Bruno Benoit, Christian Chevandier, Gilles Morin, Gilles Richard et Gilles Vergnon, À chacun son Mai ? Le tour de France de mai-juin 1968, Rennes, PUR, 2011, 398 p.

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Mouvement révolutionnaire, Mouvement social

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Il s’agit des actes du colloque « Identités confrontée à mai-juin 1968 », tenu à Lyon les 25-27 mars 2009. Après une introduction des concepteurs du projet, insistant, sur l’appréhension de l’évènement dans le temps long, l’ouvrage s’ouvre par une très belle communication de nature bibliographique. Françoise Blum propose en effet un essai bibliographique, incluant les sites web, qui ne demande qu’à être enrichie par la présence des deux numéros de Dissidences consacrés à Mai. En attendant, les diverses focales éditoriales sur Mai sont synthétisées dans ce texte liminaire. Le propos, extrêmement touffu, pour ne pas dire hétéroclite, parvient à se déployer en trois parties.

C’est d’abord le Mai des territoires, des départements ruraux et des centres industriels qui rassemble neuf communications, allant de Marseille à Béthune en passant par la banlieue lyonnaise, faisant un écart par la Creuse pour s’échouer en Bretagne. La matière première de chacune de ces communications varient fortement, depuis des études classiques de la presse (Fabien Conord sur la Creuse) jusqu’à l’inclusion des interviews. On retiendra le texte de Gilles Vergnon sur la Drôme, qui souligne le rôle des municipalités et plus largement des institutions locales dans le soutien (ou non) au mouvement gréviste. Celui de B. Bruno insiste sur la mise sur pied d’une presse alternative par les acteurs du mouvement, étant donnée la grève de la presse régionale. Chacune de ces communications, prise isolément, souligne des aspects intéressants qui mériteraient un traitement plus avancé : ainsi du rôle des lycéens, pointés à plusieurs reprises.

La deuxième partie traite du Mai des métiers. Des militaires aux cheminots. Là aussi domine la diversité, y compris dans les communicants puisqu’un historien militaire, A. Bach, traite du mai tranquille des militaires. Si la communication sur les gendarmes ne présente pas de relief particulier, celle sur l’hôpital a bénéficié d’un traitement nettement plus favorable en termes d’espace que la moyenne. Chevandier débouche sur les effets, sur la longue période,  en termes de contestation infirmières qui s’affirment au milieu des années 80. Ches les mineurs, traités par E. Arvois, la grève de 68 « solde » l’échec de celle de 1950. Georges Ribeill livre une des plus stimulantes contributions, sur les cheminots. Il faut néanmoins lui reconnaître l’impressionnante accumulation de recherches sur cette corporation, à laquelle il a d’ailleurs lui-même abondamment participé. Il pointe le fort encadrement syndical cégétiste le l’opposition résolue de la CGT à tous contacts avec la jeunesse étudiante, présumée contaminée par le gauchisme. Il insiste sur le rôle des cheminots dans le dispositif communiste : « à la fois détenteurs de quelques clés nécessaires à la reprise économique et au retour à la normale de la vie quotidienne des Français, mais aussi formant de puissantes troupes syndicales disciplinées, instrumentalisées tant matériellement que symboliquement en région parisienne, au service de la stratégie du PCF et de la CGT », p. 234. D. Lunch propose un texte sur les paysans, très peu pris en compte globalement dans le moment Mai. Dalançon développe son propos sur les enseignants, en inscrivant Mai dans les années 70 et au-delà. D’autres corporations, comme les professeurs d’université ou le monde du théâtre, font également l’objet de communications.

Enfin, dans une troisième partie, les auteurs s’intéressent au Mai des politiques et plus particulièrement à celui des Notables et des adversaires politiques. On pourrait synthétiser les articles portant sur les Républicains indépendants, les droites nationalistes, les centristes, les giscardiens ou encore le CICR (Convention des institutions républicaines) par la question de leur influence sur les évènements. La réponse, assez générale, est que ces composantes ont peu pesé directement sur le moment Mai. En revanche, Mai amènera ces forces politiques à se repositionner fortement dans les années qui suivent, ce qui donne des communications assez décalées sur Mai lui-même, mais évocatrices des effets de la grève sur les comportements de forces politiques globalement peu progressistes. Afin de ne pas subir une nouvelle onde de choc, ces partis ont réactivé leurs modes de fonctionnement, ainsi que leur référentiel idéologique pour affronter la période ouverte par Mai. Au final, si l’objet Mai apparaît bien éclaté à l’issue de livre, de nombreuses pistes sont ouvertes pour le prolongement des efforts de recherches.

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References

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Georges Ubbiali, « Bruno Benoit, Christian Chevandier, Gilles Morin, Gilles Richard et Gilles Vergnon, À chacun son Mai ? Le tour de France de mai-juin 1968, Rennes, PUR, 2011, 398 p. », Dissidences [Online], Juin 2012, Varia, 27 May 2012 and connection on 21 November 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=631

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Georges Ubbiali

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