Jean Longuet, « Pas de déviation à droite ! », Le Populaire, 5 mars 1921.

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Ecrit peu de temps après la scission, cet article de Jean Longuet indique les tiraillements à l’œuvre dans la SFIO continuée. Jean Longuet, minoritaire de guerre, fondateur du Populaire, reconstructeur, est un des dirigeants les plus en vue de la SFIO en cette année 1921 au même titre qu’un Léon Blum, qu’un Paul Faure. Dès mars 1921, une controverse s'établit dans les colonnes du Populaire entre Jean Longuet, Eugène Frot et Paul-Boncour au sujet de l'élection dans le deuxième secteur de Paris qui oppose socialistes français (une scission de « droite » de 1919) et communistes. L’ancien leader s'élève contre le soutien apporté aux candidats du Parti Socialiste Français, exprimées dans la revue de presse du journal. D'accord pour battre le Bloc National, Jean Longuet ne voit la victoire que dans le soutien accordé aux candidats de la sfic. Arguant du soutien de l’Internationale de Vienne, l’Internationale « deux et demie », il dénonce les tentatives de construction d’un front républicain opposé aux communistes et au Bloc national, proposition centrale de la « droite » de la SFIO. Il réaffirme pour le socialisme français la nécessité de se placer sous les auspices du marxisme révolutionnaire. A cette occasion, le passé du socialisme français est exhumé pour ne pas plier devant la pression de plus en plus importante des tenants du bloc des gauches. L'ancien minoritaire transpose ses options internationales au niveau national. L'impératif de l'unité implique de se situer en priorité dans l'espace du mouvement ouvrier sans lien avec les républicains. Mais, le fondateur du Populaire joue également sur l'autonomie socialiste pour donner sens à la place de la sfio dans ces élections.

Document

« Dans sa revue de presse qu’on lira plus loin, notre camarade Eugène Frot, en se solidarisant comme il l’avait déjà fait à plusieurs reprises avec les opinions du citoyen Paul-Boncour, observe très exactement que, comme Le Troquer dans son article d’hier à propos de l’élection du 2ème secteur, il ne fait que traduire une opinion personnelle.

Notre Parti ne se prononcera que ce soir sur l’attitude à prendre au scrutin de ballottage du 1er mars. Mais traduisant l’opinion d’un grand nombre de militants, mon ami André Le Troquer a tenu à dire dans les colonnes de notre libre organe ce qui lui paraissait – et ce qui me paraît à moi-même – le clair devoir socialiste et je dirai même le simple devoir républicain et pacifiste : assurer la défaite du Bloc national par l’élection des candidats communistes. Ce qui dans les graves circonstances extérieures que nous traversons, constituera l’avertissement vigoureux et nécessaire dont nos gouvernants et la classe capitaliste de ce pays ont un pressant besoin. Cela n’impliquera, bien entendu, ni de près, ni de loin, l’acceptation par nous des folles conceptions moscovites, ni de l’œuvre de division détestable accomplie à Tours, comme à Halle, à Berne, ou à Livourne.

De même que Le Troquer n’a fait qu’exprimer son opinion personnelle que Mouret avait déjà exposée, la veille, dans une grande réunion publique, de même notre camarade Paul-Boncour, dans ses avances répétées aux gens de la France Libre, ne traduit qu’une opinion qui lui est strictement personnelle, et qui, j’ose l’affirmer, jusqu’à preuve du contraire, heurte le sentiment de l’immense majorité de notre Parti. Le rôle joué par ces éléments aux élections du 16 novembre 1919, la politique qu’ils ont suivie depuis et qui les place très à droite des Scheidemaenner d’Outre-Rhin, leur attitude chauvine détestable en face des exigences et des brutalités de l’impérialisme de l’Entente, nous placent à cent lieues de MM.Rozier, Aubriot, Levasseur, Dejeante et Cie.

Si on devait les considérer comme des socialistes, il n’y aurait aucune raison pour refuser cette qualité à MM. Gustave Hervé, Aristide Briand et Alexandre Millerand lui-même.

Il y a une chose qui est certaine : c’est qu’il n’y a pas place pour semblables conceptions dans l’Internationale que nous venons de reconstituer à Vienne. Cela, le Parti tout entier le dira à ceux qui seraient tentés de l’oublier. »

Citer cet article

Référence électronique

« Jean Longuet, « Pas de déviation à droite ! », Le Populaire, 5 mars 1921. », Dissidences [En ligne], 1 | 2011, publié le 23 mars 2011 et consulté le 24 novembre 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=116