour au texte

39 « You need the exercise. » Retour au texte

40 « The point of the game is to bend. » Retour au texte

41 Film au style tapageur (« showy style ») selon Macnab (2013), « véritable bombe baroque » selon Blottière (2014), Shaïmi (2011), Connolly (2013) et Gardner (2015 : 3, 8, 16, 41, 57, 134, 142, 144-147, 181, 198, 213, 267, 274) pour qui ce maniérisme est le style de fabrique du réalisateur (« trademark baroque mannerisms ») et qui utilise ce concept pour son étude temporelle et spatiale du film. Voir aussi les propos de Michel Ciment (Binh/Pilard 2000 : 90) et de Palmer/Riley (2010 : 12, 43) qui reviennent sur ce qualificatif détesté par le réalisateur (Ciment 2009 : 402) parce que trop souvent utilisé à mauvais escient pour étiqueter son œuvre foisonnante. Retour au texte

42 La réaction de Barrett est ambiguë. Il est d’abord surpris par la démarche de Susan puis il l’embrasse à son tour fougueusement avant de rire aux éclats. Le désir de posséder la femme du maître est donc présent malgré le mépris. Le sourire grimaçant de Tony qui observe la scène rajoute à l’ambiguïté du trio puisqu’il semble lui aussi se réjouir de l’humiliation de Susan. Il n’intervient d’ailleurs pas comme elle l’espérait peut-être. Retour au texte

43 Pour plus de détails sur sa carrière, voir Sargeant (2011 : 94-95). Retour au texte

44 Joseph Losey a lui-même parlé du film comme d’un mélange de Dorian Gray et de Faust (Ciment 1994 : 137). Il a débuté sa carrière cinématographique en réalisant des films noirs, genre influencé par l’expressionnisme (Pinel 2000 : 101), et tourné un remake de M le Maudit (de Fritz Lang) en 1951. Retour au texte

45 Tony serait donc un ersatz de Lucy (nom du personnage féminin dans la version de Werner Herzog en 1979) dont l’étymologie renvoie à la lumière en latin. Retour au texte

46 Voir les commentaires de Gardner (2015 : 139-141, 143) ou de Palmer/Riley (2010 : 58-60) sur le caractère vampirique ou méphistophélique de Barrett, le tentateur. Retour au texte

47 « While the film retains (loosely) the conventional structure of a domestic horror film – the gradual insinuation and enmeshment of a negative influence that disrupts and corrupts domestic tranquility (if not domestic happiness) – it actually comes off as less willing to posit that force as a malevolent one. » (Morefield 2009) Retour au texte

48 « Do you think you go well with the colour scheme? » Retour au texte

49 Bradshaw (2013) dresse la liste des possibles échos littéraires ou dramatiques auxquels les spectateurs de 1963 auraient pu être sensibles, notamment Jeeves ou Crichton. Voir également les comparaisons établies par Sargeant (2011 : 11, 14-16). Retour au texte

50 La dichotomie ‘us/them’ affleure lors des disputes du dernier acte : « I know about your sort », lance Barrett à plusieurs reprises. Retour au texte

51 L’auteur insiste d’ailleurs bien sur le terme de névrose, le vacillement de l’identité étant une conséquence de l’insécurité sociale du valet : « Those of us who enjoy private incomes, however small, or the affluence of relations, cannot know the insecurity which haunts those who have no money and no refuge. Servants who are completely dependent on their employers for home and wages, who can be ordered to work at any time, and whose environment can be shattered by a broken teapot or a spurt of temper, develop neuroses of their own. Though a servant may be quite fond of her master, she may unconsciously try to worry or irritate him in order to depress him. Her fads and fancies, her fits of sulks, her huffiness and quickness to take offence are all the result of a hidden urge to compensate for the inequality of status. It is the only way she knows of getting on the same level. » (Maugham 2000 : 23) Retour au texte

52 Il est aussi très fier de faire visiter la maison rénovée à Susan alors que la décoration est l’œuvre de Barrett, autre preuve de sa fatuité. Le film semble montrer qu’il existe néanmoins une différence entre les générations de l’Establishment car Susan et Tony font preuve d’une certaine ironie, du moins un air amusé, envers l’oncle et la tante dont les références paraissent moyenâgeuses (ils confondent les cowboys et les ponchos qui pour eux sont des « cloaks »). Au départ, Susan rit à l’idée que Tony ait un majordome car l’idée même d’un domestique lui paraît anachronique. Ils restent cependant tous deux très marqués par des réflexes de classe. Retour au texte

53 Pour plus de détails sur cette forme de névrose qui atteint parfois le héros issu de la classe ouvrière, voir Marin-Lamellet (2011 : 270-284). Retour au texte

54 La ‘novella’ donne davantage d’explications au sujet de la relation intime, une fois de plus ambiguë, établie avec le père de Vera et permet au narrateur de conclure : « Don’t you see in each case he destroys his victims from within? He helps them destroy themselves by serving their particular weakness. In Vera’s case it was lust. In her father’s case it was avarice. In your case it began by being plain love of comfort. » (Maugham 2000 : 67-68, 72) Retour au texte

55 Dans la ‘novella’, Barrett est comparé à une réincarnation de Svengali, le héros maléfique du roman Trilby de George Du Maurier (1895). Dans le film, on pense aussi au couple de domestiques de The Turn of the Screw (Henry James, 1898). Retour au texte

56 On remarque qu’à chaque fois que Tony essaie de s’extirper de son emprise, Barrett le tente avec de l’alcool pour reprendre le contrôle de la situation en véritable dealer qui pousse à la consommation (dans la scène du pub, il lui paie même un verre de scotch ; dans le dernier acte, la répétition du mot « sip » marque la déchéance finale de Tony qui plonge définitivement dans l’alcoolisme en se resservant immédiatement un autre verre). Retour au texte

57 « It is tempting to interpret the film’s confused and chaotic ending, with Tony having sunk to the lowest depths at the hands of the manipulative, evil Barratt [sic], as a reactionary plea for [emphasis in original] the certainties of class boundaries. If the servant becomes master, the film argues, the result is chaos. » (Street 2001 : 89) Retour au texte

58 Références respectivement empruntées à Binh/Pilard (2000 : 8), Bradshaw (2013), Macnab (2013), Palmer/Riley (2010 : 42), Sargeant (2011 : 71), Gardner (2015 : 1) et Durgnat (1971 : 206), Palmer/Riley (2010 : 15). Joseph Losey était d’ailleurs conscient voire amusé de ce statut d’expatrié/outsider qui lui permit selon lui d’avoir la distance critique nécessaire pour mener à bien l’étude à caractère sociologique de ses films européens (Palmer/Riley 2010 : 2 ; Ciment 2009 : 481). Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Anne-Lise Marin-Lamellet, « « He may be a servant but he’s still a human being » : le corps et l’intime dans le couple maître/valet de The Servant (Joseph Losey, 1963) », Textes et contextes [En ligne], 12-2 | 2017, publié le 14 juin 2018 et consulté le 29 mars 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=1660

Auteur

Anne-Lise Marin-Lamellet

MCF, CIEREC (n° 3068), Université Jean Monnet, Saint Etienne, 10, Rue Tréfilerie, CS 82301, 42023 Saint-Etienne Cedex 2 – anne.lise.marin.lamellet [at] univ-st-etienne.fr

Droits d'auteur

Licence CC BY 4.0