Décédé en 2007, Marius Apostolo fut de ces militants du mouvement syndical qui consacra l'intégralité de sa vie aux différentes fonctions qu'il occupa. L'autobiographie à laquelle il dédia une partie de ces dernières années constitue un document du plus grand intérêt. Fils d'immigrés, il se chargera plus tard, sans qu'il l'ait vraiment sollicité, de responsabilités au sein de la CGT sur le terrain de l'immigration. C'est d'ailleurs cette position qui explique la très chaleureuse préface que l'historien Gérard Noiriel lui consacre.
L'engagement premier du jeune ouvrier ne fut toutefois pas dans le mouvement syndical, mais dans la JOC et le MLP (Mouvement de libération du peuple). En effet, Marius Aspostolo a fait partie de cette génération de jeunes dont l'engagement social s'est effectué dans la mouvance chrétienne, dont il faut rappeler qu'elle fut aussi parfois plus à gauche que celle du PCF. C'est ainsi qu'on lira avec un grand intérêt les campagnes conduites par la JOC pour une augmentation des salaires et des rations, dans l'immédiat après-guerre, au moment où tout le poids du PCF était concentré sur la bataille de la production. Adhérent CFTC tout d'abord, il rompt assez rapidement avec cette dernière, peu satisfait de son manque de radicalisme. Proposé comme permanent du MLP, il « monte » à Paris pour occuper ses responsabilités. Mais l'Eglise et ses alliés se montre peu satisfaits de l'évolution à gauche d'une partie des équipes militantes du catholicisme social. Apostolo est démis de ses responsabilités au sein du MLP.
Du jour au lendemain, il doit retourner à la production. Ce qu'il fait en s'embauchant comme OS à Renault Billancourt. Vite repéré comme un homme de valeur par la CGT, il est promu aux responsabilités par l'appareil communiste, en tant que faire valoir chrétien de la centrale. Après quelques années, il adhérera au PC, même si ce militantisme n'occupa jamais la première place dans ses activités. Homme d'appareil, il est proposé un jour comme responsable du secteur immigration à la CGT. Pendant presque 20 ans, il sera la cheville ouvrière de cette activité confédérale. Son témoignage sur la fin de l'expérience de l'unité syndicale avec la CFDT (parallèle avec la montée de l'Union de la gauche) est des plus précieux. De l'intérieur, il montre avec force détails comment le PC tente de reprendre en main la puissante centrale. Ce raidissement bureaucratique l'amène à rompre avec le PCF et sa volonté d'hégémonie sur la CGT, d'autant plus que ses liens familiaux (il épouse en seconde noce Chantal Rogerat) le mettent en porte à faux lors de l'affaire de la liquidation du journal féminin de la CGT, Antoinette.
Retraité, il consacrera ses années à prolonger sur le terrain associatif ses engagements en faveur de la cause immigrée. Son témoignage constitue une source de premier intérêt pour appréhender ces hommes de l'ombre que furent les permanents syndicaux à vie, singulièrement pour ceux provenant de la matrice catholique progressiste, qui lui a fourni l'impulsion de toute une vie de luttes. Un livre à la fois émouvant et instructif.