Voilà un petit opuscule qui complète idéalement l'étude plus vaste de Vishay Prashad, Les nations obscures. Une histoire populaire du tiers monde (chroniqué sur ce site). La journaliste Jordane Bertrand livre en effet une synthèse sous forme de questions - réponses, qui n'est pas sans évoquer le format de la collection « idées reçues » du Cavalier bleu. Une idée force s'en dégage : la lutte aussi bien culturelle que plus proprement politique que les Africains ont dû mener pour se débarrasser de la tutelle coloniale. Partant d'un rappel de la situation de l'Afrique coloniale, avec sa variété des statuts issus des conquêtes, elle insiste tout au long de son ouvrage sur les responsabilités des colonisateurs dans les drames qui se sont développées ultérieurement (l'exemple des Tutsis et des Hutus opposés par les Belges dans leur intérêt n'en est qu'un exemple particulièrement emblématique). L'apparition des mouvements revendicatifs, à commencer par l'ANC en 1912, l'évolution du contexte international après la Seconde Guerre mondiale, les différentes étapes des indépendances (avec l'année tournant qu'est 1960, à partir de laquelle le processus s'accélère), tous ces thèmes sont efficacement brossés, émaillés de plusieurs portraits de leaders tels Julius Nyerere, Sékou Touré ou Patrice Lumumba.
Parmi les points les plus intéressants qui sont abordés, on peut noter la mention de massacres parfois peu connus (celui des tirailleurs sénégalais à Thiaroye fin 1944), et qui concernent également la Grande Bretagne , loin de l'image simpliste d'une décolonisation britannique toute en douceur ; l'exemple des formes religieuses de la contestation anticoloniale, au risque toutefois de négliger la dimension plus politique ; la thématique musicale, que ce soit avec la production de la Guinée indépendante pilotée par l'Etat ou avec l'investissement de Bob Marley, sa chanson « Zimbabwe » et son concert géant à Harare peu de temps avant son décès ; les données sur les noms choisis par les nouveaux pays ou leurs drapeaux, majoritairement inspirés de celui de l'Ethiopie, symbole de l'indépendance conservée, avec les couleurs emblématiques rouge, jaune et verte. Quelques cartes en couleur complètent utilement l'ensemble. Bien sûr, on pourra toujours regretter quelques développements trop rapides1 et l'absence d'analyses approfondies consacrées à l'évolution autoritaire de la plupart de ces Etats indépendants, mais le sujet étant bien ciblé, cette synthèse vulgarisatrice s'impose comme une référence de qualité.