Après l'ouvrage de Sabine Hérold, Le bouffon du roi (chroniqué sur ce site), qui inaugurait la salve des ouvrages anti Besancenot, voici donc celui de Renaud Dély, journaliste -il est directeur adjoint de la rédaction de Marianne -, qui se permet au passage d'écorner la dite Hérold, jugeant sa métaphore du bouffon « approximative ». Certes, son livre apparaît comme plus approfondi et d'apparence moins pamphlétaire, mais l'adjectif lui convient tout aussi bien.
Passons sur un ton journalistique assez rapidement agaçant, usant de formules faciles et de jeux de mots vaseux, pour en venir à l'essentiel, la thèse d'un parallélisme entre Besancenot et Sarkozy. Tout en reconnaissant la sincérité des convictions de Besancenot, l'auteur estime que ce dernier serait « un idiot utile » simplement parce que son discours radical viserait en priorité les socialistes, braquerait les électeurs et garantirait la réélection de Sarkozy en 20121. Que l'actuel hyper-président profite de l'audience électorale du NPA pour espérer gêner le PS est un fait, mais de là à ce qu'il fasse tout son possible, en une variante de la théorie du complot, pour hisser le porte-parole du NPA sur le devant de la scène politique est assurément excessif, et s'apparenterait à jouer avec le feu. Comme si Renaud Dély ne pouvait penser en dehors des marqueurs du système politique en place. Cela ne l'empêche pas de tenter les parallèles les plus improbables entre les deux hommes, jusqu'au ridicule : goût de la communication (en oubliant que l'un a le pouvoir, l'autre non), populisme, intérêt partagé pour le vélo (sic2), et construction réciproque d'une légende sur leur ascension…
Et bien sûr, on retrouve au fil des pages les accusations traditionnelles attachées aux trotskysmes, d'autant que la mutation de la LCR en NPA n'est absolument pas, selon Dély, un changement sur le fond trotskyste orthodoxe ; le dernier chapitre, « Un révolutionnaire à visage peu humain », étant tout entier consacré à cette thématique. Les trotskystes sont donc antidémocratiques, sectaires, partisans de la violence politique (d'autant qu'Octobre 17 n'est qu'un coup d'Etat), leur action est stérile, leur programme irréaliste et totalitaire, et leurs meilleurs militants de toute façon partis depuis longtemps sous d'autres cieux. Dély caricature donc les faits, allant jusqu'à écrire entre autre que LO encourage l'abstinence, ou que les trotskystes se rapprochent de l'islamisme, sans aucun sens de la nuance et du détail, et en utilisant des références bien partielles (« l'universitaire » Bourseiller, par exemple3). En fait, les seuls éléments intéressants concernent… Nicolas Sarkozy, dont on apprend par exemple qu'un des conseillers spécialisé sur l'extrême gauche, Patrick Buisson, est issu de l'extrême droite.
La sympathie de Dély semble aller, plutôt que vers le libéralisme ultra de Sabine Hérold, du côté d'une gauche réformiste moderne (et vers un Pierre Mendès France pour l'après 68), d'un capitalisme à visage humain4. Son pensum, en tout cas, apparaît incontestablement comme un de ces livres rapidement digérés par l'histoire.