Identités régionales et évolutions génériques dans le roman policier italien contemporain

  • Regional Identities and Generic Developments in Contemporary Italian Crime Fiction

Résumés

Fort de ses succès passés, le roman policier italien se trouve aujourd’hui à nouveau confronté à la problématique de son renouvellement. Oscillant entre réitération d’ingrédients narratifs dont le lecteur est coutumier et prise de distance par rapport à un univers sériel, il confirme néanmoins au fil des publications l’importance accordée aux décors de l’intrigue. L’évocation d’un site, d’un territoire donné confère traditionnellement au ‘giallo’ une spécificité touchant aux relations étroites que la littérature policière entretient avec le référent. Qu’elles représentent un dénominateur commun entre plusieurs œuvres ou qu’elles garantissent l’ancrage du récit dans la réalité, les références géographiques se trouvent naturellement liées à la question de l’évolution du genre. La notion d’identité régionale est d’ailleurs toujours présente dans l’imaginaire policier contemporain. Cependant, elle tend parfois à se dissocier de la dimension criminelle du roman. Elle coïncide désormais avec une multitude d’approches et concourt ainsi à relativiser l’idée de restitution objective du réel. En parallèle, elle focalise également l’attention sur les processus de création littéraire et sur le parcours singulier de l’écrivain.

Owing to its last success, italian detective fiction is today confronted with the question of its renewal. Wavering between a reiteration of narrative ingredients and a minimization of a serial world, it comferms however the increasing importance of the scenery of the plot. The description of a particular territory gives traditionally to the ‘giallo’ a specificity which concerns the straight relations that detective stories have with the referent. Representing a common denominator between several works or guaranteeing the taking root of the novel into reality, geographic references are naturally connected to the evolution of the genre. The concept of regional identity is still present in contemporary detective fiction. Nevertheless, it tends sometimes to be dissociated from the criminal dimension of the novel. It coincides from now with a multitude of approaches and goes to relativize the opportunity to give a subjective view of reality. In the same way, it focuses the attention on the literary creation and on the peculiar writer’s searches.

Plan

Texte

1. Géographie et détection

1.1. « L’horizon d’attente » du lecteur de romans policiers

La notion de genre policier, bien que fluctuante, se situe encore aujourd’hui au cœur d’une réflexion alimentée par un flux croissant de publications qui mettent en scène la survenue d’un crime et son élucidation. Nombre de romanciers italiens semblent en effet, en particulier depuis la fin des années 1990, recourir de manière récurrente à certaines figures narratives : assassin, victime et enquêteur occupent une place de choix au sein d’une écriture qui associe volontiers fiction et regard critique sur le réel.

Ces textes font alors l’objet d’un rattachement plus ou moins explicite à la littérature policière, au ‘giallo’. Qu’elle soit ou non revendiquée, cette appartenance générique procure à l’œuvre une certaine visibilité dans un contexte où le volume des livres proposés à la vente connaît une augmentation sensible. Cette diversification de l’offre accroît la pertinence des entreprises de classement et de description des récits, qu’elles puissent être attribuées directement à l’écrivain ou à d’autres acteurs de la publication des œuvres. À ce titre, le concept de genre fait moins référence à un discours critique ou à une tentative de définition, qu’à la volonté de présenter et de promouvoir les romans. Il apparait en particulier au sein du paratexte (Genette 1987 : 7) car il est sans cesse réactualisé à travers les prises de parole de l’écrivain et se trouve également lié aux impératifs commerciaux posés par l’éditeur.

À défaut de correspondre à une acception stable et précise, la notion de genre policier se trouve intrinsèquement liée aux expectatives du destinataire de l’œuvre. Ce dernier mobilise un certain nombre de connaissances et de stéréotypes qui constituent son « horizon d’attente » (Jauss 1978 : 53-69). Les évolutions successives du roman policier italien et la question de son renouvellement ont trait à la présence de constantes thématiques, et par conséquent à la possibilité de conforter ou de décevoir les prévisions du lectorat.

À cet égard, les données géographiques présentes dans la narration sont fréquemment considérées comme autant de spécificités à même de caractériser la production policière transalpine. Elles ont contribué à un certain renouveau en dépaysant un lecteur coutumier d’un modèle anglo-saxon longtemps considéré comme la référence en matière de détection. Il s’agissait de situer l’enquête dans un endroit inédit et de bousculer quelques idées reçues sur la répartition des activités illicites dans le pays. À la fin du xixe siècle, Rome, Naples et Florence deviennent le théâtre d’intrigues policières ; puis dans les années 1960, des écrivains comme Giorgio Scerbanenco revendiquent une approche sociale et territoriale du genre (Crovi L. 2002 : 9-22). Dès lors, la critique a eu à cœur d’associer affirmation du ‘giallo’ et parution d’ouvrages ayant pour cadre différentes villes et provinces de la péninsule.

La valorisation d’un contexte ou d’une aire géographique se trouve ainsi intimement liée aux investigations et aux méthodes adoptées par le détective. L’environnement du protagoniste ne représente donc pas un simple décor. La relation que celui-ci entretient avec sa commune ou sa région d’origine figure par conséquent parmi les attentes d’un lecteur attaché aux aspects référentiels du récit policier.

La description d’un lieu participe ainsi de l’étroitesse des rapports entre réel et fiction. Lorsqu’elle est omniprésente chez un écrivain, elle peut également faciliter un phénomène de reconnaissance entre le texte et son destinataire. Les références géographiques apparaissent ainsi fréquemment à la périphérie du roman : les titres, le découpage du récit en chapitres, les résumés publiés en quatrième de couverture ou encore les préfaces, suggèrent par exemple une parenté entre intrigue policière et peinture d’une réalité locale. Si l’on en croit ces informations paratextuelles, les allusions aux lieux sont indissociables d’une réflexion sur des thèmes sociaux ou politiques. L’œuvre offrirait alors un point de vue singulier sur le monde se construisant sur les perceptions, les coutumes ou les mentalités attachées aux décors du monde fictif1.

1.2. Composantes régionales et quête identitaire du détective

L’identité du protagoniste et la façon dont il appréhende les faits soumis à son examen sont intrinsèquement liées à l’idée d’enracinement. Les rapports qu’il entretient avec ses concitoyens et son attachement à sa terre d’origine influent sur son mode de pensée. La symbiose entre Bustianu et les paysages sardes dans l’œuvre de Marcello Fois, de même que la météoropathie ou les goûts culinaires du commissaire Montalbano, illustrent la manière dont l’idée d’appartenance géographique est distillée au sein du récit. La question de l’identité régionale recouvre de multiples aspects et se présente souvent au héros sous la forme d’un dilemme, d’une contradiction profonde. Son caractère problématique apparaît tout d’abord à travers la dichotomie entre modernité et tradition. Non content de découvrir une vérité qui rétablirait l’ordre social bouleversé par l’acte criminel, celui-ci manifeste une volonté réformatrice qui se heurte aux habitudes et aux mentalités de la population locale. Cette dernière, grâce à une culture du secret et à la réitération d’un certain nombre de pratiques sociales, cherche à se préserver du temps qui passe et des changements venus d’un ailleurs imprécis et menaçant, comme dans cet extrait de L’occhiata letale :

La città è stanca e il vento dei deserti africani peggiora la situazione, ma Serafino Ampurias ha una mente lucida e poco influenzata dai sentimenti, dal clima e dai colori del cielo […] E questo Efisio Marini? Anche la Gazzetta lo ha scritto che l’idea dell’anello nella pancia di Tatàno è sua. […] E qui c’è lo zampino di quello scolopio che a noi liberi fratelli ci studia come un dottore in scienze naturali studia gli animali, classificandoci, contandoci, descrivendoci e frugando nei nostri segreti. Perché questo ragazzo fa tanto chiasso? Un giovane esibizionista… Non potrebbe mai essere un fratello (Todde 2004 : 166)2.

Les investigations d’Efisio Marini viennent troubler un univers statique artificiellement maintenu à l’écart de toute influence extérieure. Les habitants de Cagliari préfèrent renoncer à une recherche du bonheur plutôt que de perturber un tel état de fait (ils se contentent de fuir la souffrance, qu’elle soit physique ou psychique), et ne saisissent pas la nature évolutive de leur environnement. Dans L’occhiata letale, le français Delessert, hôte du marquis Boyl, perçoit les mutations qui guettent cet espace insulaire. Il représente le point de vue de l’étranger, voire de l’anthropologue qui se trouve face à la nouveauté. Il tente de figer cette réalité par le biais de la photographie et affirme réaliser « les premiers clichés dans l’histoire de la ville et de l’île » qui permettront à la population sarde de « venir au monde » (Todde 2004 : 46). Il met également en garde les cagliaritains contre la disparition d’une identité locale. Ceux-ci le considèrent comme un extravagant et ne perçoivent pas que, malgré leurs efforts, de nombreux changements sont déjà amorcés. L’esprit brillant d’Efisio, comme les métamorphoses du milieu aquatique, démontrent le caractère utopique de ce souhait. En observant l’étang, « laboratoire d’une transformation infinie » (Todde 2004 : 233), le héros de Todde comprend que son ambition classificatrice ne lui permet pas d’appréhender le monde qui l’entoure. Elle doit en effet s’accompagner d’un ordonnancement, d’une théorie unificatrice car « rien ne fonctionne selon l’ordre dur et incomplet du catalogue » (Todde 2004 : 242).

Ainsi, Efisio Marini évolue et quitte l’adolescence en même temps que sa ville natale pour se confronter à d’autres territoires, d’autres opinions. Son apprentissage doit désormais se poursuivre à Gênes, loin de sa famille et de son précepteur.

De façon générale, l’itinéraire du détective se caractérise par une certaine mobilité. Pour des motifs professionnels, il doit quitter sa région d’origine et ressent les effets du dépaysement. Le maréchal Santovito, protagoniste des romans Macaronì (Macchiavelli / Guccini : 1997), Questo sangue che impasta la terra (Macchiavelli / Guccini : 2001) et Lo spirito e altri briganti (Macchiavelli / Guccini : 2002), éprouve un tel sentiment quand il est contraint de quitter l’Italie du sud pour s’installer, à la fin des années trente, dans un petit village des Apennins. Ses premiers contacts avec les montagnards sont plutôt distants. Il ne gagnera leur confiance et leur estime que quelques années plus tard. Lorsqu’en 1970 il prend sa retraite, c’est au tour de son successeur, Garbin, de se heurter à la froideur et au manque de collaboration de la population.

Les réalités régionales mises en scène dans la fiction semblent donc coexister sans véritablement cohabiter. Le texte donne à lire sa géographie comme une mosaïque paradoxale aux contours précis mais aux contenus quelque peu indéfinis. L’étranger, le nouvel arrivant, est souvent perçu comme le représentant d’une ‘modernité’ considérée comme menaçante à l’égard de la ‘tradition’. Ces deux notions paraissent difficilement se prêter à une définition car elles varient d’un espace à l’autre. Elles recoupent en outre une autre opposition : celle entre lieu présent et ailleurs.

En réalité, il semble que le concept d’identité régionale se construise en négatif, à partir du point de vue d’autrui et non sur une différenciation objective. Il se nourrit du rapprochement entre opinions divergentes, entre préjugés véhiculés au sujet d’un territoire et vécu d’une population. Dans le cycle de Marcello Fois consacré à la Sardaigne du xixe siècle, l’expérience directe de Bustianu se heurte aux idées reçues de l’autorité. L’État italien récemment unifié mène sur l’île une politique qui ne produit pas les résultats escomptés (il s’agit notamment de lutter contre le banditisme) et qui suscite nombre de mécontentements. L’avocat reproche au pouvoir d’user avec excès de la coercition sans tenir compte des particularismes sardes. De plus, il doit sans cesse réfuter les propos des représentants du roi qui déplorent fréquemment le caractère rustre et archaïque des insulaires. Les autorités soutiennent que les habitants font sciemment obstacle à la répression du banditisme et expliquent cette réalité criminelle en se réclamant plus ou moins directement des thèses du sicilien Alfredo Niceforo (Fois 1998 : 48). Elles ne voient en Bustianu qu’un opposant même s’il manifeste la volonté de débattre et ne se prononce pas en faveur d’une identité régionale immuable, imperméable aux changements (Fois 1998 : 87).

Cette dernière se détermine avant tout par contradiction avec les clichés et autres préjugés. Dans Assandira de Giulio Angioni, ceux-ci ont trait aux coutumes sardes et se trouvent véhiculés non pas à l’extérieur de l’île mais en son sein même. L’existence de Costantino Saru, ancien berger, est rythmée par une série d’exposés destinés à faire connaître certaines traditions insulaires aux clients de ‘l’agritourisme’ fondé par son fils et sa bru. La structure offre aux touristes la reconstitution de scènes de la vie pastorale qui contredisent largement le vécu du protagoniste. Ses proches justifient ces mensonges par la nécessité de répondre aux attentes des visiteurs. La prise en compte de ces expectatives suppose la volonté de conforter une image erronée des lieux et de ses habitants. Les impératifs commerciaux liés à la gestion du site impliquent donc que la réalité locale s’efface au profit de représentations et de symboles en rupture avec un passé dont Costantino est l’un des derniers garants.

La relation ambivalente entre le détective et son environnement s’intègre, d’une façon plus générale, à une vision évolutive du personnage. De par son caractère récurrent, ce dernier souligne, il est vrai, la dimension sérielle d’une production littéraire partagée entre le désir de susciter un sentiment de familiarité chez le lecteur et celui de se démarquer des différents topoi du genre policier. Néanmoins, les péripéties du héros condensent fréquemment les principaux aspects inédits du récit. L’enquêteur se heurte en effet aux aléas d’une existence professionnelle et personnelle tourmentée. Il se trouve souvent en décalage avec le monde qui l’entoure. Les difficultés qu’il rencontre en se confrontant à une réalité ancrée dans un territoire et une époque donnée, revêtent alors un caractère formateur. Son parcours s’apparente à une quête identitaire jalonnée par diverses transformations spatiales, sociales et criminelles. Il tente ainsi de s’adapter à de nouvelles formes de délinquance qui le poussent à revoir le champ de ses attributions et à relativiser l’efficacité de ses méthodes.

2. Enquête criminelle et oppositions topographiques

2.1. Topographie criminelle

Au cours de ses investigations, le détective est amené à reconsidérer la façon dont se répartissent certaines activités illicites. Dans le roman policier italien des années 1990 et 2000, le caractère contingent de certaines manifestations criminelles tend ainsi à s’effacer au profit d’une vision plus homogène des infractions donnant lieu à enquête. Les entités mafieuses ne sont plus systématiquement envisagées à travers les villes ou les régions dans lesquelles elles se sont initialement implantées. Leur influence s’étend à l’échelle nationale et internationale. Les profits qu’elles réalisent sont substantiels et restent difficiles à évaluer car la distribution comme le réinvestissement des fonds produits méconnaissent les notions d’État ou de frontière. Elles constituent le versant illégal et souterrain de la ‘mondialisation’ (Raufer / Quéré 2000 : 8-11) et doivent partager leurs marchés avec des organisations concurrentes.

Dans l’œuvre de Massimo Carlotto, mafias des pays de l’Est et réseaux venant d’Asie se livrent une lutte féroce pour contrôler le commerce de drogue, la prostitution ou l’exploitation d’immigrés clandestins. Ce phénomène génère de violents affrontements entre factions rivales et exclut durablement la possibilité de conclure des accords ou de respecter des règles de comportement. Malgré leur passé judiciaire, L’Alligator, Max la Mémoire et Rossini parviennent difficilement à appréhender ces évolutions. Leur connaissance du ‘milieu’ ne suffit pas toujours à résoudre les affaires qui leur sont confiées. La façon dont ils opèrent reste tributaire de la vision obsolète d’un monde criminel régi par un code d’honneur.

De même, on assiste dans le ‘giallo’ contemporain à un engouement pour un profil de criminel spécifique : celui du tueur en série. Ce dernier n’est désormais plus exclusivement lié à un imaginaire anglo-saxon. Il s’adapte à une multitude de décors et sévit aussi bien en Émilie-Romagne qu’en Sicile ou en Lombardie. Les intrigues policières de Carlo Lucarelli, par exemple, mettent en scène différents personnages de ‘serial killers’ destinés à être appréhendés par une même enquêtrice : Grazia Negro. Les lecteurs la découvrent aux côtés du commissaire Bonetti dans Lupo mannaro (Lucarelli : 1994). Puis, devenue inspectrice, elle continue à traquer les auteurs de crimes en série. ‘Le loup-garou’, ‘l’Iguane’ (Lucarelli : 1997) et le ‘Pit Bull’ (Lucarelli : 2000) commettent leurs méfaits aux environs de Bologne. Ils bousculent donc les préjugés des supérieurs de la protagoniste quant à la diffusion et à la répression d’une telle criminalité. En réalité, Grazia Negro resitue principalement le meurtre et ses mobiles dans une perspective non pas spatiale, mais temporelle. En effet, elle met en œuvre une recherche causale fondée sur des éléments appartenant au passé et à la psychologie des personnages. Les éléments sociaux et territoriaux ne sont pas prioritairement abordés par la fiction. L’omniprésence de cette forme de délinquance dans le roman policier actuel contribue par conséquent à relativiser l’idée de particularisme géographique. En outre, il s’agit à nouveau d’intégrer la notion de préjugé à la description d’un ou de plusieurs lieux. La réalité alors dépeinte par le récit se définit en contradiction avec un certain nombre d’idées reçues. Si cette approche perpétue une volonté d’innovation qui repose sur la conquête de territoires dont le potentiel criminel demeure inexploité, elle prend également en compte les diverses transformations affectant un référent de plus en plus complexe. Le développement de l’urbanisme et des moyens de communication tend ainsi à remettre en question un réseau classique d’oppositions topographiques.

2.2. Résolution de l’enquête et frontières spatio-temporelles

Dans le récit policier, le milieu urbain constitue traditionnellement le cadre idéal d’une mise en scène des tensions sociales (Evrard 1996 : 112). Il représente un lieu hétérogène de plus en plus difficile à circonscrire. Ses contours s’estompent et son extension à des territoires périphériques bouleverse une cartographie fondée notamment sur une opposition entre ville et campagne. Pour les individus qui peuplent ces espaces urbanisés, multiplication des échanges et vie en collectivité génèrent ou révèlent un nombre croissant de situations conflictuelles. De telles transformations permettent au criminel de se fondre davantage dans l’anonymat qui caractérise ces existences citadines.

Le ‘giallo’ tente désormais d’élargir un horizon fait essentiellement d’actes ponctuels et localisés, bien que reproductibles. Il s’agit d’évoquer « les enlèvements, les blanchiments, les trafics internationaux et la micro-criminalité » et ainsi de dresser le portrait d’une « société qui se donne l’illusion d’être parfaite » (Cappi 2000 : 7). Cette volonté de redéfinir l’environnement citadin se trouve par exemple à la base de l’anthologie intitulée Città violenta (Cappi : 2000). Elle se manifeste à travers une pluralité d’aspects. Les nouvelles abordent des thématiques aussi variées que le crime organisé, la jalousie, la compétition au travail, la xénophobie ou encore les nouvelles technologies.

Elles réactualisent la dichotomie entre réalité et apparence, familière aux amateurs du genre. En effet, la ville et ses contradictions facilitent en principe une dissociation entre sphère intime et vie publique. Cette dualité s’exprime à présent à travers des événements qui ont trait au quotidien. Leur potentialité criminelle se trouve décuplée dans un univers où l’absurde l’emporte sur la rationalité des actes prémédités. Dans les différents récits de Città violenta, la violence est ainsi omniprésente et alimente une nouvelle mythologie du milieu urbain qui repose sur une confusion entre matérialité de l’être et superficialité du paraître. La dimension du vécu alterne avec l’univers virtuel des symboles de la réussite professionnelle ou de l’adhésion au groupe. Les personnages doivent, pour rompre leur isolement, se conformer à des représentations qui gagent d’une forme de reconnaissance sociale. Celles-ci font écho à une répartition géographique qui intègre désormais certaines « structures spatiales de la modernité » (Evrard 1996 : 112) : autoroutes, supermarchés ou discothèques illustrent la nature éphémère des nouveaux modes de consommation.

Ces lieux de transit occupent un « hinterland » (Braschi / Conti 2004 : 77) de moins en moins épargné par les actes de délinquance, qu’ils soient l’œuvre d’organisations criminelles ou de sujets isolés. Villes et campagnes se rejoignent en un territoire incertain, en une vaste banlieue qui problématise une opposition entre un centre peuplé, visible, et une zone périphérique diffuse, inquiétante.

Chez Massimo Carlotto, cet espace est investi par les constructions abusives, par les hangars industriels qui témoignent du développement effréné du nord-est de l’Italie au cours des dernières décennies. Dénaturé, pollué, il illustre le déclin économique et social de diverses régions (en particulier de la Vénétie) qui paient le prix d’un essor trop rapide dû notamment à des activités illicites telles que les trafics de déchets toxiques ou les fraudes fiscales (Carlotto / Videtta : 2005). Le développement de cet espace périphérique contribue à densifier le paysage criminel. De par sa nature fluctuante et transitoire, il opère une confusion entre activités légales et pratiques contraires au droit ; ce qui aboutit à différentes mutations sociales et topographiques. Les méfaits attribués à la mafia s’étendent par exemple au-delà des régions méridionales traditionnellement liées à son émergence. Trafics en tous genres, blanchiment d’argent sale, chantages ou encore corruption constituent les actes répréhensibles auxquels le détective se trouve plus ou moins directement confronté. Le roman policier tente ainsi de reproduire une cartographie du crime basée sur des phénomènes attestés tels que l’enracinement des organisations mafieuses dans toute la partie septentrionale de la péninsule (Cicconte : 1998). De manière générale, il semble remettre en cause la possibilité d’opter pour une définition claire des notions de territoire et de frontière. En mettant en scène une certaine homogénéisation des pratiques illicites, il contribue à problématiser une vision purement locale de la société et de ses difficultés. Il confronte notamment cette complexité spatiale aux préjugés mais aussi aux approches littéraires et linguistiques que l’on a coutume de rapprocher d’un site ou d’une région.

3. Aspects linguistiques et référentiels

3.1. Diversité linguistique et mécanique policière

Le récit policier tente en effet de reproduire une variété linguistique commune à l’ensemble des régions qui se partagent entre italien et dialectes. Cette diversité apparaît à différents niveaux. Brèves références, retranscription fidèle d’une pratique locale ou encore hybridation : les aspects liés au langage témoignent de la volonté de repenser une réalité vaste et contrastée. Ils consistent parfois en une coexistence entre langue nationale et langue locale, comme dans l’œuvre de Marcello Fois où italien et sarde alternent sans se fondre en une forme unique. Le recours à la langue sarde correspond généralement à la volonté d’apporter une précision sémantique. Les usages régionaux apparaissent alors sous forme de citations et font essentiellement allusion aux modes de vie ou aux traditions. Chez Andrea Camilleri au contraire, sicilien et italien ne sont pas envisagés indépendamment l’un de l’autre. Ils interfèrent et aboutissent à la création d’un idiolecte. La narration mêle différents registres et différentes langues, de l’utilisation pure et simple du dialecte à l’intervention dénuée de toute référence régionale. En outre, de telles pratiques linguistiques confèrent aux romans une certaine originalité en ne « calquant pas les erreurs et interférences auxquelles on est en droit de s’attendre », mais au contraire « en créant des lexèmes nouveaux et inattendus » (Buttitta 2004 : 26). Ainsi, l’italien se teinte de sicilien et le sicilien emprunte certains traits propres à l’italien. Ce langage mixte ne correspond donc plus à l’un ou l’autre des pôles qui le composent et permet au lecteur une compréhension des règles lexicales en vigueur à Vigàta, la ville imaginaire où se situent les intrigues de l’écrivain. De plus, cette volonté d’intégrer pleinement le destinataire de l’œuvre se trouve en outre relayée par différentes initiatives qui occupent l’espace paratextuel. La présentation d’un dictionnaire bilingue opposant les usages en vigueur en Italie et à Vigàta3 correspond ainsi à la tentative de définir une grammaire, de proposer une approche rationnelle de ce lexique qui réalise un équilibre entre deux entités distinctes. Une telle fusion ne semble pas posséder un équivalent dans la pratique collective du bilinguisme car si plusieurs langues « peuvent survivre tranquillement chez un individu, elles ne peuvent jamais coexister pacifiquement au même niveau, avec les mêmes fonctions, et avec la même dignité, dans la société en général » (Buttitta 2004 : 96). Devenu un objet d’étude indépendamment des ressorts narratifs auxquels il s’intègre, le langage de Camilleri joue sur les rapports entre réel et fiction. Il participe à la recomposition d’un univers qui présente de nombreux points communs avec le monde de référence du lecteur (on pense notamment à l’intégration du fait divers) tout en réaffirmant constamment une forme d’autonomie (à travers la mention de lieux inventés, par exemple). Mais sa nature imaginaire offre surtout l’opportunité de compenser dans une certaine mesure l’épuisement des possibles de l’intrigue normalement associé à la découverte d’une vérité. En dépit des progrès de l’enquête, la préservation au moins partielle des potentialités combinatoires du récit advient grâce à ce mode de communication inédit.

De plus, le vocabulaire du narrateur présente une certaine symétrie dans la répartition entre énoncés hybrides et italien. L’influence spécifique du dialecte se fait davantage sentir quand l’implication émotionnelle des protagonistes est majeure. Les références dialectales accompagnent en effet les réactions instinctives (d’étonnement, de colère), les conversations avec des sujets âgés et, de façon générale, la nécessité de faciliter le dialogue avec la population locale. Expression du naturel, il caractérise principalement les proches du commissaire et gage bien souvent de l’authenticité des propos tenus. Il contraste avec l’italien standard parlé par la hiérarchie du détective, par l’administration, la classe politique ou encore les principaux médias qui suivent l’avancée des investigations. Cette langue scolaire dénuée de toute inflexion dialectale tend à l’abstraction. Utilisée par les supérieurs de Montalbano, elle correspond à l’emploi quasi systématique de termes impropres qui ôtent aux paroles choisies toute leur clarté comme dans ce passage extrait de La gita a Tindari :

« Quindi non è compito nostro. Tu preparami un rapporto al questore, nel quale racconti solo i fatti, mi raccomando, non quello che penso io ». […] « E gli serviamo cavuda cavuda una storia come questa? » reagì Augello. « Quelli manco ci ringraziano! » « Ci tieni tanto al ringraziamento? Cerca piuttosto il rapporto di scriverlo bene. Domani a matino me lo porti e lo firmo ». « Che significa che devo scriverlo bene? » « Che lo devi condire con cose come: recatici in loco, eppertanto, dal che si evince, purtuttavia. Così si trovano nel loro territorio, col loro linguaggio, e pigliano la facenna in considerazione » (Camilleri 2002 : 1043)4.

L’appartenance à plusieurs aires linguistiques et culturelles permet de nuancer une vision uniforme et statique du référent. Dans le ‘giallo’ actuel, elle alimente un certain nombre de questionnements sur la notion d’identité régionale et d’altérité. Mais il s’agit moins d’offrir une vision claire des frontières spatiales et linguistiques mises en jeu dans le récit, que de souligner le caractère subjectif de toute volonté d’ordonnancer ou de définir les entités géographiques. Les éléments strictement liés à la géographie et à la criminalité s’effacent au profit d’un territoire complexe et modulable qui se présente avant tout comme le fruit d’une construction intellectuelle ; construction dont le langage représente l’un des principaux fondements. Ils favorisent par conséquent une approche de la narration policière qui, plus largement, fait la part belle aux thèmes de la communication, de l’écriture et focalise l’attention sur la figure coordinatrice de cet univers où se mêlent réel et fiction : l’écrivain.

3.2. Identités régionales et éléments biographiques

Les références géographiques et régionales présentes dans le genre policier, nous l’avons évoqué, ne permettent pas toujours de tracer avec précision les contours d’une activité criminelle donnée ou de différencier véritablement les territoires décrits. Elles font par ailleurs appel à des thématiques étroitement liées à la conduite des investigations. En effet, elles s’associent à la dimension temporelle et historique du récit. Chez certains écrivains, les composantes régionales s’incarnent en un personnage qui a réellement existé et qui est fortement ancré dans un imaginaire insulaire. Marcello Fois, par exemple, a choisi Sebastiano Satta pour incarner le détective de son cycle consacré à la Sardaigne de la fin du xixe siècle. Avocat, poète et journaliste né à Nuoro en 1876, il s’est illustré grâce à ses qualités littéraires et oratoires ainsi qu’à travers ses combats contre les inégalités sociales. Les références historiques sont également élargies à l’entourage du héros5, aux autorités politiques (Pais Serra dans L’altro mondo) et à certaines figures criminelles comme le bandit Dionigi Mariani. Les allusions à l’œuvre de Satta sont nombreuses, les extraits de ses recueils les plus célèbres comme Canti Barbaricini (Satta : 1910) rythment la narration. Giorgio Todde, lui aussi, a opté pour un héros appartenant au monde de référence du lecteur. L’embaumeur cagliaritain Efisio Marini, se trouve intégré à un décor statique et quelque peu hors du temps. La présence du scientifique, connu au xixe siècle comme l’inventeur d’une méthode inédite de momification appelée « pétrification », tempère une vision de l’île relativement abstraite. Dans Paura e carne, cette dernière est enveloppée dans la brume ou sujette à des effets de miroir et n’offre au regard qu’une couleur uniforme. De même, le marécage et la mer se fondent en une même eau aux reflets « métalliques » (Todde 2003 : 231), l’ensoleillement intense associé à la chaleur génère une série de mirages et permet à la nature de se dérober, y compris aux yeux de l’observateur le plus aguerri.

Les caractéristiques régionales et géographiques de l’univers fictif sont donc essentiellement rapprochées de considérations littéraires et scientifiques. Elles alimentent notamment la dimension intertextuelle du récit car elles apparaissent dans l’intrigue policière sous forme de citations ou de simples allusions à ces individus hors du commun. Elles renvoient alors au savoir livresque possédé et exposé par l’auteur. Au sein d’un genre traditionnellement associé à un usage intensif de l’intertextualité, elles diversifient la portée de telles références. En effet, de par sa nature sérielle, le roman policier affiche ouvertement les liens qu’il entretient avec un corpus d’œuvres relativement proches d’un point de vue structurel et thématique. Il s’agit alors de jouer sur la réitération de certaines fonctions narratives, et donc de renforcer un sentiment de familiarité chez le lecteur tout en soulignant la variante, c’est-à-dire l’écart vis-à-vis de données qui se présentent à présent comme des stéréotypes.

L’intertextualité met désormais en jeu la notion d’appartenance territoriale. Elle mobilise des connaissances littéraires attachées à une région particulière et oriente davantage le destinataire vers une réception du texte tributaire de l’expérience personnelle de l’écrivain. Elle dépend moins de la volonté de se déterminer par rapport à des constantes génériques, que du désir de faire écho à des informations biographiques largement divulguées à la périphérie du roman.

Cette tendance à décrire le parcours du romancier, en insistant notamment sur les processus créatifs à l’origine du récit, tend à se renforcer au fil des publications. Les différentes composantes paratextuelles font ainsi état de certaines problématiques liées à l’écriture : intentions de l’auteur, nature du texte, authenticité des faits décrits… Parmi elles, on retrouve une série d’informations ayant trait au cadre dans lequel se déroule l’intrigue. Les éléments fictifs qui concernent la géographie, qui traduisent un intérêt pour un territoire particulier sont alors explicitement rapprochés des expériences de l’écrivain. Giulio Angioni, par exemple, revendique une narration où la fiction, les réflexions personnelles, les souvenirs et les activités professionnelles s’entremêlent :

Ma poi mi viene da considerare come ci sia un rapporto stretto tra le due attività, a parte che sono ambedue scrittorie, se non altro perché non riesco a immaginare che non ci possa essere un rapporto tra il mio mestiere di saggista e il mio hobby di narratore. […] Entrando nei particolari di un racconto, di un episodio, potrei certamente trovare anch’io dei nessi più o meno immediati con gli interessi e le abitudini del mio mestiere specialistico. […] Forse una cosa potrei arrischiarmi a dire: che per me cercare di diventare antropologo e cercare di diventare scrittore sono anche una conseguenza del bisogno di fare i conti con le mie origini, quindi con la mia terra e la mia gente, e dunque in fondo con me stesso (Angioni 2004 : 314)6.

Par conséquent, les aspects géographiques sont fortement liés au vécu de l’auteur, à sa vision d’un site en mutation. Ils interfèrent avec des données biographiques qui impliquent une conception du territoire régional fondamentalement personnelle et subjective. Celle-ci se construit souvent par opposition à un ailleurs qui véhicule de nombreux stéréotypes. En réponse à cette identité locale forgée à l’extérieur de sa terre d’origine, l’écrivain invoque à son tour un imaginaire fondé sur ses propres références culturelles et sur les endroits qui lui sont familiers. Lieu de vie mais aussi lieu fictif où se projettent pêle-mêle les questionnements et le vécu du romancier, le territoire (régional, insulaire) théâtre de la fiction policière ne répond plus seulement à une fonction de légitimation du monde fictif.

En effet, les éléments géographiques n’entrent pas uniquement dans une stratégie de diversification de l’offre littéraire. Ils ne se contentent pas non plus de participer à la création d’un « effet de réel » (Barthes 1982 : 81-90) car ils confortent le statut prépondérant de l’auteur à l’intérieur comme à l’extérieur de la diégèse. Ils réaffirment également, par ce biais, l’importance croissante du thème de l’écriture au sein d’un genre qui montre sans cesse de nouvelles prédispositions à l’autoréférentialité.

Bibliographie

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Barthes, Roland (1982), « L’effet de réel », in : Barthes, Roland / Bersani, Léo / Hamon, Philippe / Riffaterre, Michael / Watt, Ian. Littérature et réalité. Paris : Seuil, 81-90.

Braschi, Graziano / Conti, Luca, Eds. (2004). Almanacco del giallo toscano 2004. San Miniato : FM Edizioni.

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Camilleri, Andrea (2002). La gita a Tindari. (I Meridiani), [(2000) Palermo : Sellerio] Milano : Mondadori.

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Fois, Marcello (2005). Sangue dal cielo. [(1999) Nuoro : Il Maestrale] Milano : Frassinelli.

Fois, Marcello (2005). Sempre caro. [(1998) Nuoro : Il Maestrale] Milano : Frassinelli.

Genette, Gérard (1987), Seuils, Paris : Seuil.

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Lucarelli, Carlo (2001), Lupo mannaro, [(1994) Roma-Napoli : Theoria], Torino : Einaudi.

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Macchiavelli, Loriano / Guccini, Francesco (2001). Questo sangue che impasta la terra. Milano : Mondadori.

Macchiavelli, Loriano / Guccini, Francesco (2002). Lo spirito e altri briganti. Milano : Mondadori.

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Satta, Sebastiano (1910). Canti Barbaricini. Roma : La vita letteraria.

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Andrea Camilleri fans club. Document éléctronique consultable à l’adresse: http://www.vigata.org/dizionario/camilleri_linguaggio.html. Page consultée en mai 2008.

Notes

1 L’appartenance à une aire géographique donnée apparaît à diverses reprises au sein d’un discours critique intégré au paratexte de l’œuvre. Nous pouvons prendre l’exemple des jugements reproduits sur la quatrième de couverture du roman de Giorgio Todde intitulé L’occhiata letale (2004). En voici quelques extraits : « ‘La Sardegna arcaica… trova in Giorgio Todde un cantore atipico e severo, misurato nei toni e nelle ricostruzioni essenziali, in un linguaggio asciutto e poetico […]’ (Sergio Pent, Tuttolibri, La Stampa); ‘La scrittura avvolgente di Todde ci trascina nel profondo di una storia nera come il riflesso notturno delle rocce della Sardegna’ (Pasquale Chessa, Panorama) ». « La Sardaigne archaïque… trouve en Giorgio Todde un chantre atypique et sévère, sobre dans les tons et les reconstructions essentielles, dans un langage sec et poétique […] » (Sergio Pent, Tuttolibri, La Stampa); « L’écriture prenante de Todde nous entraîne au plus profond d’une histoire noire comme le reflet nocturne des roches de Sardaigne » (Pasquale Chessa, Panorama) Retour au texte

2 La ville est fatiguée et le vent des déserts africains fait empirer la situation, mais Serafino Ampurias a un esprit lucide et peu influencé par les sentiments, par le climat et par les couleurs du ciel […] Et cet Efisio Marini? Même la Gazzetta a écrit que l’idée de la bague dans le ventre de Tatàno est de lui. […] Et ensuite, il y a ce piariste qui fourre son nez et qui nous étudie, nous les frères libres, comme un docteur en science naturelle étudie les animaux, en nous classifiant, en nous dénombrant, en nous décrivant et en fouillant dans nos secrets. Pourquoi ce garçon fait-il autant de bruit? Un jeune exhibitionniste… Il ne pourrait jamais être un frère (Todde 2004 : 166). Retour au texte

3 Ce dictionnaire figure dans des CD-ROM édités par Sellerio dans le cadre de la publication sur support multimédia des enquêtes du commissaire Montalbano. On le retrouve également sur Internet grâce à un site créé par un groupe de lecteurs de Camilleri : http://www.vigata.org/dizionario/camilleri_linguaggio.html Retour au texte

4 « Donc, ce n’est pas notre tâche. Toi, prépare-moi un rapport au questeur, dans lequel tu racontes seulement les faits, j’insiste, pas ce que je pense moi ». […] « Et on lui sert bien chaude une histoire comme celle-là? » réagit Augello. « Ils vont même pas nous remercier! » « Tu y tiens tant aux remerciements? Essaie plutôt de bien l’écrire, le rapport. Demain matin, tu me l’apportes et je le signe ». « Qu’est-ce que ça veut dire, bien l’écrire? » « Tu dois l’assaisonner avec des choses comme: ‘nous étant transportés sur les lieux, ce que toutefois, de quoi il appert, nonobstant’. Ainsi ils se trouveront en territoire connu, avec leur langage, et ils prendront l’affaire en considération » (Camilleri, trad. Quadruppani 2002 : 250). Retour au texte

5 L’auteur a intégré à la narration la mère de Sebastiano Satta, Raimonda, de même que la fiancée de ce dernier Clorinda Pattusi. Retour au texte

6 Mais ensuite j’en viens à considérer qu’il y a un rapport étroit entre les deux activités, excepté le fait qu’elles soient liées à l’écriture, au moins parce que je n’arrive pas à imaginer qu’il ne puisse pas y avoir un rapport entre mon métier d’essayiste et mon hobby de narrateur. […] En rentrant dans les détails d’un récit, d’un épisode, je pourrais certainement trouver moi aussi des liens plus ou moins immédiats avec les intérêts et les habitudes de mon métier de spécialiste. […] Peut-être que je pourrais me risquer à dire une chose: pour moi chercher à devenir anthropologue et chercher à devenir écrivain sont aussi une conséquence du besoin de régler mes comptes avec mes origines, avec ma terre et mes concitoyens, et donc au fond avec moi-même (Angioni 2004 : 314). Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Claire Le Moigne, « Identités régionales et évolutions génériques dans le roman policier italien contemporain », Textes et contextes [En ligne], 2 | 2008, publié le 01 décembre 2008 et consulté le 29 mars 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=137

Auteur

Claire Le Moigne

Université de Nantes, membre du C.R.I.X.-Paris X (EA 369), Université Paris X-Nanterre, U.F.R. de langues, 200 av. de la République, 92001 Nanterre

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