Quelques réflexions sur la constitution du sujet social dans le Lazarillo et le Guzmán de Alfarache : poétique des valeurs et normes sociales

DOI : 10.58335/filiations.97

Résumés

Le présent travail tente d’offrir une lecture sociale des deux premiers romans dits « picaresques » - le Lazarillo de Tormes, publié en 1554, et le Guzmán de Alfarache de Mateo Alemán (1599-1604). Par ‘social’, il ne faut pas seulement entendre le fait que ces deux textes recourent abondamment à la satire des us et coutumes de l’Espagne du XVIe siècle en mettant en scène différents types sociaux, aussi bien plébéiens ou bourgeois qu’aristocrates. En réalité, l’écriture des deux œuvres semble avoir en commun une inclination marquée pour la réflexion sur des valeurs morales et sociales à partir du récit circonstancié et à la première personne des aventures du protagoniste. Néanmoins, le Guzmán de Alfarache paraît délivrer un message encore plus négatif et pessimiste sur la stérilité de la société espagnole et l’inanité des valeurs qui y règnent.

This article approaches the social dimensions of the first picaresque novels, Lazarillo de Tormes, published in 1554, and Guzmán de Alfarache written by Mateo Alemán between 1599 and 1604. These texts represent the 16th century Spanish ways and customs in a satirical perspective. Actually, these two novels, based on the narration of a protagonist who speaks in the first person, have something in common: relying on the narration of a single character, they tend to reflect on moral and social values. However, Guzmán de Alfarache seems to deliver a more negative and pessimistic perception of the Spanish society and its amorality.

Plan

Texte

Depuis le Lazarillo de Tormes, récit qui, comme on le sait, inaugure l’existence du genre, le roman picaresque est inséparable d’un discours social qui semble appartenir à sa trame même et constituer l’une de ses principales caractéristiques. Pour s’en convaincre, il suffit de considérer la différence qui sépare des textes comme le Lazarillo et le Guzmán de Alfarache de Mateo Alemán des œuvres cervantines : si ces dernières abondent en annotations et précisions passionnantes sur les différentes sociétés représentées, une lecture strictement sociale ne pourrait en aucune manière rendre compte du sens ultime de ces textes. La condition d’un protagoniste, l’écart social qui sépare deux héros peuvent être un élément de l’intrigue mais ne constituent jamais le principal si l’on songe à La ilustre Fregona ou – bien plus encore – à des nouvelles dites picaresques comme Rinconete y Cortadillo ou El coloquio de los perros. L’ingéniosité et la créativité cervantines se refusent, de manière quasiment irréductible, à une limitation du texte à sa dimension sociale et privilégie une réflexion incessante sur l’identité.

La singularité de la représentation sociale dans les œuvres que la critique littéraire nomme « picaresques » ne peut se limiter à la présence d’une série de portraits satiriques de différentes catégories sociales et doit être abordée comme relevant de l’obsession. L’omniprésence des précisions d’ordre social est en effet l’indice d’un intérêt systématique et obsessionnel pour la représentation et la projection sociales du protagoniste et prend la forme d’une superposition entre l’observation sociologique et la matière narrative1. Cet entêtement à disséquer la société naît de l’identité du protagoniste que l’on pourrait énoncer de la manière suivante : issu de la frange inférieure, quand ce n’est pas de la marginalité la plus franche et repoussante, le héros picaresque a conscience d’être en puissance plus que ce qu’il n’est, de pouvoir atteindre un statut autre que le sien. Cette conscience de sa propre valeur s’accompagne d’un pragmatisme tout aussi éblouissant que comique dont le principal signe est bien cette capacité à s’accommoder du réel tel qu’il est grâce à un usage constant de son esprit (ingenio) ; ce dernier lui permet d’identifier la condition des personnes rencontrées, de se conformer en apparence à leurs lois et normes pour mieux les tromper et les subvertir en privilégiant toujours son propre intérêt. Aussi les différents romans picaresques apparaissent-ils comme des odyssées sociales – marquées par l’astuce, la ruse et les nombreux expédients forgés par l’intelligence vive du pícaro – qui peinent à déboucher sur la consécration de ces talents2. Cette tension entre le désir et la réalité ne trouve pas de véritable solution, comme si la supériorité ingénieuse du héros picaresque ne pouvait donner lieu à une victoire durable et à la conquête d’un statut social (asiento). Ainsi, outre ce souhait – si l’on peut oser l’anachronisme – d’une mobilité sociale, on voit se multiplier, au cours du récit, des éléments qui relèvent de la sémiologie sociale et qui s’appuient sur une poétique des valeurs assez aux contours difficiles à cerner. Cette profondeur de vue, née du regard de la première personne, loin de se soumettre à un paradigme réaliste hérité du XIXe siècle, semble plutôt renvoyer à un regard clinique posé sur le corps social et ses différentes maladies et insuffisances.

L’itinéraire picaresque se fonderait donc sur des figures sociales récurrentes qui seraient complémentaires et dont la première serait, pour le protagoniste, une projection de soi au sein d’un discours de l’ascension sociale, du medrar. De manière plus globale, cette construction s’établirait, dans le cas du Lazarillo de Tormes et du Guzmán de Alfarache, sur une alternance entre modèle et anti-modèle social qui reposent sur une interrogation fondamentale : comment vivre avec autrui ? La démarche du pícaro et de son créateur est une démarche interrogative qui ne lasse pas d’observer les incohérences, absurdités et scandales de la vie de la communauté politique, économique et morale. Dans cet écheveau d’interrogations sur le vivre-ensemble, le Lazarillo de Tormes nous semblerait constituer une position initiale du problème qui nous offre un portrait du gueux entre parcours personnel et genèse de valeurs sociales. Cette constitution de soi comme sujet social présente dans le Lazarillo serait ensuite amplifiée par le Guzmán de Alfarache qui proposerait au lecteur les différentes étapes de la quête frustrante d’une vocation sociale par le protagoniste.

L’apologie de Lazare : honneur et anti-honneur dans le Lazarillo de Tormes

Depuis les travaux pionniers de Marcel Bataillon, Fernando Lázaro Carreter et Francisco Márquez Villanueva3, la critique s’est souvent penchée sur les caractéristiques et l’originalité de la première personne du Lazarillo de Tormes. Toute idée de reconstitution précise, cohérente et exhaustive de la configuration mentale du protagoniste semble cependant de l’ordre de l’utopie si l’on considère l’extrême complexité de la pensée qui relie les principales valeurs morales du texte. Quel est le sens de cette complexité et comment l’appréhender ? Il convient préalablement de formuler deux postulats qui pourront, dans un premier temps, être de précieux guides afin de percer quelque peu cette difficulté lazarillienne. Nous pourrions définir tout d’abord le récit anonyme comme une démonstration qui confère au discours autobiographique une valeur de modèle : sans préjuger en rien de l’exemplarité (positive ou négative) liée au parcours du protagoniste, il nous faudra mesurer à quel point les différents épisodes conduisent non seulement au dénouement de l’œuvre mais également à l’écriture de la pseudo-autobiographie qui apparaît comme une nécessité impérieuse aux yeux de Lazare de Tormes. Outre cet aspect axiologique qui donne à chaque anecdote ou aventure du protagoniste une valeur précise au sein d’une argumentation sérielle, il sera nécessaire de penser l’imbrication très étroite qui relie l’intérieur et l’extérieur, le moi et le groupe, l’intimité et la vie sociale. Toute valeur sociale dérive en effet d’une notion morale à la fois individuelle et collective, pensée, ressentie, vécue par une communauté à la fois religieuse et politique.

La valeur qui retiendra ici notre attention – l’honneur (honra) – est fort commune dans l’Espagne du XVIe siècle et nous semble de surcroît concentrer une grande part de l’expérience humaine de Lazare dans la mesure où la progression de l’action et le dénouement se feront en fonction du sens qu’il parviendra à attribuer à ce terme. Aussi aborderons-nous le questionnement que cette œuvre nous propose sur la relativité des valeurs sociales à travers une réflexion sur l’inanité du concept d’honneur face à la quête d’une situation sociale qui puisse assurer au protagoniste une forme de survie.

Il convient avant tout de rappeler brièvement que le Lazarillo recueille toute une série de réflexions sur l’honneur qui étaient apparues depuis le début du XVIe siècle, suite à la reconquête et à la conversion massive des membres de la communauté juive après les édits de 1492. Dans cette société aux frontières chaque fois plus strictes entre les différentes religions et cultures, le concept de honra tendait à se distinguer de celui de honor dans la mesure où il dépassait le clivage traditionnel entre noble et roturier au profit d’une séparation tout aussi fondamentale entre « homme de bien » et personne peu honorable – séparation qui, du reste, recoupait chaque fois plus fréquemment la distinction entre vieux chrétiens et nouveaux chrétiens. Un des plus grands lexicographes du Siècle d’Or, Sebastián de Covarrubias, définit néanmoins la honra comme la « révérence qui est faite ou l’hommage qui est rendu à la vertu, au pouvoir et quelquefois à l’argent »4. Le flottement constaté – non sans malice – par Covarrubias ne doit pas nous éloigner du trait essentiel de la honra qui est de célébrer une certaine forme de rayonnement social, d’aura individuelle au sein d’une collectivité sans se limiter à l’aristocratie ; en effet, le paysan pauvre, le riche labrador, l’écuyer, le gentilhomme désargenté (hidalgo) et le Grand d’Espagne – tous ont droit à une forme de honra, autrement dit à une forme de respect de leur intégrité et valeur sociales. Est-ce précisément son caractère universel qui explique que le discours picaresque s’attaque aussi violemment à cette notion ? Cherche-t-il à la remplacer, à sceller l’avènement d’une nouvelle poétique des valeurs sociales ? Seule une étude littérale du Lazarillo parviendra à nous guider dans cette critique de la notion d’honneur qui est, comme nous le verrons, consubstantielle à la problématique sociale picaresque.

Le prologue : une renommée double ?

Dès les premiers mots de l’œuvre, la première personne affirme l’originalité de son propos et justifie l’écriture de sa vie en faisant référence à un « amour de l’honneur » (el deseo de alabanza) :

Car si autrement se faisait, bien peu prendraient la plume en main pour le bien d’un seul, vu la peine qu’on en reçoit ; et s’ils la souffrent, à bon droit désirent d’être rémunérés, non par argent, mais seulement en ce que leurs œuvres soient vues et lues, et louées s’il y a lieu. Et à ce propos dit Tullius : « L’honneur nourrit les arts ». Pensez-vous que le soldat qui premier monte en la brèche ait sa vie en horreur ? Non sûrement : c’est pour l’amour de l’honneur qu’il se met en péril5.

La lecture de ces quelques lignes suffit à nous faire comprendre que nous nous trouvons dans une situation d’énonciation – plus exactement, de rédaction – invraisemblable au regard de l’ensemble de l’œuvre6. En effet, si nous considérons que Lazare est l’auteur de ces phrases, nous devons lui reconnaître un maniement pertinent de différentes catégories de la rhétorique classique – le recours subtil à des sentences de Cicéron et de Pline, une parfaite maîtrise de la rhétorique de l’exordium, un usage réitéré et gradué de l’analogie7. Ces différentes armes persuasives s’intègrent dans une revendication d’un honneur conquis de haute lutte et qui provient de l’objet même de l’ouvrage, le récit d’une vie :

Or puisqu’il vous plaît de me mander par écrit que j’écrive et raconte mon affaire tout au long, j’ai estimé qu’il serait bon de commencer, non par le milieu, mais par le commencement, afin que vous ayez entière connaissance de ma personne, – afin aussi que ceux qui ont hérité d’un noble état considèrent combien peu leur est dû, car Fortune a été pour eux partiale, et combien plus ont fait ceux qui, malgré elle, par force et par adresse tirant de l’aviron, ont conduit leur esquif à bon port8.

Selon un processus d’amplification qui a été étudié de manière très détaillée par la critique, « l’affaire » initiale (el caso) qui devait donner lieu à un récit envoyé à un destinataire anonyme (désigné par la formule Vuestra Merced) se voit ici remplacée par un récit autobiographique à la fois complet et ab initio. Au fait ponctuel et déshonorant du caso
– un ménage à trois que le texte nous relate sans ambages – Lazare substitue une vue d’ensemble sur sa propre existence, « l’entière connaissance de [sa] personne ».

Ces deux ensembles de réflexions ou de précisions sur l’écriture du récit et son thème principal – la narration autobiographique – s’inscrivent dans une vieille discussion et s’appuient sur un lieu commun omniprésent depuis l’Antiquité : l’honneur provient-il du lignage d’un individu ou bien n’est-il pas précisément la récompense obtenue par l’individu entreprenant et industrieux ? Cette controverse ancienne qui opposait Salluste et Cicéron trouve dans le prologue du Lazarillo une reformulation qui va dominer l’ensemble du récit anonyme. L’adage des Tusculanes, honos alit artes, doit être compris comme un éloge de la conception méritoire et anti-aristocratique de l’honneur et, comme a pu le souligner Antonio Rey Hazas, elle s’inscrit dans une critique humaniste radicale qui est apparue dans certains écrits contemporains du Lazarillo9.

Ainsi, le sixième colloque satirique de Antonio de Torquemada, publié en 1553, est l’un des nombreux textes qui nous prouvent le regain d’actualité que connaissait cette polémique10. Dans ce texte, Antonio de Torquemada se livre à une critique humaniste de la question de l’honneur en soulignant que celle-ci ne répond plus désormais à sa définition initiale – la récompense de la vertu (el premio de la virtud) – et pourrait être désormais évoquée comme une quête irraisonnée et irrationnelle de la reconnaissance sociale11. La noblesse de la conception initiale s’est vue remplacée par un ensemble de pratiques sociales fallacieuses et superficielles qui n’épargnent même pas les moines12. L’on ne pourrait certes pas rattacher le texte du Lazarillo à une intention morale aussi clairement exprimée. Cependant, si l’on replace le récit anonyme dans la controverse entre les deux formes d’honneur, celui-ci affirme initialement, et de manière très appuyée, l’appartenance de Lazare à la grande famille cicéronienne des parvenus. Cette intégration repose sur une conception de la société qui ne peut se borner à la répétition du même au fil des générations : en réalité, certains peuvent se hisser jusqu’au sommet du fait de leurs propres mérites et la possibilité de ce mouvement est à l’origine même de la narration. Toutefois, une fois que l’on a identifié cette possibilité d’ascension, il convient de s’interroger sur le sens de cette notion d’honneur (honos traduit par honra) dans le texte et l’emploi lazarillien semble d’une assez grande subtilité.

Traditionnellement, la figure de Cicéron est rattachée à l’acquisition méritoire d’une double renommée, politique et littéraire ou, plutôt, d’une renommée qui comporte deux versants indissociables. Pourrait-on pousser l’analogie avec Lazare et supposer que l’accès à un statut social élevé et à une consécration par l’écriture constituerait les deux pans de la renommée du protagoniste au terme du récit de sa vie ?

Scènes et figures de l’honneur : la généalogie de la honra

Loin de proposer ici une étude exhaustive du Lazarillo, nous souhaiterions montrer comment la critique systématique de la notion d’honneur unifie l’ensemble de l’œuvre sous le signe de la dégradation et de la progressive abstraction de certaines valeurs sociales. Un tel propos s’inscrit dans le projet didactique du texte, énoncé initialement à travers l’anecdote du taureau de pierre contre lequel le premier maître, un vieil aveugle, a frappé la tête du jeune Lazarillo afin de l’éveiller à la conscience du mal qui gît dans le monde. Les anecdotes ainsi rapportées s’intègrent dans une démonstration d’ensemble qui célèbre, non sans ironie, l’ascension du protagoniste :

J’ai plaisir, Monsieur, à vous compter ces enfantillages, qui montrent combien c’est louable chose se savoir hausser au-dessus d’une basse condition, et ignominieuse, au contraire, se laisser déchoir d’un haut rang13.

Le dernier « traité » vient confirmer cet accès à un état plus élevé qui justifie le jugement porté par le protagoniste sur l’ensemble de son parcours, d’une part, et sur les différentes strates de la société, d’autre part : « Ce fut le premier échelon que montai pour atteindre bonne vie, car pour lors vivais à bouche que veux-tu »14. Le regard rétrospectif qui accompagne la narration confère donc aux différents épisodes une valeur argumentative comme si chacun d’entre eux jouait un rôle précis dans cette évolution qui débouche sur une double affirmation : celle – problématique – de la conquête d’un asiento, d’un véritable état social, et celle du choix de la forme de narration, justifié par la présence initiale d’un destinataire mystérieux nommé « Votre Grâce » (Vuestra Merced). Le parcours de Lazare le conduit, après avoir connu huit maîtres successifs, plus ou moins bienveillants, à obtenir la charge de crieur de vins de la ville de Tolède ; cet emploi – qui n’a rien de bien glorieux – s’accompagne d’une tâche complémentaire qui est de conduire les suppliciés à travers les rues de la ville et proclamer leurs méfaits et sanctions :

Tandis que je cherchais quel parti prendre pour vivre en repos et amasser de quoi soulager ma vieillesse, Dieu me voulut éclairer et acheminer à moyen profitable : grâce à la faveur de quelques amis et de certains seigneurs, toutes les peines et fatigues que j’avais jusqu’alors endurées furent récompensées moyennant une charge royale que je prétendais et obtins : hors de là, point de prospérité. J’ai charge de crier les vins qui se vendent en cette ville, les encans et les choses perdues ; j’accompagne ceux qui souffrent persécution pour justice, et publie à haute voix leurs délits. En bon langage, Monsieur, je suis crieur public15.

Est-il besoin de préciser à quel point cet emploi était considéré comme l’un des plus dégradants que puisse exercer un individu et seul Quevedo, dans un mouvement de surenchère ingénieuse, a conféré à l’oncle de Pablos une fonction encore plus détestable, celle d’un bourreau fort conscient et orgueilleux de l’importance de son service au Roi16. L’on pourrait objecter que cette vision que nous donnons de l’évolution du protagoniste est tendancieuse et, qu’après tout, un pauvre gueux pourrait considérer cet octroi comme une véritable promotion et une consécration individuelle. Une telle interprétation est séduisante tant elle semble se soumettre pleinement au pacte de vraisemblance énoncé dans le « prologue » et respecte littéralement les affirmations et assertions de l’auteur nommé Lazare. Néanmoins, l’auteur anonyme – autrement dit, cette dimension consciente et supérieure qui domine la voix de Lazare et que nous avons déjà vue à l’œuvre un peu plus tôt – a pris soin de lier étroitement cette affirmation d’une progression à une forme d’aliénation sociale que le texte détaille avec complaisance : l’acceptation par Lazare des lois de la société qui équivaut à un pur assujettissement à ses règles et à ses normes. Lazare a en effet épousé une servante de l’archiprêtre de Saint-Sauveur qui a eu trois enfants avec son maître. Au-delà de la satire ecclésiastique évidente et par-delà la trame anecdotique que nous avons choisi de rappeler de manière assez détaillée, les arguments employés par l’Archiprêtre afin de convaincre Lazare constituent une excellente position du problème social dans l’ensemble du Lazarillo :

– Lazare, qui voudrait s’arrêter aux dits de méchantes langues, jamais il n’ira de l’avant. Je le dis pource je ne m’ébahirais point qu’il s’en fît aucun sur ce qu’on voit ta femme entrer et sortir de céans. Elle y entre, je te le promets, tout à ton honneur et au sien. Laisse les gens dire, et n’aie garde qu’à ce qui te concerne, à savoir ton profit17.

On retrouve, dans ces quelques phases, l’un des procédés rhétoriques les plus employés et efficaces, la substitution d’un terme – honra – par un autre – provecho (profit). L’archiprêtre ne fait en ce sens que révéler ce que le lecteur avait ressenti de plus en plus intensément au fil de sa lecture, l’inanité de la notion d’honneur (honra), vidée de tout contenu sémantique et de toute prégnance sociale. Dans ce contexte anomique, le héros peut ainsi proclamer à la fin du texte que « C’était le temps de ma prospérité, et j’étais au comble de toute bonne fortune »18. Il convient de souligner ici l’importance décisive de cette déclaration qui anéantit l’un des fondements de la société de l’époque, celui de l’estime sociale due à chaque membre de la communauté civile et politique selon sa condition. Lazare a donc librement choisi la soumission à l’autorité de l’archiprêtre et ce marché n’est même pas un marché de dupes. Si le récit ne laisse aucune ambiguïté sur cet usage négatif de son libre-arbitre par Lazare, il semble à la fois nous proposer une relativisation du caractère catégorique de sa condamnation. Il nous apparaît en effet que ce déshonneur assumé est le résultat logique – comme l’on déduit une conclusion d’une prémisse – de sa plus grande confrontation avec le jeu des valeurs sociales lors de son séjour avec l’écuyer au cours du « Traité troisième » du récit.

L’expérience régressive du « Troisième traité » ou la faillite de l’honneur

Le troisième traité du Lazarillo a été l’un des plus commentés de l’œuvre et la littérature critique abonde sur ce chapitre qui est considéré comme l’un des sommets de l’œuvre. Fernando Lázaro Carreter souligna naguère le caractère de dépassement et d’englobement qui lie les traités les uns aux autres dans la mesure où tel thème, telle figure développés dans un traité apparaissent renforcés et élevés à une puissance encore supérieure dans le traité suivant19. Cet artifice de composition, qui favorise une continuité patente entre les différentes parties de l’œuvre, est particulièrement sensible en ce qui concerne les maîtres. La variation qui nous conduit des deux premiers traités au troisième est à cet égard des plus éclairantes. En effet, les deux premières expériences de Lazare sont, respectivement, mendiante (avec le vieil aveugle) et domestique (avec le curé de Maqueda) et se limitent à l’apprentissage de quelques règles pratiques de survie dans un cadre satirique. Le troisième traité offre au lecteur un visage bien différent. Avec le personnage de l’écuyer, Lazare découvre, non sans fascination, l’importance donnée à ce que nous pourrions appeler l’« auto-représentation » sociale tant les différents actes de l’écuyer renvoient constamment à la conscience de son appartenance à la noblesse20. Personnage fort sentencieux, imbu de sa propre personne, désargenté, l’écuyer incarne textuellement des valeurs nobles qui semblent archaïques, pour ne pas dire anachroniques, et apparaît comme un personnage inactuel.

L’auteur anonyme confère toutefois à ce personnage un privilège qui est de rendre compte de sa propre conception de l’existence et du monde. En effet, ni le vieux maître aveugle du premier traité, obnubilé par le gain, ni le curé de Maqueda du second traité, inepte et superstitieux, n’avaient pu développer de discours global sur le monde, sur la société et demeuraient limités et comme condamnés à répéter les mêmes pathologies. L’écuyer semble, en revanche, disparaître par moments derrière sa propre puissance verbale au point de n’être qu’un enchaînement discursif d’arguments, d’observations et de souhaits dominé par la honra : « — Tu es jeune, me dit-il, et n’entends rien aux choses de l’honneur, qui est pour le jour d’hui, le seul héritage des gens de bien »21. Le caudal – traduit de manière fort insatisfaisante par le substantif héritage22 – que le discours de l’écuyer se propose d’évoquer de manière détaillée s’inscrit dans un cadre juridique lié à la noblesse : « Car un gentilhomme ne doit à nul au monde, fors Dieu et son roi, chose quelconque, et c’est loi, s’il est homme de bien, qu’il ne se relâche, fût-ce d’un iota, de priser haut sa personne »23.

Le portrait du noble qu’esquisse ainsi l’écuyer se fonde sur le rejet total de toute forme de relâchement et sur le caractère décisif de la visibilité de la condition sociale à travers une série d’indices que sont la mise, le port, l’attitude ou la maîtrise de son propre corps. Aussi le texte nous livre-t-il cette description fort réussie et comique du maître de Lazare se pavanant dans les rues de Tolède. La volonté de maintenir à tout prix cette appartenance à sa classe sociale et de la manifester avec infatuation aux yeux d’autrui est un impératif social que l’écuyer impose à Lazare alors qu’elle lui appartient de manière exclusive. Le jeune serviteur a néanmoins appris à dépasser ce versant extérieur pour découvrir la réalité de la condition de son troisième maître, qui n’est faite que de potentialités et de virtualités :

— D’autant, disait-il, que je ne suis si pauvre que je n’aie en mon pays, à guère plus de seize lieues du célèbre Coteau de Valladolid où je naquis, un fonds à bâtir, qui, s’il l’était, et bien bâti, ne vaudrait pas moins de deux cent mille maravédis, selon qu’on y pourrait faire grandes et bonnes maisons. Outre cela, j’ai un colombier qui, s’il n’était en ruine, comme il est, me rendrait plus de deux cents pigeonneaux l’an, et d’autres biens encore que je ne veux nommer, lesquels abandonnai pour mon honneur […]24.

Ce récit – ou cette confidence de l’écuyer – ouvre les yeux de Lazare qui découvre ainsi que le substrat matériel qui accompagnait et qualifiait la noblesse de son maître est, à présent, inexistant. L’héritage terrien né de la Reconquête, durant laquelle de nombreuses terres furent octroyées aux nobles en récompense pour services rendus à la monarchie, est dégradé au point de n’être plus qu’une irréalité. Cette description fait du statut du noble une abstraction pour Lazare, fondée sur une disjonction entre propriété réelle et prétention sociale. Le mode de vie de l’écuyer eût été adapté dans une société médiévale qui n’avait pas subi les bouleversements – qualifiés par certains historiens de « pré-capitalistes » – que connaît l’Espagne du XVIe siècle, marquée par la constitution d’une classe bourgeoise enrichie qui tend à s’allier à la noblesse et à renier ses origines25. A cette mutation économique dont l’écuyer fait l’expérience à ses dépens s’ajoute une remise en cause radicale des valeurs qu’il prône et qui apparaissent comme séparées de la réalité, ce que Lazare ne manque pas de souligner avec malice en s’attaquant à la présomption de son troisième maître : « Toutefois me déplaisait un peu pource que l’eusse voulu moins présomptueux, et qu’il abaissât un peu sa fantasque ambition à proportion que s’élevait son indigence »26.

Sous le mode de la satire, le texte du Lazarillo affirme par conséquent une double mutation essentielle. Le critère de la puissance économique domine à présent l’évaluation du poids social d’un individu et nul ne peut s’y soustraire. De plus, l’on attend communément d’une valeur sociale qu’elle soit douée d’une forme de prégnance sur le réel et qu’elle conceptualise une expérience effective et concrète. Ainsi, le Lazarillo ouvre une vaste entreprise d’examen des valeurs sociales qui ne peut être réduite à une intention satirique mais qui doit être pensée à partir de l’idée d’une historicité de ces mêmes valeurs – tout particulièrement de la honra et de la charité (caridad). On serait en droit de s’attendre à ce que ce soit Lazare qui procède à cet examen de manière exclusive, mais l’auteur anonyme a eu recours au procédé fort subtil qui est de faire énoncer à l’écuyer – ce véritable perdant de l’histoire, cet être au bord de la disparition sociale – un constat d’une lucidité frappante. Ce qui compte n’est plus, nous dit l’écuyer, la valeur individuelle du noble mais le réseau d’influences auquel il appartient et qui est dominé par une logique financière et non plus éthique. En somme, ce que découvre l’écuyer lors de son séjour tolédan, véritable révélation enchâssée au sein d’un récit globalement démystificateur, c’est la transformation de la honra classique en notion courtisane, soumise à de nouvelles formes de clientélisme qu’il ne peut accepter car il les tient pour avilissantes :

[Je] vins en cette ville, où pensais trouver quelque bon parti, mais m’en est advenu tout autrement.
Chanoines et gens d’Église, j’en trouve assez, mais ce sont des gens si chiches que le monde entier ne leur ferait forcer le pas. Il y a aussi quelques gentilshommes de médiocre noblesse qui me prient. Mais servir à de telles gens, c’est grand’peine, car il s’y faut muer en homme à toutes mains, ou sinon vous disent : Allez à Dieu ; et si le plus souvent vous paient salaire à long terme, l’ordinaire (et le plus sûr) c’est : tant tenu, tant payé27.

Dans cette grande évolution des codes de la société, l’honneur n’est plus envisageable comme une volonté de maintenir son rang et de lier noblesse et comportement vertueux. La soumission s’est imposée et l’on fait révérence, mais mal, et selon des critères qui ne sont plus ceux de la noblesse traditionnelle. Le noble s’est fait quémandeur, et la logique courtisane a remplacé la logique guerrière qui permettait de distinguer et d’honorer le mérite des individus les plus valeureux. Le discours de l’écuyer, d’une profondeur et d’une ampleur imprévues au regard de la cécité du personnage sur son propre cas, n’est en substance guère différent de celui que tiennent Cristóbal Suárez de Figueroa28 ou Francisco de Quevedo au début du XVIIe siècle.

Rétif à toute notion de travail – contrairement aux injonctions du mémorial de Luis Ortíz de 1558 qui invitait les nobles à apprendre des métiers manuels ou intellectuels et à rejeter l’oisiveté comme mère de tous les vices –, s’appuyant volontiers sur la mendicité de son domestique et confortant par là même les structures archaïques de la société, l’écuyer n’en demeure pas moins digne de compassion et d’attachement aux yeux de Lazare. Le serviteur exerce en effet à l’égard de son maître la vertu de la charité dans la mesure où il l’aide à plusieurs reprises à vaincre le dénuement et la misère. Face aux difficultés et à l’absence d’action de la part de son maître, la seule solution pratique et immédiate pour Lazare est celle de la mendicité et du partage du pain – les scènes eucharistiques se répètent ainsi dans la triste demeure louée par l’écuyer. Ainsi, l’abandon de Lazare par son maître, qui s’enfuit soudainement pour échapper à des créanciers, ne peut être interprété à notre sens que comme l’échec entier et définitif des valeurs sociales et morales professées par l’écuyer. Le contraste saisissant entre le discours nobiliaire tenu par le troisième maître et la réalité de son comportement semble dépasser la lâcheté et l’impuissance pour s’apparenter au cynisme. Le parcours de Lazare est dès lors guidé par un individualisme qui ne laisse guère la place à l’autre. C’est pourquoi – et c’est l’interprétation que nous souhaiterions défendre ici – le personnage de l’écuyer est le maître le plus négatif qui soit en termes d’éducation sociale car, précisément, le plus proche aux yeux de Lazare, le plus digne de compassion, celui dont la trahison et l’abandon sont les plus douloureux ; le renoncement à certaines valeurs éthiques fondamentales peut donc apparaître, du moins en partie, comme le fruit de cet enseignement négatif.

Aussi peut-on proposer, au terme de ces quelques réflexions sur le récit anonyme de 1554, une brève tentative de récapitulation de la problématique sociale, ou, plus exactement, de la constitution sociale du sujet picaresque. Nul ne songerait à nier le caractère contraire à l’honneur du choix final de Lazare mais celui-ci semble relativisé par la réduction du concept de honra à un concept superficiel et abstrait qui peine à dissimuler le triomphe de la valeur argent dans la société espagnole du milieu du XVIe siècle. Toute tentative afin de perpétrer l’ancienne valeur sociale implique l’impossibilité de s’élever dans la société, même de la manière la plus minime qui soit. Ce raisonnement tend par là même à légitimer la décision lazarillienne qui ne peut être conçue comme amorale au sein d’une communauté dominée par les comportements régressifs et individualistes dont les différents maîtres rencontrés sont autant d’incarnations. Outre cette relativisation de l’amoralité finale que l’on pourrait considérer comme issue de la logique narrative, il semble que le statut même de l’acte d’écriture sauve quelque peu Lazare. En effet, si le protagoniste considère réellement son état de crieur comme une promotion sociale, comment expliquer, dès lors, la rédaction de l’ouvrage et, surtout, comment rendre compte de sa volonté de persuader son lecteur ?

On peut tout d’abord considérer que le texte intervient comme une lettre de confession qui énonce la faillite d’anciennes valeurs sans pour autant énoncer ou révéler l’apparition de nouvelles valeurs sociales et éthiques. Le récit pose un diagnostic social, pan par pan, de l’état de la société, et met à profit la série des maîtres pour donner un tour plus systématique à son propos. A cette vision pathologique de la société qui donnerait à l’écriture un rôle de révélateur à partir d’un maniement inédit de la première personne viendrait s’ajouter une seconde valeur, nullement incompatible avec la première : le récit scellerait l’apparition d’une nouvelle forme d’honneur et d’existence sociale – celle de l’écrivain. Aussi pourrait-on se risquer à gloser la sentence honos alit artes de la manière suivante : la plus grande forme d’honneur est celle qui accompagne l’écriture et qui offre à l’écrivain une compensation face aux frustrations et déshonneurs de son existence. Par l’écriture, l’individu acquiert une maîtrise de soi qui s’accompagne d’une tentative de domination du destinataire et le récit devient alors le lieu de déploiement d’une rhétorique persuasive qui laisse au lecteur le soin de trancher sur la conscience et la lucidité de Lazare. Cette célébration de l’écriture et de l’acte de conter doit être comprise comme le sens intime du texte comme l’a fort bien exprimé Barry W. Ife : « Sa vie n’est pas celle qu’il vit, insinue-t-il : sa vie est son art »29.

Le texte du Lazarillo s’interroge sur la constitution d’une conduite individuelle face au monde et se lance dans une dénonciation du caractère violemment négatif et insatisfaisant des normes sociales extérieures. La grande originalité du récit anonyme est bien sûr que le texte ne tranche pas mais pose le problème de l’évolution historique des valeurs dans toute sa complexité30. L’on ne peut manquer de relever le lien déterminant et novateur qui est créé entre discours individuel et poétique des valeurs. Que reste-t-il de ce questionnement social, de cette volonté de voir les valeurs à l’œuvre, de les interroger, dans le Guzmán de Alfarache ?

Le Guzmán de Alfarache de Mateo Alemán ou la quête frustrante d’une vocation sociale

Le Lazarillo proposait une synthèse problématique entre la critique des valeurs et l’acceptation d’une forme d’ascension sociale pour le protagoniste. Le Guzmán de Alfarache délaisse ce schéma pour affirmer un divorce entre ces deux éléments qui se prolonge jusqu’au dénouement de l’œuvre. En effet, le texte alémanien affirme initialement le caractère marginal et conscient de son protagoniste comme constitutif de l’écriture du texte et de son caractère exemplaire. Le parcours de Guzmán peut être dès lors assimilé à la recherche d’une vocation, d’un métier (oficio) qui lui confèrerait une dignité et qui ne peut se faire que par le biais d’une inscription communautaire du protagoniste. La figure isolée des maîtres dans le Lazarillo est progressivement remplacée dans le texte alémanien par de véritables communautés, autrement dit par des groupes aux normes sociales et morales plus ou moins rigides, et qui constituent des modèles plus ou moins attirants pour Guzmán. Nous consacrerons ainsi quelques brèves réflexions aux différents moments d’intégration communautaire que connaît le protagoniste alémanien.

Une marginalité polymorphe et une liberté irréductible

Dès les préliminaires de son œuvre, Mateo Alemán a voulu multiplier les facteurs de marginalité chez son protagoniste qu’il dépeint dans la « Brève déclaration pour l’intelligence de ce livre » de la manière suivante :

Il écrit lui-même sa vie dans les galères, où il demeure forçat à la cadène pour ses crimes, comme tu verras bien au long en la Seconde Partie. Aussi ne trouveras-tu pas étrange ni hors de propos qu’il lui échappe quelques traits de doctrine en la Première. Il paraît même plausible et raisonnable d’en attribuer l’usage à un homme de bon jugement, lettré, rendu sage par le temps et soucieux de mettre à profit ce que lui en laisse pour ses loisirs la galère31.

Cette marginalité que nous révèle la situation d’écriture du galérien semble être le résultat d’un parcours marqué initialement par une marginalité sociale que lui a conférée sa naissance, dominée par la figure des deux pères, le vieux noble et « un levantin teint en génois » (un levantisco tinto en ginovés)32, autrement dit l’un des nombreux membres de la communauté juive de Gênes. Cette marginalité « biologique », ancrée dans le péché et le mensonge, se voit confortée par une dimension économique si l’on tient compte des activités plus que douteuses du père. Après la disparition de ce dernier, Guzmán décide de s’enfuir de Séville et le début de sa pérégrination prend ainsi la forme d’une quête familiale énoncée non sans ironie : « Le désir de voir du pays et d’aller en Italie reconnaître ma noble famille me donnait grand courage »33.

Tel un nouveau Lazare, le protagoniste alémanien fait dès lors la découverte amère de l’omniprésence du mal et de la tromperie dans le monde. Les épisodes successifs des auberges – qui occupent une grande partie du « Livre premier » de la Première Partie – ont ainsi la valeur d’une véritable éducation corruptrice et négative34. Au cours de ses premières aventures, les comportements anormaux et marginalisants tendent à devenir sinon la norme, du moins l’essentiel de l’expérience sociale du jeune garçon, comme s’il ne trouvait pas l’espace nécessaire à l’exercice et à l’accomplissement de sa propre liberté. À un déterminisme familial – dont nous avons pu délimiter quelques contours – s’ajouterait donc un déterminisme social qui favoriserait la ruse et le vol comme autant de moyens de survie au sein d’une société dégradée. Une telle lecture reviendrait à disculper le protagoniste alémanien en désignant la responsabilité de la société, de la famille, en somme des circonstances extérieures et historiques. En réalité, il semble que Mateo Alemán ait souhaité présenter le choix de vie de son protagoniste comme une volonté de persévérer dans l’erreur, comme un usage négatif et conscient de sa liberté par le héros alémanien. Ce postulat initial va guider l’ensemble de la pérégrination de Guzmán et donner lieu à différentes inscriptions communautaires négatives.

Inscriptions communautaires

Nous souhaiterions désigner par cette expression un phénomène qui nous semble récurrent dans le texte alémanien et que nous pourrions définir en ces termes : alors que le Lazarillo de Tormes offrait une série de relations de sujétion du héros à ses différents maîtres parfois teintée de rejet ou de fascination, le Guzmán tend à aborder une problématique sociale qui est celle de l’inclusion de l’individu dans un groupe. Quelles sont les valeurs ou les codes sociaux qui provoquent l’adhésion du gueux à ces différentes sociétés ? Nous étudierons quatre exemples qui témoignent de l’intensité de ce questionnement tout au long du roman et bâtissent une trame continue et obsédante sur le rapport entre l’individu et la collectivité.

Guzmán s’efforce tout d’abord de s’intégrer dans un groupe de mendiants qui constituent, selon l’expression de Michel Cavillac, une véritable « contre-société picaresque »35. Elle se plaît à reproduire de façon parodique les différentes règles de fonctionnement d’une société civile régie par des lois et des codes, des prescriptions et des prohibitions. Cette formation du jeune homme n’est pas sans rappeler celle que Lazare connut avec l’aveugle, son premier maître, en observant et imitant les astuces les plus réussies et lucratives :

Plus tard, et pour apprendre à me gouverner, je me mis à suivre d’autres compagnons plus anciens dans la faculté, et qui y étaient maîtres en finesses. Je m’en allais avec eux à certaines charités bien connues, que certaines personnes faisaient au matin dans leurs maisons particulières36.

La création de cette « contre-société » s’accompagne d’une forme d’organisation dominée par les « Ordonnances de Gueuserie » (Ordenanzas mendicativas37) qui tendent à ordonner la mendicité afin que tous les camarades romains de Guzmán puissent vivre de la charité. Ce texte offre au lecteur une version parodique des nombreux décrets, réglementations et pragmatiques auxquels étaient soumis les sujets de Philippe II, dominée par l’autorité du personnage de Micer Morcón, véritable figure carnavalesque qualifiée de « Prince de Cagnardise et Archigueux de la Chrétienté » (príncipe de Poltronia y archibribón del cristianismo38). Ce souverain burlesque, décrit avec des accents rabelaisiens, reçoit de nombreuses offrandes gastronomiques de la part de ses nombreux vassaux qui respectent infiniment sa grande capacité de manducation. Cette communauté des gueux ne peut en aucune façon constituer une véritable réalisation pour Guzmán dans la mesure où les désirs et appétits individuels de chaque mendiant ne sont guère entravés ou limités :

J’ai dit que nous avions nos lois. Je les savais par cœur. Je n’observais toutefois que celles qui touchaient à la bonne conduite, mais aussi exactement que si de leur observation eût dépendu ma fortune. Mon seul bonheur était d’accréditer ma profession par mes œuvres et de m’y montrer d’une habileté consommée39.

L’on pourrait considérer que cette société parodique qu’Alemán nous décrit avec beaucoup de détails répond avant tout à une finalité comique du texte ; l’on soumet au lecteur ce qu’il ne connaît que trop bien, ce véritable fléau des mendiants qui pesaient sur l’organisation de nombreux municipios espagnols tout au long du XVIe siècle et qui avaient été dénoncé par le premier grand réformateur de la bienfaisance, Juan Luis Vives, dans son traité De Subventione pauperum, publié en 152640. Une lecture strictement comique serait en ce sens très insuffisante tant le traitement alémanien de la mendicité semble renvoyer à la position de certains cercles réformateurs qu’Alemán fréquentait et dont l’une des principales figures était le médecin Cristóbal Pérez de Herrera, auteur d’un traité de réforme de la bienfaisance nommé Amparo de pobres et publié en 159841. Ainsi, la description ne serait en aucune façon complaisante et devrait être lue comme une sorte de diagnostic du corps social qui justifie, dans le récit, le rejet par le protagoniste de cette communauté au profit d’une situation plus stable.

Toujours mû par la recherche d’un asiento, le jeune Guzmán va connaître par la suite deux expériences déterminantes de communautés que l’on pourrait appeler « domestiques » ou « ancillaires » qui dépassent les relations entre maître et valet déclinées par le Lazarillo. Le service auprès des deux maîtres que nous allons évoquer – le Cardinal romain et l’Ambassadeur de France – signifie dans le discours guzmanien une perte de liberté. En effet, lorsqu’il entre au service du prélat, il se voit attribuer la fonction de page qu’il associe à une condition essentiellement négative en comparaison de son ancienne liberté de gueux :

Me voilà page. Dieu nous veuille garder de pis ! Toute chose qu’on violente, on ne peut faire qu’elle ne monte ou ne descende en quête de son centre, qu’elle désire toujours. On m’avait tiré du paradis pour m’abaisser à servir : tu vas voir que j’y fus bien peu assidu42.

En dépit de la bienveillance de ce « saint homme » – selon le mot de Guzmán – son séjour chez le Cardinal romain est marqué par une succession de bourles et de châtiments qui, loin d’inciter le protagoniste à acquérir de nouveaux savoir-faire et à se satisfaire de son travail, le conduisent à laisser libre cours à ses astuces et autres expédients ingénieux43. Le jeune homme finit par être expulsé de chez ce premier maître et un Ambassadeur français le recueille à son tour.

Si l’on s’en tenait à une première lecture, les fonctions que lui donne ce nouveau maître seraient tout aussi dégradantes et stériles que celles qu’il exerçait auprès du Cardinal :

Il ne m’assigna point de place ni d’office arrêté. Je le servais en tout, aussi me payait-il de tout : tantôt il me donnait, tantôt je prenais à sa barbe en raillant ; pour parler clair, j’étais son bouffon, quoique d’autres m’appelassent truand et conteur de sornettes44.

En réalité, le protagoniste se sert de cette fonction pour observer les différents êtres et personnages qui composent la société – courtisane et diplomatique – de l’Ambassadeur et reçoit une véritable formation politique qui est renforcée dans la Seconde Partie de l’œuvre, sans nul doute par réaction face à l’utilisation appauvrissante de la figure de l’Ambassadeur par l’écrivain apocryphe, Mateo Luján de Sayavedra45. Aussi doit-on faire une lecture élogieuse du portrait du diplomate français que Guzmán esquisse :

Pour mon maître, il prenait plaisir à m’ouïr et plus que pour m’ouïr : comme un jardinier ingénieux, il tirait les fleurs qu’il jugeait dignes d’entrer au bouquet qu’il faisait et laissait le reste pour son passe-temps. Il s’entretenait en particulier avec moi des choses qui se disaient par d’autres en public. Et non pas seulement avec moi : comme il était désireux de savoir, pour ne jamais rien faire que bien à point, il recourait aux gens d’esprit, les honorait, les protégeait et, s’ils étaient nécessiteux, leur subvenait autant qu’il le pouvait aux choses qu’il voyait leur faire besoin, mais sans que les présents parussent des aumônes et de si bonne façon qu’il les laissait contents, pourvus et reconnaissants46.

La figure de l’Ambassadeur, à la charnière des deux parties, est – en dépit de son seul et unique défaut qui est d’être amoureux – un personnage positif qui joue un rôle opposé à celui de l’écuyer du troisième traité du Lazarillo. Il initie le jeune Guzmán à certaines valeurs politiques et sociales susceptibles de l’aider à assurer sa propre conservation sociale, à parvenir à une « raison d’état de [soi]-même » selon la belle formule de Baltasar Gracián47.

Loin de comprendre immédiatement la portée de ce modèle vital et social que représente l’Ambassadeur, Guzmán cède au mimétisme le plus formel et extérieur qui soit en s’autoproclamant aristocrate et en recourant à toute une série de dissimulations qui témoignent d’une interprétation machiavélienne de la conduite du diplomate français. Cette nouvelle tentative d’inscription dans une communauté – cette fois-ci, nobiliaire et élitiste – se fait grâce à l’adoption d’une nouvelle identité qui était comme virtuelle et latente :

— Et moi, ce dis-je, je m’en veux endosser celui que j’ai hérité de mes pères, dont je n’ai point encore joui, ni voulu jouir parce qu’un Don pour être bien reçu parmi le monde ou doit venir du Saint-Esprit ou doit passer en nous en ligne droite. […] Je m’appelle Don Juan de Guzmán et m’en réjouis48.

Le protagoniste décide donc d’adopter les habitus et mœurs aristocratiques, un peu à la façon du Barry Lindon de Thackeray. Ce comportement doit être compris comme une forte charge satirique contre la noblesse qui représente une sorte de double social inversé du parasitisme des gueux. Il manque toutefois à cet aristocrate autoproclamé les biens– précisément le caudal évoqué par l’écuyer – qui permettent d’inscrire la noblesse dans la durée à travers la transmission d’un héritage. Or, Guzmán ne dispose que de moyens d’enrichissement fort ponctuels, principalement par l’intermédiaire du jeu, qui vont se tarir inexorablement après son retour en Espagne.

Les différentes tentatives d’intégration dans des communautés aux règles instituées et définies – la société des marginaux, le service de maîtres puissants ou la noblesse – n’ont pu permettre à Guzmán de conquérir le statut social qu’il recherche si ardemment. Il s’agit là d’un enchaînement de situations sociales se confondant ingénieusement avec la trame romanesque et qui épargne au lecteur toute forme de monotonie à l’exception de celle due à l’échec répété du protagoniste. Seul le dénouement de l’œuvre lui permet de donner un sens à sa pérégrination et de parvenir à identifier sa vocation sociale.

Le dénouement du Guzmán ou le profil d’une vocation tardive

Les deux derniers chapitres du roman nous livrent un portrait du héros alémanien en galérien rédimé par une « conversion » ou, si l’on reprend ses termes, par une « réforme » de soi-même dont les premiers contours sont économiques. Au bord de la galère, Guzmán découvre en effet un usage rationnel et fructueux de l’argent à travers un investissement réussi :

[…] et mis tout mon petit moyen en vivres, sur quoi je devais gagner le double, et il me réussit fort bien. Avec la permission de mon maître je fis de ce gain-là un petit habit à la guise des vieux forçats […].
Les malheurs commençaient désormais à me dessiller les yeux et à me faire voir la lumière de ceux qui suivent la vertu49.

La réussite financière vient ici récompenser un comportement économique sain et provoque l’illumination du protagoniste, selon une relation de causalité qui a été étudiée par Michel Cavillac50. Toutefois, il n’en demeure pas moins que le protagoniste – galérien condamné à vie – doit donner à cette réforme un tour politique afin de réintégrer la communauté des sujets du roi. Le dernier chapitre de l’œuvre est précisément le théâtre de cette ultime et tardive tentative de réintégration et de réhabilitation sociales, politiques et morales.

Alors qu’il a décidé de vivre une nouvelle vie en accord avec la communauté politique, Guzmán est injustement accusé de vol et se voit dès lors suspecté puis finalement torturé et châtié avant d’être condamné à rejoindre le poste le plus dégradant de la galère, celui de corullero. D’autres galériens, voulant mettre à profit sa position stratégique à l’arrière du bateau, lui proposent de se joindre à la mutinerie qu’ils ourdissent. Dès lors, le choix qui se pose à Guzmán est d’une très grande simplicité et l’oblige à prendre une résolution : soit il décide d’atteindre la stade ultime de l’abjection en trahissant son roi ; soit il met à profit ces circonstances pour réintégrer le corps politique en dénonçant les traîtres et en accomplissant la « fine politique » (fina política) tant vantée par Luis de Valdés dans l’éloge de la Seconde Partie51. Le galérien opte pour la sauvegarde du navire et la défense de l’autorité royale, choix qui a souvent été assimilé à une forme de cynisme52. Le protagoniste alémanien semble alors avoir scellé son sort et gagné la possibilité de recouvrer la liberté :

Et le capitaine exaltant jusqu’au ciel ma bonté, mon innocence et ma fidélité, me demandant pardon du mauvais traitement passé, commanda qu’on m’ôtât les fers et voulut que j’allasse par la galère en liberté, en attendant les lettres patentes de Sa Majesté qui me la rendraient tout entière, comme elle en était suppliée par tout le corps assemblé53.

Le texte nous abandonne précisément à l’incertitude et à la méditation, tout d’abord parce que la libération du galérien apparaît littéralement comme une promesse mais non comme une réalité. Le Roi devrait en toute logique récompenser celui qui a permis de sauver la galère, symbole de la nef de la République et de sa propre autorité, et la libération de Guzmán semble en ce sens être acquise et indiscutable. Cependant, l’écriture de l’œuvre s’inscrit dans une temporalité postérieure à la conversion puisque le galérien-écrivain y apparaît comme un être rédimé et éclairé, à l’« entendement clair » (de claro entendimiento). Une telle interprétation du temps de l’écriture équivaudrait donc à miser sur une absence de libération du galérien, condamné à l’attente, et le récit de sa vie deviendrait donc la seule forme de consolation que le galérien puisse développer face à la cécité du Roi54.

Filosofía moral et perfection de l’homme

La brève esquisse que nous venons de tracer du Guzmán de Alfarache de Mateo Alemán nous permet de considérer la similarité des deux œuvres abordées. Cette ressemblance peut avant tout se mesurer à l’aune du caractère problématique du dénouement du récit qui ne prétend en aucune façon clore le fil de la narration et laisse le lecteur face à ses interrogations. Le récit anonyme et le texte alémanien ont en commun d’avoir mis à profit une grande partie des possibilités de l’écriture à la première personne aussi bien en termes poétiques – en jouant, par exemple, sur la diversité des temps et des figures du moi ici employé – qu’éthiques, dans la mesure où le texte nous livre les différents états d’une conscience jusqu’au présent de la rédaction de l’autobiographie55. Cette première personne autographe fortement structurée offre au lecteur une identification et une organisation progressives des signes sociaux. Les valeurs les plus fondamentales de l’Espagne du XVIe siècle sont ainsi examinées à la lueur de certaines situations narratives qui tendent à les relativiser – telle la charité dans le Lazarillo et le Guzmán de Alfarache – ou à les anéantir, ce qui est le cas pour la notion de honra dans les deux textes et constitue, comme l’avait déjà souligné Antonio Rey Hazas, l’un des fondements du genre picaresque56. La similarité critique des deux textes et leur complémentarité dans la constitution d’un nouveau genre littéraire ne doit pas dissimuler le phénomène d’amplification de la problématique sociale que nous livre le Guzmán de Alfarache.

Si le parcours de Lazare se plaçait sous l’égide d’une interprétation généalogique et satirique de certaines valeurs dominée par une attitude spirituelle du protagoniste et de son créateur, le récit de Mateo Alemán s’efforce de créer un lien systématique entre les différentes parties de la « philosophie morale ». Il n’est pas question de nous présenter une approche strictement économique des conditions et statuts sociaux, ni une lecture éthique et moralisatrice des sociétés espagnole et italienne du XVIe siècle mais de bâtir une narration qui soit à même d’éduquer le lecteur en « éthique, économie et politique » comme le précisait l’un des textes préliminaires57. Que signifie cette tripartition du savoir et comment expliquer son caractère central dans un texte de fiction ? Ne faisons-nous face qu’à une stratégie de légitimation de la fiction face aux critiques fréquentes que celle-ci connut tout au long des XVIe et XVIIe siècles ?

Il s’agit en réalité d’une division héritée de la philosophie aristotélicienne et qui forme la trame éducative et pédagogique de la filosofía moral, présente dans les lettres espagnoles dès le XVe siècle. On la retrouve ainsi exposée avec une grande clarté dans les Discursos sobre la filosofía moral de Aristóteles de Antonio de Obregón y Cereceda, publiés en 1603. La première leçon que le précepteur donne à son élève, le futur Philippe III, porte sur les distinctions élémentaires de l’aristotélisme entre philosophie de la nature et philosophie morale. Le pédagogue définit cette dernière de la façon suivante :

L’autre partie est appelée Philosophie morale et elle apprend à rendre l’homme bon, montre aux Princes et à leurs ministres de quelle manière ils peuvent rendre heureux le royaume ou la cité dont ils ont la charge, et au père de famille comme il doit gouverner sa demeure58.

La philosophie morale se présente donc comme un perfectionnement généralisé et qui porte sur trois sphères complémentaires : l’homme comme sujet individuel, la cité et le royaume comme corps politiques et, enfin, une conception domestique de l’économie en accord avec l’étymologie du terme grec oikonomos ou « gouvernement de la maison » au sens littéral. Le texte que nous venons de citer représente une sorte de vulgate philosophique strictement contemporaine de la rédaction du Guzmán de Alfarache. En tentant de reconstituer l’idearium de l’« humanisme juridique », Jean-Marc Pelorson a ainsi pu montrer dans sa thèse l’importance de la subordination du droit aux exigences et impératifs de cette même filosofía moral à partir de la Noticia para la estimación de las artes du Licenciado Gaspar Gutiérrez de los Ríos, texte encore une fois contemporain du Guzmán de Alfarache puisqu’il date de 160059. La philosophie morale accompagne alors la quête d’une « exemplarité morale »60. Chacun de ces domaines renvoie à une pratique de soi et de l’autre avec le bonheur pour fin, selon un ordre qui respecte et suit une représentation canonique des savoirs.

Ainsi, dans le Guzmán de Alfarache, la problématique sociale et la construction du sujet au sein d’une communauté déterminée doivent être pensées à partir de notions relevant aussi bien d’une courant pré-mercantiliste que tacitiste (à travers le thème ici développé d’une vision pragmatique de la Raison d’État). De la sorte, l’enquête que nous propose le Guzmán est donc d’une bien plus grande ampleur que celle du Lazarillo qui préférait se limiter à une mise en perspective critique de quelques valeurs morales et sociales à partir d’une lecture individuelle et intérieure du monde. Aussi pourrions-nous lire le récit de Mateo Alemán comme l’un des derniers textes qui s’inscrive dans un courant humaniste où la perfection de l’homme doit se réaliser aussi bien dans son for intérieur que dans son comportement au sein de la communauté des hommes.

Notes

1 Sur la « lucidité » sociologique des deux premiers textes picaresques, nous ne pouvons manquer de renvoyer aux deux articles de Jean Vilar qui, avec les travaux de Michel Cavillac, ont guidé notre recherche depuis ses débuts : Jean VILAR, « Discours pragmatique et discours picaresque », in Picaresque Espagnole, Montpellier, Centre d’Études Sociocritiques, 1976, p. 37-55, et « Le Picarisme espagnol : de l’interférence des marginalités à leur sublimation esthétique », in Les marginaux et les exclus dans l’histoire, Cahiers Jussieu [5], Paris, U.G.E. (10/18), 1979, p. 29-77. Retour au texte

2 Sur les liens entre récit picaresque et odyssée homérique, voir le travail stimulant de Joseph V. RICAPITO, « Classicity in the Spanish Golden Age: Gonzalo Pérez’s Translation of La Ulyxea and the Origins of the Spanish Picaresque Novel », The Picaresque: A Symposium on the Rogue’s Tale, Éd. Carmen Benito-Vessels et Michael Zappala, Newark, University of Delaware Press, 1994, p. 36-56. Retour au texte

3 Marcel BATAILLON, Novedad y fecundidad del «Lazarillo de Tormes», Salamanca, Anaya, 1968 ; Fernando LÁZARO CARRETER, « Lazarillo de Tormes » en la picaresca, Barcelona, Ariel, 1972 ; Francisco MÁRQUEZ VILLANUEVA, « La actitud espiritual de Lazarillo de Tormes », in Literatura y espiritualidad en el siglo XVI, Madrid, Alfaguara, 1968, p. 69-137. Retour au texte

4 Sebastián de COVARRUBIAS, Tesoro de la lengua castellana o española, Éd. Felipe C. R. Maldonado, Madrid, Castalia (Nueva Biblioteca de Erudición y Crítica), 1995, p. 644a (« [La honra] vale reverencia, cortesía que se hace a la virtud, a la potestad; algunas veces se hace al dinero », nous traduisons). Retour au texte

5 Lazarillo de Tormes, Éd. Francisco Rico, Madrid, Cátedra (Letras Hispánicas), 1987, p. 5-6 (« Porque, si así no fuese, muy pocos escribirían para uno solo, pues no se hace sin trabajo y quieren, ya que lo pasan, ser recompensados, no con dineros, mas con que vean y lean sus obras y, si hay de qué, se las alaben. Y a este propósito dice Tulio : “La honra cría las artes”. ¿Quién piensa que el soldado que es primero del escala tiene más aborrecido el vivir ? No, por cierto ; mas el deseo de alabanza le hace ponerse al peligro »). La version française provient de La vie de Lazare de Tormes et de ses fortunes et adversités, in Romans picaresques espagnols, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 1968, p. 3. Nous citerons toujours le texte français d’après cette traduction réalisée par Maurice Molho. Retour au texte

6 Voir les très belles pages consacrées à cette « vérité suspecte » (la verdad sospechosa) du récit par Francisco RICO, Problemas del «Lazarillo», Madrid, Cátedra, 1988, p. 158-164. Retour au texte

7 La littérature critique sur le prologue du Lazarillo est d’une extrême richesse et il nous est impossible de mentionner ici les très nombreuses dettes que nous avons pu contracter ; outre les travaux classiques de Fernando Lázaro Carreter et Francisco Rico, nous souhaiterions mentionner deux approches récentes qui comportent à la fois un état des lieux critique des questionnements sur cette pièce liminaire et une interprétation originale et stimulante ; il s’agit de celles d’Aldo RUFFINATTO,Las dos caras del «Lazarillo de Tormes». Texto y mensaje, Madrid, Castalia (Nueva Biblioteca de Erudición y Crítica), 2000, p. 277-295, et de Félix CARRASCO, La novela española en el siglo XVI, Madrid/Frankfurt am Main, Iberoamericana/Vervuert, 2001, p. 225-282. Retour au texte

8 Romans picaresques espagnols..., p. 4. (« Y pues Vuestra Merced escribe se le escriba y relate el caso muy por extenso, parescióme no tomalle por el medio, sino del principio, porque se tenga entera noticia de mi persona ; y también los que heredaron nobles estados cuán poco se les debe, pues Fortuna fue con ellos parcial, y cuánto más hicieron los que, siéndoles contraria, con fuerza y maña remando salieron a buen puerto », Lazarillo de Tormes…, p. 10-11). Retour au texte

9 Antonio REY HAZAS, Deslindes de la novela picaresca, Málaga, Ediciones de la Universidad de Málaga (Thema), 2003, p. 60-61. Retour au texte

10 Antonio de TORQUEMADA, Coloquios satíricos, Éd. Lina Cacho, Madrid, Castro-Turner, 1994, p. 361. Retour au texte

11 A. de TORQUEMADA, Coloquios satíricos…, p. 361: « [...] la más verdadera definición [de la honra] será presunción y soberbia y vanagloria del mundo, [...] porque todos los que quieren y procuran y buscan honra van fuera del camino que deben seguir los que son Christianos. Y así me parece que es más sutil red y el más delicado lazo y encubierto que el demonio nos arma para guiarnos por el camino de perdición ». Retour au texte

12 A. de TORQUEMADA, Coloquios satíricos…, p. 365-366. Retour au texte

13 Romans picaresques espagnols…, p. 8 (« Huelgo de contar a Vuestra Merced estas niñerías, para mostrar cuánta virtud sea saber los hombres subir siendo bajos, y dejarse bajar siendo altos cuánto vicio », Lazarillo de Tormes…, p. 24). Retour au texte

14 Romans picaresques espagnols…, p. 49 (« Éste fue el primer escalón que yo subí para venir a alcanzar buena vida, porque mi boca era medida », Lazarillo de Tormes…, p. 126). Retour au texte

15 Romans picaresques espagnols…, p. 50 (« Y pensando en qué modo de vivir haría mi asiento, por tener descanso y ganar algo para la vejez, quiso Dios alumbrarme y ponerme en camino y manera provechosa. Y con favor que tuve de amigos y señores, todos mis trabajos y fatigas hasta entonces pasados fueron pagados con alcanzar lo que procuré, que fue un oficio real, viendo que no hay nadie que medre, sino los que le tienen. En el cual el día de hoy vivo y resido a servicio de Dios y de Vuestra Merced. Y es que tengo cargo de pregonar los vinos que en esta ciudad se venden, y en almonedas, y cosas perdidas, acompañar los que padecen persecuciones por justicia y declarar a voces sus delictos : pregonero, hablando en buen romance », Lazarillo de Tormes…, p. 128-129). Retour au texte

16 Alonso Ramplón – tel est le nom de cet oncle encombrant – a de plus exécuté son propre frère comme il le narre dans une lettre qui constitue l’un des sommets de l’humour noir quévédien : voir Francisco de QUEVEDO, La vida del Buscón llamado don Pablos, Éd. Domingo Ynduráin, Madrid, Cátedra (Letras Hispánicas), Livre I, chapitre 7, p. 162-165. Retour au texte

17 Romans picaresques espagnols…, p. 50 (« — Lázaro de Tormes, quien ha de mirar a dichos de malas lenguas nunca medrará; digo esto porque no me maravillaría alguno, viendo entrar en mi casa a tu mujer y salir della. Ella entra muy a tu honra y suya. Y esto te lo prometo. Por tanto, no mires a lo que pueden decir, sino a lo que te toca: digo a tu provecho », Lazarillo de Tormes…, p. 132-133). Retour au texte

18 Romans picaresques espagnols…, p. 52 (« Pues en este tiempo estaba en mi prosperidad y en la cumbre de toda buena fortuna », Lazarillo de Tormes…, p. 135). Retour au texte

19 F. LÁZARO CARRETER, « Lazarillo de Tormes » en la picaresca…, p. 98-102. Retour au texte

20 L’auteur anonyme s’ingénie à donner une telle conscience à un personnage qui appartient au degré le plus bas de la noblesse. Sa fonction guerrière était fort simple puisque l’écuyer devait accompagner le chevalier et l’assister dans toutes les aventures ou combats auxquels celui-ci participait. Retour au texte

21 Romans picaresques espagnols…, p. 39 (« — Eres mochacho –me respondió– y no sientes las cosas de la honra, en que el día de hoy está todo el caudal de los hombres de bien », Lazarillo de Tormes…, p. 99). Retour au texte

22 Il faudrait en effet comprendre ce terme comme se référant à la richesse propre d’un individu (nom, titres, biens meubles et immeubles et surtout argent). Le Diccionario de Autoridades (1726-1739) donne la définition suivante : « La hacienda que tiene alguno y los bienes que goza, y con que se utiliza negociando : y así se dice : “Tiene gran caudal, mucho caudal” de la persona que tiene mucha hacienda ; y hoy más comúnmente se entiende del dinero ». Retour au texte

23 Romans picaresques espagnols…, p. 39 (« Que un hidalgo no debe a otro que a Dios y al rey nada, ni es justo, siendo hombre de bien, se descuide un punto de tener en mucho su persona », Lazarillo de Tormes…, p. 99). Retour au texte

24 Romans picaresques espagnols…, p. 40 (« — Mayormente –dijo– que no soy tan pobre que no tengo en mi tierra un solar de casas que, a estar ellas en pie y bien labradas, dieciséis leguas de donde nací, en aquella Costanilla de Valladolid, valdrían más de docientas veces mil maravedís, según se podrían hacer grandes y buenas. Y tengo un palomar que, a no estar derribado como está, daría cada año más de docientos palominos. Y otras cosas que me callo, que dejé por lo que tocaba a mi honra », Lazarillo de Tormes…, p. 102-103). Retour au texte

25 Voir Joseph PÉREZ, L’Espagne du XVIe siècle, Paris, Armand Colin, 2003, p. 23-26 (« Faillite de la bourgeoisie »). Retour au texte

26 Romans picaresques espagnols…, p. 36 (« Sólo tenía dél un poco de descontento, que quisiera yo que no tuviera tanta presumpción, mas que abajara un poco su fantasía con lo mucho que subía su necesidad », Lazarillo de Tormes…, p. 92). Retour au texte

27 Romans picaresques espagnols…, p. 40 (« Y vine a esta ciudad pensando que hallaría un buen asiento, mas no me ha sucedido como pensé. Canónigos y señores de la iglesia mucho hallo; mas es gente limitada, que no las sacarán de su paso todo el mundo. Caballeros de media talla también me ruegan; mas servir con estos es gran trabajo, porque de hombre os habéis de convertir en malilla, y, si no, “Andá con Dios” os dicen. Y las más veces son los pagamentos a largos plazos; y las más y las más ciertas, comido por servido », Lazarillo de Tormes…, p. 103-104). Retour au texte

28 Cristóbal SUÁREZ DE FIGUEROA, El Pasajero [1617], Éd. Mª Isabel López Bascuñana, Barcelona, Promoción y Publicaciones Universitarias, 1988. Voir par exemple, sur les nobles courtisans transformés en pretendientes, vol. II, p. 398-400 : « Por manera, que, sin valor, anhelan por las honras debidas al valeroso. Ni se avergüenzan cuando, sin algún mérito, cansan, importunan, muelen por el hábito, por la encomienda, por la llave, por cubrirse, y por otras dignidades de presidencias y consejos. “Señor, sirvió mi padre”. No basta, amigo: sirve tú; que, considerándolo bien, si obligaron tus antecesores, no murieron sin remuneración. Obraron y recibieron. Hízoles capaces la esperiencia y alcanzaron los premios al paso que sus talentos aprovecharon ». Sur cet auteur et son discours « social », voir Jean-Marc PELORSON, Les letrados, juristes castillans sous Philippe III. Recherches sur leur place dans la société, la culture et l’état, Poitiers, [Université de Poitiers], 1980. Retour au texte

29 « Su vida no es la que él vive, insinúa : su vida es su arte », Barry W. IFE, Lectura y ficción en el Siglo de Oro. Las razones de la picaresca, Barcelona, Crítica (Filología), 1992, p. 82. Retour au texte

30 Par manque d’espace, nous n’avons pu proposer ici une étude de la notion de charité (caridad) qui est à l’origine d’une réflexion aussi bien individuelle que collective sur le phénomène social de la mendicité. Retour au texte

31 Romans picaresques espagnols…, p. 63 (« Él mismo escribe su vida desde las galeras, donde queda forzado al remo por delitos que cometió, habiendo sido ladrón famosísimo, como largamente lo verás en la segunda parte. Y no es impropiedad ni fuera de propósito si en esta primera parte escribiere alguna dotrina; que antes parece muy llegado a razón darla un hombre de claro entendimiento, ayudado de letras y castigado del tiempo, aprovechándose del ocioso de la galera […] », Mateo ALEMÁN, Guzmán de Alfarache, Éd. José María Micó, Madrid, Cátedra (Letras Hispánicas), 1987, t. I, p. 113 – nous citerons dorénavant toujours à partir de cette édition –). Retour au texte

32 M. ALEMÁN, Guzmán…, t. I, i, 2, p. 153. Retour au texte

33 Romans picaresques espagnols…, p. 93. M. ALEMÁN, Guzmán…, t. I, i, 3, p. 163 (« El deseo de ver mundo, ir a reconocer en Italia mi noble parentela »). Retour au texte

34 Cette éducation corruptrice s’apparente, pour le protagoniste, à une deuxième naissance : voir Pedro CÓRDOBA, « À table avec Guzmán. Ethnologie du repas picaresque », in Hommage à Robert Jammes, Anejos de Criticón (1), Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 1994, p. 249-261. Retour au texte

35 Michel CAVILLAC, Gueux et marchands dans le «Guzmán de Alfarache», Bordeaux, Institut d’Études Ibériques, 1983, p. 361-368. Retour au texte

36 Romans picaresques espagnols…, p. 279 (« Después di en acompañarme con otros ancianos en la facultad, que tenían primores en ella, para saber gobernarme. Íbame con ellos a limosnas conocidas, que algunos por su devoción repartían por las mañanas en casas particulares », M. ALEMÁN, Guzmán…, t. I, iii, 2, p. 387. Retour au texte

37 M. ALEMÁN, Guzmán…, t. I, iii, 2, p. 388. Retour au texte

38 M. ALEMÁN, Guzmán..., t. I, iii, 3, p. 394. Retour au texte

39 Romans picaresques espagnols…, p. 284 (« Teníamos, como digo, nuestras leyes. Sabíalas yo de memoria, pero no guardaba más de las pertenecientes a buen gobierno, y las tales como si de su observancia pendiera mi remedio. Toda mi felicidad era que mis actos acreditaran mi profesión y verme consumado en ella », M. ALEMÁN, Guzmán…, t. I, iii, 3, p. 395). Retour au texte

40 Voir la très belle version castillane récemment éditée : Juan Luis VIVES, Tratado del socorro de pobres, traducción inédita del siglo XVI de Bernardo Pérez de Chinchón, Éd. Joaquín Parellada, Prol. Marcel Bataillon, Valencia, Biblioteca Valenciana (Humaniora), 2006. Retour au texte

41 Cristóbal PÉREZ DE HERRERA, Amparo de pobres, Éd. Michel Cavillac, Madrid, Espasa-Calpe (Clásicos Castellanos), 1975. Retour au texte

42 Romans picaresques espagnols…, p. 318 (« Ya soy paje. ¡Quiera Dios que no vengamos a peor! No es posible lo que está violentado dejar de bajar o subir a su centro, que siempre apetece. Sacáronme de mis glorias, bajándome a servir. Presto verás lo poco que asisto en ello », M. ALEMÁN, Guzmán de Alfarache…, t. I, iii, 7, p. 435). Retour au texte

43 Afin de traduire le terme de burla, nous avons eu recours au néologisme employé par Monique JOLY dans son étude classique : La bourle et son interprétation : recherches sur le passage de la facétie au roman, Lille/Toulouse, ANRT/France-Ibérie Recherches, 1986. Retour au texte

44 Romans picaresques espagnols…, p. 344 (« No me señaló plaza ni oficio: generalmente le servía y generalmente me pagaba. Porque o él me lo daba o en su presencia yo me lo tomaba en buen donaire. Y hablando claro, yo era su gracioso, aunque otros me llamaban truhán chocarrero », M. ALEMÁN, Guzmán…, t. I, iii, 10, p. 465). Retour au texte

45 Cet écrivain, dont l’identité n’a pas encore pu être identifiée, a publié en 1602 – soit deux ans avant la publication de la Seconde partie de Mateo Alemán – une continuation apocryphe récemment rééditée (Segunda parte de la vida del picaro Guzmán de Alfarache, Éd. David Mañero Lozano, Madrid, Cátedra (Letras Hispánicas), 2007). Dans le cadre de ses recherches sur le phénomène des continuations apocryphes et sur leur influence sur les secondes parties dites « authentiques » X fournit dans le chapitre 3 du présent ouvrage une étude consacrée au cas du Guzmán. Retour au texte

46 Romans picaresques espagnols…, p. 389 (« Mi amo holgaba de oírme, más que por oírme. Y como buen jardinero, recogía las flores que le parecían convenientes para el ramillete que deseaba componer y dejaba lo restante para su entretenimiento. Conversaba comigo de secreto lo que decían otros en público. Y no sólo comigo; antes, como deseaba saber y acertar, solicitaba las habilidades de hombres de ingenio, favorecíalos y honrábalos, y si eran menesterosos, dábales lo que buenamente podía y vía que les faltaba por un modo discreto, sin que pareciese limosna, dejándolos contentos, pagados y agradecidos », M. ALEMÁN, Guzmán…, t. II, i, 2, p. 60). Retour au texte

47 La lecture du Héroe est en effet censée déboucher pour le lecteur sur « una razón de estado de ti mismo », Baltasar GRACIÁN, El Héroe. Oráculo manual y arte de prudencia, Éd. Antonio Bernat Vistarini et Abraham Madroñal Durán, Madrid, Castalia (Clásicos Castalia), 2003, p. 67. Retour au texte

48 Romans picaresques espagnols…, p. 541 (« — Yo, pues –dije–, me quiero envestir el propio mío que de mis padres heredé y hasta hoy no he gozado, porque un dón, o ha de ser del Espíritu Santo para ser admitido y bien recibido de los otros, o ha de venir de línea recta [...]. Yo me llamo don Juan de Guzmán y con eso me contento », M. ALEMÁN, Guzmán…, t. II, ii, 6, p. 258-259). Retour au texte

49 Romans picaresques espagnols…, p. 740 (« [...] empleé mi dinerillo todo en cosas de vivanderos, de que luego en saliendo de allí había de doblarlo, y sucedióme bien. Hice, con licencia de mi amo, de aquella ganancia un vestidillo a uso de forzado viejo [...]. Ya con las desventuras iba comenzando a ver la luz de que gozan los que siguen a la virtud », M. ALEMÁN, Guzmán…, t. II, iii, 8, p. 505). Retour au texte

50 Michel CAVILLAC, « Les trois conversions de Guzmán de Alfarache », in « Atalayisme » et picaresque : la vérité proscrite, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 2007, p. 67-133. Retour au texte

51 M. ALEMÁN, Guzmán…, t. II, p. 28. Retour au texte

52 La critique nord-américaine (Benito Brancaforte, Caroll B. Johnson et Joan Arias) se plaît à voir dans la dénonciation du galérien Soto le signe le plus manifeste de la dégradation morale définitive de Guzmán sans prendre en considération l’identité sociale et éthique de l’individu dénoncé. Une telle lecture de la délation nous semble trop influencée par des problématiques qui ont surgi au XXe siècle et ont conféré à cet acte une valeur beaucoup plus dramatique. Retour au texte

53 Romans picaresques espagnols…, p. 755 (« [...] y exagerando el capitán mi bondad, inocencia y fidelidad, pidiéndome perdón del mal tratamiento pasado, me mandó desherrar y que como libre anduviese por la galera, en cuanto venía cédula de Su Majestad, en que absolutamente lo mandase, porque así se lo suplicaban y lo enviaron consultado », M. ALEMÁN, Guzmán…, II, iii, 9, p. 521-522). Retour au texte

54 Voir la contribution de Michel CAVILLAC, « Sobre la “bondad, inocencia y fidelidad” de Guzmán. Nota al capítulo final de la Atalaya », n Por discreto y por amigo. Mélanges offerts à Jean Canavaggio, Éds. Christophe Couderc et Benoît Pellistrandi, Madrid, Casa de Velázquez, 2005, p. 385-396. Retour au texte

55 Sur cette similarité, voir l’article classique de Gonzalo SOBEJANO, « De la intención y valor del Guzmán de Alfarache », in Forma literaria y sensibilidad social, Madrid, Gredos, 1967, p. 9-66. Retour au texte

56 A. REY HAZAS, Deslindes de la novela…, p. 27. Retour au texte

57 Luis de Valdés – prête-nom de l’auteur ? – écrit en effet : « […] si debajo de nombre profano, escribe tan divino, que puede servir a los malos de freno, a los buenos de espuelas, a los doctos de estudio, a los que no lo son de entretenimiento y, en general, es una escuela de fina política, ética y euconómica, gustosa y clara, para que como tal apetecida la busquen y lean », M. ALEMÁN, Guzmán…, t. II, p. 28. Retour au texte

58 Antonio de OBREGÓN Y CERECEDA, Discursos sobre la filosofía moral de Aristóteles, Valladolid, Luis Sánchez, 1603, fol. 14r (« La otra parte es llamada Filosofía moral, que enseña hazer al hombre bueno, y muestra a los Príncipes y a sus ministros, como pueden hazer el Reyno o la ciudad suya felize, y al padre de familia como aya de gobernar su casa »). Retour au texte

59 J.-M. PELORSON, Les letrados..., p. 363. Retour au texte

60 « […] esta Filosofía contiene en sí tres partes principales. La una de las quales enseña a hacer el hombre feliz en qualquiera estado que sea. La otra haze feliz una República o ciudad. La tercera, como se aya de gobernar una casa o familia: y la primera se trata en los libros de la Ethica, la segunda, en los libros de la Política, y aunque no sea cumplida en aquello de la Economía, que es mucho más imperfecto, porque no le hallo más que parte del primero que sea de Aristóteles », G. GUTIÉRREZ DE LOS RÍOS, Noticia general para la estimación de las artes, Madrid, Pedro Madrigal, 1600, fol. 15v, cité par J.-M. PELORSON, Les letrados, p. 363-364. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Philippe Rabaté, « Quelques réflexions sur la constitution du sujet social dans le Lazarillo et le Guzmán de Alfarache : poétique des valeurs et normes sociales », Filiations [En ligne], 2 | 2011, publié le 05 avril 2011 et consulté le 21 novembre 2024. DOI : 10.58335/filiations.97. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/filiations/index.php?id=97

Auteur

Philippe Rabaté

MCF, Centre Interlangues, Texte Image Langage (EA 4182), Université de Bourgogne, 2 Bd Gabriel – 21000 DIJON – philippe.rabate [at] u-bourgogne.fr