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L’espace est-il insaisissable ? Indéfinissable ? Est-ce pour cela que Pascal en était effrayé ? Car il échappe aussi bien au géographe qui pouvait croire en être le « spécialiste » qu’à tout autre champ scientifique. L’espace est initialement perçu comme une simple étendue qui l’opposerait au temps. Désormais, dans le langage courant, l’espace entraîne dans les étoiles, les satellites ou les fusées et, éventuellement, aux rêves associés. Pourtant, il est né de la science la plus rigoureuse (la géométrie dans « l’espace » à 3 ou même n dimensions), mais surtout de l’abstraction des mathématiques astronomiques, où le plan et le cercle doivent se combiner dans une difficile géométrie sphérique, règne des longitudes et des latitudes. Le géographe sait tous les pièges rencontrés pour maitriser les projections du globe sur un plan, la carte, pièges que ne résolvent pas les modernes GPS. L’espace se présente déjà ainsi avec rigueur et majuscule, l’Espace, et avec un air de conquête et d’odyssée.

Mais l’espace se mesure aussi plus prosaïquement sur le sol, notre Terre, et, s’il se représente sur la carte, quadrillage abstrait et imparfait, il se dissous vite dans l’épaisseur du trait, la croute terrestre, sur laquelle le voyageur se déplace réellement et où il peut juger des failles de la représentation et de l’iconographie : voir le monde n’est pas lire la carte, comme le paysage ne se réduit pas à la photographie, mais tous deux invitent à une lecture particulière de l’espace, souvent complémentaire, le randonneur le sait. Si la carte essaie, au-delà de l’abstraction mathématique quadrillée, de se charger d’informations, des animaux fabuleux anciens aux sèches informations pratiques codées modernes, elle déforme le réel, elle le tort et le contraint. Mais plus encore, l’espace est travaillé par l’homme, ou mieux les hommes, regroupés de multiples façons, familles, groupes sociaux, d’affinités ou classes sociales, etc. qui impriment leurs marques sur le sol par leurs constructions, architectures et réseaux, paysages soit disant naturels mais désormais fortement « anthropisés ». L’espace peut aussi se prétendre vital pour un groupe et lieu d’exclusion des autres. L’espace abstrait, mathématique, n’est plus reconnu, il se dédouble ; il subit une première extension forte où il disparait : le territoire s’impose à sa place. La réduction que produit la carte, représentation de l’espace, est trop grande pour signifier autre chose que le support où se déploient les forces les activités, les mobilités. Mais la carte et le territoire vont de pair et même inspirent quelque littérateur. Ils restent fortement imbriqués dans les lieux mêmes, dans leurs relations ou leurs représentations.

Mais l’échappée ne s’arrête pas là : l’espace peut devenir pure métaphore de la relation entre les hommes, de leur proximité ou de leur éloignement, sans nécessairement que la distance réelle, géométrique, y ait à voir. L’espace est alors le champ des forces qui lient ou opposent les groupes humains, un espace « social », où les mots de la géographie peuvent servir par emprunt plus ou moins forcé, à côté de ceux de l’économie ou de la sociologie. Mais l’espace peut tout aussi bien réinvestir un lieu réel que parfaitement imaginaire ou introduire une relation étroite entre les deux, le lieu visité appelant les rêveries.

Extension et polysémie marquent l’espace qui est donc lui-même une étendue, autoréférentielle sans doute, qui le fait passer de la logique la plus froide à l’imaginaire le plus audacieux. Les textes ici présentés explorent certaines de ses « n dimensions ».

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Electronic reference

André Larceneux, « Éditorial n° 13 », Sciences humaines combinées [Online], 13 | 2014, . URL : http://preo.u-bourgogne.fr/shc/index.php?id=346

Author

André Larceneux

Professeur de Géographie, THEMA - UMR 6049 - UB

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