Le problème de la délimitation des concepts psychologiques chez Wittgenstein

DOI : 10.58335/shc.173

Résumé

La philosophie peut être décrite comme un travail de cartographie conceptuelle. Mais cela implique-t-il que les frontières entre les concepts en question sont parfaitement définies ? Non, répond Wittgenstein. On examine la portée de cette thèse sur un cas à la fois particulier et essentiel : celui des concepts dit ‘psychologiques’.

Plan

Texte

Introduction

Dans La notion d’esprit (1949), Ryle compare son travail à celui d’un cartographe : il s’agit pour le philosophe de faire de la géographie avec nos concepts, d’étudier un territoire conceptuel, et ainsi de tracer des délimitations entre ces concepts, dans le but de rectifier les « erreurs de catégorie » :

« Les arguments philosophiques qui constituent la trame de cet ouvrage n’ont pas la prétention d’accroître notre connaissance de l’esprit mais de rectifier la géographie logique de la connaissance que nous en possédons déjà »1.

C’est donc de limites conceptuelles que nous allons traiter. Un exemple de Ryle, devenu célèbre, permet de donner rapidement une première idée de ce qu’il entend par « erreur de catégorie » :

« Un étranger visite pour la première fois Oxford ou Cambridge ; on lui montre des collèges, des bibliothèques, des terrains de sport, des musées, des laboratoires et des bâtiments administratifs. Cet étranger demande alors : ‘mais où est l’Université ?’ […] A tort, il logeait l’Université dans la même catégorie que celle à laquelle appartiennent les autres institutions »2

La question de l’esprit (et notamment la conception dualiste de Descartes) joue alors le rôle de problème exemplaire à propos duquel Ryle met en œuvre cette méthode d’analyse conceptuelle.

L’image du ‘philosophe géographe’ a l’intérêt de nous donner à penser le travail philosophique comme un travail sur les frontières conceptuelles. Mais élargissons notre perspective : la notion d’erreur de catégorie introduite par Ryle s’inscrit dans un contexte philosophique qui accorde une importance primordiale à la question de la signification.

« Au début de ce siècle, Husserl et ensuite Wittgenstein ont utilisé les métaphores révélatrices de ‘syntaxe logique’ et ‘grammaire logique’ (…). Une règle de la syntaxe logique, comme on l’appelle, est ce à quoi un dictum insensé est une infraction »3.

C’est plus précisément à cette référence wittgensteinienne que nous allons nous intéresser. Très grossièrement, on pourrait dire que la question essentielle au début du 20ème siècle, dans le contexte qu’évoque Ryle, n’est peut être plus tant celle de la connaissance, de la distinction du vrai et du faux, que celle de la signification ; c'est-à-dire de la distinction entre le sens (le vrai-ou-faux) et le non-sens (au sein duquel on peut éventuellement distinguer plusieurs espèces).

Dans le Tractatus, comme le relève Ryle, Wittgenstein se penche sur la syntaxe logique de notre langage : la surface de notre langage, qui répond aux normes de la grammaire scolaire, dissimule une structure logique sous-jacente. Ce concept de syntaxe logique cherche à élucider l’écart éventuel entre les phrases grammaticalement correctes et les phrases dotées de sens : une phrase grammaticalement correcte peut en effet être un non sens. C’est bien des limites du sens et du non-sens dont il est question. Mais dans le texte central de sa ‘deuxième’ philosophie, il introduit un élément nouveau et essentiel pour la question des limites conceptuelles : Wittgenstein s’oppose alors vigoureusement à l’idée que tous nos concepts devraient être parfaitement délimités (pour avoir un sens). Cela vaut notamment, et peut-être plus particulièrement, pour les concepts que Wittgenstein qualifie de ‘psychologiques’, à la description desquels il consacre sa ‘dernière philosophie’4. Par ‘concepts psychologiques’, il faudra entendre l’ensemble des concepts que nous utilisons pour parler de l’esprit ou pour décrire le comportement d’un individu doté d’un esprit5.

Autrement dit, la philosophie de Wittgenstein, au fil de textes très différents, nous donne matière à réfléchir d’une part sur la question de la signification, donc sur la limite entre le sens et le non-sens. Et d’autre part, elle nous incite à jeter un nouveau regard sur un ensemble de concepts, certes importants dans la philosophie ‘traditionnelle’, mais dont la délimitation s’avère particulièrement difficile : les concepts mentaux ou psychologiques – dénomination qui rassemble déjà de manière problématique des concepts aussi différents que savoir, s’émouvoir, sentir, percevoir, espérer, croire, avoir l’intention, comprendre.

Nous nous proposons d’aborder le problème de la délimitation conceptuelle en reprenant ces deux points : ainsi, il s’agira d’examiner dans un premier temps la critique wittgensteinienne de la thèse selon laquelle un concept doté d’une signification implique une parfaite détermination, pour ensuite saisir les enjeux de cette critique dans le domaine de la philosophie de l’esprit. L’analyse des concepts mentaux pourra ainsi apparaître comme une illustration ou une conséquence de la position défendue à propos de la signification : plutôt que de faire de l’esprit une chose radicalement distincte du corps, ou de chercher à tracer (à partir d’un critère problématique) une ligne de démarcation parfaitement nette entre ce qui relève du corps et ce qui relève de l’esprit, il s’agit de multiplier les descriptions, en étant attentif aux différences, de manière à se donner une vue d’ensemble du fonctionnement de nos concepts lorsque nous parlons des phénomènes mentaux. La question de la délimitation conceptuelle peut ainsi nous conduire à une manière nouvelle de philosopher, et en particulier lorsque nous abordons le problème de l’esprit.

I. La stricte délimitation des concepts est-elle nécessaire ?

I.1. Critique de Frege

Pourquoi devrait-elle l’être ? Est-ce à dire que nous n’avons pas un véritable concept tant que celui-ci n’est pas parfaitement déterminé ? L’indétermination des termes semble en effet être simplement synonyme d’imprécision : un terme dont les limites ne sont pas parfaitement déterminé est alors un concept imparfait, qui appelle un travail de clarification, dont le résultat doit être la parfaite délimitation du sens. Or, c’est ce que conteste Wittgenstein, au § 71 des Recherches philosophiques6 :

« ‘Mais un concept flou est-il vraiment un concept ?’ – Une photographie qui manque de netteté est-elle vraiment l’image de quelqu’un ? (…) Frege compare le concept à une circonscription, et il dit qu’une circonscription non clairement délimitée ne peut en aucune façon être nommée ‘circonscription’. Probablement cela veut-il dire que nous ne pouvons rien en faire ».

En effet, pour Frege, un concept qui ne serait pas parfaitement délimité ne pourrait pas ‘fonctionner’ logiquement :

« Eu égard aux concepts, il faut exiger que pour tout argument ils aient une valeur de vérité, que pour tout objet on puisse dire s’il tombe ou non sous le concept. En d’autres termes, il faut que les concepts soient finement délimités, et si cette exigence ne pouvait être satisfaite il serait impossible d’établir les lois logiques qui les régissent »7.

Rappelons que Frege est celui qui introduit l’idée que la grammaire de notre langue peut être trompeuse, d’un point de vue logique. D’où le projet d’une idéographie8, d’une écriture conceptuelle rigoureuse. Certes, il nous arrive d’employer des concepts vagues, tout comme il nous arrive d’employer des expressions ambiguës. Mais ce sont précisément là des défauts de notre langage auxquels il s’agit de remédier.

Par ailleurs, si Frege est la cible principale de Wittgenstein, on peut considérer que l’exigence de parfaite détermination traverse l’histoire de la philosophie depuis Platon. Chez Platon, en effet, l’essence, la forme, l’éidos, est bien ce qui délimite, et ce qui est véritablement ne peut être que parfaitement déterminé. L’indétermination se trouve au niveau du sensible, des ombres, du moindre être.

Mais, loin de la spéculation ontologique, Wittgenstein nous ramène sur le sol de nos pratiques langagières (le « sol raboteux » sur lequel nous pouvons marcher – car « nous voulons marcher, et [pour cela] nous avons besoin de frottements »9) :

« Quand les philosophes emploient un mot – “savoir”, “objet”, “je”, “proposition”, “nom” – et s’efforcent de saisir l’essence de la chose en question, il faut toujours se demander : ce mot est-il effectivement employé ainsi dans le langage où il a son lieu d’origine ?

Nous reconduisons les mots de leur usage métaphysique à leur usage quotidien »10.

Si l’on aborde ainsi le problème, à savoir sous l’angle de la pratique, la question devient alors : est-il vrai que nous ne puissions rien faire avec des concepts indéterminés ? Selon Wittgenstein, au contraire, une relative indétermination dans la circonscription de l’extension des concepts ne nous empêche pas de mener avec eux des pratiques tout à fait déterminées. L’existence d’une relative marge d’indétermination est même requise pour le bon fonctionnement du langage – étant entendu que ce n’est pas parce qu’une limite est floue qu’elle n’existe pas ! Tout semble dépendre du contexte, de la situation pratique dans laquelle nous faisons usage de ce concept :

« Est-ce même toujours un avantage de remplacer une image indistincte par une image nette ? L’image indistincte n’est-elle pas justement celle dont nous avons besoin ? » (Recherches…, § 71).

Cette question nous reconduit nécessairement à prêter attention aux différences entre les cas particuliers, ce que le philosophe animé par une pulsion ou une soif de généralité a souvent tendance à négliger11. Ne doit-il pas alors apparaître que la distinction ou l’exactitude sont toujours affaire de degrés, et s’évaluent à l’aune de ce que nous avons l’intention de faire ? Dans certains cas, une image floue correspond parfaitement à ce dont nous avons besoin – dans d’autres, nous avons besoin de tel degré de précision supplémentaire. Est-ce à dire qu’il faut adopter un point de vue strictement pragmatique et relatif : tout serait relatif à tel ou tel but ? Wittgenstein ne se contente pas d’une telle facilité ; il nous offre une notion pour penser l’essence et la signification en dehors du cadre de la parfaite détermination : la notion d’air de famille.

I.2. Air de famille

La notion d’air de famille est d’abord introduite pour contredire « la soif de généralité » du philosophe, à laquelle nous venons de faire allusion. Elle peut apparaître ensuite comme la réponse de Wittgenstein à un des problèmes parmi les plus difficiles de l’histoire de la philosophie : celui des universaux12. Le philosophe peut être tenté de faire correspondre des entités (les Idées platoniciennes, par exemple) aux termes généraux, pour rendre compte de la participation commune d’une pluralité de choses à une même propriété. Nous désignons en effet de nombreuses choses à l’aide d’un seul et même nom – n’est-ce pas parce que ces choses ‘participent’ d’une même essence ? Or, cette notion d’essence semble détruite par l’exemple le plus célèbre de Wittgenstein, celui du jeu :

« Cette soif de généralité est la résultante de nombreuses tendances liées à des confusions philosophiques particulières. Il y a la tendance à chercher quelque chose de commun à toutes les entités que nous subsumons communément sous un terme général. Nous avons tendance à penser qu’il doit par exemple y avoir quelque chose de commun à tous les jeux, et que cette propriété commune justifie que nous appliquions le terme général ‘jeu’ à toutes les jeux ; alors qu’en fait les jeux forment une famille dont les membres ont des ressemblances de famille. Certains d’entre eux ont le même nez, d’autres les mêmes sourcils, et d’autres encore la même démarche ; et ces ressemblances se chevauchent. L’idée qu’un concept général est une propriété commune à ses cas particuliers se rattache à d’autres idées primitives et trop simples sur la structure du langage » (Cahier bleu, p. 57-58)

Il n’y a toutefois pas de raison de penser que la notion d’air de famille vaille pour tous les concepts, et qu’il soit inconcevable de considérer certains concepts comme ‘parfaitement déterminés’. Ce qui est visé, ce sont avant tout des concepts clés de la philosophie : nombre, langage… qui donnent lieu à de véritables ‘maladies philosophiques’. La démarche de Wittgenstein se veut en effet thérapeutique : les problèmes de la philosophie doivent être conçues comme des maladies, et dans la plupart des cas, la solution est en fait une dissolution du problème ; il s’agit d’une guérison qui se manifeste en ceci que le problème a disparu, il ne fait plus problème. La difficulté étant alors de reconnaître la solution comme étant effectivement la solution, sans chercher quelque chose de plus13.

Les remarques de Wittgenstein sur l’inutilité d’une stricte délimitation des concepts s’inscrivent dans le cadre de cette conception de la philosophie : « le philosophe est l’homme qui doit guérir en lui bien des maladies de l’entendement avant de pouvoir parvenir aux notions de l’entendement humain sain »14. C’est l’attention au fonctionnement ordinaire de notre langage qui nous permet de saisir que la plupart de nos concepts n’ont pas de limites strictes ; et c’est précisément d’un certain rapport au langage que naissent les maladies philosophiques : le philosophe considère le langage au repos, abstraction faite de la multiplicité de ses usages, alors qu’il faudrait le considérer « au travail » (Recherches philosophiques, § 109). Dès lors, comme le dit Bouveresse, le philosophe est décrit ici comme une sorte d’ouvrier mystifié qui effectue des gestes inutiles devant une machine tournant à vide : « vous dites qu’il n’est tout de même pas possible que vous ne tissiez pas une étoffe : puisque vous êtes assis devant un métier à tisser – quoique vide – et que vous faites les mouvements du tissage »15.

Concentrons nous donc sur un exemple d’une telle maladie philosophique, véritable « nuage philosophique qui s’est développé en grande partie dans « une goutte de grammaire »16, mais qui met en jeu toute une famille de concepts : les concepts psychologiques.

II. La description des concepts psychologiques

II.1. Description, cas particuliers et vue synoptique

Comme nous l’avons dit, la notion d’air de famille vaut particulièrement pour ces concepts importants de la pensée philosophique, que sont ‘langage’, ‘pensée’… C’est à propos de tels concepts qu’il faut revenir sur la trop grande généralité qui mine les analyses des philosophes. D’où la nouvelle analyse de ces concepts par Wittgenstein – analyse ou plutôt description : description de la grammaire de nos concepts (de notre langage au travail), qui se caractérise par l’attention aux cas particuliers (par quoi il ne faut pas entendre une investigation empirique : ce qu’il s’agit de décrire, c’est le fonctionnement de nos concepts). Cette attention aux cas particuliers reste par ailleurs ordonnée au but suivant : obtenir une sorte de vue d’ensemble, ce que Wittgenstein appelle une vue synoptique :

« Une source majeure d’incompréhension est que nous ne prenons pas une vue synoptique de l’usage des mots. Notre grammaire manque de transparence. Une représentation synoptique produit un type de compréhension qui consiste à ‘voir les liaisons’. D’où l’importance de trouver et d’inventer des termes intermédiaires » 17.

Il n’y a aucune incompatibilité entre vue synoptique et attention aux cas particuliers, dans la mesure où la vue synoptique vise à faire voir les liaisons, ce qui n’est possible que par la découverte des termes intermédiaires. Ceux-ci nous conduisent à abandonner notre recherche d’une limite parfaitement déterminée, permettant de trancher de manière indiscutable ce qu’il en est (du nombre, du jeu, des mathématiques, de la musique, etc.). Comme le note Bouveresse, « les transitions sont […] insensibles et les points de rupture inassignables »18. On retrouve alors l’image du cartographe sur laquelle nous avons ouvert notre propos :

« Considérez la géographie d’un pays pour lequel nous n’avons pas de carte ou sinon une carte en petits morceaux. La difficulté représentée par cette situation est la difficulté représentée par la philosophie : il n’y a pas de vue synoptique. Ici le pays dont nous parlons est le langage et la géographie la grammaire. Nous pouvons aller et venir sans aucun problème dans le pays, mais, lorsque nous sommes contraints de faire une carte, nous nous fourvoyons »19.

Cette insistance sur la description est caractéristique de la démarche philosophique, démarche dont la visée est, comme nous venons de le signaler, thérapeutique, et non explicative :

« Et nous n’avons le droit d’établir aucune sorte de théorie. Il ne doit y avoir rien d’hypothétique dans nos considérations. Nous devons écarter toute explication et ne mettre à la place qu’une description » (Recherches philosophiques, § 109). « La philosophie est vraiment “purement descriptive” » (Cahier bleu, p. 58)

II.2. Les concepts psychologiques

Pour illustrer l’idée qu’un concept n’est pas nécessairement parfaitement déterminé, Wittgenstein prend parfois l’exemple du concept de nombre20 (qui est effectivement un concept important pour tout mode de pensée platonicien), mais force est de constater que les concepts ‘psychologiques’ retiennent de plus en plus son attention en vue d’élaborer une cartographie conceptuelle. Par concepts psychologiques on entend les concepts qui entretiennent une parenté avec celui de ‘pensée’, lequel est un concept qui possède de « larges ramifications », qui nous renvoie à des « phénomènes très variés », très éloignés les uns des autres21.

« Si par exemple nous étudions la grammaire des mots ‘souhaiter’, ‘penser’, ‘comprendre’, ‘vouloir dire’, nous ne serons pas insatisfaits lorsque nous aurons décrit plusieurs cas de souhait, de pensée, etc. Si quelqu’un disait, “Ce n’est certainement pas là tout ce qu’on appelle ‘souhaiter’”, nous lui répondrions “C’est certain, mais tu peux construire des cas plus compliqués si tu en as envie”. Et après tout, il n’y a pas une seule classe définie de traits qui caractérisent tous les cas de souhait (du moins pas si l’on respecte l’utilisation commune du mot). D’un autre côté, si vous souhaitez par exemple, donner une définition du souhait, c'est-à-dire tracer une frontière nette, vous êtes alors libres de la tracer comme vous vous voulez, mais cette frontière ne coïncidera jamais entièrement avec l’usage effectif, puisque cet usage n’a pas de frontière nette » (Le Cahier bleu, p. 59-60).

On le voit, les concepts psychologiques appellent la démarche attentive aux cas particuliers que Wittgenstein exige du philosophe, et le renoncement à une délimitation stricte.

Il y a pourtant bien une caractéristique commune, semble-t-il, à l’ensemble des verbes psychologiques : l’asymétrie de la première et de la troisième personne. Un exemple permet d’illustrer ce dont il s’agit :

i) ‘Je ressens de la douleur’

ii) ‘Il ressent de la douleur’

L’asymétrie consiste en ceci que si la seconde phrase est susceptible d’erreur, ce n’est pas le cas de la première : il est tout simplement absurde, dénué de signification, de demander à la personne prononçant la première phrase : ‘en es-tu sûr ?’. Mais attention ! Ce qui est essentiel pour comprendre la position de Wittgenstein, c’est qu’il s’agit là d’un fait de grammaire, qui ne doit pas nous renvoyer à des considérations métaphysiques sur la certitude du ‘je pense’, ni nous autoriser à croire en une méthode introspectionniste en psychologie. Bien au contraire ! En effet, loin d’être la source d’un savoir indubitable, comme le veut Descartes par exemple, l’énoncé en première personne à propos d’un verbe psychologique n’est justement pas un savoir. Cette asymétrie ne nous renvoie pas à un accès privilégié à mes propres vécus, susceptible de donner lieu à des développements solipsistes22. Ce n’est pas parce que je possède un accès privilégié et immédiat à mes propres états (à mon intériorité) que je peux dire à la première personne des choses que je ne pourrais pas dire à la troisième, au sens où nul autre que moi ne pourrait prétendre à un tel accès. Comme l’écrit C. Chauviré, « dire ‘je’ est moins parler de soi qu’instaurer un système de repérage égocentré et amorcer un jeu de langage »23. Wittgenstein ne prétend donc pas avoir par là découvert l’essence du mental, mais il a bel et bien élucidé une spécificité ‘grammaticale’ de ces verbes. C’est une question d’usage linguistique de ce mot particulier, ‘je’ (et on pourrait parfaitement se passer de ce mot, et le remplacer par un autre système de notation) – il n’y a pas à ‘hypostasier’ ce fonctionnement du langage (ce que Wittgenstein appelle un jeu de langage) pour faire du sujet grammatical un sujet métaphysique doté de propriétés étonnantes. Cette erreur à propos du mot ‘je’ est tout à fait paradigmatique des confusions philosophiques enracinées dans le langage que traque Wittgenstein.

Cette caractéristique grammaticale ne délivre donc pas une essence, et ne peut prétendre être le dernier mot de l’analyse des concepts psychologiques : nous n’avons atteint aucune vision synoptique du fonctionnement de ces verbes. Pour produire une telle vue, Wittgenstein se risque à des tentatives de classification – mais l’idée même de classification n’implique-t-elle pas une délimitation rigoureuse des concepts ? Wittgenstein, tout en proposant des classifications24, maintient qu’on ne saurait traiter du mental, des concepts psychologiques, en élaborant un système « à la manière de Linné »25. Comme le note Rosat, la recherche d’exactitude, de parfaite cohérence, de complétude, serait illusoire ; nous n’avons pas affaire à des concepts scientifiques :

« Les concepts de la psychologie sont tout bonnement ceux de la vie quotidienne. Ce ne sont pas, comme ceux de la physique et de la chimie, des concepts nouveaux, formés par la science pour ses besoins propres » (Remarques sur la philosophie de la psychologie, II, § 62).

Mais comme l’écrit encore Rosat : « ne pas chercher l’exactitude, ce n’est pas un défaut ou une marque d’impuissance : c’est ne renoncer à rien puisque la description de la vie psychique ne peut pas, au sens grammatical de pouvoir, être plus exacte que ne l’est le phénomène »26.

Une approche ‘impressionniste’27 est alors nécessaire, car on touche, avec ces concepts, à des aspects fondamentaux de notre forme de vie. Peut-être tout concept (y compris les concepts mathématiques, par exemple) s’enracine-t-il en dernier lieu dans une forme de vie, mais les concepts psychologiques demeurent particuliers, dans la mesure où il reflètent l’imprévisibilité du comportement humain. C’est la richesse de notre forme de vie qui produit des concepts divers et nuancés, difficilement réductibles à des concepts très (trop) généraux, tels que « expérience vécue », ou même « perception des sens »28. Des concepts trop rigides sont tout aussi peu adaptés à la description du comportement humain – d’où une nécessaire indétermination. Certes, pour décrire des situations et des cas plus simples, on peut envisager d’avoir des concepts nettement définis29. Mais pour interpréter un comportement humain, nous sommes toujours confrontés à une incertitude, qui a sa source dans l’élasticité de nos concepts, élasticité indispensable à notre usage :

« L’incertitude sur le point de savoir si l’autre souffre […]. L’incertitude est différente cas par cas, c’est une oscillation du concept. Mais tel est notre jeu – nous le jouons avec des instruments élastiques.

Ne pourrait-il y avoir des hommes qui n’auraient jamais été dans le cas de ressentir cette incertitude ? […]

Et ces gens là ne pourraient-ils jouer le jeu avec un concept rigide ? – Il différerait alors du nôtre d’une étrange manière. Car là où tous nos concepts sont élastiques – dans le cours changeant de la vie – nous ne pourrions nous accommoder d’un concept rigide.

Et même n’est-il pas nécessaire que tout concept du comportement n’ait qu’un contour imprécis, afin de pouvoir servir vaille que vaille au jeu que nous jouons avec de tels concepts ? »30.

Quelle est la caractéristique des comportements humains qui exige cette ‘souplesse’ conceptuelle : la diversité, la complexité, l’imprévisibilité :

« Je pense que la non-prévisibilité doit être une propriété essentielle du mental. Tout comme l’est également la multiplicité infinie de l’expression. […]

Les nuances subtiles importantes du comportement ne sont pas prédictibles » (L’intérieur et l’extérieur, p. 85-86)

Qu’est-ce en effet qu’un comportement parfaitement prévisible ? C’est ce que nous appelons un comportement mécanique et automatique – mais précisément, c’est de cette façon que nous nous représentons un être dépourvu d’âme et d’intériorité.

III. Enjeux

Les textes de la ‘dernière’ philosophie de Wittgenstein peuvent avoir un aspect déroutant, dans la mesure où il s’agit de remarques dont il est parfois très difficile d’identifier la portée philosophique (tant le style est nouveau). Il me semble que les rattacher au problème que nous avons examiné en première partie, à savoir la question de la nécessité, ou non, pour un concept d’être parfaitement déterminé, est une manière de réinscrire ces analyses minutieuses sur notre langage, sur nos verbes ‘psychologiques’, dans le cadre d’une problématique essentielle de la philosophie : celle de la signification et de l’essence. Dès lors la critique de la pulsion de généralité des philosophes, notamment à propos de ces concepts psychologiques, est susceptible de toucher un certain nombre de cibles précises dans le domaine de la philosophie de l’esprit. Les quelques exemples qui suivent se veulent autant de pistes pour des confrontations possibles.

III. 1. Descartes

Dans le domaine de la philosophie classique, la cible la plus évidente semble être celui qui inaugure la philosophie moderne de l’esprit et de la subjectivité, à savoir Descartes. On a très souvent pointé la critique par Wittgenstein d’un mythe de l’intériorité, dont Descartes serait un des principaux représentants. Il s’agit là de l’idée selon laquelle la pensée se définit essentiellement comme un processus intérieur, caché, privé. Ce point est certes important mais on peut faire valoir que cette critique wittgensteinienne concerne aussi le caractère général de la définition cartésienne de la pensée. Ce caractère est particulièrement apparent dans la définition que Descartes donne de la pensée dans les Principes de la philosophie : « par le mot de penser, j’entends tout ce qui se fait en nous de telle sorte que nous l’apercevons immédiatement par nous-mêmes » (I, § 9). Le champ du mental est ainsi parfaitement délimité comme ce dont nous sommes immédiatement conscient, au sein de notre intériorité. Le monde physique (corps compris) est lui extérieur, pure extériorité, partes extra partes, dira Merleau-Ponty.

Mais quel est le prix d’un tel concept de la pensée ? Cela implique de construire un concept très étrange de sensation, par exemple ; cela implique aussi d’inclure un acte de réflexion au sein d’actes mentaux très divers. Qu’il y ait des formes de pensées susceptibles d’impliquer un acte de réflexion par lequel je m’aperçois de ce qui se passe en moi-même, c’est incontestable ; mais est-ce le cas de toute forme de pensée ? Une telle conséquence est pour une part le produit d’une mythologie de l’intériorité, qui conduit à faire de la pensée un ensemble de processus intérieurs ; mais pour une autre part d’une pulsion de généralité, qui conduit les philosophes à construire des concepts artificiels et aveugles aux différences.

III.2. Sciences cognitives

Deuxièmement, on peut se demander si la ‘thèse’ wittgensteinienne de l’indétermination des concepts psychologiques n’est pas une mise en garde à l’égard de toute psychologie qui voudrait se présenter comme science – nous pensons surtout aujourd’hui aux sciences cognitives. Toute la philosophie de la première moitié du 20ème siècle est travaillée par le rapport à une psychologie qui tente de se constituer comme science autonome. Or, il est inconcevable que des Remarques sur la philosophie de la psychologie aient pour objet une description des concepts mentaux sans réflexion aucune sur la façon dont la psychologie traite du mental. Les allusions à la psychologie comme discipline scientifique sont certes rares chez Wittgenstein ; cela ne signifie pas que ses remarques n’aient aucune portée sur la psychologie. La lecture de Wittgenstein est souvent la source d’une certaine méfiance à l’égard des sciences cognitives, d’abord à cause du retour d’un vocabulaire internaliste (ou de l’intériorité) qui s’opère à travers elles. L’attitude de Bouveresse est ici exemplaire, lorsqu’il se plaint des non-sens philosophiques que l’on accepte « depuis qu’au lieu de ce qui se passe ‘dans l’âme’, ou ‘dans l’esprit’, on parle, d’une façon qui est censée être beaucoup plus scientifique, de ce qui se passe ‘dans le cerveau’ »31. N’y a-t-il là pas une forme d’« obscurantisme », interroge Rosat ? Précisons immédiatement que la philosophie, d’un point de vue wittgensteinien, ne saurait se situer en position de surplomb à l’égard de la science, ou encore être à même de mettre au jour les fondements (ontologiques ou métaphysiques) de la science, contrairement à une attitude que l’on trouve du côté phénoménologique. Mais toute la question est bien de savoir si on a affaire à une véritable science de l’esprit. Il ne s’agit pas de mépriser le travail fait par les chercheurs en sciences cognitives – mais éventuellement de démonter des mythes qui n’ont rien de scientifique. Ce n’est pas la science qui est visée, ce sont des images qui sont élaborées notamment par des philosophes – mais qui peuvent se trouver reprises par des scientifiques32.

Comme vis-à-vis de Descartes, la première critique qui vient à l’esprit est celle qui touche à un usage non-contrôlé d’une image, celle de l’intériorité. Mais un deuxième niveau de critique est sans doute possible, touchant plus précisément à notre thème des limites : comment une science de l’esprit va-t-elle régler le problème de la classification des concepts mentaux, étant entendu qu’il ne s’agit précisément pas de concepts scientifiques – mais également que leur ‘flou’ ne relève pas d’une imprécision à laquelle il faudrait remédier ? Il ne s’agit pas de dire que ‘le vécu’ est tellement riche qu’il est indescriptible, et qu’il est notamment inaccessible à la sécheresse de l’explication scientifique : nous le décrivons bel et bien – mais à l’aide de concepts ‘inexacts’… qui sont tout à fait appropriés, puisqu’on ne sait pas ce que serait, en l’occurrence, une description exacte. Le problème, c’est que l’on peut se demander s’il n’y a pas là une fin de non-recevoir à l’égard de toute approche scientifique, dans la mesure où une telle démarche exige des concepts strictement définis. Sans rabattre l’approche wittgensteinienne sur une critique caricaturale de la science, il y a néanmoins ici un véritable point d’interrogation. Nous pensons qu’il faut y voir une invitation à traquer les mythes (encore une fois, il s’agit de mythes avant tout philosophiques, et non scientifiques) au sein même des sciences, quelles qu’elles soient – mais peut-être les sciences de l’esprit sont-elles particulièrement sujettes à l’influence d’images forgées par les philosophes !

III.3. Phénoménologie

Dernière piste de réflexion que nous aimerions ouvrir : la phénoménologie n’est-elle pas susceptible d’échapper à la critique, par son attention à décrire les différentes modalités de l’intentionnalité, au sein même d’une structure générale ? L’impératif de description invoqué par Husserl, qui proclame que la phénoménologie est une science descriptive, n’offre-t-il pas un point de rencontre avec Wittgenstein ? Un tel souci est adossé à une réforme de la notion d’essence, en un sens non platonicien, qui implique une méthode originale (ce que Husserl appelle ‘variation éidétique’). Pour une telle science descriptive, orientée vers la recherche d’essences ainsi définies, le vague n’est plus une « tare »33 – idée forte dont nous avons vu la portée polémique (notamment à l’égard de Frege) chez Wittgenstein. Tous ces éléments ne donnent-il pas lieu de penser que la phénoménologie serait à même d’élaborer un discours sur la subjectivité, l’esprit et la conscience susceptible de résister à la critique wittgensteinienne ?

La notion d’expérience vécue, ou de vécu pourrait certainement devenir l’objet d’une cible de la part d’un lecteur de Wittgenstein – la phénoménologie se définissant en effet comme « théorie descriptive de l’essence des purs vécus »34. En effet, même si le terme de description est une convergence manifeste avec Wittgenstein, même si la notion phénoménologique d’essence échappe à la critique de l’exigence de parfaite détermination, qu’en est-il de la notion de vécu ?

« Le concept d’expérience vécue […], de “ce qui se passe”, […] de processus, d’état, de “quelque chose”, de fait, de description et de compte rendu. Nous nous figurons qu’ici nous prenons pied sur la terre ferme de l’origine, plus profond que toutes les méthodes et tous les jeux de langage spécifiques. Mais ces termes […] se rapportent en fait à une quantité énorme de cas spéciaux, mais cela ne les rend pas plus fermes, cela les rend seulement plus fuyants »35.

La prétention de la phénoménologie à mettre au jour un sol originaire en deçà de nos jeux de langage est-elle légitime ? Nous ne prétendons bien sûr pas répondre ici ! Tout le problème, dans le cadre de notre question initiale, serait de savoir si elle parvient à prendre en compte cette diversité de ‘cas’ qui peuvent se trouver mobilisés dans la notion de vécu ; si elle reste prisonnière de ce concept ; si celui-ci n’est pas un nouveau métier à tisser vide.

Conclusion

Tout cela demanderait évidemment à être approfondi : la lecture de Wittgenstein conduit-elle nécessairement Descartes aux oubliettes, ou une véritable confrontation est-elle possible ? En ce qui concerne les sciences cognitives, ne pourrait-on imaginer des chercheurs en sciences cognitives tirant profit de la lecture de Wittgenstein, comme l’ont fait par exemple les sociologues pour se garantir de l’introduction de certaines mythologies au sein de leur science36 ? A quels résultats peut espérer aboutir le dialogue récemment entamé entre phénoménologues et héritiers de Wittgenstein37 ? Nous laisserons ces questions ouvertes : en effet, il s’agissait seulement de montrer que les analyses de Wittgenstein ne tournent pas à vide (à l’attention de ceux qui voudraient retourner contre lui cette image), et qu’à partir d’une réflexion sur les délimitations de nos concepts, on pouvait soulever des questions fondamentales dans un domaine comme celui de la philosophie de l’esprit. Ainsi, le travail ne manque pas pour qui voudrait prolonger ces descriptions ‘grammaticales’, et les confronter aux définitions générales de la philosophie, ainsi qu’aux concepts des sciences cognitives. Ou encore tenter de produire une phénoménologie susceptible de ne pas être une nouvelle mythologie philosophique sur la subjectivité.

Notes

1 The concept of mind, trad. fr. S. Stern-Gillet, réédition Payot-Rivages, 2005, p. 71. Retour au texte

2 La notion d’esprit, p. 82. Retour au texte

3 Ryle, « Use, usage and meaning », in Collected paper, vol. II, p. 413, cité par Antoniol, Lire Ryle, De Boeck, Bruxelle, 1993, p. 30 Retour au texte

4 Très schématiquement, on distingue au moins deux moments chez Wittgenstein : cette vision s’impose dans la mesure où après avoir publié son Tractatus logico-philosophicus en 1921 Wittgenstein abandonne la philosophie jusqu’en 1929. La période des années 30 marque une transition vers le point culminant de la dite ‘seconde philosophie’ (écrite dans un style très différent, et contenant des critiques explicites du Tractatus) : les Recherches philosophiques. Ce texte ne doit pas être séparé des ‘derniers écrits’ sur la philosophie de la psychologie, qui nous intéressent particulièrement : deux volumes de Remarques sur la philosophie de la psychologie et deux volumes édités précisément sous le titre Derniers écrits sur la philosophie de la psychologie. La question de l’importance de la rupture – ou au contraire de l’éventuelle continuité – entre ces deux philosophies a donné lieu à une littérature immense. Retour au texte

5 On peut rappeler que « la philosophie de l’esprit » désigne un champ philosophique à part entière, du moins dans les pays anglo-saxons. Les questions fondamentales qui y sont traitées sont évidemment : qu’entend-on par esprit ? Quel type de réalité est-ce là ? Quels sont les critères du mental ? A l’aide de quels concepts peut-on décrire l’esprit ? Quels sont les rapports de l’esprit à la nature ? En un sens, ce sont des questions qui ont été soulevées durant toute l’histoire de la philosophie ; mais la philosophie de l’esprit comme domaine de recherche spécifique apparaît au 20ème siècle, une fois effectuée la séparation entre philosophie et psychologie. Voir sur ce point la préface de P. Engel à l’excellent manuel de M. Esfeld, La philosophie de l’esprit, Armand Colin, 2005. Un autre excellente introduction : Fisette et Poirier, Philosophie de l’esprit. Etats des lieux, Vrin, 2000. Retour au texte

6 Pour un commentaire rapide de ce texte, cf. S. Plaud, Wittgenstein, Ellipses, 2009. Retour au texte

7 « Fonction et concept », in Écrits logiques et philosophiques, tr. fr. C. Imbert, Paris, Seuil, 1971, p. 103 Retour au texte

8 Begriffschrift : titre d’un ouvrage de Frege paru en 1879. Retour au texte

9 Recherches philosophiques, § 106 (publication posthume 1953 ; tr. fr. Dastur, Elie, Gautéro, Janicaud et Rigal, Gallimard, 2004). Abrégé Recherches… dans la suite. Retour au texte

10 Recherches…, § 116. Retour au texte

11 Cf. le Cahier bleu, tr. fr. Goldberg et Sackur, Gallimard, 1996, p. 57-58 : « cette soif de généralité est la résultante de nombreuses tendances liées à des confusions philosophiques particulières […]. Au lieu de “soif de généralité”, j’aurais aussi bien pu dire “l’attitude dédaigneuse à l’égard du cas particulier” » Retour au texte

12 Qu’il s’agisse bien d’une réponse au problème des universaux est parfois discuté. Retour au texte

13 Bouveresse, Le philosophe et le réel, p. 129. Retour au texte

14 Remarques sur les fondements des mathématiques, cité par Bouveresse, « Langage ordinaire et philosophie », in La parole malheureuse, Editions de Minuit, 1971, p. 302. Retour au texte

15 Recherches…, § 144, cité par Bouveresse, op. cit., p. 300. Retour au texte

16 Wittgenstein emploie cette expression (« un nuage de philosophie dans une goutte de grammaire ») à propos de la formule ‘je sais que je pense’. Retour au texte

17 Recherches…, § 122. Retour au texte

18 « Langage ordinaire et philosophie », in La parole malheureuse, p. 317. Retour au texte

19 Cité par Bouveresse, « Langage ordinaire et philosophie », p. 310. Retour au texte

20 Cf. Recherches philosophiques, § 17. Retour au texte

21 « Peut-être certains souhaiteront-ils dire que ‘l’attente est une pensée’. Ce qui correspond manifestement à un emploi du mot ‘attendre’. Et nous voulons seulement nous souvenir que les processus de pensée peuvent être très variés » (Fiches, tr. fr. Cometti et Rigal, 2008, § 63). « ‘Penser’ est un concept qui possède de larges ramifications, qui contient en lui-même de nombreuses manifestations de la vie. Les phénomènes de la pensée sont à grande distance les uns des autres » (Fiches, § 110) Retour au texte

22 Si je peux douter de tout énoncé à la troisième personne, si seuls les énoncés à la première personne sont absolument indubitables, on peut mettre en question l’existence d’autrui, mon existence seule demeurant certaine. Retour au texte

23 Cf. L’immanence de l’ego. Langage et subjectivité chez Wittgenstein, Puf, 2009. Retour au texte

24 A propos de l’entreprise de classification, Wittgenstein écrit : « savoir, croire, espérer, craindre (entre autres) sont des concepts de nature si différente, que leur classification, leur rangement dans des compartiments différents n’est pour nous d’aucune utilité. Mais nous voulons reconnaître quelles sont les différences et les ressemblances entre eux » (Etudes préparatoires à la seconde partie des Recherches, cité par Rosat, p. 19). Il faut sans doute comprendre que la classification est utile pour l’élaboration de la vue synoptique, mais qu’il ne faut pas croire que l’on est en train de distribuer les concepts au sein d’un même espace logique, en subordonnant les concepts les plus particuliers au plus généraux (par exemple, celui d’expérience vécue). Retour au texte

25 Sur cette classification, cf. l’article de Rosat auquel nous empruntons beaucoup, « L’indétermination des concepts psychologiques », in Chauviré, Laugier, Rosat (éd.), Wittgenstein : les mots de l’esprit. Philosophie de la psychologie, Vrin, 2001. Retour au texte

26 Rosat, art. cit., p. 16. Retour au texte

27 Cf. Rosat, art. cit. p. 20. Retour au texte

28 Cf. Remarques sur la philosophie de la psychologie, II, § 58-61, où Wittgenstein va jusqu’à imaginer un état du langage où un terme général comme celui de sensation n’existerait pas : « il faut réfléchir au fait qu’il peut exister (et que sans doute il a existé effectivement) un état du langage dans lequel celui-ci ne possède pas le concept générale de sensation et possède pourtant des mots correspondant à nos termes “voir”, “entendre”, “goûter” ». Outre Rosat, cf. Glock, p. 446. Retour au texte

29 « Si on suppose une diversité moindre [que celle des cas offerts par la nature humaine], une forme conceptuelle nettement définie devrait apparaître d’elle-même », Remarques sur la philosophie de la psychologie, § 614. Retour au texte

30 Etudes préparatoires…, § 243-247, cité par Rosat, p. 37. Retour au texte

31 Bouveresse, Le philosophe et le réel, entretiens avec J.-J. Rosat, Hachette, 1998. p. 158. Retour au texte

32 Cf. Bouveresse, idem. Retour au texte

33 Cf. Idées directrices pour une phénoménologie et une philosophie phénoménologique pure (1913), § 74, « sciences descriptives et sciences exactes » (trad. Ricoeur, Gallimard, p. 236). Retour au texte

34 Titre du § 75 des Idées directrices… Retour au texte

35 Remarques sur la philosophie de la psychologie, § 648. Retour au texte

36 Sur Wittgenstein et la sociologie, il faudrait d’abord citer l’ouvrage inaugural de P. Winch : L’idée d’une science sociale et sa relation à la philosophie (1958, trad. fr. Gallimard, 2009). Bourdieu a été un grand lecteur de Wittgenstein (voir par exemple « Wittgenstein, le sociologisme et la science sociale », in Bouveresse, Laugier, Rosat (dir.), Wittgenstein, dernières pensées, Agone, 2002). Pour des synthèses sur le sujet : Ogien, Les formes sociales de la pensée. La sociologie après Wittgenstein, Armand Colin 2007 ; Le Du, La nature sociale de l’esprit. Wittgenstein, la psychologie et les sciences humaines, Vrin, 2004. Retour au texte

37 Voir par exemple Benoist et Laugier, Husserl et Wittgenstein. De la description de l’expérience à la philosophie linguistique, Olms, 2004. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Jonathan Racine, « Le problème de la délimitation des concepts psychologiques chez Wittgenstein », Sciences humaines combinées [En ligne], 5 | 2010, publié le 01 mars 2010 et consulté le 03 décembre 2024. DOI : 10.58335/shc.173. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/shc/index.php?id=173

Auteur

Jonathan Racine

Doctorant en Philosophie, Centre Georges Chevrier - UMR 5605 - UB

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