Mateo Alaluf (dir.), Changer la société sans prendre le pouvoir. Syndicalisme d'action directe et renardisme en Belgique, Bruxelles, Labor, 2005.

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Syndicalisme révolutionnaire

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Fruit d'une journée d'études consacrée au dirigeant syndical belge André Renard, ce recueil collectif présente les avantages et désavantages habituels de ce genre d'ouvrage, le principal aspect négatif étant naturellement l'hétérogénéité des articles qu'il présente. Celui-ci n'y échappe pas : par exemple, il nous semble que le texte de René Mouriaux sur l'actualité du syndicalisme révolutionnaire ne demeurera pas dans les mémoires comme un de ses textes majeurs. Ceux sur les femmes dans l'action syndicale (F. Arets et A. Massay) ou encore celui de J.-L. Degée sur la formation des travailleurs dans le mouvement ouvrier apparaissent comme des contributions obligées, mais sans intérêt majeur. En revanche, d'autres interventions sont du plus grand intérêt. Dans sa contribution, M. Alaluf rappelle les tenants et aboutissants du syndicalisme prôné par André Renard. Ce dernier, en effet, auréolé de sa légitimité acquise dans la résistance, propose une voie originale de transformation de la société, basée sur l'action syndicale et non, comme la tradition socialiste nationale l'implique, sur le rôle central du Parti socialiste. En effet, s'appuyant sur les réflexions d'Henri de Man, figure majeure du socialisme belge de l'entre-deux-guerres, Renard avance l'idée d'une transformation des structures du capitalisme belge par le biais de l'instauration du Plan, idée qui sera développée lors des congrès de la FGTB en 1954 et 1956. Pierre Tilly revient sur l'importance de ces moments et des débats qui les ont marqué. Ainsi que l'expose Guy Desolre, la démarche renardiste rejoint celle qui était proposée par Trotsky dans le programme de transition. Si cette parenté est assez frappante, en revanche Desolre accentue la radicalité de l'ambition renardiste en oubliant de souligner que chez Trotsky, cette vision s'appuyait sur une mobilisation des masses, visant à rompre avec le système capitaliste. En fait, la stratégie syndicale renardiste s'apparente, par de nombreux aspects qu'hélas aucune contribution ne souligne, à celle qui anime à la même période en France les minoritaires de la CFTC à partir du groupe Reconstruction. Pour dire les choses rapidement, coexistent aussi bien à Reconstruction que chez Renard une radicalité, accent mis sur la démocratie économique, sur le contrôle ouvrier par exemple, qu'un banal keynésianisme modernisateur et réformiste. Cela n'empêchera pas que les trotskistes du cru, en particulier Ernest Mandel, accompagneront cette ambitieuse tentative, ainsi que le rappelle Nicolas Latteur dans sa contribution (« L'action politique de la gauche du parti socialiste belge (1950-1965) » ). L'échec du renardisme, en particulier après la grève générale de l'hiver 1960-61, signe la victoire de la subordination au parti politique, comme le rappelle dans un des plus stimulants articles (« Le renardisme ») René de Schutter, article fortement imprégné de la culture gramscienne. Il ne restera plus à cette entreprise qu'à se rabattre sur la constitution d'un groupe de pression fédéraliste, le Mouvement populaire wallon (MPW), évoqué par Chantal Kesteloot dans son article. Un dernier article, de J. Dohet et J. Jamin, évoque la figure, moins connue, de Jacques Yerna, bras droit de André Renard et principal réalisateur du renardisme pratique. Espérons que ce livre tout à fait stimulant, à partir d'une expérience largement méconnue d'outre-Quiévrain, puisse trouver ses lecteurs dans l'hexagone. Il soulève de nombreuses questions sur l'articulation du syndical et du politique et évoque des débats stratégiques sur la transformation révolutionnaire qui sont de pleine actualité.

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Georges Ubbiali, « Mateo Alaluf (dir.), Changer la société sans prendre le pouvoir. Syndicalisme d'action directe et renardisme en Belgique, Bruxelles, Labor, 2005. », Dissidences [Online], Février 2012, Nos archives : le mouvement syndical, 03 November 2011 and connection on 20 April 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=740

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Georges Ubbiali

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