Françoise Blum (éd.), Les Vies de Pierre Naville, Lille-Villeneuve-d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2007, 440 p.

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Mots-clés

Trotskysme, Syndicalisme révolutionnaire, Syndicat, Sociologie

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Françoise BLUM (éd.), Les Vies de Pierre Naville

Françoise BLUM (éd.), Les Vies de Pierre Naville

Cet ouvrage réunit les 25 contributions environ faites lors d'un colloque de 2004 au Centre d'histoire sociale du XXe siècle (Paris I). Il permet d'éclairer les nombreuses facettes d'un personnage dont la longue vie (1904-1993) coïncide à peu près avec le XXe siècle.

Ses activités furent très variées : de l'engagement dans le surréalisme et la politique à la sociologie du travail, en passant par la psychologie et le journalisme. On connaissait déjà ses années de militantisme auprès de Léon Trotsky grâce à son ouvrage Trotsky vivant (Paris, Julliard, 1962, et 1988 chez Maurice Nadeau pour l'édition la plus récente). L'article de Jean-Jacques Marie apporte donc peu de choses, se contentant de rappeler les griefs de Trotsky qui trouvait Naville trop intellectuel et trop dilettante, lui préférant le « débrouillard » Molinier. Par contre, les autres contributions de cette deuxième partie (« Figures de l'intellectuel militant ») éclairent bien, et de manière originale, d'abord son goût pour les revues (Gérard Roche, « Naville créateur et animateur de revues »), puis sa controverse avec Sartre (Gisèle Sapiro), et surtout son action après la guerre au sein du Parti socialiste unitaire, puis du Parti socialiste de gauche, avant de participer au Parti socialiste unifié. Cette contribution, due à Gilles Morin, nous vaut bien des informations nouvelles, nous montrant combien il était difficile, durant ces années de guerre froide, de se situer par rapport aux deux camps. La volonté « d'être avec les ouvriers » n'a-t-elle pas transformé les intellectuels comme Naville en « satellites du communisme », les ouvriers « étant avec Staline » ? Morin se demande si on doit qualifier le Naville de ces années-là de « trotskyste stalinien », car pour lui en effet – comme pour Trotsky avant la guerre – l'URSS était un Etat ouvrier et il fallait défendre ses acquis. Mais son compagnonnage passé avec Trotsky et son goût pour la psychologie et la sociologie, considérées par les intellectuels du PC de ce temps comme des disciplines bourgeoises destinées à adapter les personnes au monde capitaliste, ne lui permettront pas de faire partie des « compagnons de route » (Frédérique Matonti, « Naville et les intellectuels communistes »).

Après avoir tenté de tracer le profil politique de Naville, d'autres contributeurs tout aussi perspicaces rappellent l'ampleur de son travail théorique : de l'étude précoce (1943) et jusqu'à ce jour inégalée de l'œuvre du baron d'Holbach, ami de Diderot et de Rousseau, dont le matérialisme annonce le matérialisme marxiste (Anne Simonin) au Nouveau Léviathan , immense ouvrage en 7 tomes intégrant sa thèse soutenue en 1956 (Pierre Rolle). Mais Naville fut aussi un praticien. Ayant obtenu le diplôme de Conseiller d'orientation professionnelle, il dirigea le Centre d'orientation professionnelle d'Agen à partir de janvier 1943. Ce métier, nouveau à l'époque, a l'ambition de faire naître une société apaisée, fondée sur le juste placement de chacun en fonction de ses aptitudes. C'est en 1938 qu'un décret-loi voté à l'initiative de Jean Zay avait posé les fondements d'un service public de l'orientation professionnelle, prévoyant un centre par département (Odile Henry). Il est étonnant de voir Naville s'engager dans cette profession sous le régime de Vichy, de même qu'on s'explique mal le fait qu'il ne participe pas à la Résistance. La volonté de protéger sa femme Denise, qui est juive, avancée par un des participants, nous semble une explication insuffisante. Mais le philosophe marxiste rationaliste qu'il est trouvera sa voie véritable après la guerre, devenant au CNRS un des créateurs de la Sociologie du travail. Il dirigea avec Georges Friedmann un manuel important ( Traité de Sociologie du travail , A. Colin, 2 tomes, 1961-62) et plusieurs revues savantes : les Cahiers d'études de l'automation , puis l'Epistémologie sociologique .

Un ouvrage complet, passionnant, pourvu d'une bibliographie des œuvres de Naville et complété par les témoignages de Maurice Nadeau, Gilles Martinet, Edgar Morin, Jean Risacher…

N.B. L'ouvrage est bon marché vu sa taille, mais la reliure est désastreuse.

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References

Electronic reference

Jean-Paul Salles, « Françoise Blum (éd.), Les Vies de Pierre Naville, Lille-Villeneuve-d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2007, 440 p. », Dissidences [Online], 2 | 2011, . URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=155

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Jean-Paul Salles

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