Faber : le destructeur (Tristan Garcia), Les Renards pâles (Yannick Haenel) ou Dîner de gala (Philippe Videlier) sont autant de romans récents ayant, chacun à sa manière, l’extrême gauche en son cœur. Plutôt que d’y voir un constat de décès de cette dernière, autorisant un traitement fictionnel dépassionné, ou le moyen de magnifier des échecs, l’existence de ces déclinaisons littéraires doit se concevoir en lien avec l’histoire politique et sociale. De Nous voulons tout de Nanni Balestrini à Underworld USA de James Elroy en passant par Le père de Blanche-Neige de Belén Gopequi, Das Luxemburg-Komplott de Christian von Ditfurth ou L'Homme qui aimait les chiens de Léonardo Padura, les exemples de traitement du réel révolutionnaire à travers le prisme de l’imaginaire artistique sont légions, touchant aussi bien la littérature « blanche » que les « mauvais » genres, roman noir (Nous Cheminons entourés de fantômes aux fronts troués de Jean-François Vilar) et science-fiction (Les Dépossédés d’Ursula Le Guin).
C’est à ce kaléidoscope fictionnel que ce volume de Dissidences souhaite s’intéresser, en ouvrant au maximum les focales, que ce soit chronologique – de la Seconde Guerre mondiale à nos jours –, géographique (romans francophones aussi bien qu'étrangers) ou thématique (l’extrême gauche dans sa diversité et sa richesse). Il ne s’agit pas de se pencher sur les engagements militants des uns ou des autres, ainsi qu’a pu le faire un Paul Lidsky à travers le cas de la Commune de Paris, ni d’étudier sous un angle différent les tentatives de « littérature prolétarienne » qui ont pu être menées par le passé, mais véritablement de prendre la littérature dans sa totalité en tant que miroir ou passeur de l’extrême gauche révolutionnaire. Les études pourront ainsi embrasser l’œuvre d’un auteur unique, développer la monographie d’un seul livre ou d’un éventail plus large, que tenter des croisements entre divers écrivains, entre personnages, époques ou thématiques, sans hésiter à aborder des œuvres ou des auteurs peu ou prou explorés jusqu’à présent…
L’extrême gauche réelle et fictionnelle entretiennent-elles des liens de symétrie ? Quel est leur degré d'adéquation historique ? Y a-t-il des constantes dans la perception romanesque de l’extrême gauche, ou des césures nettes peuvent-elles être isolées ? Est-ce toujours par le filtre de quelques personnages emblématiques, voire archétypaux, que l’extrême gauche est déclinée, ou les masses populaires ou militantes réussissent-elles également à être mises en scène, dans leur historicité ? Les formes diverses de la littérature embrassent-elles l’extrême gauche dans sa pluralité, ou des angles morts sont-ils perceptibles et explicables ? L’univers fictionnel des extrêmes gauches nous permet-il finalement de mieux appréhender ces composantes socio-politiques ? La littérature constitue-t-elle un passage à témoin, voire la poursuite de la politique d'extrême gauche par d'autres moyens ? L'extrême gauche dans son ensemble ou dans ses variantes alimente-t-elle des formes spécifiques (romans noirs ou science-fiction plutôt que romans traditionnels) de ce filon narratif ?
Voilà quelques-unes des questions auxquelles les contributions de ce volume de Dissidences pourront tenter de répondre.
Les propositions de contributions d'une page maximum sont à faire parvenir au plus tard le 1er mars 2014 aux trois premiers coordonnateurs du volume :
Vincent Chambarlhac : v.chambarlhac@wanadoo.fr
Jean-Guillaume Lanuque : jeanguillaume.lanuque@wanadoo.fr
Christian Beuvain : christian.beuvain@sfr.fr