Ce livre étant l’édition a peine retouchée d’un travail universitaire de DEA que Dissidences avait chroniqué dans son numéro 14-15 (2004), nous republions le texte que nous lui avions consacré alors. Gwenn-ha-du, blanc et noir en breton, est le nom qu’on donne au drapeau breton. Réalisé à partir des documents conservés au Centre d’Histoire du Travail (CHT) de Nantes – riche fonds présenté il y a quelque temps dans nos colonnes – et également à partir d’une quinzaine d’entretiens, ce travail universitaire a bien des mérites.
L’auteur évoque tout d’abord le renouveau culturel breton et les luttes sociales nombreuses des années 1970. De la conjonction de ces deux phénomènes résulte une décennie haute en couleurs en Bretagne, bien différente des années 1980, « le début de la tristesse », selon un militant interrogé. Après une présentation, et surtout un comptage un peu laborieux des militants d’extrême gauche agissant en Bretagne, l’auteur évoque les positions contrastées de ces forces politiques sur la question bretonne. Certains, sous le prétexte que « les ouvriers n’ont pas de patrie », sont franchement hostiles à toute revendication nationalitaire. « Faisons la révolution et on verra après », telle est à peu près la position de LO ou des maoïstes de l’Humanité rouge. D’autres, la Cause du peuple, le PSU ou la LCR, sont pour la prise en compte de ces revendications. Bien qu’en désaccord avec les modes d’action (attentats) du Front de Libération de la Bretagne (FLB), cette extrême gauche se solidarise avec les militants réprimés. A propos de la LCR, ayant accédée à des sources nombreuses, l’auteur va loin dans le détail, opposant les militants de l’ouest de la Bretagne (ceux de Brest et de Quimper), favorables à l’émergence d’un Etat breton, à ceux de Rennes, carrément indifférents à la question, de même que ceux de Nantes, qui préfèrent participer à une région Pays-de-Loire de la Ligue, cadre plus adéquat pour un travail ouvrier considéré comme prioritaire. L’auteur s’efforce aussi d’inscrire ces débats dans une tradition, ressuscitant entre autres la figure d’Emile Masson, un libertaire qui, dès avant 1914, tentait de faire le lien entre mouvement breton et mouvement ouvrier. Les prêtres n’avaient pas le monopole de la revendication nationalitaire. « Que reste-t-il de cette effervescence post-soixante-huitarde ? », s’interroge l’auteur en conclusion. Les partis étudiés semblent bien marginaux sur la scène politique locale. Certains de leurs leaders sont reconvertis dans l’action culturelle, participant au réseau des Diwans. Mais les idées agitées dans les années 1970 ont fait du chemin. Cet effort de réflexion n’aura pas été vain, pense l’auteur, les partis de la gauche traditionnelle et les Verts ayant récupérés bon nombre des revendications d’alors. Un travail utile, comportant de nombreux documents en annexe et donnant un état précis des sources qui facilitera grandement le travail de chercheurs éventuels. Malheureusement, comme c’est souvent le cas dans ce type de travaux, l’auteur ne croit pas bon de faire figurer en annexe les entretiens réalisés.