Aylan, Yaguine et Fodé, réponses artistiques à l’emballement médiatique

  • Aylan, Yaguine and Fodé, literary responses to mass media hype

DOI : 10.58335/sel.185

Résumés

En confrontant les trajectoires de Aylan, Yaguine et Fodé ‒ trois enfants décédés sur les routes de l’exil, devenus malgré eux des icônes médiatiques ‒ à la manière dont des artistes réinvestissent leurs parcours, il s’agira de se demander si ces productions sont en mesure d’opposer de la pensée au scandale, et à quelles conditions. Pour autant, si le traitement journalistique peut contribuer sous certains aspects à l’hystérisation, entendue comme spectacularisation et brutalisation du débat public, il ne saurait s’y réduire. Représenter autrement la migration ne se réduit pas à une contre-représentation idéologique des personnes dites migrantes ; c’est encore moins ajouter de la déliaison à la déliaison, c’est permettre de penser les conditions possibles d’édification d’un monde véritablement commun.

By analysing how Aylan, Yaguine and Fodé ‒ three children who died on the roads to exile ‒ became media icons and the way artists reinvested their experiences, the aim of this article is to ask if artistic productions are able to replace scandal by thinking, and through what kind of poetic choices. Nevertheless, if journalistic treatment can contribute in a certain way to hysterisation, understood as the spectacularisation and brutalisation of public debate, it cannot be reduced to this. Because representing migration differently cannot be reduced to an ideological counter-representation of the so-called migrants; nor to « separation », the article will show how other representations are making possible to think how to build a truly common world.

Plan

Texte

De façon accentuée depuis 2015, se heurtent sur nos écrans des images-chocs censées rendre compte de la « crise migratoire », que d’aucuns nomment « crises de l’hospitalité ». Il s’agit majoritairement d’images de « bateaux surchargés, de queues humaines infinies, des figurés cartographiques menaçants [qui] contribuent à nourrir une idée de crise dans une perception de plus en plus négative de la figure des migrant·es/réfugié·es1 ». Une comparaison de 72 photographies de presse identifiant des « migrants » dans Marianne et Valeurs actuelles entre janvier 2015 et janvier 2017, via l’étude de Pascal Molinier, Julien Vidal et Joëlle Payet2, montre d’ailleurs que :

le motif de la “horde” est le plus employé par les deux journaux, bien qu’ils appartiennent à deux bords politiques distincts […]. Ce motif est utilisé pour référer à des hommes, représentés dans des groupes de plus de 10 personnes, et identifiés comme potentiellement dangereux. Ces hommes sont présentés, de l’extérieur, comme hors de contrôle, et la photographie prise de jour permet au lecteur de leur plaquer une identité ethnique3.

Ce motif se trouve aussi mobilisé, comme le rappelle Geneviève Brisac, dans son texte « Un certain Z », dans le discours des « amuseurs de plateau qui brandissent d’horribles menaces et profitent de la peur des gens », et en particulier dans celui du plus célèbre d’entre eux récemment : « Je suis la vie, disait-il, carrément. La vie de la France. Le Sauveur. Contre les hordes. Les Autres. Porteurs de mort4 ». On retrouve dans ce type de propos les « stratégies discursives dramatisantes » de la « mise en scène du pathos dans le discours populiste » identifiées par Patrick Charadeau5 : « topiques de l’angoisse » (visant à « dénoncer une situation de déclin »), « topiques de l’antipathie » (s’efforçant de « désigner la source du mal »), et l’instauration du locuteur « en sauveur ». Ainsi, ce que l’on pourrait appeler l’hystérisation des représentations concernant les phénomènes migratoires participe, tout à la fois, de la spectacularisation et de la brutalisation du débat politique6.

Mais d’autres images, que l’on entende ce terme dans son sens littéral ou métaphorique, circulent aussi massivement, en partie pour contrecarrer ces représentations. On songe d’emblée à celle d’Aylan Kurdi, à la une de nombreux journaux européens le jeudi 3 septembre 2015 : un enfant syrien de 3 ans, face contre terre, mort noyé alors que sa famille tentait de se rendre sur l’île de Kos, en Grèce. Son corps a été retrouvé sur la plage de Bodrum, en Turquie, le 2 septembre. Déclenchant une émotion immense, la publication de la photographie de l’enfant a fait le tour du monde. On songe aussi, avant elle, au traitement d’emblée quasi-iconique de la mort de Yaguine et Fodé, dont l’essai d’Alain Mabanckou Le Sanglot de l’homme noir7, par exemple, rend compte, opérant lui-même à partir du symbole institué :

Chaque enfant du continent noir dessine au fond de lui cette terre lointaine où tombe la neige. Une terre d’abondance et de bonheur. Et ce rêve est sans doute la source de la fascination aveugle qui pousse les migrants africains aux aventures les plus tragiques. Le chemin d’Europe devient alors un chemin de croix. On se souviendra des adolescents guinéens Yaguine Koita (14 ans) et Fodé Tounkara (15 ans), deux passagers clandestins d’un vol de la Sabena en provenance de la Guinée et à destination de Bruxelles. Leurs corps furent découverts le 2 août 1999 dans le train d’atterrissage de l’appareil, à l’aéroport de Bruxelles-National. Au milieu de leurs affaires enfouies dans des sacs de plastique, outre leurs bulletins scolaires, les gamins avaient préparé un « testament » adressé aux « Messieurs les membres et responsables de l’Europe8 ».

Dans les deux cas9, nous constatons cette « surfusion » du réel et du virtuel dont parlent Jean Baudrillard et Edgar Morin dans La Violence du Monde : ils expliquent en effet que, notamment avec la médiatisation de l’attentat du 11 septembre 2001, l’image médiatique « n’est plus virtuelle, ni réelle, mais événementielle », le « réel s’ajout[ant] à l’image comme une prime de terreur, un frisson de plus10 ». Or, la puissance du vecteur iconographique dans ce cas est liée à l’usage des symboles : « il ne s’agit pas du tout de l’irruption du réel (dans un monde devenu virtuel) mais de celle du symbolique, de la violence symbolique11 » :

Tout se joue sur la mort, non seulement par l’irruption de la mort en direct – en temps réel sur les écrans – qui balaye d’un seul coup tous les simulacres de violence et de mort qu’on nous distille quotidiennement, à doses homéopathiques, mais par l’irruption d’une mort bien plus réelle, symbolique12.

Si l’irruption de cette mort symbolique – celles d’enfants pour les cas qui nous occupent ‒ a des effets indéniables sur les récepteurs, notamment sur le plan émotionnel, les faisant osciller entre tristesse, colère, dégoût et sidération, elle ne permet pas d’inverser les perspectives, de renverser l’altérisation radicale fréquente des personnes dites migrantes dans le débat public, dont un certain traitement mass-médiatique est le symptôme et qu’il relaie, contrairement à ce qu’affirmait Frédéric Vézard, directeur adjoint des rédactions du Parisien, sous le titre « Insoutenable », pour justifier la publication de la photographie d’Aylan : c’est « une violence qui, en l’espace d’une journée, s’est transformée en évidence […]. Parce que cette photo doit rester imprimée dans ces pages et dans nos mémoires comme celle qui a changé le regard des Européens sur la crise des migrants13 ».

Quelque sept années après sa première publication en effet, force est de constater que cette image n’a pas suffi et que l’image elle-même est d’ailleurs devenue symbolique d’une mass-médiatisation outrancière que certaines productions littéraires mettent en lumière et questionnent. En effet, une partie non négligeable de la littérature contemporaine peut s’apparenter à une prise de conscience vis-à-vis des représentations de notre présent, celui-ci étant devenu un flux permanent d’images médiatiques. Dès lors, ce n’est pas tant le « présent » qu’une partie de la littérature actuelle décide de prendre pour objet, mais ce que les médias en font, comme le notent Dominique Viart et Gianfranco Rubino dans Écrire le présent :

La question n’est plus binaire, comme celle d’un rapport direct entre le présent et sa représentation littéraire, que postulait encore la définition stendhalienne du roman comme miroir promené le long d’un chemin, mais un pas de trois entre les données événementielles brutes, leur reflet médiatisé et l’appropriation spécifique qu’en tente la littérature14.

Mais les productions artististiques sont-elles elles-mêmes en mesure d’opposer de la pensée au scandale, au-delà des amalgames, polarisations et simplifications qui polluent le débat public sur les questions migratoires ? Et, si oui, à quelles conditions ?

Pour tenter de répondre à ces questions, cet article s’attachera, au fil des analyses, à étudier plusieurs œuvres parmi lesquelles, se centrant sur la figure de l’enfant syrien Aylan, l’album jeunesse Méditerranée de Baudoin15 et le court texte de Régis Jauffret intitulé « Aylan », paru dans le recueil Bienvenue ! 34 auteurs pour les réfugiés16. Il s’agira également de voir en quoi Yaguine et Fodé constituent une source d’inspiration constante pour Marc Alexandre Oho Bambe, notamment dans Nobles de cœur17, le roman graphique qu’il vient de publier avec Fred Ebami.

Par ailleurs, afin d’éviter toute caricature en matière d’opposition entre productions artistiques et médiatiques, nous envisagerons également la proposition de Lucie Soullier, publiant en ligne, dans la rubrique « Grands formats » du Monde, un objet journalistique pour le moins original, intitulé « Le voyage d’une migrante syrienne à travers son fil WhatsApp18 », dont les choix narratifs seront mis en regard de ceux des artistes.

De la contre-silenciation à l’injonction éthique à la ressemblance

L’un des premiers problèmes majeurs de toute production artistique (y compris documentaire et a fortiori fictionnelle) qui s’empare de ce sujet, est d’abord de faire exister, dans un contexte où elle apparaît comme inaudible ‒ d’autres s’accaparant son discours par le cri et la rage ‒ la voix de la victime, et cela passe, en premier lieu, par la question des choix énonciatifs. Comment faire entendre la voix de celles et ceux qui en sont privés par la violence des invectives politiques et un traitement mass-médiatique souvent réificateur ? Comment le faire sans « parler à la place de », dans le respect de celui qui est ou a été et de sa singularité ? La question énonciative se heurte ainsi d’emblée à la question récurrente de la légitimité des auteurs à évoquer telle ou telle réalité non vécue19, sans cesse débattue dès qu’il est question de rendre compte de violences subies par d’autres, tant peuvent alors s’entrechoquer les impératifs de respect des victimes et ceux de large transmission des événements à des récepteurs majoritairement extérieurs à ceux-ci, en misant sur tous les artifices de la création. Mais une certaine éthique de la réception est également à prendre en compte et se reflète notamment dans les partis pris énonciatifs. Le pronom « je » peut ainsi parfois apparaître comme un pronom doublement usurpateur, en assimilant le créateur, mais aussi le lecteur, à la victime, par son effet potentiellement identificatoire quasi immédiat. Ces questions apparaissent singulièrement mises en lumière dans l’album d’Edmond Baudoin, Méditerranée, dans lequel une stratégie consistant à faire parler la mer elle-même propose un contournement du « je ». Ainsi, l’illustration de la première page reprend, de manière évidente, l’image de la photo d’Aylan, en présentant une petite fille allongée, face contre terre, sur une plage, le texte suggérant sa mort par l’usage du passé composé :

Là, sur une plage, la petite fille ne dort pas,
Elle ne rêve pas, elle a rêvé.
Devant, dans un bleu très bleu,
La Méditerranée se souvient20.

Tout le texte construit ensuite la figure de cette enfant, victime de la violence des humains, comme étant privée de parole (une infans au sens étymologique ‒ celle qui ne parle pas), par une série de notations du type : « La petite fille a rêvé avec les mots de son père qui lui disaient21 » (l’accord avec le substantif « mots » les personnifiant ici), « son père lui disait ça22 », « sa mère qui avait dit : peut-être23 », « Medhi avait dit qu’il y en avait cinquante-trois24 ». La petite fille, elle, ne s’exprime jamais directement et ses paroles ne sont pas non plus rapportées au discours indirect. Seules les pages de droite sont d’ailleurs utilisées pour le texte et les illustrations, les pages de gauche, restées blanches, pouvant signifier le silence (du recueillement, de la pudeur, de la vie interrompue…), ou peut-être aussi cette forme de silenciation de la fillette. Seul le discours indirect libre nous permet en effet d’entendre comme un écho de sa voix, par-delà la mort et l’injustice de cette dernière : « Elle n’avait pas aimé le camion avec les secousses et le méchant conducteur. Méchant comme le chien qui habitait en bas de la rue et aboyait tout le temps25 ». Mais cette voix reste prise en charge par la narratrice, celle qui s’exprime directement, à savoir, la Méditerranée. C’est aussi elle qui occupe quasi-tout l’espace de la page, grâce à de grands aplats bleus utilisant les différentes nuances de cette couleur, et occupant plus des deux tiers supérieurs de la page, le texte se logeant dans le dernier tiers, à droite, comme relégué au second plan. Ces choix de la troisième personne, pour exhumer les rêves enfouis de la fillette, et d’une narration extra-humaine sont d’autant plus révélateurs que le « je » de l’auteur apparaît en fin d’ouvrage, dans un court texte signé qui instaure une forme de rupture :

J’aime la Méditerranée,
Je suis né sur ses rives,
J’aime m’y baigner.
La Méditerranée, c’est
De la vie, elle doit le
Rester

Tout se passe comme s’il s’agissait de signifier que le texte aurait pu être écrit fort différemment et que ce qui compte ici c’est peut-être, justement, de questionner pourquoi un « je » ne pouvait apparaître dans les pages précédentes.

Ces questions énonciatives (ainsi que les enjeux de témoignage, de surplomb, voire de domination qu’elles peuvent recouper) touchent également le récit journalistique. Si le terme d’« emballement » est préféré dans le titre de cet article, c’est parce que le traitement journalistique, s’il peut contribuer sous certains aspects à l’hystérisation du débat politique et public en matière migratoire, ne saurait s’y réduire. Lucie Soullier, journaliste web au Monde, publie, dès décembre 2015, « Le voyage d’une migrante syrienne à travers son fil WhatsApp ». Il s’agit de suivre l’expérience d’une jeune femme, Dash (Dana), et de son beau-frère Kholio, qui ont quitté Damas le samedi 19 septembre pour se rendre en Europe. Kholio laisse derrière lui sa femme, Mimoty, qui est également la petite sœur de Dash. Ils partagent avec elle, minute par minute, leurs doutes et leurs avancées, à travers le service de messagerie WhatsApp. La mère de Dash (Mön), sa grande sœur (« Lou£où ») et des amis, notamment Khaled (« 5aled »), Nawar, Haya et Alia suivent également cette sorte de journal de bord. L’objectif de Dash et Kholio est d’atteindre l’Allemagne et y retrouver Nash, le frère de Dash. La matière de cet objet journalistique, qui dépasse de loin un simple article sur la question, est constituée à partir des 203 captures d’écran de son fil Whatsapp que Dana S., une jeune femme syrienne, qui a migré vers l’Allemagne où elle est aujourd’hui installée, a transmises à la journaliste. À travers le fil de cette conversation numérique qui la relie à ses proches, se dessinent les angoisses, les doutes et les espoirs de son périple vers l’Allemagne. Sa seule exigence était que n’apparaissent ni les noms, ni les visages, pour protéger les proches restés au pays. On voit combien ici il s’agit de donner des voix à l’expérience migratoire, celles de ceux qui la vivent directement, mais aussi celles de ceux qui la vivent à distance (les proches restés au pays), sans proposer de point de vue surplombant et extérieur. Le regard et la plume de la journaliste restent en effet en retrait pour nous donner à voir et à lire une parole non explicitement médiée, perceptible à travers les seules captures d’écran, traduites, mais authentifiées et mises en regard des captures réelles, des fichiers sonores et des photographies prises et envoyées. Les rares moments « écrits » par la journaliste servent à resituer l’espace-temps narratif des échanges, afin de comprendre où en sont Dash et Kholio de leur parcours. Ils figurent en gras pour les lecteurs, de façon à être repérables. Le point de départ avoué de ce projet pour la journaliste est en effet de proposer une narration journalistique de l’expérience migratoire « différente », c’est-à-dire d’abord une « narration » de cette expérience, au sens fort, avec un avant, un pendant et un après, pour restituer aux personnes qui la vivent leurs parcours et leurs trajectoires singuliers d’individus, afin de contrecarrer le flot massif d’images, souvent anxiogènes, centrées sur l’arrivée dans le pays d’accueil de populations anonymes26.

Ce parti pris d’écriture, qui cherche à lutter contre la réification des premiers concernés, recoupe en partie les enjeux du texte intitulé « Aylan » de Régis Jauffret qui, lui aussi, fait le choix de faire (laisser ?) parler le petit garçon et de nous interpeler directement dans nos usages, comme le fait aussi la journaliste, consciente de l’instrument d’identification que peut constituer cette messagerie, dont le nombre d’utilisateurs ne cesse de croître. Au-delà du scandale éthique concernant la publication de la photographie de l’enfant mort, que l’éditorial de Guillaume Goubert, directeur de La Croix, publié en septembre 2015 permet en partie de saisir ‒ « Nous n'avons pas publié cette image et nous ne la publierons pas en raison de l’idée que nous nous faisons de la dignité humaine. Nous nous l’interdisons par respect pour la mémoire d’une personne et pour la douleur de ses proches27 » ‒ Régis Jauffret entend réagir à la surmédiatisation de cette image, ce qui est aussi plus largement le cas du recueil Bienvenue ! dont ce poème en prose est extrait28 :

J’ai à peine existé. Elle était petite ma part de vie […]. La mort m’a annulé comme une erreur. Que ma mort ne serve à personne. Je ne suis pas les bateaux. Je ne suis pas les foules. […] Je suis celui qui ne vivra pas. Que ma photo rejoigne le néant où vous m’avez envoyé sans même me laisser le temps de savoir le nom du néant29.

Faisant le choix de la prosopopée, le texte s’adresse tout autant aux médias qu’à leurs spectateurs, au nom d’un argument éthique et sous-jacent, l’existence inaliénable d’un individu. Le texte est éminemment persuasif et génère une forte émotion par ses phrases hachées, lapidaires (inachevées), par les ressources sonores et rythmiques du poème en prose qu’il utilise, les anaphores et l’usage d’une parole d’autorité, presque prophétique (via la prosopopée et les modalités de l’expression de l’ordre). Mais en donnant voix à Aylan, Régis Jauffret semble pointer du doigt la dimension allégorique inévitablement générée par le traitement médiatique : Aylan n’est pas un symbole. Pas le symbole en tout cas de tous les « migrants » qui ont chacun et chacune des trajectoires et des parcours spécifiques et irréductibles. Ceci n’est pas sans rappeler cette mise en garde de Derrida :

On ne devrait jamais parler de l’assassinat d’un homme comme d’une figure, pas même une figure exemplaire dans une logique de l’emblème, une rhétorique du drapeau ou du martyre. La vie d’un homme, unique autant que sa mort, sera toujours plus qu’un paradigme et autre chose qu’un symbole30.

L’écrivain joue cependant, malgré tout, sur la dimension symbolique de l’infans en lui donnant la parole, mais les références à la vie d’adulte qu’il n’a pas eue ancrent Aylan dans une autre dimension tout autant symbolique : « Je ne ferai jamais l’amour. Je n’aurai pas d’enfant. Pas de maison. Pas de voiture. Pas de chat. Le dimanche matin je ne réveillerai personne d’un baiser dans le cou ». C’est à une personne ayant les mêmes désirs et aspirations que l’humanité occidentale moyenne que nous avons affaire. Ce choix (une nouvelle fois symbolique) de représentation, semblant prendre le contrepied de l’altérisation radicale, est très usité dans de nombreuses productions littéraires traitant de la migration, mais il n’est pas sans poser question. Michael Rinn, dans l’introduction de l’ouvrage Émotions et discours, rappelle ainsi que « le pathos [étant] constitutif d’un processus d’identification sociale mais également humaine, des interlocuteurs31 », « l’analyse du pathos [des discours artistique, politique ou journalistique] permet de reconnaître la problématique essentielle de la culture sociale, celle qui consiste à favoriser ou, au contraire, à nier la logique singulière d’une identité et d’une différence ». Elle permet ainsi de traquer les dangers de discours persuasifs « empruntant aux passions communes [qui] cherchent à réduire la pluralité des valeurs culturelles nécessaires à la vie en société32 ». Ainsi, faut-il pour reconnaitre Aylan comme un humain le reconnaître nécessairement comme « même » ? Que nous dit cette reconnaissance des difficultés posées par cette « compréhension » qui est aussi « prise ‘avec’ soi », forme de mainmise sur la parole et la réalité d’autrui, comme l’envisage Glissant ? Dans Poétique de la relation, il écrit en effet : « Il y a dans le verbe « comprendre » le mouvement des mains qui prennent l’entour et le ramènent à soi. Geste d’enfermement, sinon d’appropriation. Préférons-lui le geste du donner-avec, qui ouvre enfin sur la totalité33 ». C’est l’une des composantes de sa conception de l’opacité :

Acclamer le droit à l’opacité, en tourner un autre humanisme, c’est pourtant renoncer à ramener les vérités de l’étendue à la mesure d’une seule transparence, qui serait la mienne, que j’imposerais […] La part d’opacité aménagée entre l’autre et moi, mutuellement consentie (ce n’est pas un apartheid), agrandit sa liberté, confirme aussi mon libre choix, dans une relation de pur partage, où échange et découverte et respect sont infinis, allant de soi34.

Notons que le texte de Régis Jauffret souligne sans doute lui-même cet écueil de la reconnaissance exclusive du « même » en introduisant possiblement un écart, une prise de recul subtilement ironique, notamment via le stéréotype dérisoire du « chat » et le stéréotype télévisuel renvoyant notamment aux séries étatsuniennes familiales du « baiser dans le cou » du « dimanche matin ».

Ainsi, si les représentations de la migration peuvent introduire de la pensée au-delà de l’hystérisation, d’emblée simplificatrice et polarisée, c’est peut-être en jouant des tensions entre écart et proximité, plus qu’en les résolvant :

Extrait du journal de bord de Dash et Kholio sur le service de messagerie WhatsApp

Extrait du journal de bord de Dash et Kholio sur le service de messagerie WhatsApp

Lucie Soullier, "Le voyage d'une migrante syrienne à travers son fil WhatsApp", Le Monde, "Grands formats", 18.12.2015. En ligne : https://www.lemonde.fr/international/visuel/2015/12/18/dans-le-telephone-d-une-migrante-syrienne_4834834_3210.html#/,%20consult%C3%A9%20le%2010%20juin%202019 [sans pagination].

Dans l’échange ci-dessus, tel qu’il figure dans le travail de Lucie Soullier évoqué plus haut, on saisit ce lien tout à fait ténu, et tout à fait paradoxal aussi, entre une proximité évidente et un écart de vécu radical. D’une part, la proximité, créée par la référence toute anodine au football (Dash et Kholio sont – comme beaucoup d’entre nous – passionnés de football ou de sport) empêche de les considérer comme des êtres marginaux ou à part. Mais de l’autre, ce moment de rapprochement vient s’abîmer dans le dernier message (« On est dans le camp, en Croatie »), qui décrit une situation qui est tout sauf anodine, renvoyant à un vécu difficilement partageable, mais via un enchaînement pourtant tout à fait anodin. Cette brutale confrontation entre les deux aspects questionne, oblige à une forme de décentrement. Le caractère laconique des énoncés et l’usage des émojis tout au long du récit pousse en outre à l’interprétation, laisse percevoir du non-dit sous les signes, posant la question du dicible et du partageable, ce qui peut être aussi une forme de maintien délibéré de l’opacité. La ressemblance ne se décrète pas, elle s’expérimente à travers la confrontation.

« Agir-avec », retrouver le sens politique du « commun »

Membre fondateur du Collectif « On A Slamé Sur La Lune », Marc Alexandre Oho Bambe, parfois mieux connu sous le nom de Capitaine Alexandre, est un slameur d’origine camerounaise qui s’illustre également dans différents genres littéraires (poésie, essai, roman) et qui a co-signé avec le pop-artiste Fred Ebami deux ouvrages (un « ouvrage d’art » et un « roman graphique35 »). Yaguine et Fodé se trouvent être deux figures constantes dans l’œuvre de Marc Alexandre Oho Bambe, depuis son poème « Yaguine et Fodé », dans le recueil Le Chant des Possibles36, jusqu’à son roman, Les Lumières d’Oujda37, dans lequel ils incarnent deux jeunes rappeurs capables de témoigner dans leurs textes de l’enfer lybien qu’ils ont traversé sans désespérer de l’humanité. Roman choral, Les Lumières d’Oujda présente une galerie de personnages, parmi lesquels les deux adolescents décédés lors de leur traversée, auxquels l’écrivain donne donc une vie, une histoire. Et c’est encore sur eux qu’il choisit de se centrer dans Nobles de cœur. L’odyssée de Yaguine et Fodé, enfants de l’exil, le roman graphique qu’il vient tout juste de publier, en 2022, avec Fred Ebami, vingt-trois ans après les faits. Comme dans Les Lumières d’Oujda dont il reprend de larges passages, l’auteur réinvente leur passé, les dote d’un avenir et d’un pouvoir, grâce aux mots ; autant de réponses à la symbolisation et à la silenciation réifiantes opérées par les mass-médias.

Cette démarche est triplement intéressante eu égard à ce type de mass-médiatisation, en termes de « temps long » d’une part, de construction utopique résolument postcoloniale d’autre part, et de renversement poétique du ressassement mortifère. En effet, elle permet d’abord d’ancrer Yaguine et Fodé dans le temps long de nos mémoires, contrecarrant notamment ce que Lilian Schiavi a pu appeler la « mémoire industrielle contemporaine », c’est-à-dire une mémoire « gangrénée sous les coups de boutoirs puissants des mass-médias », fabriquée à la chaîne par une médiatisation sans frein où tout est événement et finit par se niveler38. Au quotidien, face à nos écrans, tout se passe en effet comme si nous vivions « sans le savoir » au milieu d’« un dépôt sédimentaire d’événements […] gardés dans la facticité du non vivant, à l’abri de la fragilité du vivant39 ». Retrouver cette « fragilité du vivant » est sans doute ce à quoi s’emploie l’auteur en faisant vivre les deux garçons, qui expérimentent espoir, désespoir, résilience, eux qui ont vécu à Tripoli « l’esclavage des nègres40 » : « La Lybie est derrière […] Les images reviennent. / De camp de concentration de tous les vices et sévices que porte la Terre, la violence, le viol, sur les corps. / Noirs41 ». Les deux garçons souffrent dans leur chair d’un racisme et d’une assignation identitaire qui ne cessent de les meurtrir.

Le nègre
noir
sur tous les continents
reste un nègre42.

Or ils apparaissent, dès Les Lumières d’Oujda, et de façon plus accentuée encore dans Nobles de cœur, moins comme des victimes que comme des figures de résilience et de résistance également, notamment parce qu’ils disposent du pouvoir des mots, du RAP (« Réapprendre à parler43 »), si bien que leur rap, justement, est reproduit à l’identique d’une œuvre à l’autre, visant un effet performatif.

Yaguine et Fodé rappent.
« Tu as
Tant de rêves
En corps
Tu es
Semence
D’exil
Dans la démence
Du monde
[…]
Tu sais
Mieux que personne
Que l’humanité
Est en guerre
Contre elle-même
[…]
Tu marches
Envers et contre tous
Tu marches aussi pour nous
Remettre au monde
Nous défaire de la haine de l’Autre
Nous faire capitaines de nos âmes
Maîtres de nos destins
Et nous refaire naître
À nous-mêmes
Plus humains44. »

C’est à partir de leurs différences (l’horreur qu’ils ont traversée par racisme), mais aussi du renversement de la perception aliénante de leurs corps (avec le jeu de mots homophonique « Tu as / Tant de rêves / En corps »), que Yaguine et Fodé apparaissent comme transfigurés. Ils sont « semence » assurant une renaissance. Ils sont porteurs de cette « humanité-à-venir » dont parle Achille Mbembe : « La pensée postcoloniale insiste sur l’humanité-à-venir, celle qui doit naitre une fois que les figures coloniales de l’inhumain et de la différence raciale auront été abolies45 ». Elle « ouvre la voie à une interrogation sur la possibilité d’une politique du semblable » dont le « préalable » est « la reconnaissance de l’Autre et de sa différence » aussi bien que « la reconnaissance d’Autrui comme foncièrement homme46 ». La proposition de faire de Yaguine et Fodé des résistants, avec toute la noblesse de cœur (cf. le titre de l’oeuvre) que cela suppose, contribue à présenter une image de l’Afrique et de ses habitants différente des représentations tragiques, encore dominantes au début des années 2000, présentant le continent comme malade, à la dérive, et voué à l’échec et à la mort, comme le rappelle Susan Sontag dans ce constat critique :

Dans la conscience des spectateurs du monde riche, l’Afrique postcoloniale existe avant tout comme une succession de photographies inoubliables exhibant des victimes aux yeux immenses. […] [Ces images] viennent confirmer le fait que c’est le genre de choses qui arrive là-bas. L’omniprésence de ces photographies et de ces horreurs ne peut empêcher d’alimenter la croyance selon laquelle, en ces parties obscures ou arriérées – c’est-à-dire pauvres – du monde, la tragédie est inéluctable47.

Or pour Yaguine et Fodé, rappeurs résistants et résilients, l’art est un anti-destin, pour reprendre la formule de Malraux. Il est ce qui permet d’envisager une utopie concrète et possible48 : « Nous rêverons, ou nous crèverons. / Ensemble49 », peut-on lire dans Les Lumières d’Oujda. Dans Politiques de l’inimitié, Mbembe fait en effet le constat d’un « type d’arrangement avec le monde – ou encore d’usage du monde – qui, en ce début de siècle, consiste à tenir pour rien tout ce qui n’est pas soi-même » ; d’une « course vers la séparation et la déliaison », « sur fond d’angoisse et d’anéantissement », de « peur de disparaître » qui pousse « des peuples entiers » à « multiplier des enclos50 ». Il formule dès lors le questionnement suivant : « la question qui nous était posée hier est exactement celle qu’il nous faut poser de nouveau aujourd’hui. C’est celle de savoir s’il nous a jamais été, s’il nous est et s’il nous sera jamais possible de rencontrer autrui autrement que comme un objet simplement donné là, à portée de main51 ». Question fondamentale qui est à la source de l’ensemble de l’œuvre publiée de Marc Alexandre Oho Bambe, et ce depuis Le Chant des possibles : « comment relever le défi du vivre ensemble, cette possible utopie52 ». Or ceci, pour Mbembe, passe par une « nette distinction entre l’« universel » et l’ « en-commun » », au sens où :

L’universel implique l’inclusion à quelque chose ou quelque entité déjà constituée. [Alors que] l’en-commun présuppose un rapport de co-appartenance et de partage – l’idée d’un monde qui est le seul que nous ayons et qui, pour être durable, doit être partagé par l’ensemble de ses ayants droit, toutes espèces confondues53.

Ceci n’est pas sans rappeler les questions posées plus haut quant au respect de l’opacité face à l’injonction de « ressemblance ». Le philosophe Étienne Tassin, pour lequel « il est possible que le seul monde commun auquel puissent prétendre les actions politiques qui se soucient de l’instauration d’un monde soit le ‘monde commun des étrangers54’ », le formule encore plus clairement :

Car on ne saurait être-au-monde sans être-avec. Non pas avec les siens, ses proches, selon des affinités naturelles ou culturelles, mais avec ceux, au contraire, avec qui on n’est pas et avec qui on a à agir. Aussi cet être-avec est-il un agir-avec dont dépend, sur un mode politique, l’être-au-monde. Le monde n’est donc pas ce que nous avons (déjà) en commun, en partage, mais ce que notre action ensemble peut faire advenir comme monde commun dans l’institution de rapports avec les autres, étrangers, et l’étrangeté de soi. Si « étrange » que cela paraisse, il semble que ce soit à condition d’accueillir l’étrangeté de l’autre et la sienne que le monde cesse de nous être étranger, et nous d’être étrangers au monde, à cette condition que l’hospitalité peut être le nom d’une cosmopolitique. Mais encore faut-il que la « vie » ‒ économique, politique, sociale, culturelle, mais aussi idéologique et technique – ne s’acharne pas à détruire ce monde555555.

Dernier élément intéressant dans la perspective d’une représentation de la migration qui passe par une contre-poétique de l’hystérisation : les répétitions dont use Marc Alexandre Oho Bambe. Celles-ci sont, en effet, très fréquentes dans sa poétique, que ce soit au sein d’une même production, ou d’une œuvre à l’autre. Nobles de cœur, on a déjà pu s’en rendre compte, reprend des autocitations entières des Lumières d’Oujda. Cette manière de procéder peut être interprétée de plusieurs façons. Elle peut être d’abord considérée, pour le cas qui nous occupe, comme une manière de répondre au ressassement stérile et parfois dangereux ‒ au sens où il procède aussi d’une forme d’hystérisation ‒ des chaînes d’informations en continu, en reprenant le procédé, mais en le transformant en autre chose. En effet, nous l’avons vu, ce trait poétique est assez constant chez l’auteur56. Il s’agit notamment d’offrir une réponse (aux atours de forme-sens) aux inerties mortifères, à l’immobilisme des esprits : « Depuis dix, vingt, trente, quarante ans. / La même rengaine, les mêmes lois et a priori que l’on dégaine lorsqu’on parle d’immigration. Choisie ou non57 ». Il s’agit aussi d’une sorte de poétique du chorus, de la renaissance, d’une redécouverte – sans cesse réitérée – du miracle porté par les mots :

En refusant de renoncer
En continuant d’énoncer
Refuser de renoncer, continuer d’énoncer.
Cela me semble tellement juste et nécessaire, de le répéter, inlassablement, à qui veut l’entendre à qui veut comprendre, de ne jamais renoncer à notre part belle humaine, et de continuer d’énoncer la beauté, même fugace des choses (8).

Les échos phoniques « refusant/renoncer ; continuant d’énoncer », sans compter la rime riche (« renoncer »/ « énoncer ») miment cette épiphanie du langage à chaque fois renouvelée dans la chair même des mots, mais il s’agit à chaque fois de proposer des œuvres ni tout à fait les mêmes, ni tout à fait différentes, ce qui est une manière d’inscrire au cœur même des choix poétiques des enjeux sociétaux de fond comme celui d’un « agir-avec », d’une reconsidération des rapports à soi et à l’autre :

Tu te répètes, tu cours l’aventure du lieu-commun, tu oses la cheminaison, l’inattendu. À l’inverse, voyez que le texte qui serait inédit sans retour, et la phrase qui ne redouble pas, et l’invocation dénuée d’écho, même s’ils fulgurent, ne finiraient souvent qu’en ramas d’herbages desséchés, dans des traces et des sillons à l’abandon, entre deux récoltes qui, à miracle, se répètent. Comme les littératures, la philosophie de la Relation est ressassement et déplacement, tout ensemble.

Ce ressassement qui est aussi déplacement, comme l’écrivait Glissant dans Philosophie de la relation, poésie en étendue58 est une véritable forme-sens, qui permet à Yaguine et Fodé, en perpétuel déplacement, de « Ne pas mourir / sans avoir tenté / le tout pour le tout-monde59 ». Un défi lancé aux lecteurs également.

Conclusion

Si une certaine forme de mass-médiatisation participe à l’hystérisation ‒ entendue comme spectacularisation, brutalisation et ressassement sclérosant ‒ des questions migratoires dans le débat public, certaines formes d’écriture médiatique, tout comme certaines productions artistiques, mettent en scène les questions qui les animent en termes de représentation et permettent au lecteur une certaine réflexivité en la matière. S’il s’agit de lutter contre l’altérisation radicale (anonymat, réification, préjugés) des personnes dites migrantes, cette réflexivité ne saurait être cependant regard surplombant voire dominant, ni-même reflet de soi. Au contraire, réfléchir à ce qui peut être partageable des expériences souvent extrêmes entraînées par la migration ‒ comme cela a été le cas pour Aylan, Yaguine et Fodé ‒ entraîne, plus largement, une forme de reconnaissance de l’opacité ou, en tout cas, de la différence d’autrui. C’est à partir de son vécu singulier et de ses ancrages propres qu’une véritable rencontre peut avoir lieu. Ainsi, représenter autrement la migration ne se réduit pas à une contre-représentation idéologique des personnes dites migrantes ; c’est encore moins ajouter de la déliaison à la déliaison, du cri au cri ; c’est permettre de penser les conditions possibles d’édification d’un monde véritablement commun. Et ceci se joue de façon très concrète : au plus près du corps à corps d’un scripteur et/ou d’un lecteur avec un texte ou une image, dans toute leur matérialité, avec les choix d’écriture très pragmatiques que cela suppose. La poétique des textes eux-mêmes est politique. En prendre conscience, ou le rappeler, c’est aussi contribuer à resituer les études littéraires au sein des enjeux fondamentaux de notre temps.

Bibliographie

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Notes

1 Mouvances, « Migrant∙e/réfugié∙e », https://mouvances.hypotheses.org/de-a-a-z/migrant%E2%88%99e-refugie%E2%88%99e. (consulté le 7 novembre 2020). Retour au texte

2 Pascal Molinier, Julien Vidal et Joëlle Payet, « Stéréotypage médiatique et objectivation de la représentation sociale des migrants », Les Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale, 2018, vol. 117-118, n°1, p. 5-23. Retour au texte

3 Mouvances, « Migrant∙e/réfugié∙e ». Retour au texte

4 Geneviève Brisac, « Un certain Z », Le Un hebdo, mercredi 17 novembre 2021, n°73 : « Comment on hystérise le débat ». Retour au texte

5 Patrick Charaudeau, « Pathos et discours politique », dans Michael Rinn (dir.), Émotions et discours. L’usage des passions dans la langue, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2008, p. 55. Retour au texte

6 C’est ce que note Alexandre Dezé, chercheur en sciences politiques, qui rapproche ces notions dans un entretien avec Vincent Martigny, dans ce même numéro. Retour au texte

7 Le titre est une réponse à l’essai polémique de Pascal Bruckner, Le Sanglot de l’homme blanc. Tiers-Monde, culpabilité, haine de soi (1983). Retour au texte

8 Alain Mabanckou, Le Sanglot de l’Homme Noir, Paris, Fayard, 2012, p. 80. Retour au texte

9 Quoique seize ans les séparent, ces tragédies entrent dans un processus de mass-médiatisation de la mort quasi « en direct », que l’effondrement des tours du 11 septembre vient confirmer, mais qui est antérieur, si l’on songe par exemple aux images diffusées en 1994 lors du génocide perpétré contre les Tusti au Rwanda. Sur le statut complexe de ces images, voir notamment l’ouvrage très complet de Nathan Réra, Rwanda, entre crise morale et malaise esthétique. Les médias, la photographie et le cinéma à l’épreuve du génocide des Tutsi (1994-2014), Dijon, Les presses du réel, 2014. Retour au texte

10 Jean Baudrillard, Edgar Morin, La Violence du Monde, Paris, Éditions du Félin / Institut du Monde Arabe, 2003, p. 24. Retour au texte

11 Ibid., p. 26. Retour au texte

12 Ibidem. Retour au texte

13 Voir l’article du Point intitulé « Publier la photo d’Aylan ou pas, la presse française s’explique », repris dans une dépêche AFP du 4 septembre 2015. Retour au texte

14 Dominique Viart et Gianfranco Rubino, Écrire le présent, Malakoff, Armand Colin, « Recherche », 2013, p. 34. Retour au texte

15 Edmond BAUDOUIN, Méditerranée, Paris, Gallimard Jeunesse, 2016. Retour au texte

16 Régis Jauffret, « Aylan », Bienvenue ! 34 auteurs pour les réfugiés, Paris, Seuil, 2015. Retour au texte

17 Marc Alexandre Oho Bambe, Fred Ebami, Nobles de cœur. L’odyssée de Yaguine et Fodé, enfants de l’exil, Paris, Calmann Lévy, « Graphic », 2022. Retour au texte

18  Voir l’intégralité ici : http://www.lemonde.fr/international/visuel/2015/12/18/dans-le-telephone-d-une-migrantesyrienne_4834834_3210.html#/, consulté le 10 juin 2019. Retour au texte

19 Pour un traitement plus théorique et développé de ces questions, à partir d’un sujet différent mais qui recoupe aussi des questions liées à la migration et, plus largement, aux représentations de certains grands « traumatismes culturels » au sens où l’entendent, par exemple, Jeffrey Alexander et Ron Eyerman, voir Virginie Brinker, La Transmission littéraire et cinématographique du génocide des Tutsi au Rwanda, Paris, Classiques Garnier, 2014 ; notamment la première partie « Une représentation problématique. Quelle médiation de l’événement ? ». Retour au texte

20 Ibid., p. 3. La mise en page du texte est ici conservée. Les pages, par ailleurs, ne sont pas numérotées. Une numérotation est ici néanmoins proposée pour permettre un meilleur repérage du lecteur. Retour au texte

21 Ibid., p. 5. Retour au texte

22 Ibid., p. 7. Retour au texte

23 Ibid., p. 11. Retour au texte

24 Ibid., p. 21. Retour au texte

25 Ibid., p. 17. Retour au texte

26 Voir l’interview croisée de Lucie Soullier, et Cléa Petrolesi qui signe la mise en scène d’Enterre-moi mon amour, adaptation théâtrale de ce récit journalistique : https://www.youtube.com/watch?v=jyCLPIQA49k, consulté le 4 avril 2020. À noter qu’il existe aussi une adaptation sous forme de fiction interactive sur smartphone élaborée par Pierre Corbinais et Florent Maurin, inspirée de ce témoignage.
Voir le teaser ici : https://www.youtube.com/watch?v=miXo3oyOdV8. Consulté le 4 avril 2020. Retour au texte

27 Voir l’article du Point intitulé « Publier la photo d’Aylan ou pas, la presse française s’explique », repris dans une dépêche AFP du 4 septembre 2015. Retour au texte

28 Voir plus précisément l’étude de ce recueil dans : Virginie Brinker, « La figure littéraire du réfugié dans le recueil Bienvenue ! style iconique et médiatisation » dans Hanen Allouch, Simon Harel, Louis-Thomas Leguerrier et Laurence Sylvain (dir.), Vies et fictions d’exils, Québec, Presses Universitaires de Laval, « InterCultures », 2020. Retour au texte

29 Régis Jauffret, « Aylan », Bienvenue ! 34 auteurs pour les réfugiés, Paris, Seuil, 2015, p. 125. Retour au texte

30 Jacques Derrida, Spectres de Marx, L’État de la dette, le travail du deuil et la nouvelle Internationale, Paris, Galilée, 1993, p. 11. Retour au texte

31 Michael RINN (dir.), Émotions et discours. L’usage des passions dans la langue, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2008, p. 14. Retour au texte

32 Ibid., p. 13. Retour au texte

33 Édouard Glissant, Poétique de la Relation - Poétique III, Paris, Gallimard, 1990, p. 206. Retour au texte

34 Édouard Glissant, Traité du Tout-Monde, Poétique IV, Paris, Gallimard, 1997, p. 69-70. Retour au texte

35 Ces appellations, qui désignent respectivement Fragments et Nobles de cœur, figurent sur la quatrième de couverture de leur dernier ouvrage : Nobles de cœur, op. cit. Retour au texte

36 Marc-Alexandre Oho Bambe, « Yaguine et Fodé », Le Chant des possibles, Ciboure, La Cheminante, 2014, p. 146-149. Retour au texte

37 Marc-Alexandre Oho Bambe, Les Lumières d’Oujda, Paris, Calmann Lévy, 2020. Retour au texte

38 Lilian Schiavi, Les Déferlements de l’image, Situations ironiques, théoriques et critiques, Paris, L’Harmattan, 2011, p. 89. Retour au texte

39 Ibid., p. 104. Retour au texte

40 Nobles de cœur, p. 65. Retour au texte

41 Les Lumières, p. 109. Retour au texte

42 Ibidem. Retour au texte

43 Voir notamment le titre de la section de l’album « R.A.P », Nobles de cœur, p. 55-56. Retour au texte

44 Les Lumières, p. 98-99 ; Nobles de cœur, p. 20. Retour au texte

45 Achille Mbembe, « Pour comprendre la pensée postcoloniale », Esprit, décembre 2006, n°330, p. 18. Retour au texte

46 Ibid., p. 120. Retour au texte

47 Susan Sontag, Devant la douleur des autres, Paris, Christian Bourgois éditeur, 2003 [2002], p. 79-80. Retour au texte

48 La poésie de Marc Oho Bambe oscille, de manière récurrente, entre élans idéalistes et lyriques et constats lucides et amers, et ne saurait donc présenter les uns sans les autres. Si elle vise à (faire) reconnaître un certain nombre de crimes perpétrés ou en cours de perpétration par l’humain, elle formule à maints endroits la possibilité, apparemment très simple, pour l’humain, de vivre autrement, notamment parce qu’il est capable de beauté, via la création artistique. Retour au texte

49 Les Lumières, p. 283. Retour au texte

50 Achille Mbembe, Politiques de l’inimitié, Paris, La Découverte, « Poche », 2018 [2016], p. 9-10. Retour au texte

51 Ibid., p. 66. Retour au texte

52 Le Chant des possibles, p. 11. Retour au texte

53 Politiques de l’inimitié, p. 67. Retour au texte

54 Étienne Tassin, Un Monde commun. Pour une cosmo-politique des conflits, Paris, Seuil, 2003, p. 22. Retour au texte

55 Retour au texte

55 Ibid Retour au texte

55 ., p. 177. Retour au texte

56 Voir Virginie Brinker : « La construction d’une identité plurielle dans les écrits du slameur/poète-essayiste Marc-Alexandre Oho Bambe », dans Dubravka Saulan (dir.), Identités individuelles et identités collectives : discours et interprétation, Dijon, ABELL, 2020. Retour au texte

57 Marc Alexandre Oho Bambe, « La Vie », Résidents de la République, Ciboure, La Cheminante, 2016, p. 27. Retour au texte

58 Édouard Glissant, Philosophie de la relation, Gallimard, Paris, 2009, p. 94. Retour au texte

59 Marc Alexandre Oho Bambe, Nobles de cœur, p. 101. L’idée de Tout-monde étant une idée glissantienne fondamentale, désignant la coprésence nouvelle des êtres et des choses ou encore l'état de mondialité dans lequel règne la Relation. Pour une analyse plus détaillée des rapports entre la pensée de Glissant et les productions de Marc Alexandre Oho Bambe, voir Virginie Brinker, « Fragments ou le format comme mise en œuvre et en acte d’une pensée de la Relation », Interfaces [En ligne], 46 | 2021, mis en ligne le 15 décembre 2021. URL : http://journals.openedition.org/interfaces/3337, DOI : https://doi.org/10.4000/interfaces.3337. Retour au texte

Illustrations

  • Extrait du journal de bord de Dash et Kholio sur le service de messagerie WhatsApp

    Extrait du journal de bord de Dash et Kholio sur le service de messagerie WhatsApp

    Lucie Soullier, "Le voyage d'une migrante syrienne à travers son fil WhatsApp", Le Monde, "Grands formats", 18.12.2015. En ligne : https://www.lemonde.fr/international/visuel/2015/12/18/dans-le-telephone-d-une-migrante-syrienne_4834834_3210.html#/,%20consult%C3%A9%20le%2010%20juin%202019 [sans pagination].

Citer cet article

Référence électronique

Virginie Brinker, « Aylan, Yaguine et Fodé, réponses artistiques à l’emballement médiatique », Savoirs en lien [En ligne], 1 | 2022, publié le 15 décembre 2022 et consulté le 21 novembre 2024. Droits d'auteur : Les textes seuls sont sous Licence CC BY 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.. DOI : 10.58335/sel.185. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/sel/index.php?id=185

Auteur

Virginie Brinker

Université de Bourgogne, CPTC

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Droits d'auteur

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