Deleuze face à Platon. Usages stratégiques du commun et de l’universel

  • Deleuze and Plato. Strategic uses of the common and the universal

DOI : 10.58335/sel.338

Abstracts

L’œuvre de Gilles Deleuze constitue l’une des tentatives les plus abouties pour penser hors de l’universalisme, au profit d’une définition de la philosophie comme effort de création. Pour autant, un tel effort ne cesse de rencontrer l’universel sur sa route : comme puissance de mise en mouvement de la pensée, comme condition du partage de celle-ci et comme exigence pour elle de s’appuyer sur une certaine objectivité. Cet article entend établir dans quelle mesure il est possible de faire fonds sur la critique deleuzienne de l’universalisme tout en dépassant ces difficultés. À cette fin, il s’attache notamment à l’étude d’exemples issus des œuvres de Platon, cible principale de la critique deleuzienne de l’universalisme.

Gilles Deleuze’s work constitutes one of the most successful attempts to think outside of universalism, in favor of a definition of philosophy as a creative effort. However, such an effort never ceases to encounter the universal on its way: as a power to set thought in motion, as a condition for sharing it and as a requirement for it to rely on a certain objectivity. This article aims to establish to what extent it is possible to build on the Deleuzian critique of universalism while overcoming these difficulties. To this end, it focuses on the study of examples from the works of Plato, the main target of the Deleuzian critique of universalism.

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Nous n’en finissons pas d’en finir avec l’universel. L’universalisme semble philosophiquement mort, tant les assauts qu’il a subis au cours de la seconde moitié du vingtième siècle ont été destructeurs. Pourtant, il ne cesse de faire retour sur la scène intellectuelle, sous des formes à peine renouvelées, comme si la critique avait manqué son objet. Bien plus d’ailleurs qu’à une réfutation, la critique de l’universalisme s’expose à un véritable rappel à l’ordre dès lors qu’elle devient politique : en excluant l’idée d’un accord en droit possible par la discussion, elle ouvrirait la voie à toutes les violences. Si l’universalisme a parfois pu justifier la violence, il conviendrait néanmoins de ne pas le critiquer comme tel, mais seulement en tant qu’il ne correspond pas adéquatement à son concept : à l’ancien universalisme, étriqué dans une perspective se donnant indûment comme universelle, il conviendrait de substituer un universalisme véritable.

À bien des égards, cette manière de poser le problème manque ce qu’il y a de plus radical dans la critique de l’universalisme. Si elle peut s’imposer, c’est qu’elle semble seule à même de nous soustraire au chaos – entendu comme absence radicale d’ordre supérieur auquel s’en remettre – sur lequel cette critique débouche. Refuser cette manière de poser le problème implique d’apprendre à tracer des plans sur le chaos, c’est-à-dire à régler les différends théoriques et pratiques de manière à ce que chacun y trouve son compte sans pour autant en référer à une instance ou à des principes reconnus par tous. La philosophie de Gilles Deleuze, en tant qu’elle affirme nettement la force productrice des différences et aboutit ainsi à un refus intégral de l’universalisme, en offre le moyen. À l’universel, Deleuze oppose des agencements locaux, produits en commun par les singularités, qui en viennent à constituer un ensemble fonctionnel précisément parce que leurs différences respectives entrent dans des rapports de composition avec celles des autres. La formule la plus générale d’une telle proposition est celle d’un renversement du platonisme, tant Platon a contribué à définir le cadre général de l’universalisme occidental. Le présent article entend donc reprendre la critique du platonisme formulée par Deleuze, examiner les difficultés qu’elle pose et en quoi celles-ci exposent au risque d’un basculement de la pensée et de l’action dans le chaos, et enfin explorer des pistes pour les surmonter sans revenir pour autant à une pure et simple réaffirmation de l’universalisme.

Renverser le platonisme, en finir avec son universalisme

Dès Différence et répétition, sa première œuvre théorique majeure, Deleuze fait du « renversement du platonisme1 » la tâche centrale que la philosophie doit accomplir. Dans Critique et clinique, dernier recueil d’articles qu’il publie de son vivant, cet objectif n’est pas perdu de vue : il s’agit d’opposer au platonisme une philosophie « de l’immanence2 », pour en finir avec le « jugement de Dieu3 ». Renverser le platonisme constitue ainsi l’un des fils conducteurs de l’œuvre foisonnante de Deleuze. Le platonisme dont il est question est toutefois loin de se limiter à la pensée de Platon ou de ses disciples revendiqués : il englobe l’ensemble de la philosophie occidentale, seules y échappant quelques figures marginales comme Spinoza ou Nietzsche4. La question se pose alors de savoir ce qu’il faut entendre par « platonisme », et pourquoi celui-ci doit faire l’objet d’un « renversement ».

Ce que Deleuze condamne en l’appelant platonisme, c’est le triomphe du « jugement de Dieu ». Par cette expression, Deleuze désigne l’identité du jugement logique et de la sentence d’un tribunal qui prévaut dans la philosophie occidentale5. Le jugement exact est en effet pour elle celui qui donne à voir la chose dans sa vérité, c’est-à-dire telle qu’elle s’offre au regard de Dieu, soustraite à tout point de vue qui viendrait la réduire à son apparence ou à ses effets, jugement qui saisit la chose dans son essence, et permet d’attribuer à chacun son juste lot6. La logique du jugement tend ainsi à résorber la multiplicité des points de vue : juger correctement, c’est saisir la chose dans son essence, telle que Dieu lui-même la voit, de telle sorte qu’il n’y ait rien de plus à en dire. Cette logique présente dès lors deux caractéristiques : elle vise l’universel et est intrinsèquement totalitaire, en tant qu’elle débouche nécessairement sur l’exclusion de toute perspective qui ne serait pas réductible à l’universel. Renverser le platonisme ne se réduit ainsi pas à s’en prendre à Platon : toute pensée qui aspire à l’universel doit être considérée comme platonicienne et combattue à ce titre. Nous sommes ainsi fondés à voir dans l’œuvre de Deleuze l’une des formes les plus radicales et les plus cohérentes de refus de l’universalisme.

Prendre la pleine mesure de cette radicalité implique un détour par les critiques que Deleuze adresse à deux figures majeures de la philosophie occidentale, en tant qu’elles ne sont pour lui que deux variations sur le même thème platonicien : Leibniz et Hegel7. Pour Hegel, toute contradiction n’est qu’un moment du vrai : les points de vue contradictoires apparaissent comme des moments de la totalité et ont vocation à se dépasser, au cours du développement de cette dernière, dans une synthèse plus haute où ce qu’ils avaient d’apparemment contradictoire s’articule dans un ensemble cohérent8. Refuser l’universel, comme le fait Deleuze, c’est donc refuser cette possibilité de dépassement : prétendre dépasser l’opposition des points de vue, c’est prétendre parler depuis un point de vue qui les subsumerait tous. Or une telle prétention nous reconduit à la logique du jugement de Dieu, et aux effets de domination politique qu’elle produit. Car cette subsomption ne pourrait signifier que deux choses : ou bien que l’un des points de vue engloberait l’autre et exercerait une domination impériale sur lui, ou bien qu’une instance tierce serait invoquée pour trancher entre les perspectives rivales et tenter de les articuler, ce qui reviendrait à restaurer une transcendance. En ce sens, il est permis de dire que la critique de l’universel est le plus souvent d’inspiration hégélienne : elle ne conteste ce qui se donne pour universel que pour invoquer un universel plus haut, qui ferait apparaître le précédent comme simple particularité. C’est ainsi que les droits de l’homme, prétendument universels, ont pu être critiqués par Marx comme simples droits du membre de la société bourgeoise9, selon un schéma de pensée qui constitue la matrice de nombreuses critiques de l’universalisme. La critique de Deleuze est infiniment plus radicale : elle ne suppose aucun englobement d’une perspective par une autre qui permettrait une résolution de leur contradiction, fut-ce sur un autre plan.

Cette radicalité apparaît avec davantage d’acuité encore dans la lecture de Leibniz que livre Deleuze. Pour Leibniz, en effet, le monde est constitué de monades, à la fois sujets et points métaphysiques10, dont chacune exprime le monde dans son entier11 : tout sujet se définit ainsi comme un « point de vue12 » sur le monde. Or, si un tel point de vue s’ouvre bien sur une région privilégiée du monde, il n’en reste pas moins que, parce que cette région privilégiée subit l’influence de la totalité du monde, il est point de vue sur le monde entier. La pensée a donc d’emblée affaire avec l’universel, parce que chaque singularité13 est déjà universelle, en tant qu’elle est dans l’univers. Le monde abrite une infinité de perspectives possibles sur lui, mais ces perspectives doivent être compatibles les unes avec les autres : en termes leibniziens, elles doivent être compossibles, c’est-à-dire littéralement être « possibles ensemble », ne pas se contredire les unes les autres pour pouvoir constituer ensemble un même monde14. C’est toutefois précisément cette compossibilité des points de vue que Deleuze rejette aussi bien hors des possibles de la pensée contemporaine15 que de sa propre entreprise16. Il ne saurait y avoir de conciliation de points de vue sur le monde, puisque les points de vue ne s’ouvrent pas sur le même monde17 et que le monde n’est jamais que le monde d’un point de vue18. C’est ainsi l’univers comme totalité unificatrice des mondes qui se voit nié, tuant dans l’œuf tout universalisme.

La pensée de Deleuze peut ainsi sembler déboucher sur une forme de relativisme total, tant elle met en cause les principes mêmes sur lesquels la pensée s’est érigée depuis Platon. Si lui prêter un tel relativisme relève probablement d’un contresens19, la volonté d’attaquer les principes mêmes de la philosophie est, pour sa part, indiscutable. Derrière les multiples figures de l’universalisme, Deleuze dénonce en effet une même « image de la pensée20 », c’est-à-dire une même compréhension implicite de ce que penser veut dire21. Selon l’image dominante de la pensée, penser consisterait à reconnaître un objet22, à savoir lire le monde comme un texte écrit par Dieu, avec bonne volonté, pour y regarder les choses telles qu’elles sont. Mais penser n’est, d’après Deleuze, jamais un acte de bonne volonté : c’est sous l’effet d’une violence que nous pensons, parce que quelque chose nous y oblige23. Il en résulte que penser est bien moins lutter contre l’erreur que s’arracher à la bêtise24, c’est-à-dire à l’évidence de ce que justement tout le monde admet : la pensée ne s’élance ainsi que sous l’effet d’un problème25, d’une difficulté. Or précisément, les problèmes ne sont pas universels : tout problème est un problème de la vie, et se résout non pas par la formulation d’une théorie à valeur universelle, mais par la constitution d’une prise pour l’action qui prend la forme d’un concept. La philosophie n’est ainsi pas reconnaissance d’une vérité universelle mais « folle création de concepts26 » pour résoudre des problèmes localisés, susceptibles d’ailleurs de formes de résolution multiples et toujours déterminées par eux. Le problème naît en effet d’une rencontre au point que Deleuze nomme la « fêlure27 », où s’articulent les désirs de l’individu et le réservoir de sens dont il dispose. Vouloir que les mondes s’articulent en un profil de sens unique qui constitue un univers, c’est par conséquent nécessairement écraser certains désirs en en affirmant d’autres : une opération politique. Or, c’est fondamentalement pour des raisons politiques que Deleuze refuse l’universel : il ne saurait y avoir d’affirmation universellement valable, parce que toute affirmation répond d’abord à une question, et que le fait de poser telle question plutôt que telle autre est intrinsèquement politique28.

À l’universel, Deleuze préfère donc le commun. C’est néanmoins chez lui un terme dangereux, pas toujours positif. Il ne s’agit en effet pas de dire que les choses auraient quelque chose en commun que tous pourraient reconnaître et qui légitimerait leur rassemblement sous un même concept (ce qui serait réintroduire clandestinement l’universel29) ou d’en appeler à un sens commun (qui viendrait d’emblée restreindre le champ des problèmes acceptables30). Il s’agit simplement de dire qu’en elles un événement se répète, figure purement idéale31 permettant la mobilisation d’un même schème sensori-moteur32, comme la nage répète un même geste pour progresser dans un flot qui pourtant ne cesse jamais de différer de lui-même33. S’il y a commun, c’est donc d’abord comme point de contact, de rencontre entre un corps et un autre, puis comme construction d’un schème applicable à diverses singularités qui peuvent ou non le faire éclater, comme le sable ou l’air mettraient en échec le geste de quiconque entendrait les traverser à la nage34. Ce n’est que parce que de tels schèmes peuvent être partagés et nourrir une action commune que peut émerger quelque chose comme un monde commun, qui se définit comme la rencontre de deux mondes35 et non comme un univers qui les engloberait tous de droit. Une telle métaphysique a immédiatement des conséquences politiques : elle exclut d’harmoniser la communauté en soumettant l’ensemble de ses membres à un ensemble de règles universelles, et implique au contraire que les singularités s’articulent sans jamais être réduites à une norme commune. La communauté n’est ainsi fondée sur rien, elle n’est pas autre chose que le produit de l’agir en commun des hommes. À l’égalité, valeur centrale de l’universalisme et toujours potentiellement négatrice des différences, Deleuze en vient ainsi à opposer la fraternité36, mécanisme de leur articulation harmonieuse par l’amour37. La pensée sans universel de Deleuze culmine ainsi dans la vision d’une anarchie où la fraternité sert de moteur à l’articulation des différents désirs, vision à la fois utopique et profondément séduisante.

Plusieurs questions restent néanmoins alors en suspens. Comment expliquer l’étonnante puissance de certains concepts universels ? Comment expliquer qu’effectivement, certains points de vue semblent plus larges que d’autres et les englobent, et que le constater n’aboutisse pas nécessairement à l’établissement d’un rapport de pouvoir, mais puisse déboucher sur une entente fraternelle ? Comment, enfin, conjurer le risque de violence qui menace à chaque articulation de singularités, pour peu que celle-ci cesse de se faire fraternellement ?

Sur les puissances de l’universel

Si séduisante soit-elle, la critique deleuzienne de l’universel pose des difficultés. Si la bêtise est « le fait que nous ne pensons pas encore 38» et que la philosophie vise à lui nuire39, alors il faut bien admettre que la bêtise est inhérente à toute forme de vie. Car la pensée demande un ordre pour se protéger du chaos du monde, pour ne pas basculer sans cesse d’un jeu d’idées à l’autre, dans un processus qui priverait l’action de tout repère40. C’est pourquoi il y a, dans nos cadres de pensée communs, tout autant de bêtise, c’est-à-dire d’obstination à figer le monde sous un aspect unique pour avoir prise sur lui, que dans l’invocation de l’universel. Peut-être cette bêtise est-elle moins hypocrite, en cela qu’un cadre de pensée qui se donne comme commun plutôt qu’universel admet implicitement qu’il possède un dehors, qu’une autre organisation du monde est possible. Pour autant, si le commun sécrète sa propre bêtise, l’universel n’est-il pas alors susceptible de nuire à cette bêtise, justement parce qu’il constitue un dehors pour le commun ? Par ailleurs, si la pensée commune admet implicitement que d’autres pensées sont possibles, il n’en reste pas moins que le caractère implicite de cette admission peut la faire oublier. Refuser l’universel au profit d’une affirmation de cadres de pensée communs risque ainsi de renforcer l’hégémonie de l’idéologie dominante. En ce sens, la réhabilitation que Deleuze propose de la figure du sophiste41 paraît révélatrice : loin d’être le simple artiste des simulacres que dépeint Deleuze, le sophiste est d’abord l’intellectuel organique des couches dominantes de la cité, celui qui sait jouer des cadres de pensée communs pour renforcer la subordination des masses42 (Deleuze savait d’ailleurs reconnaître ce danger sous sa forme contemporaine, celle des « nouveaux philosophes43 »). Céder à la séduction du sophiste, c’est donc céder au charme du pouvoir, et restaurer une domination dont il n’est pas dit qu’elle soit moins brutale que celles que permet l’universalisme.

Face à cette domination de l’opinion commune, l’universel représente une impressionnante puissance de mise en mouvement de la pensée. Les dialogues socratiques le font apparaître avec maestria : c’est bien au nom de l’universel, de ce que chacun doit admettre, que Socrate procède à la critique de l’opinion commune, critique devant laquelle le suffrage de la foule ne compte pas44. Deleuze lui-même est ainsi obligé d’admettre que Socrate fait partie de ces puissances inquiétantes dont la rencontre force à penser45. Certes, les questions qu’il pose ne trouvent leur sens que dans le cadre d’une communauté particulière46, comme le remarque Deleuze. En ce sens, elles n’ouvrent à la pensée qu’une aventure limitée, cadrée à la fois par les attentes communes de la cité et par la forme de vérité à vocation universelle que promeut l’image dogmatique de la pensée. Dans le Ménon, la question sur laquelle s’ouvre le dialogue, celle de l’essence de la vertu47, met en lumière une bêtise qui est la bêtise communautaire par excellence : il est extrêmement difficile à Ménon de penser une vertu qui ne soit pas celle de sa propre position sociale48. La réorientation du débat par Socrate, visant à une définition universelle de la vertu, n’en comporte pas moins sa propre forme de bêtise : elle réduit en effet d’emblée la vertu à l’unité49, quand un concept comme la vertu ne peut être qu’une multiplicité50, se différenciant en fonction des formes de vie dans lesquelles elle s’incarne. Pour autant, toute pensée, en tant qu’elle donne à la vie la stabilité dont elle a besoin, participe d’une forme de bêtise, comme elle lui nuit en tant qu’elle déstabilise, qu’elle met la vie en mouvement. Mais ici, l’universalisme de Socrate fonctionne précisément comme une force de déstabilisation et de mise en mouvement, comparable par sa violence à une torpille marine51 : il doit alors bien y avoir une puissance propre de l’universel, celle de déstabiliser les cadres de perception communs. Certes, cette déstabilisation est localisée, puisqu’elle s’exerce à partir de ce qu’elle déstabilise : l’universalisation n’est ainsi jamais qu’un élargissement du point de vue, un projet dont l’accomplissement ne cesse d’être indéfiniment reporté. Pour autant, c’est précisément son mérite : elle oblige la pensée à initier un mouvement qui la fait tendre vers l’infini, tout en lui laissant ce minimum de stabilité et de bêtise qui l’empêche de basculer dans le chaos. Il y a bien quelque chose d’aristocratique et de dominateur dans ce mouvement de l’universalisation, en tant qu’il entend dépasser les points de vue en présence pour constituer à partir d’eux un autre qui les surplombe et les englobe. Deleuze a raison de souligner la tendance aristocratique de l’ironie socratique et le danger qu’elle comporte toujours de réduire le monde à un profil unique pour échapper au chaos52, il n’en reste pas moins qu’il est lui-même obligé de reconnaître qu’elle constitue une puissance d’arrachement et de mise en mouvement de la pensée53.

Il y a par conséquent toutes les raisons d’être méfiant lorsque Deleuze affirme que le philosophe « a fort peu le goût de discuter54 », et dénonce dans la discussion une négation de la philosophie. Cette position est cohérente avec la primauté qu’il accorde au problème : penser, c’est d’abord poser correctement un problème qui, une fois posé, laisse peu de place à l’erreur, rare jusque dans les copies d’élèves55. La discussion achoppe ainsi le plus souvent parce que les parties en présence ne discutent pas le même problème bien plus que parce que l’une des deux parties se trompe : critiquer est bien plus souvent transposer un concept à un problème auquel il ne s’applique pas que l’attaquer sur son propre terrain56. Cette argumentation deleuzienne se heurte néanmoins à une objection massive : s’il est rare que l’on se convainque, cela arrive effectivement. Il s’ensuit que l’on parlait bien de la même chose, et que l’erreur n’est pas si rare. Ainsi Ménon n’hésite-t-il pas à reconnaître, face à Socrate, ses erreurs57. Naturellement, il est possible que l’antagonisme des désirs et des problèmes qui poussent à la pensée soit tel qu’il bloque tout progrès du dialogue : dans le Gorgias, Calliclès ne recule ni devant le silence58, ni devant la menace de mort59 pour échapper à Socrate. Avec Ménon comme avec Calliclès, pourtant, Socrate ne fait pas qu’échanger des idées : le dialogue est aussi une mécanique de production d’affects, ce qui est par ailleurs en parfaite adéquation avec la théorie deleuzienne du langage60.

On peut donc se demander dans quelle mesure le refus de la discussion proclamé par Deleuze ne s’en tient pas à une conception restreinte de celle-ci, réduite à la « communication61 » et aux « tables rondes62 », avec Habermas en ligne de mire. Certes, la discussion n’est pas une « conversation démocratique universelle63 », permettant l’accord des esprits de bonne volonté. Elle ouvre néanmoins un espace stratégique, où se règlent des comptes – comment la philosophie nuirait-elle autrement à la bêtise ? – mais où se nouent aussi des alliances, dans la formation d’un désir commun et l’éclaircissement des problèmes qui se posent à lui. Naît alors une critique mutuelle qui n’est pas nécessairement malveillante, qui vise d’abord à l’invention d’armes communes, critique qui peut impliquer une certaine forme de violence – la sidération dans laquelle Socrate laisse Ménon n’en manque pas – laquelle ne découle pas d’une volonté de détruire, mais d’un effort de mise en mouvement. C’est d’ailleurs uniquement dans une telle intention qu’il peut y avoir un sens à discuter avec Deleuze, si nous acceptons son refus de l’universalisme et son affirmation de la primauté du problème dans tout acte de pensée. La discussion apparaît comme l’un des moyens de la production du commun, de l’articulation fraternelle des singularités dont on a vu qu’elle ne cessait de risquer de se défaire en chacun de ses points. Le problème qu’elle pose tend donc nécessairement à l’universalité : développer la discussion comme puissance, c’est ouvrir la voie à une articulation des singularités universelle, non parce qu’elle serait la seule possible – les éléments qui la composent sont en effet susceptibles d’autres raccordements – ou se ferait sur le mode du consensus, mais parce qu’elle s’étendrait à l’infini, en n’excluant rien ni personne64.

Pour autant, si la discussion est capable de nous mettre d’accord, de nous unir dans des affects et dans un agir commun qui peut tendre à l’universel, c’est qu’elle aboutit à la constitution d’une prise sur les choses. Or, sans réduire le monde à un profil unique, établir une prise sur lui exige de le saisir sous un profil qu’il a effectivement, et qui peut pour cette raison être partagé avec tout autre à la condition de lui en donner la puissance. C’est la raison pour laquelle Deleuze est obligé de reconnaître l’existence d’un « anti-chaos objectif65 » dans les choses. Si le concept est une construction, ce n’est pas une construction à partir du néant : il doit donner une consistance au virtuel66, qui est une dimension objective des objets réels67. Le virtuel désigne tout ce que peuvent les choses, c’est la dimension du possible en tant qu’il n’est pas une simple hypothèse de l’esprit mais bien un élément appartenant de plein droit au réel. Une chose peut ainsi être pensée selon différentes modalités, qui toutes l’unissent avec d’autres selon des liens particuliers, il n’en reste pas moins que chacune de ces modalités lui appartient en propre comme une de ses puissances, universellement constatable. De ce fait, les choses ne se laissent pas penser n’importe comment, et un concept peut être inconsistant, se défaire à l’usage, le travail du philosophe étant justement leur mise à l’épreuve68. Or comment le mettre à l’épreuve, sinon par son application à des problèmes toujours nouveaux, sa transposition dans des contextes toujours différents ? L’universalisme apparaît alors comme une double nécessité, nécessité de produire des concepts pouvant être utilisés par tous pour les appliquer au problème qui les détermine, nécessité de mesurer exactement leur zone de consistance en ne cessant de les appliquer là où ils n’ont pas encore fait leurs preuves. Il n’y a, naturellement, rien des exigences morbides du devoir dans ces nécessités, qui ne se comprennent exactement que comme des impératifs de puissance. Mais elles permettent de comprendre la misère d’un certain refus de l’universalisme, dans lequel risque de basculer toute pensée se fondant sur un commun pensé comme une identité et n’acceptant de penser qu’avec des semblables : menacent alors l’inconsistance de la pensée, l’impuissance du discours et de l’action et, comme leur conséquence logique, la violence, fruit de l’impuissance à s’articuler fraternellement avec l’autre.

Vers un usage stratégique du commun et de l’universel

La question qui se pose est ainsi moins celle des valeurs absolues du commun et de l’universel – question qui ne peut d’ailleurs être posée que depuis l’universalisme – que celle de leurs usages stratégiques. Cette question même n’est pas posée dans l’absolu : il n’y a pas de question universelle, puisque toute question est la question d’un désir. De ce fait, nous admettons la poser ici à partir de celui d’une anarchie fraternelle, et c’est précisément pourquoi nous la posons à partir de Deleuze.

Quels usages pouvons-nous à ce titre faire de l’universel ? L’universel peut d’abord servir à critiquer l’universel : il est toujours aisé de monter qu’il part d’un problème qui ne s’impose nullement à tous, et que les réponses qu’il apporte peuvent être refusées par celui dont le problème est autre. La critique, dont Deleuze nie la portée, peut ainsi être réhabilitée non comme moment d’une conversation démocratique universelle tendant vers une vérité absolue, mais comme mécanisme de blocage, principe de défaisance d’une force externe qui entend s’imposer à nous, quand bien même une telle critique serait toujours insuffisante à résoudre nos propres problèmes et à affirmer nos propres forces. Peu importe alors que l’universel qu’on oppose à celui qu’on attaque soit tout aussi factice que lui, qu’il ne constitue qu’un commun plus large : il n’a effectivement aucune fonction d’affirmation, mais une simple fonction libératrice. Ainsi la dialectique peut-elle demeurer une arme : quand Ménon affirme que la vertu est l’art de commander, Socrate lui oppose la vertu des enfants et des esclaves, privés de tout accès au commandement. À une affirmation qui se prétend universelle, mais s’ancre dans la condition commune des citoyens athéniens, Socrate oppose des figures qui réclament un universel plus authentique pour être incluses. Elles ne cessent pourtant pas d’être profondément ancrées dans le monde grec, et le mouvement d’universalisation initié par Socrate ne conduit en réalité qu’à une définition plus large de la communauté. Ce mouvement d’universalisation apparente, qui force en réalité à l’élargissement du commun, peut également servir à miner les discours qui entendent affirmer un commun identitaire, fondé sur la réduction d’un groupe au même plutôt que sur l’articulation des singularités, avec comme cas limite l’affirmation brutale par l’individu de sa seule identité. C’est ainsi qu’à Calliclès qui affirme le droit des forts à dominer au nom de leur force commune, Socrate peut opposer l’universalité de la force et donc sa possession par les masses69, lesquelles n’ont pourtant de force que par leur organisation dans une communauté donnée. L’universel, s’il tend à étouffer le possible dès lors qu’il devient affirmatif, n’en constitue ainsi pas moins une formidable arme défensive.

Le commun est pour sa part susceptible d’un usage plus différencié. La composante défensive et critique n’en est pas absente. Nous avons ainsi vu que Socrate ne met la pensée de ses interlocuteurs en contradiction avec elle-même que sur le fond d’un partage de normes communes, même si celles-ci sont données comme universelles. Reste que rien n’empêche cette mise en contradiction de se faire sur la base de normes explicitement posées comme communes, sans prétention à l’universel. L’usage de normes communes peut également servir à mettre en route le dialogue lui-même pour offrir une prise à la critique. Ainsi Socrate ne refuse-t-il pas d’user de la rhétorique et de jouer des passions de ses interlocuteurs, ancrées dans la vie communautaire, pour leur faire accepter les règles du débat dialectique : face à Protagoras, il minimise sa propre intelligence et flatte celle du sophiste pour le contraindre à s’avancer sur son terrain à lui70. Ici, la philosophie retourne les armes de la sophistique contre elle : elle utilise l’opinion commune comme un moyen de faire agir le sophiste à sa guise, et de le forcer à penser. Nous n’avons aucune objection à faire à un tel usage de la doxa.

C’est toutefois dans l’affirmation que la puissance du commun s’impose avec le plus de netteté. Toute affirmation affirme une action commune : d’abord parce que l’individu est lui-même une multiplicité71, la pensée comme la parole étant mises en mouvement de cette multiplicité, articulations des différences qui la composent. On retrouve ici l’idée platonicienne de la pensée comme dialogue de l’âme avec elle-même72, mais ce dialogue est désormais polyphonique, ouvert à l’involontaire. Car toute pensée est déjà prise dans le commun du langage comme production sociale et des agencements qui produisent les énoncés dans lesquels elle se formule73. Penser, c’est toujours déjà penser avec d’autres, aux voix multiples, qui parlent en dehors comme à l’intérieur de moi74, y compris dans l’effort le plus solitaire pour s’arracher à sa propre langue et devenir étranger en elle75, par la langue littéraire ou philosophique. C’est donc nécessairement tracer une ligne qui peut devenir commune, parce que d’autres peuvent venir se greffer dessus sans pour autant que cela implique une quelconque compréhension : penser ensemble, c’est bien moins se comprendre qu’utiliser la langue pour articuler notre action avec celle de l’autre, comme la guêpe et l’orchidée s’articulent l’une à l’autre pour faire l’amour sans davantage se comprendre76.

Dès lors, si toute affirmation universelle n’est jamais qu’un simulacre, il n’est pas dit qu’un tel simulacre ne puisse pas jouer une fonction productive dans un agencement d’énonciation donné, notamment en étant posé comme son but. Nos sciences comme nos fraternités sont toujours locales mais gagnent en puissance à viser l’universel. Certains agencements communs peuvent ainsi tendre vers l’universel comme leur limite, peu importe que celle-ci ne puisse être atteinte qu’à l’infini. Il importe alors de savoir distinguer entre les sciences qui tendent à l’universel, et celles qui impliquent nécessairement un pluralisme, c’est-à-dire entre celles dont les objets se prêtent nécessairement à des lectures multiples, et celles qui au contraire ont des objets dont le nombre de lectures consistantes ne cesse de tendre à se réduire. De ce point de vue, nous ne pouvons guère faire plus ici que hasarder une hypothèse : plus un objet possédera de virtualités, plus il se prêtera à des interprétations multiples, moins il en aura, plus il sera au contraire susceptible d’une compréhension universellement partagée. Il convient néanmoins de souligner que même du côté des objets denses en virtualités, qui ne cessent de réduire à l’inconsistance les discours à prétention universelle qui les saisissent, n’importe quel discours ne vaut pas, certains étant d’emblée voués à l’inconsistance. En ce sens, si nous ne sommes jamais obligés de penser ou d’utiliser les virtualités d’un objet, l’exigence de les reconnaître s’impose universellement à qui veut établir une prise sur lui.

Reste que la reconnaissance universelle des virtualités présentes dans les choses ne produit pas par elle-même un accord, pas plus d’ailleurs que ne le fait le partage d’une forme de vie commune. Ni le commun ni l’universel ne nous apporteront par eux-mêmes la paix. Car ce sont leurs usages qui sont cruciaux, et ils s’inscrivent toujours dans des machines sociales plus complexes, dont la langue n’est jamais que l’un des rouages, signifiant par les effets qu’elle y produit77. L’universalisme ne produit pas l’impérialisme, mais l’impérialisme sait toujours se servir d’un universalisme pour se justifier, comme la communauté ne produit pas nécessairement l’identitarisme, qui se justifie pourtant toujours par le commun. C’est la guerre qui trouve sa langue, bien plus que la langue qui déclenche sa guerre. La guerre, du reste, n’est pas nécessairement nuisible, et vouloir la paix véritable, l’articulation fraternelle des singularités, c’est aussi vouloir les guerres qui y conduisent, contre les fascismes de l’universel et du commun. Une fois produite, une telle articulation est d’ailleurs toujours à refaire, tant les désirs qui se composent ensemble ne cessent de se désajuster les uns d’avec les autres. L’anarchie exige un amour et des soins infinis. Il en faut tant que seule une foi démente dans l’universalité de l’aspiration à l’amour et à la joie peut nous donner la force de nous élancer vers elle. C’est en ce sens et en ce sens seulement que nous pouvons, en notre nom propre et pour ceux-là seuls qui en sentiront l’appel, laisser le dernier mot à l’universalisme.

Notes

1 Gilles Deleuze, Différence et répétition, Paris, Presses universitaires de France, 1968, p. 82. Return to text

2 Gilles Deleuze, Critique et Clinique, Paris, Éditions de Minuit, 1993, p. 171. Return to text

3 Deleuze, 1993, p. 171. Return to text

4 Ibid., p. 171. Return to text

5 Ibid., p. 158. Return to text

6 Deleuze, 1993, p. 161. Return to text

7 Deleuze, 1968, p 61-71. Return to text

8 Ibid., p 64. Return to text

9 Karl Marx, La question juive in Œuvres III – Philosophie, Paris, Gallimard, 1983, p. 367. Return to text

10 Gilles Deleuze, Le pli. Leibniz et le baroque, Paris, Éditions de Minuit, 1988, p. 33. Return to text

11 Deleuze, 1988, p. 35. Return to text

12 Ibid., p. 35. Return to text

13 Le terme de singularité, propre à Deleuze et non à Leibniz, désigne un « élément quelconque qui peut être prolongé jusqu’au voisinage d’un autre ». Voir à ce titre Gilles Deleuze, Deux Régimes de fous : textes et entretiens, 1975-1995, Paris, Éditions de Minuit, 2003, p. 327. Return to text

14 Deleuze, 1988, p. 80. Return to text

15 Ibid., p. 187. Return to text

16 Gilles Deleuze, Logique du sens, Paris, Éditions de Minuit, 1969, p. 198-207. Return to text

17 Deleuze, 1969, p. 203. Return to text

18 Ibid., p. 141. Return to text

19 Deleuze, 1988, p. 27. Return to text

20 Ibid., p. 169-217. Return to text

21 Ibid., p. 169-172. Return to text

22 Deleuze, 1968, p. 174. Return to text

23 Ibid., p. 173. Return to text

24 Ibid., p. 196-198. Return to text

25 Ibid., p. 210-214. Return to text

26 Ibid., p. 3. Return to text

27 Deleuze, 1969, p. 180-189. Return to text

28 Deleuze, 1968, p. 55. Return to text

29 Ibid., p. 45-50. Return to text

30 Ibid., p. 175-190. Return to text

31 Deleuze, 1969, p. 174-180. Return to text

32 Deleuze, 1968, p. 101. Return to text

33 Ibid., p. 214. Return to text

34 Pour illustrer d’un exemple ce point qui peut sembler abstrait, notons que Lacan comparait l’usage des concepts de la technique analytique hors de l’expérience où ils s’enracinent à un effort pour ramer dans un navire échoué sur le sable : le concept est ici un schème d’action qui, sorti du domaine où il fonctionne, éclate au sens où son emploi ne peut aboutir à rien. Voir Jacques Lacan, Écrits II, Paris, Seuil, 1999, p. 61. Return to text

35 Deleuze, 1969, p. 141. Return to text

36 Deleuze, 1993, p. 101-114. Return to text

37 L’amour doit ici être compris au sens que lui donne Spinoza : c’est la joie accompagnée de l’idée d’une cause extérieure. Articuler les différences par l’amour, c’est ainsi faire en sorte que les différences de chacun soient pour tous une source de joie, c’est-à-dire d’augmentation de la puissance. La différence est ici non pas ce qui doit être annulé pour parvenir au commun, mais précisément ce qui donne à celui-ci puissance et consistance. Return to text

38 Deleuze, 1968, p. 198. Return to text

39 Gilles Deleuze, Nietzsche et la philosophie, Paris, Presses universitaires de France, 1962, p. 120. Return to text

40 Gilles Deleuze & Félix Guattari, Qu’est-ce que la philosophie ?, Paris, Éditions de Minuit, 1991, p. 189. Return to text

41 Deleuze, 1969, p. 292-306. Return to text

42 Platon, Gorgias in Œuvres complètes T1, Paris, Gallimard, 1950, p. 388. Return to text

43 Deleuze, 2003, p. 127-134. Return to text

44 Platon, 1950, p. 410. Return to text

45 Deleuze, 1968, p. 182. Return to text

46 Ibid., p. 203. Return to text

47 Platon, Ménon in Œuvres complètes T1, Paris, Gallimard, 1950, p. 513. Return to text

48 Platon, 1950, p. 517. Pour Ménon, la vertu se définit d’abord comme étant l’art de commander aux hommes, définition à la fois fort restrictive et directement ancrée dans les idéaux de l’aristocratie grecque. Return to text

49 Ibid., p. 518-519. Return to text

50 Deleuze, 1968, p. 236. Return to text

51 Platon, 1950, p. 527. Return to text

52 Deleuze, 1969, p. 165. Return to text

53 Deleuze, 1959, p. 163. Return to text

54 Deleuze & Guattari, 1991, p. 32. Return to text

55 Deleuze, 1968, p. 198. Return to text

56 Deleuze & Guattari, 1991, p. 33. Return to text

57 Platon, 1950, p. 527. Return to text

58 Ibid., p. 458. Return to text

59 Ibid., p. 466. Return to text

60 Gilles Deleuze & Félix Guattari, Mille Plateaux, Paris, Éditions de Minuit, 1980, p. 95-139. Return to text

61 Deleuze & Guattari, 1991, p. 32. Return to text

62 Ibidem. Return to text

63 Ibidem. Return to text

64 Ce qui ne préjuge rien de l’intensité des connexions entre les différentes singularités, susceptible d’une variation pouvant aller jusqu’à l’imperceptibilité. « Laisser de l’air » est encore une manière d’être relié qui ne se confond ni avec l’indifférence, ni avec l’hostilité. Return to text

65 Deleuze & Guattari, 1991, p. 189. Return to text

66 Ibidem, p. 112. Return to text

67 Deleuze, 1968, p. 269. Return to text

68 Deleuze & Guattari, 1991, p. 9. Return to text

69 Platon, 1950, p. 434. Return to text

70 Platon, Protagoras, in Œuvres complètes T1, Paris, Gallimard, 1950, p. 108. L’argument ici développé par Socrate est le suivant : puisque Protagoras est plus intelligent que Socrate, il doit être capable de se plier au jeu d’une discussion reposant sur des questions et des réponses brèves, plutôt que sur la succession de longs discours, dont Socrate s’affirme incapable. Par la flatterie, Socrate oblige ainsi Protagoras à quitter le domaine de la rhétorique pour s’aventurer dans celui de la philosophie, où le sophiste part vaincu d’avance. Or cette flatterie n’a en elle-même rien de philosophique, elle consiste en un pur artifice rhétorique, qui fonctionne précisément parce que Socrate appartient à la même communauté que Protagoras et sait à quelles séductions un homme tel que lui est susceptible d’être sensible. Return to text

71 Deleuze, 1968, p. 331. Return to text

72 Platon, Le sophiste, in Œuvres complètes T2, Paris, Gallimard, 1950, p. 331. Return to text

73 Deleuze & Guattari, 1980, p. 101. Return to text

74 Ibidem, p. 107. Return to text

75 Ibidem, p. 133. Return to text

76 Ibidem, p. 360. Return to text

77 Ibidem, p. 100. Return to text

References

Electronic reference

Alexis Piat, « Deleuze face à Platon. Usages stratégiques du commun et de l’universel », Savoirs en lien [Online], 2 | 2023, 15 December 2023 and connection on 14 October 2024. Copyright : Licence CC BY 4.0. DOI : 10.58335/sel.338. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/sel/index.php?id=338

Author

Alexis Piat

Université Paris Nanterre, Laboratoire Sophiapol

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