Jean-François Chevrier, Walker Evans dans le temps et dans l’histoire, Paris, L’Arachnéen, 2010, 203 p.

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Walker Evans dans le temps et dans l’histoire, Paris, L’Arachnéen

Walker Evans dans le temps et dans l’histoire, Paris, L’Arachnéen

Ce livre fait en réalité partie d’un ensemble de 7 écrits du même auteur (parus et à paraître en 2010-2011 chez le même éditeur), qui entendent rien de moins que de proposer un nouveau récit de l’art moderne. Il convient donc de souligner le courage et l’originalité de L’Arachnéen, qui s’était déjà distingué par la publication « hors norme » des oeuvres de Fernand Deligny en 2007 (1848 pages !). Cet essai-ci, constitué de 6 textes dont 2 inédits, est une monographie (la seule de la collection) consacrée au grand photographe américain Walker Evans. Jean-François Chevrier met en évidence l’originalité du photographe, de son « style documentaire », en montrant que celle-ci tient à la fois à une opposition aux courants artistiques des années 30 et 40 – art social, photojournalisme, … -, à un double refus de l’art et du commerce, et à un rapport nouveau qu’Evans tenta de réaliser entre enquête documentaire et « poétique de l’objet trouvé surréaliste via le folklore américain » (p. 35). L’auteur réinscrit Evans dans son contexte, fait émerger les schémas de représentation et, de la sorte, dessine toute la complexité et l’ambiguïté du photographe : à la fois dandy et attiré par l’homme du commun, l’anonymat, la rue, se disant apolitique, mais laissant « l’interprétation ouverte » de ses photos, ouverte jusqu’à des conclusions sociales ou politiques…Le premier texte développe une analyse serrée et passionnante du célèbre livre American Photographs, paru en 1938. Le deuxième s’attarde sur le travail d’Evans au magazine Fortune et, plus précisément, sur ses photos accompagnant un reportage de septembre 1934 sur un camp de vacances communiste aux États-Unis. Revenant sur les « schémas de représentation » inscrits dans l’histoire mais assimilés et transformés par Evans (p. 70), il offre un regard riche et éclairant sur cet article et, au-delà, sur une part moins connue de la vie et de la production du photographe. Les essais qui suivent mettent en rapport Walker Evans avec Cartier-Bresson, Dan Graham et Warhol. Le livre se termine par un « bricolage » de photos et de citations.Chevrier a bien cerné le quiproquo de la correspondance entre l’émergence du Pop art et la redécouverte de l’oeuvre d’Evans dans les années 60 (p. 145). Cependant, il n’insiste pas suffisamment sur tout ce qui les oppose. Par ailleurs, dans son texte autour de Dan Graham, ses références à Walter Benjamin (p. 140-143) sont quelque peu dépolitisées, faisant abstraction de la charge révolutionnaire des concepts de ce dernier. Enfin, le lecteur risque de rester un peu sur sa faim sur la question du rapport au temps, à la modernité, au rôle de « collectionneur historien » d’Evans, que Chevrier aborde mais sans y insister.Cet essai s’adresse à un public ayant déjà une certaine connaissance de l’histoire de l’art et de la photo, de l’oeuvre de Walker Evans (Le style documentaire d’August Sander à Walker Evans, d’Olivier Lugon, Paris, 2001, Macula, constituant une meilleure introduction), renouvelant et enrichissant notre compréhension. La qualité des reproductions photographiques, l’originalité et la force du regard, le style agréable à lire en font décidément un très beau livre.

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Frédéric Thomas, « Jean-François Chevrier, Walker Evans dans le temps et dans l’histoire, Paris, L’Arachnéen, 2010, 203 p. », Dissidences [Online], 1 | 2011, . URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=109

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Frédéric Thomas

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