Jean Longuet, « Marty, candidat de la tradition républicaine », Le Populaire, 27 septembre 1921.

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Un des problèmes posés aux socialistes après le congrès de Tours est le rapport aux élections. Dès mars 1921, une controverse s'établit dans les colonnes du Populaire entre Jean Longuet, Eugène Frot et Paul-Boncour au sujet de l'élection dans le deuxième secteur de Paris. Le leader minoritaire s'élève contre les positions de soutien des candidats du Parti Socialiste Français face aux communistes, exprimées dans la revue de presse du journal1. Si Longuet est d'accord pour battre le Bloc National, il ne voit la victoire que dans le soutien accordé aux candidats de la SFIC. Il met son intervention sous les auspices de l'Internationale de Vienne qui ne saurait accepter de telles conceptions. Trois jours plus tard il précise dans une réponse à une lettre de Paul-Boncour qu'on ne saurait enlever de l'eau au communisme en retournant à une politique de confusionnisme et de collaboration de classe condamnée à Amsterdam2. Dès lors, il réaffirme pour le socialisme français la nécessité de se placer sous les auspices du marxisme révolutionnaire. A cette occasion, le passé du socialisme français est exhumé pour ne pas plier devant la pression de plus en plus importante des tenants du bloc des gauches. L'ancien minoritaire transpose ses options internationales au niveau national. L'impératif de l'unité implique de se situer en priorité dans l'espace du mouvement ouvrier sans lien avec les républicains. Mais, le fondateur du Populaire joue également sur l'autonomie socialiste pour donner sens à la place de la SFIO dans ces élections. En fait, les rédacteurs de la revue l’Avenir s'en tiennent à une interprétation stricte des textes d'Amsterdam (1904) et de Paris (1905) par la réaffirmation de la nécessaire construction d'un espace socialiste dans l'autonomie. Toutefois, des circonstances exceptionnelles peuvent conduire à une alliance circonstancielle pour défendre le cadre démocratique où s'exprime le mouvement ouvrier. Les positions de Jean Longuet et de la revue balisent les limites à l'intérieur desquelles s'exprime la gauche socialiste sur ces problèmes. Le texte de Jean Longuet est la reprise des premiers éléments de la polémique à partir de la présentation par le Parti communiste de la candidature d’André Marty, mutin de mer Noire dans le secteur de Charonne. Par cette option, le leader reconstructeur maintient la perspective de l’unité possible dans le cadre électoral avec les communistes.

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« L’élection municipale de Charonne, du fait de la personnalité d’André Marty, de ce qu’il représente, de l’union faite sur son nom par toutes les nuances de l’opinion ouvrière et socialiste, a pris une signification nationale, qui n’échappe pas à la presse du Capital.

Son organe en quelque sorte officiel, Le Temps, consacre hier une grande partie de son article politique de fond à cette manifestation significative du sentiment populaire. Et l’épais journal se montre fort surpris et indigné que non seulement les socialistes, mais même des radicaux –ayant conservé quelques souvenirs des grandes traditions républicaines- puissent se rallier à la candidature de l’ancien officier-mécanicien qui est au bagne.

C’est un excellent article –qu’on lira plus loin- de notre confrère Maurice Charmy, dans lequel le rédacteur de l’Ere Nouvelle, sans autre souci, a laissé librement parler son cœur, qui lui vaut la colère des défenseurs attitrés de « l’ordre » capitaliste. Et ces messieurs croient embarrasser notre confrère en le représentant « la main dans la main des communistes ».

Les gens du Temps savent très bien que, parce qu’on soutient Marty, on ne fait nullement acte d’adhésion à la Troisième Internationale.

Cela n’a aucun rapport et il faut une jolie dose de mauvaise foi pour essayer de justifier une si grossière confusion.

Marty est, par son acte glorieux, dans la plus belle tradition du Parti républicain : tout entier pour approuver son noble geste de 1919, pour s’efforcer de l’arracher à la geôle cruelle où il enfermé depuis trois ans, il suffit de se souvenir de tout ce que nos pères nous ont enseignés du culte que les républicains de la Deuxième République vouaient à Armand Carrel qui n’hésitait pas à résister les armes à la main aux soldats des Bourbons envahissant l’Espagne libérale, ou de l’enthousiasme avec lequel, au temps de l’Ordre Moral, les fondateurs de la Troisième République acclamaient le major Lagardère se « mutinant » contre Mac Mahon.

Marty est non seulement le vivant symbole de la protestation du peuple ouvrier en face des complots perpétrés par le Capitalisme mondial contre la Révolution russe. Il est encore le digne continuateur et l’héritier de la tradition de tous les grands démocrates qui mirent au-dessus de la discipline militaire, la fidélité à la Constitution républicaine et la solidarité internationale de tous les opprimés ».

Notes

1 Jean Longuet, « Pas de déviation à droite! », Le Populaire, 5 mars 1921. Retour au texte

2 Jean Longuet, « Notre tactique », Le Populaire, 8 mars 1921. Retour au texte

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Référence électronique

« Jean Longuet, « Marty, candidat de la tradition républicaine », Le Populaire, 27 septembre 1921. », Dissidences [En ligne], 1 | 2011, publié le 23 mars 2011 et consulté le 21 novembre 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=117