On l'attendait, le voici donc, l'ouvrage polémique saisonnier consacré à l'extrême gauche, inscrit en plein dans les parutions consacrées au NPA et à Olivier Besancenot1, mais surtout dans la lignée d'ouvrages comme l'inénarrable Les taupes rouges en 2001… Il faut dire que Sabine Herold est une libérale du genre intégriste - elle a même participé à un Manifeste des alterlibéraux (sic !) en 2007. La dédicace plante tout de suite le décor : le livre est en effet dédié à « Corday et aux amis de la Liberté » , autorisant de manière implicite à faire le rapprochement entre le Marat des « 100 000 têtes doivent tomber » et le porte-parole du NPA.
Si Sabine Herold adopte initialement un style pseudo lettré, singeant un Patrick Rambaud, elle cède assez vite à la manie des phrases ronflantes et de la mauvaise foi, remplaçant la réflexion par le sarcasme et la moquerie, se saisissant de tous les éléments possibles, y compris les plus exacts, pour alimenter sa thèse. Sa problématique est assez simple : Besancenot est le bouffon de Sarkozy, c'est-à-dire le complice de son maintien au pouvoir de par son rôle de repoussoir. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que l'auteure a le sens du spectacle, accumulant les accusations les plus débridées… sans avancer de démonstration sérieuse2. On saura donc que le facteur de Neuilly est mu avant tout par la recherche d'un pouvoir personnel, qu'il est démagogique, antidémocratique, fanatique (le trotskysme étant qualifié de « religiosité alternative », excusez de l'originalité), axé sur la communication, diviseur du mouvement social et, bien sûr, proche de l'extrême droite (son antisionisme se muant presque naturellement en antisémitisme)3.
Ce faisant, Sabine Hérold condamne 1793, la Commune , écartant tout regard moins accusateur sous le vocable intéressé de révisionnisme, et défend le capitalisme, mais de manière bien courte. Elle n'hésite pas non plus à brandir la menace d'une extermination complète de tous les capitalistes et d'un viol généralisé de la propriété privée en cas d'accession au pouvoir de Besancenot, laissant la place à un véritable socialisme de caserne. Cela ne l'empêche pas, passé cette vision littéralement apocalyptique, de rassurer son lecteur en lui expliquant qu'il n'y a finalement pas de réel danger révolutionnaire : comprenne qui pourra ! Elle manifeste au passage une méconnaissance de l'histoire réelle. En guise de florilège, citons une « extrême gauche partout marginalisée et classée comme archive historique » (p. 26) ; un Trotsky « inventeur de la Tchéka » (p. 28) ; une « révolte sociale [guadeloupéenne] « en surface » (…) car derrière les problèmes économiques, on retrouve les relents sulfureux d'un conflit racial » (p. 42) ; sans oublier une ignorance crasse quant à la question complexe de l'entrisme.
A mi chemin du livre, Hérold concentre ses attaques sur Sarkozy, dont la politique gouvernementale est décevante, faite de demi-mesures4, tant le personnage serait mu par son goût du pouvoir personnel, sans idéologie claire. Avec la crise5, l'hyperprésident aurait trouvé un second souffle, et c'est là que l'ouvrage débouche sur le grand guignol : Sarkozy et Besancenot seraient en effet complices, le second préparant le terrain à l'accroissement sans limites de l'Etat dirigé par le premier, tous deux communiant dans la mise à mort de nos libertés chéries… L'ironie ultime de cet opuscule réside dans sa grille de lecture, simpliste au possible : si Sabine Herold ne voit qu'ambition purement personnelle dans les actions respectives de Besancenot et Sarkozy, n'est-ce pas en raison de sa propre volonté d'être sous les feux de la rampe ? Vanité, quand tu nous tiens…