Appréhender la notion de crise dans l’Antiquité conduit à considérer conjointement les sources que sont l’histoire, l’archéologie et la littérature latine. Au lendemain de la crise politique et sociale qui bouleverse Rome à la fin de la République1 et engendre des guerres civiles, Auguste comprend qu’il ne pourra asseoir son autorité qu’en réformant l’Etat romain, alors largement affaibli. La littérature, puis assez rapidement les arts, connus aujourd’hui grâce à l’archéologie, se présentent à lui comme d’excellents moyens d’instrumentaliser la crise et de s’afficher comme le restaurateur de l’Âge d’Or2, autrement dit comme celui grâce à qui la crise prend fin. Auguste entend donc opérer un retour au passé mythique en restaurant la tradition, notamment la vertu et la religion traditionnelle, et en instaurant de nouvelles pratiques telles que le culte impérial3 qui lui sera utile pour encadrer, canaliser et réunir.
Fervent protecteur des arts et de la littérature aux côtés de son ami Mécène, il s’entoure de nombreux poètes et historiens qui deviennent ses historiographes voire même, à l’image de Virgile, de véritables chantres.
Ecrire l’Histoire
Ecrire l’Histoire devient donc un « chantier » servant la propagande d’Auguste. L’Enéide, rédigée par Virgile entre 29 et 19 avant J.-C.4, se présente comme un ouvrage à la gloire de Rome et de son Prince. En effet, construite comme une véritable épopée, « imitant » tantôt l’Odyssée, tantôt l’Iliade, l’œuvre relate les épreuves par lesquelles Enée (fuyant Troie en flammes en compagnie de son père Anchise et de son fils Ascagne) a du passer pour arriver jusqu’en Italie où, selon un oracle, il est destiné à fonder un nouveau peuple puis indirectement une nouvelle ville, Rome5. Présenté comme un véritable héros, Enée est soutenu dans son entreprise par sa mère, la déesse Vénus, mais aussi par d’autres divinités telles que le puissant Jupiter ou encore Apollon qui lui confie la mission de préparer « une grande capitale ».
La création de Rome est ainsi clairement présentée comme une « commande » divine, légitimant sa fondation et ses fondateurs. Il en va de même pour leurs descendants. Or, Virgile, poète-lauréat, y présente Auguste comme le descendant de Vénus et du mythique Enée6. Seul le légitime Auguste est donc capable de sauver Rome des guerres civiles en sortant triomphant de la bataille d’Actium et en obtenant ainsi, grâce au concours de Mars et d’Apollon, le contrôle du monde romain. En effet, cette bataille navale qui a lieu en septembre 31 avant Jésus-Christ, oppose la flotte d’Octave, futur Auguste, à celle de Cléopâtre et Marc-Antoine. Comme le montre l’extrait suivant, Auguste est présenté comme soutenu dans son dessein par le peuple mais aussi par les autorités civiques (le Sénat) et religieuses (les Pénates et les Dieux) :
« On voyait au milieu de la bataille d’Actium
Leucate bouillonnant sous l’arsenal de Mars
Les flots resplendissant de tout l’éclat de l’or.
Se dresse d’un côté le grand César Auguste,
Conduisant au combat les hommes d’Italie,
Le peuple, le Sénat, les Pénates et les Dieux :
Il se tient là, debout, tout en haut de la poupe,
Ses tempes irradiant deux flammes à l’entour,
Et l’astre de César, son père, le couronne.
Non loin, avec l’appui et des vents et des dieux,
Agrippa7 fièrement mène le gros des troupes
Et porte sur son front tout hérissé de rostres
La couronne navale, insigne d’un grand chef.
Et de l’autre côté, les armes bigarrées
Des barbares soldats d’Antoine, revenu
Accompagné, malheur ! d’une épouse d’Egypte8
Vainqueur de la mer Rouge et des peuples de l’Est,
Entraînant avec soi l’Egypte et l’Orient,
Et les Bactres venus du fond de l’Univers »
Enéide, VIII, 658-676.
Cet extrait oppose deux hommes et deux attitudes : Auguste, fier, en première ligne, soutenu par Rome à Marc-Antoine, de retour d’Orient, entouré de Barbares et d’étrangers à l’image de Cléopâtre. Le discours est ici clairement engagé en faveur d’Auguste, tout comme les vers qui suivent :
« […] La reine, au beau milieu de la bataille, appelle
Par le sistre ancestral ses troupes au combat,
Et ne voit pas encor dans son dos les serpents9.
Monstrueux sont les dieux faits de toutes natures,
Au premier rang desquels l’aboyeur Anubis10,
Qui attaque Neptune et Vénus et Minerve.
Entre les combattants, ciselé dans le fer,
Mars se déchaîne avec les sinistres Furies.
[…] Mais d’en haut, Apollon
Qui veille sur Actium, bandait son arc, et tous,
Soldats venus d’Egypte et d’Inde et d’Arabie,
Saisis par la terreur, se jetaient dans la fuite ;
Et la reine elle-même, appelant les vents ;
Semblait appareiller et, vite, lever l’ancre. »
Enéide, VIII, 685-700.
Auguste est de toute évidence protégé par les dieux qui viennent se battre à ses côtés contre ses ennemis et les divinités qui les protègent. Il s’agit donc d’un combat qui, de la même façon que dans les vers précédents, oppose deux mondes, ici celui des divinités bienveillantes contre celui des divinités infernales, transformant la bataille d’Actium en une véritable bataille du Bien contre le Mal.
La victoire de la flotte d’Auguste et le suicide de ses ennemis permit à ce dernier d’asseoir son autorité sur l’Orient et de contrôler ainsi la totalité du monde romain. L’incursion de divinités dans la lutte entre Auguste et Marc-Antoine permet de légitimer le pouvoir du nouvel empereur qui entame dès lors un processus de « refondation » du monde romain, processus qui passe dans sa politique par un retour à la piété et aux valeurs traditionnelles.
La restauration de la religion et des valeurs traditionnelles
Toujours dans l’Enéide, Virgile insiste sur une des valeurs qui est particulièrement précieuse aux yeux et à la politique de l’empereur : si Enée parvient à surmonter toutes les épreuves qui se succèdent sur sa longue route entre Troie et le Latium, c’est grâce à sa piété qui le conduit en toutes circonstances. Piété envers les dieux, bien sûr, mais aussi envers ses aïeux (il quitte Troie en portant sur son dos Anchise, son père, alors qu’il tient la main de son fils). Autrement dit, si Rome a connu une telle crise, c’est parce que les hommes ont perdu valeurs et piété, conduisant les dieux à les abandonner. De la même manière, si les dieux n’avaient pas soutenu et aidé Auguste en 31 avant Jésus-Christ, il ne serait probablement pas sortit vainqueur d’Actium. Mais surtout, en se plaçant sous la protection divine, sa présence et son pouvoir deviennent incontestables.
Auguste assoit donc sa propagande sur l’idée du retour aux valeurs et à la religion traditionnelle, ou pietas. La récente crise lui permet donc d’opérer et de justifier des modifications dans l’organisation de la religion, modifications qui ont surtout pour but de permettre au pouvoir en place, et donc à lui-même, de pénétrer la sphère religieuse dans une optique de contrôle global des institutions.
Témoin de sa politique, Virgile relate que, suite à Actium, il « consacre à ses dieux trois cent temples qui sont une immortelle offrande » (Enéide, VIII, 708-709).
Il poursuit en revalorisant d’anciennes prêtrises tombées en désuétude, telles que les Flamines, les Augures et les Pontifes pour lesquels il recommande des candidats issus de la noblesse, voire de la chevalerie.
Il continue son incursion en se faisant octroyer par le Sénat la mission de relever les temples non entretenus : il en restaure ainsi quatre-vingt-deux et restaure également d’anciens cultes comme celui de Janus11 : « il reconstruisit les temples ruinés par le temps ou consumés par le feu, et les enrichit, eux et les autres, de dons princiers : c’est ainsi qu’il fit porter en une seule fois dans le sanctuaire de Jupiter Capitolin seize mille livres d’or, avec des pierres précieuses et des perles représentant cinquante millions de sesterces. » (Suétone, Vie d’Auguste, XXX).
Enfin, il prépare la mise en place du culte impérial12 en plaçant son génius (sa propre effigie) aux côtés des effigies divines aux carrefours des voies de circulation. Témoignage de cette pénétration dans la sphère religieuse, Auguste est même comparé à Mercure par Horace13.
Désireux de présenter au plus grand nombre sa politique de retour aux anciennes valeurs, il fait célébrer à nouveau de grands jeux dont la pratique avait été jusque là négligée par la tradition. Ainsi, en 17 avant J.-C., pour marquer le début d’une nouvelle ère, il organise la tenue des grands jeux séculaires réunissant pendant trois jours le gouvernement et le peuple autour de spectacles athlétiques, sacrifices, prières et chants en faveur de Rome, de son Empire, de sa puissance et des divinités protectrices de l’empereur et de la Ville. Le Chant Séculaire (Carmen Saeculare), rédigé par Horace sur commande de l’empereur, illustre bien l’esprit de ces trois jours de jeux et de célébrations:
« […] Soleil nourricier, dont le char
Fait surgir et s’enfuir le jour
Toi qui renais autre et pareil,
Ne vois rien de plus grand
Que Rome, […]
Bénis les douces mères,
Donne-nous des enfants, et fais
Prospérer la loi du Sénat
Qui fait de la femme l’épouse
Offrant des descendants
Afin qu’au bout de cent dix ans
Hymnes et jeux soient de retour
Pour rassembler toute la foule
Pendant trois jours, trois nuits !14
[…] Mère des troupeaux et du blé,
Terre, orne d’épi Cérès15 !
Que Jupiter, par l’air et l’eau,
Nourrisse tes enfants !
[…] Si Rome est une œuvre et qu’aux rives
D’Etrurie sont jadis venus
Portant leur ville et leurs dieux Lares,
Les dociles Troyens,
Qui avaient vu, au cœur des flammes,
Enée le pur, le survivant,
Ouvrant la voie et leur offrant
Plus qu’ils n’avaient perdu16,
Accordez, dieux, des mœurs honnêtes17
A notre docile jeunesse,
A la vieillesse, le repos
Aux fils de Romulus
Richesse et gloire et descendance !
Et ce que de vous implore en sacrifiant des bœufs blancs
L’illustre descendant
D’Anchise et de Vénus, Auguste,
Au combat le meilleur, mais qui
Se montre doux pour le vaincu18,
Qu’il l’obtienne de vous
[…] Déjà la confiance et la Paix,
Déjà l’Honneur et la Pudeur
D’antan reviennent, la Vertu
Et l’Abondance aussi […].19 »
Horace, Chant Séculaire.
Virgile travaille également à diffuser cette volonté de restauration et de rénovation de la pietas dans un ouvrage plus ancien, Les Géorgiques, daté de 36-27 avant Jésus-Christ. Virgile y exalte la vie « à la fois rude et saine des paysans »20 qui est rythmée par le travail, voulu par Jupiter. Véritable hymne à la terre, l’œuvre valorise les mœurs des paysans et des bergers antiques et crée un véritable monde artificiel destiné à un public romain aisé, en quête de nouvelles valeurs après les guerres civiles. Il s’agit d’exalter un monde où le travail et la piété envers les dieux et les morts sont deux axes majeurs d’une vie. Auguste envisage donc de sortir Rome de la crise en se présentant comme un chef providentiel, descendant de divinités, chargé de restaurer l’ordre et la prospérité en prônant un retour aux anciennes valeurs (tel que le travail de la terre) et à la pietas.
Le pouvoir des images
Au service de cette politique de retour aux anciennes valeurs, les arts complètent parfaitement l’effort littéraire produit par les différents auteurs à la solde de l’empereur. Cet attachement aux anciennes pratiques et conceptions s’exprime sur les parois peintes des riches demeures pompéiennes, notamment dans ce que les spécialistes nomment les paysages sacro-idylliques. Ces paysages, typiques du troisième style pompéien21 (20 avant J.-C. – 54 après J.-C.) se caractérisent par la présence récurrente de figurations, dans un cadre naturel, d’éléments religieux (temple, colonne votive, trépied) à côté desquels évoluent des figures humaines (très souvent des bergers avec leurs troupeaux ou des paysans) venant accomplir leurs devoirs religieux dans ces sanctuaires (annexe 1).
Le troisième style pompéien est également caractérisé par l’apparition sur les parois peintes de tableaux mythologiques qui s’inscrivent, en toute logique, dans le message de propagande étatique. Ces tableaux, figurant les épisodes célèbres de la mythologie gréco-romaine ont avant tout une véritable mission pédagogique. Dans une société où l’alphabétisation reste un privilège réservée aux plus riches, les arts figuratifs sont un excellent moyen de diffuser des idées, des concepts et des préceptes. Ainsi, lorsque le prêtre Amandus fait réaliser sur les parois du triclinium22 de sa maison de Pompéi l’épisode de la chute d’Icare23, il aborde la thématique de la hiérarchie universelle avec les dieux au sommet, les dieux infernaux, les demi-dieux puis les hommes (annexe 2). Ces tableaux mythologiques, en dehors de leur visée didactique, ont donc incontestablement une visée moralisatrice, toujours dans cette optique de propagande impériale, qui semble ici logiquement bien reçue de la part d’un prêtre. Ces diverses figurations témoignent du degré de pénétration du message de propagande d’Auguste en contexte privé, mais qu’en est-il dans le domaine public ?
Comme en littérature, les arts officiels sont largement emprunts du message dynastique cher à l’empereur. Le programme de construction du forum d’Auguste24 s’inscrit parfaitement dans cette affirmation dynastique. Sur le même principe que l’Enéide, il s’agit ici de figer dans la pierre l’ascendance divine de l’Empereur. Ce dernier entreprend tout d’abord la construction d’un temple dédié à Mars Ultor (c'est-à-dire Mars Vengeur), en hommage à son défunt père adoptif, Jules César, mort assassiné le 15 mars 44 avant Jésus-Christ. Ce nouveau forum, entouré d’un portique de cent vingt-cinq mètres de long sur cent dix-huit de large, se présente comme un agrandissement des fora précédents et propose un décor architectural inédit qui réside dans la construction d’un portique avec deux exèdres latérales se faisant face. Ces exèdres accueillent des statues qui sont particulièrement révélatrices de cet esprit dynastique : vingt-cinq sont aujourd’hui connues et représentent des hommes illustres tels qu’Enée, Anchise, Ascagne, Romulus25 ou encore les ancêtres de la gens Iulia26.
En dehors de la justification divine du pouvoir de l’empereur, ces effigies familiales entrent parfaitement dans sa politique de revalorisation de la famille. Ce dernier entend en effet restaurer la religion traditionnelle en exaltant les valeurs familiales en plus de restaurer la piété envers les morts.
L’une des œuvres majeures de cet art officiel reste l’autel de la Paix d’Auguste. Connu sous le nom d’Ara Pacis Augustae27, il est construit à la limite du Champ de Mars sur décision du Sénat suite au retour victorieux de l’empereur des provinces occidentales. L’ensemble, composé d’un autel en marbre entouré par une enceinte en marbre, est consacré à la Paix divinisée en 9 avant Jésus-Christ.
Constituée de quatre faces, l’enceinte qui entoure l’autel porte, sur sa face externe, les motifs figurés qui prêchent le retour à l’Age d’Or28. Elément constitutif de la gigantesque horloge solaire d’Auguste qui comprend également un obélisque, l’Ara Pacis participe chaque 23 septembre, jour de l’équinoxe et de l’anniversaire de l’empereur, à l’exaltation de la personne impériale : le soir venu, l’ombre de l’obélisque pénétrait par la porte occidentale de l’enceinte de l’autel, faisant de l’empereur la personne désignée par le Soleil lui-même comme celle qui permettrait l’avènement du nouvel Age d’Or.
Pour matérialiser en contexte urbain l’avènement du second Age d’Or, l’autel est sciemment entouré d’une enceinte, à l’image des sanctuaires ruraux construits en bois, visibles dans les campagnes mais aussi et surtout dans les figurations sacro-idylliques des parois peintes, dans l’optique de matérialiser en ville la restauration de la piété envers les dieux et les aïeux.
Le décor de l’enceinte externe de l’Ara Pacis comprend deux messages : le retour à l’Age d’Or, bien entendu, et, à l’image du programme statuaire du portique du forum d’Auguste, un message dynastique.
Ainsi, sur les façades est et ouest, de part et d’autre de portes symétriques, on identifie des personnages légendaires tels que Rémus et Romulus, Enée sacrifiant une truie qu’il offre aux dieux à son arrivée en Italie, la déesse Roma assise sur des armes et Tellus, la Terre Féconde, couronnées d’épis et portant deux nourrissons (annexe 3). Ces figurations nous rappellent logiquement les extraits de littérature étudiés plus haut, et notamment le Chant Séculaire d’Horace dans l’allusion à Tellus.
En ce qui concerne le message dynastique, il se retrouve dans les grandes frises supérieures des côtés nord et sud, les deux côtés dépourvus de portes (annexe 4). Ces deux côtés proposent une procession religieuse présentant, selon Salvatore Settis et Gilles Sauron29, la famille impériale et les prêtres de Rome le jour où Auguste est rentré victorieux des provinces occidentales. Auguste y est figuré vêtu de sa toge de Grand Pontife, ce qui prouve le degré de pénétration de l’empereur dans la sphère religieuse. La figuration de sa famille va permettre de légitimer les uns et les autres dans les différentes fonctions qu’ils occupent déjà (à l’image d’Agrippa par exemple) ou qu’ils seront amenés à occuper (tel que Tibère, successeur désigné d’Auguste) en les présentant comme héritiers de l’empereur participant à la Paix restaurée. Cette figuration entre de plus parfaitement dans le message de propagande politique de restauration des valeurs familiales.
Dans le registre inférieur du décor de ces côtés nord et sud, le choix des végétaux figurés n’est, enfin, pas anodin. En effet, selon Gilles Sauron, la prédominance, dans les rinceaux, des feuilles d’acanthes au détriment des lierres et des ceps de vignes, emblèmes de Dionysos, est révélatrice d’un message caché. Marc-Antoine, autoproclamé « Nouveau Dionysos », est présenté ici dans la position de vaincu qui est la sienne au travers de la figuration des feuilles d’acanthes, symbolisant Auguste, submergeant lierres et vignes. L’allusion à Actium est ici implicite (Annexe 5).
L’autel de la Paix véhicule donc un message très clair. La bataille d’Actium a mis fin à une période de crises en permettant à Auguste (dont l’ascendance divine et légendaire est rappelée en façade) de diriger l’ensemble du monde romain. Grâce à lui et à sa politique de retour aux anciennes valeurs, la Paix et revenue, les guerres civiles sont terminées comme le montre la figuration de la déesse Roma, Rome personnifiée, assise sur un amas d’armes. Avec la Paix est également revenu le flot de bienfaits inhérents à ces périodes, symbolisés par la présence de Tellus entourée de produits de la terre et d’enfants. Enfin, l’entourage d’Auguste est destiné à assurer la pérennité de la Paix et du second Age d’Or.
La pérennité de la politique médiatique d’Auguste
Auguste est un des empereurs romains dont le règne a été le plus long (41 ans). Il a réussi au moyen d’une politique nouvelle à sortir Rome de la crise des guerres civiles, guerres civiles qui ont joué un rôle indéniable de catalyseur dans son ascension politique. Il est effet légitime de s’interroger sur la portée de la politique d’Auguste si celle-ci était intervenue en période faste. Elle n’aurait probablement eu qu’un écho très limité.
Mais ce qu’il faut surtout souligner et retenir de cette politique de sortie de crise est l’utilisation d’outils tout à fait modernes et courants au XXIe siècle : en alliant politique et stratégies militaires à la littérature30, voire la censure, et aux arts dans lesquels il jouera bien plus qu’un simple rôle de mécène, il réussit à donner aux évènements et à l’histoire l’orientation qui est utile à sa stratégie de gouvernement. Habile homme politique, il parvient en faisant écrire son Histoire, à s’imposer comme le seul homme légitime de gouverner et comme le seul par qui le retour à la Paix et la prospérité est possible.
Après sa mort en 14 après Jésus-Christ, son action politique sera saluée par d’autres auteurs, tels que Tite-Live qui apportera son soutient à la politique d’unité nationale d’Auguste dans son Histoire Romaine, ou bien encore l’historien-biographe Suétone, dans les Vies des douze Césars. Rédigée vers 121 après Jésus-Christ, l’œuvre de Suétone montre que le règne d’Auguste est perçu comme une période de renaissance pour Rome : « La beauté de Rome ne répondait pas à la majesté de l’empire et la ville se trouvait exposée aux inondations et aux incendies : Auguste l’embellit à tel point qu’il put se vanter à bon droit de la laisser en marbre après l’avoir reçue en briques. Quant à la sécurité, il la garantit même pour l’avenir, autant que la prudence humaine put y pourvoir. » (Suétone, Vie d’Auguste, XVIII). Mais au-delà de cette citation, c’est toute la biographie d’Auguste par Suétone qui est emprunte de sympathie et de considération pour l’empereur qui a rétabli la paix.
Ses successeurs n’auront de cesse d’employer par la suite les mêmes « armes » qu’Auguste dans l’affirmation de leur politique et de leur pouvoir, utilisant notamment l’art pour matérialiser et asseoir, entre autre, le culte impérial insufflé par leur ancêtre.