Evidemment, le thème de cet ouvrage intéresse particulièrement les lecteurs de Dissidences, pourtant la manière dont l’auteure développe son analyse ne convainc pas totalement. En fait, ce livre illustre parfaitement l’image du verre à moitié vide ou à moitié plein. Rappelons d’abord en quelques mots le contenu de l’histoire dont traite cet essai. Au tournant des années 70, le PCF parvient à mettre en œuvre la stratégie élaborée au début des années 60, en particulier avec le soutien à la candidature de Mitterrand en 1965, celle d’une union des forces populaires. Cette union se réalise par la signature du Programme commun avec un PS en plein renouveau après mai 68. Seulement, il s’avère rapidement que cette Union profite prioritairement à l’allié socialiste face à un PC pourtant hégémonique. La direction du PCF préfère alors saborder l’union peu avant les législatives de 1978, qui seront un échec. Pourtant, emporté par son élan unitaire le PCF avait procédé à une série de modification idéologique de grande ampleur au fil des années 70 : abandon de la dictature du prolétariat, distanciation à l’égard de l’URSS par le prisme du soutien aux dissidents soviétiques, tournant eurocommuniste et reconnaissance de sensibilités variées au sein du parti. Cette évolution est brutalement stoppée, selon les consignes de Moscou explique l’auteure et une nouvelle période de glaciation s’ouvre. Face à cette fermeture, des bouches s’ouvrent pour critiquer ce qui est considéré comme un retour en arrière. Les intellectuels joueront un rôle de premier plan dans cette dissidence interne, au premier plan le philosophe Louis Althusser et l’historien Jean Ellenstein, argumente Frédérique Valentin-MC Lean. C’est donc autour de ces deux individus et de leurs textes que l’ouvrage est bâti. Côté positif, cela permet d’utiliser de manière originale, en tous les cas à notre connaissance, des archives inédites, en particulier d’Althusser, qui laissent apparaître une liberté de ton nouvelle dans l’univers communiste. Ajoutons également parmi les aspects intéressants de l’ouvrage le fait que l’auteure maîtrise la littérature anglo-saxonne sur le sujet, ce qui constitue un apport appréciable de l’ouvrage. En revanche, une bonne partie des travaux français ne sont pas utilisés : ni F. Matonti (Intellectuels communistes, 2005) ni D. Andolfatto (PCF, de la mutation à la liquidation, 2005) ni, plus anciens, B. Pudal (Prendre parti) ou E. Mandel (Critique de l’eurocommunisme) ne sont mentionnés. Mais surtout, la critique principale qu’on peut lui adresser, au delà de formulations pour le moins hasardeuses (« Lénine, dont la vision manichéenne de la société le poussait à penser en termes de luttes des classes », p.55), c’est précisément d’aborder la contestation interne au PCF sous l’angle d’une contestation par les intellectuels, réduits ici à deux figures. En fait, c’est par milliers, dans toutes les strates du milieu communiste et syndical, que la « dissidence » s’est élevée contre la régression imposée par la direction. En réduisant le sujet à la seule dimension d’un affrontement, même pas d’une couche sociale, mais de deux personnages, certes fortement visibles, Frédérique Valentin-MC Lean passe largement à côté du sujet de l’éclatement de la pluralité au sein du parti de la classe ouvrière.
Frédérique Valentin-Mc Lean, Dissidents du Parti Communiste Français. La révolte des intellectuels communistes dans les années 70, Paris, L’Harmattan, 2006, 234 p.
27 September 2012.
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« Frédérique Valentin-Mc Lean, Dissidents du Parti Communiste Français. La révolte des intellectuels communistes dans les années 70, Paris, L’Harmattan, 2006, 234 p. », Dissidences [Online], Communisme français, 27 September 2012 and connection on 21 November 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=488