Les avatars du roman picaresque en Allemagne : Friedrich Schlegel et le roman romantique

DOI : 10.58335/filiations.106

Abstracts

Friedrich Schlegel (1772-1829), représentant majeur - avec Novalis - du "Romantisme d'Iéna", a consacré de nombreux écrits à l'esthétique romantique. Il a présenté son roman Lucinde (1799) comme le premier "roman romantique", tout en se référant, pour définir ce nouveau genre, à la grande histoire du roman européen, et en particulier à la tradition espagnole du roman picaresque.

Friedrich Schlegel (1772-1829), a prominent representative - together with Novalis - of the "Jena Romanticism", has devoted a large number of his works to romantic aesthetics. He considered his novel Lucinda (1799) as being the first "romantic novel", while referring - as a way to define this new genre - to the renowned history of the European novel, and particularly to the Spanish tradition of the picaresque novel.

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Entreprendre de jeter un pont entre le roman picaresque, fruit de la littérature espagnole des XVIe et XVIIe siècles, et le roman romantique, genre défini en Allemagne au moment de l’émergence du premier romantisme dans les années 1798-1800, peut s’apparenter à un défi. Les écueils à surmonter tiennent d’une part à l’important écart diachronique qui sépare les deux époques concernées, et d’autre part à l’occultation partielle du genre du roman romantique due au triomphe grandissant, en Allemagne et en Europe, du roman bourgeois, souvent lié à des canons esthétiques relevant peu ou prou du réalisme, et en rupture avec le romantisme.

En outre, le roman romantique sur lequel porteront nos réflexions ne saurait ici être abordé de façon exhaustive : chacun connaît la grande fortune du mouvement romantique en Allemagne comme dans toute l’Europe, ainsi que la diversité des formes littéraires qu’il a engendrées. De nombreuses études ont été menées à ce sujet, et elles ont précisé selon quelles constantes et quelles variables le romantisme avait été décliné dans le champ de la littérature européenne, sur le plan de l’esthétique en général comme sur le plan de la théorie des genres1.

Dans l’espace germanophone, le genre du roman romantique a été pratiqué par les représentants des différentes générations d’écrivains appartenant au mouvement du romantisme, selon des modèles esthétiques qui ont varié avec le temps2. Ce roman romantique, qui allait éclore sous différentes formes entre 1797 et les années 1820, avait trouvé dans le roman de Goethe, Les années d’apprentissage de Wilhelm Meister (Wilhelm Meisters Lehrjahre), publié en 1796, un premier modèle. En effet, cette œuvre, devenue très vite le paradigme du Bildungsroman3, avait établi définitivement le roman comme un genre littéraire à part entière aux côtés du drame et de la poésie lyrique. Toutefois, il convient de préciser que les auteurs romantiques ont réservé un accueil controversé à ce roman fondateur d’un nouveau genre, considéré tantôt comme un modèle à suivre, tantôt comme une forme provisoire, et nombre d’entre eux ont appelé à son dépassement en accord avec les idéaux esthétiques du romantisme. Les divers textes critiques qui ont été rédigés par Herder, Friedrich Schlegel, Novalis, Jean Paul, Hegel ou Eichendorff, sont les témoignages vivants de l’intense débat littéraire qui avait alors entouré le succès du roman de Goethe4. Ainsi, l’ensemble des romans publiés par les auteurs romantiques allemands se décline selon les grandes articulations chronologiques du romantisme allemand, et se présente comme un vaste jeu de variations plus ou moins audacieuses sur le thème du Bildungsroman goethéen.

Les représentants du premier romantisme d’Iéna, comme Ludwig Tieck, Friedrich Schlegel et Novalis s’attachent surtout à se démarquer du modèle du Wilhelm Meister : tous reconnaissent que ce roman a permis à Goethe d’ouvrir une brèche dans le champ de la poétique, mais ils critiquent en même temps les aspects réalistes et donc prosaïques de l’histoire du jeune Wilhelm. Tieck, dans son ouvrage Les Pérégrinations de Franz Sternbald (Franz Sternbalds Wanderungen, 1798), opte ainsi pour le genre du roman d’artiste (« Künstlerroman »), afin de garantir au personnage central de son roman une existence poétique, en accord avec l’idéal romantique d’une existence entièrement vouée à l’art et à l’esthétique. Lorsque Friedrich Schlegel écrit Lucinde en 1799, il est partagé entre son admiration pour le roman de Goethe, et sa volonté d’élargir le genre romanesque à l’aune de l’esthétique romantique qu’il élabore à cette même époque par ses contributions à la revue Athenäum. Dans Henri d’Ofterdingen (Heinrich von Ofterdingen, 1802), roman inachevé de Novalis, l’auteur opte pour une orientation radicalement poétique de l’histoire d’Henri, jeune musicien dont l’errance est constamment inspirée par le souvenir d’un rêve d’enfance, au cours duquel le visage de sa future bien-aimée lui a été révélé dans la vision d’une « fleur bleue ».

À l’époque du romantisme de Heidelberg, les deux auteurs du Cor enchanté de l’enfant (Des Knaben Wunderhorn, 1805-1808), Clemens Brentano et Achim von Arnim s’essaient eux aussi au genre du roman, mais influencés à la fois par le modèle canonique goethéen et les expérimentations narratives de Tieck ou de Schlegel, ils ne réussissent que difficilement à s’approprier cette forme littéraire nouvelle. Brentano, qui publie en 1801 son roman Godwi, ajoute en sous-titre la mention « roman en friche » (« ein verwilderter Roman »), autojustification poétique qu’il récusera plus tard en qualifiant cette œuvre d’« enfant malade et infirme ». Le roman d’Arnim Les gardiens de la couronne (Die Kronenwächter, 1817) relève à la fois du genre historique et du genre patriotique : l’auteur a cherché à donner à son œuvre une forme composite et complexe dans laquelle se mêlent certains événements du XVIe siècle et des éléments merveilleux ou fantastiques, mais il a finalement laissé son projet inachevé.

La confrontation consciente et inconsciente avec le modèle du roman goethéen culmine enfin avec les nombreuses œuvres d’Ernst Theodor Amadeus Hoffmann. Cet écrivain, souvent présenté comme le fondateur du genre de la nouvelle ou du roman fantastique, reprend apparemment à son compte la tradition du récit de la vie d’un personnage, le plus souvent jeune, inexpérimenté et parti à la découverte du monde et des autres. Toutefois, le récit de cette découverte n’est plus, sous sa plume, que la vision parodique du modèle goethéen : à la différence de Wilhelm Meister, qui fait un apprentissage de plus en plus raisonnable de l’existence, les personnages des récits de Hoffmann voyagent dans un monde obscur et souvent menaçant, s’égarant même parfois jusque dans la folie. Dans L’homme au sable (Der Sandmann, 1816) ou encore dans Le Chat Murr (Lebensansichten des Katers Murr nebst fragmentarischer Biographie des Kapellmeisters Johannes Kreisler in zufälligen Makulaturblättern, 1820-1822), la rupture est achevée. Dans L’homme au sable, Nathanaël est victime de la folie qui triomphe en lui, et ne fera jamais le chemin qui mène à la maturité. De même, dans la « biographie fragmentaire » du maître de chapelle Johannes Kreisler, son inaptitude d’artiste à affronter le réel le prive à jamais d’un commerce harmonieux avec le monde qui l’entoure.

Toutes les œuvres mentionnées ici sont autant d’exemples de la variété des formes qu’a pu prendre le roman romantique, genre en grande partie nouveau et propice à l’expérimentation sur le plan de la thématique et surtout sur celui de la narration. Dans le vaste tableau qu’il conviendrait de brosser pour rendre compte de la fortune de ce genre en voie d’élaboration, la contribution de Friedrich Schlegel à l’émergence du roman romantique apparaît à plusieurs égards comme originale et fondatrice, en particulier parce que cet auteur a travaillé à la rédaction de son roman Lucinde en même temps qu’à la formulation d’une poétique novatrice du roman. Ce parallélisme n’est d’ailleurs nullement fortuit, puisqu’il est fondé sur la conviction de Schlegel que la critique littéraire n’est qu’une autre manifestation de la création poétique, ce qui explique les multiples convergences qui s’établissent chez lui entre théorie et pratique du roman. C’est d’ailleurs en soulignant cette « homogénéité de l’œuvre poétique et théorique de Friedrich Schlegel » que le critique Karl Konrad Polheim tranche le débat concernant la priorité éventuelle de la théorie sur la pratique. Il affirme ainsi à propos des deux volets de l’œuvre de Schlegel : « Il existe entre les deux un rapport réciproque étroit, originel et immédiat. Les carnets de notes prouvent avec quelle intensité Schlegel, au moins depuis 1797, s’est occupé du roman et de la poésie romantique »5.

Après une brève présentation de Friedrich Schlegel, acteur éminent du « romantisme d’Iéna », il conviendra de présenter quelques aspects de sa théorie esthétique et poétique, dans laquelle il s’attache à dessiner une nouvelle histoire de la littérature européenne. C’est dans ce cadre que le jeune romantique se réfère explicitement au roman espagnol du début du XVIIe siècle, en particulier à l’œuvre de Cervantès, ainsi qu’à la tradition picaresque inspirée par le Lazarillo de Tormès. Notre étude portera enfin sur Lucinde, unique roman – d’ailleurs inachevé – de Friedrich Schlegel, paru en 1799 à Berlin, et longtemps considéré par la critique comme un « sacrilège esthétique, ainsi qu’un sacrilège moral »6.

Friedrich Schlegel et le romantisme d’Iéna

Les représentants du romantisme d’Iéna sont tous passés à la postérité en tant que figures déterminantes pour l’évolution de la littérature et de la philosophie allemandes. La liste en est connue : Novalis, auteur des Hymnes à la nuit (1800) et d’Henri d’Ofterdingen (1802), Ludwig Tieck, qui travaille en même temps à des contes, à son roman Les Pérégrinations de Franz Sternbald (1798) et à une traduction du Don Quichotte, les frères August Wilhelm et Friedrich Schlegel, les philosophes Fichte et Schelling, ou encore le théologien Schleiermacher. Tous ces auteurs se retrouvent fréquemment à Iéna, petite ville récemment devenue ville universitaire, et lieu de rassemblement de bon nombre de penseurs de l’époque : ainsi, Schiller y avait été titulaire d’une chaire d’histoire entre 1788 et 1791, et il avait eu pour étudiant le jeune Friedrich von Hardenberg, le futur Novalis. La petite ville d’Iéna s’affirme donc à l’époque comme un haut lieu de la vie culturelle, à côté – sur les plans géographique et esthétique – de l’autre grand lieu de la culture allemande, Weimar, pôle de l’activité des deux représentants du classicisme allemand Goethe et Schiller. Entre ces deux pôles se sont d’ailleurs établis des liens complexes et parfois contradictoires, les jeunes auteurs d’Iéna se situant le plus souvent en marge, voire en opposition par rapport à leurs deux aînés, mais reconnaissant en même temps leur importance majeure dans l’évolution contemporaine de la littérature. Le débat littéraire suscité par la parution, en 1795, du roman de Goethe Les années d’apprentissage de Wilhelm Meister, s’inscrit clairement dans le champ de ces relations conflictuelles mais fécondes entre Iéna et Weimar.

Sur le plan de l’esthétique, tous ces jeunes auteurs sont fortement influencés par leurs lectures philosophiques, en particulier par l’esthétique transcendantale de Kant, et plus encore par les positions de Fichte, lequel, dans son ouvrage de 1794, Fondement d’une doctrine de la science (Grundlage der gesamten Wissenschaftslehre), établit la toute-puissance du moi par rapport au monde, désigné par l’expression de « non-moi » ; c’est ainsi au nom de cette absolutisation du moi que les romantiques d’Iéna reconnaissent la toute-puissance du moi créateur, telle qu’elle peut se manifester dans l’activité artistique. L’élan que leur a donné la philosophie va ensuite s’épanouir dans l’aspiration à atteindre une sorte de communion et de sympathie profonde des âmes et des esprits, qu’ils nommeront « symphilosophie » ou « sympoésie »7.

Dans cette constellation, Friedrich Schlegel devient très vite une figure centrale, en partie grâce à sa grande érudition littéraire, acquise en tant qu’autodidacte, après une jeunesse un peu désordonnée et un bref apprentissage dans le domaine du commerce. Dès l’âge de vingt-deux ans, en 1794, il publie une première étude sur la poésie grecque, suivie de divers écrits sur la littérature européenne, considérée depuis la fin du Moyen Âge jusqu’à la période qui lui est contemporaine, puisqu’il traite d’auteurs comme Lessing, Goethe ou Forster8. Un autre volet important de son activité commence en 1798, lorsqu’il fonde, avec l’aide de son frère aîné Wilhelm, la revue littéraire et philosophique Athenäum. Dans cette revue, qui deviendra l’organe principal du romantisme d’Iéna jusqu’en 1801 – année marquée par la mort de Novalis –, seront publiés en particulier les célèbres Fragments, rédigés parfois en commun par les deux frères, et qui contiennent pour une grande part les premiers propos théoriques de Friedrich Schlegel en matière d’esthétique, mais aussi de philosophie ou de politique. C’est encore dans cette revue que paraît en 1800 l’Entretien sur la poésie (Gespräch über die Poesie), lequel regroupe quatre textes traitant d’esthétique dont la Lettre sur le roman (Brief über den Roman), qui contient les principales considérations de Schlegel au sujet du roman romantique.

L’esthétique de Friedrich Schlegel

L’une des caractéristiques principales de la théorie esthétique de Friedrich Schlegel tient à l’intérêt constant que l’auteur a porté, depuis sa jeunesse, à l’histoire de la littérature européenne, qu’il étudie en partant de l’Antiquité, avant de passer en revue les grandes œuvres italiennes, espagnoles et anglaises des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, incluant aussi la période qui lui est contemporaine. Il convient de voir, dans la perspective fondamentalement diachronique que suit Schlegel, l’écho de l’interrogation esthétique propagée un peu plus tôt par un ouvrage de Winckelmann, paru en 1755, et intitulé Réflexions sur l’imitation des œuvres des Grecs en peinture et en sculpture (Gedanken über die Nachahmung der Griechischen Werke in der Malerei und Bildhauer-Kunst). Cet ouvrage, dont on sait qu’il avait influencé Goethe et Schiller au moment où ils élaboraient la théorie du « classicisme de Weimar », allait aussi donner au jeune Schlegel l’impulsion nécessaire à la rédaction de ses premiers écrits, lui qui – au moment où il se rendait à Dresde en 1794 – affirmait qu’il voulait devenir « le Winckelmann de la poésie grecque »9.

Schlegel, à la suite de Winckelmann, s’adonne d’abord à la lecture approfondie des œuvres littéraires et philosophiques de l’Antiquité grecque et latine, avant de considérer ces œuvres prétendument canoniques selon une perspective nouvelle, intégrant la pensée historique à la réflexion esthétique. Le jeune philologue va ainsi s’attacher à réfuter la notion de modèles intemporels, puisque, selon lui, chaque époque produit ses propres « classiques » – œuvres ou auteurs –, en vertu d’une évolution nécessairement historique des canons esthétiques. Dans cette nouvelle appréciation de la littérature antique, on reconnaît l’influence naissante de l’historicisme, la vigueur de l’histoire s’étant radicalement manifestée dans la conscience des Européens par l’irruption des événements de la Révolution Française.

Dans différents écrits qu’il rédige entre 1794 et 1800, Schlegel propose ainsi sa vision personnelle de l’évolution de la littérature, ou de la « poésie » (au sens du terme allemand de « Dichtung »), en définissant les grands cycles et les étapes décisives d’une histoire de la littérature européenne. Le texte le plus explicite à cet égard est une contribution incluse dans l’Entretien sur la poésie et intitulée Époques de la poésie (Epochen der Dichtkunst)10, dans laquelle l’auteur définit précisément, par une sorte de grand tableau généalogique, comment ces grandes « époques » se succèdent et s’articulent entre elles.

Pour Schlegel, il existe dans la littérature européenne une continuité historique qui commence avec les Grecs : l’Antiquité est vue comme la « source originelle », et « la floraison de la poésie homérique » comme « la germination de toute poésie »11. À l’épopée ont succédé les deux genres dramatiques de la tragédie et de la comédie, avant qu’un certain déclin n’apparaisse « quand l’imitation elle-même fut épuisée »12. L’émergence de la littérature romaine représente la phase suivante, l’auteur soulignant dans cette littérature la prédominance de la satire, genre qu’il relie fortement à la pratique de l’urbanité. Le Moyen Âge, épris de théologie, marque une éclipse de la poésie, avant que la Renaissance italienne ne permette une véritable résurgence d’un « torrent poétique » qui « ne pouvait plus tarir dans la nation bénie des Italiens » : Dante, Pétrarque et Boccace sont cités par Schlegel comme les « trois noms » qui marquent « le sommet de l’art moderne de style ancien »13. Une nouvelle époque s’ouvre ensuite pour la littérature espagnole, car « toute l’histoire de l’art chez les Espagnols […], et celle des Anglais […], se ramène à deux hommes, Cervantès et Shakespeare, si grands qu’auprès d’eux tout le reste semble un simple environnement qui les prépare, les explique, les complète »14. Schlegel célèbre Cervantès pour le Don Quichotte, mais souligne aussi l’influence, dans la tradition espagnole, du genre de « la romance – faite pour conter gravement et fidèlement, avec noblesse et simplicité, de vieilles histoires fières et émouvantes »15, sorte de préfiguration, y compris sur le plan étymologique, du « roman » à venir. L’exposé de Schlegel se termine par un passage sur Goethe, écrivain auquel est attribuée une fonction de médiateur et d’inspirateur pour la littérature allemande en train de s’élaborer, car, selon Schlegel, « l’universalité de Goethe »16 est un modèle fécond qui montre que « philosophie et poésie, les plus hautes facultés de l’homme […], s’entremêlent désormais pour se vivifier et se modeler l’une l’autre, dans une incessante action réciproque »17. Ce stade suprême de la « poésie », auquel aspirent Schlegel et les autres représentants du romantisme d’Iéna, marquera alors l’avènement d’une nouvelle littérature, dont le roman Les années d’apprentissage de Wilhelm Meister est l’un des premiers exemples. Car, même s’il n’est pas fait ici explicitement référence à ce roman, c’est avant tout cette œuvre qui marque pour Schlegel le passage à une forme moderne de littérature, comme le montrent plusieurs autres textes de Schlegel à ce sujet. Dans le célèbre fragment 216 de l’Athenäum, l’auteur cite ainsi ce roman, aux côtés de « la doctrine de la science de Fichte » et de « la Révolution française », comme l’une des « plus grandes tendances du siècle »18. En 1798, il écrira l’article Über Goethes Meister19, avant de consacrer, en 1800, toute une partie de son Entretien sur la poésie à un Essai sur les divers styles de Goethe dans ses œuvres de jeunesse et de maturité20.

« Il ne reste plus aux Allemands qu’à continuer à utiliser ces moyens et à suivre l’exemple de Goethe, en explorant jusqu’à l’origine les formes de l’art afin de pouvoir leur donner une vie ou une combinaison nouvelle »21 : en concluant ainsi son texte sur les Époques de la poésie, Schlegel donne sens à cette longue exploration généalogique, qui n’a d’autre but que de déboucher sur la définition de la « poésie moderne », incarnée principalement à ses yeux par le genre du roman.

C’est dans sa Lettre sur le roman, autre texte contenu dans l’Entretien sur la poésie, que Schlegel s’est attaché à décrire le roman comme le genre « moderne » par excellence. En écho avec la remarque qui ouvre le fragment 146 de l’Athenäum – « toute la poésie moderne tire sa couleur originale du roman »22 –, on remarque avec quel intérêt constant l’auteur a lu et étudié les romans de la littérature européenne, en particulier Tristram Shandy de Laurence Sterne, Jacques le fataliste de Diderot, ou les romans de Jean Paul, œuvres auxquelles il consacre ses principaux développements. Dans la Lettre sur le roman, il présente ces trois textes comme des « grotesques » et des « confessions », exemples exceptionnels et remarquables, parce qu’ils sont à ses yeux « les seuls produits romantiques de notre époque sans romantisme »23.

Au-delà de l’aspiration à l’avènement d’un romantisme qui se fait attendre, Schlegel définit avec les « grotesques » et les « confessions » deux des éléments essentiels du roman romantique, tel qu’il est en train de le concevoir. Le terme « confessions » évoque clairement la teneur fortement autobiographique du roman, comme le souligne l’affirmation selon laquelle « la meilleure part des meilleurs romans n’est rien qu’une auto-confession plus ou moins déguisée de l’auteur, le fruit de son expérience, la quintessence de son originalité »24. L’histoire particulière d’une personne ou d’une personnalité comme source et substance du roman apparaît comme la réminiscence d’une longue tradition qui remonte au roman picaresque. L’appellation « grotesque » doit être comprise dans ce contexte comme un synonyme du terme d’arabesque25. Schlegel fait allusion aux formes courbes et entrelacées qui caractérisent certains motifs de fresques, entrelacs que l’auteur veut appliquer à la forme du roman tel qu’il l’envisage. En effet, cette forme doit être « fantastique », la réunion de la « forme fantastique » et du « fond sentimental » définissant pour lui le terme « romantique », ainsi que le résume la déclaration suivante : « Car selon ma conception et ma terminologie, est romantique précisément ce qui nous expose un fond sentimental sous une forme fantastique »26.

Le roman romantique qu’imagine Schlegel est un roman à venir, encore marqué du sceau de l’hypothétique, puisque « ce seraient de véritables arabesques, lesquelles sont, avec les confessions […] les seuls produits romantiques naturels de [son] époque »27. Ce goût pour les « véritables arabesques » signifie une prédilection marquée, chez Schlegel, pour des formes romanesques ouvertes, multiples, voire hétéroclites, permettant de réunir, à l’intérieur du roman, toutes les manifestations possibles de la « poésie ». Le roman est ainsi pour lui fondamentalement une forme mixte, « un mélange de récit, de chant, et d’autres formes », ce qu’il déduit en partie de la tradition espagnole et soulignant que « jamais Cervantès n’écrivit autrement »28. Se référant ainsi à Cervantès, ou encore à Boccace, Schlegel puise dans ces auteurs la source d’un romantisme originel, à partir duquel, sur le mode tautologique, il peut formuler sa célèbre définition du roman : « un roman est un livre romantique »29.

Fondé sur le jeu des « arabesques » et des « confessions », le roman imaginé par Schlegel ne saurait non plus être défini sans que soit évoquée enfin l’importance du « Witz », à la fois trait d’esprit et mode de pensée fulgurant, accompagnant toutes les facettes de l’activité d’un artiste défini comme romantique. Toute chose humaine, qu’il s’agisse de la réflexion philosophique ou de la création poétique, doit être soumise au regard de « l’ironie », telle que Schlegel l’a définie dans ses Fragments, et en particulier dans le fragment 108 de la revue Lyceum, comme « le sentiment de l’insoluble conflit entre l’inconditionné et le conditionné »30. Grâce à l’ironie ainsi définie, tout génie créateur est amené à prendre conscience de la nature paradoxale de la création artistique et intellectuelle, laquelle permet à l’artiste de pressentir la proximité de la transcendance, en même temps qu’il se voit sans cesse confronté aux limites humaines et indépassables de son élan créateur. Sous la plume de Schlegel, l’humour pratiqué dans le roman picaresque se retrouve ainsi sous la forme philosophique d’une poésie conçue comme « transcendantale »31.

Le « roman romantique » représente donc pour Schlegel un idéal à atteindre, en vertu du grand mouvement historique qu’il expose dans le célèbre fragment 116 de l’Athenäum, dans lequel il définit « la poésie romantique » comme « une poésie progressive universelle », « le genre poétique romantique » étant « encore en devenir », car « c’est son essence propre de ne pouvoir qu’éternellement devenir et jamais s’accomplir »32.

Lucinde, un « roman romantique »

L’intense activité théorique de Schlegel au sujet de la poésie romantique entre évidemment en résonance avec la forme, d’ailleurs inachevée, qu’il a donnée à son roman Lucinde, témoignage éclairant de la volonté de l’auteur de faire du roman le genre romantique par excellence.

Dès le début du « Prologue » à son roman, Schlegel établit la filiation dans laquelle il désire s’inscrire, la forme du prologue lui permettant de nommer Pétrarque, Boccace et Cervantès, les trois auteurs qui l’ont le plus fortement inspiré. Il s’agit toutefois pour lui non seulement de les nommer, mais surtout de les associer en tant que figures tutélaires à son propre projet romantique. Il écrit :

Avec une émotion souriante, Pétrarque contemple ses romances éternelles et ainsi s’ouvre leur recueil. Courtois et flatteur, l’avisé Boccace adresse, au début et à la fin de son riche ouvrage, un discours à toutes les dames. Et même le grand Cervantès, qui, vieillard et à l’agonie, demeure encore aimable et riche en délicats traits d’esprit, couvre les scènes aux mille couleurs de ses œuvres pleines de vie de la tapisserie précieuse d’une préface qui est elle-même déjà une belle peinture romantique33.

L’admiration de Schlegel pour Cervantès, telle qu’elle se dégage de ces quelques lignes, peut aussi expliquer le prénom choisi pour le principal personnage féminin et pour le titre du roman, « Lucinde », réminiscence possible de la Luscinda du Don Quichotte. Au-delà de cette possible parenté littéraire, de nombreux propos soulignent les liens étroits qui existent entre le projet de Schlegel et le genre romanesque tel que Cervantès l’avait pratiqué à son époque. C’est le cas dans les passages de la Lettre sur le roman mentionnés précédemment, mais aussi dans l’ouvrage Histoire de la littérature européenne, paru en 1803-1804. Schlegel affirme par exemple que « le concept du roman, tel que Boccace et Cervantès l’établissent, est celui d’un livre romantique, d’une composition romantique, où toutes les formes et tous les genres sont mêlés et entrelacés »34.

Pourtant, il est un autre lien entre le roman de Schlegel et le roman espagnol, qu’il convient désormais de chercher plutôt dans la tradition du roman picaresque, et qui tient à l’importance donnée par l’auteur à la dimension autobiographique, dans ses textes théoriques – dans les Fragments et dans la Lettre sur le roman – comme dans son roman Lucinde. L’un des fragments de Schlegel pose clairement le rapport entre récit autobiographique et roman romantique, par cette seule formule lapidaire : « Les confessions font partie des romans romantiques »35. Dans Lucinde, le terme de « confessions » est introduit dès le premier chapitre par le titre « Confessions d’un maladroit. Julius à Lucinde »36, et il vaut pour le roman tout entier, du moins pour la seule partie de l’œuvre, restée finalement inachevée. La référence à Rousseau, et peut-être à Saint Augustin, est évidente, mais ne saurait occulter la filiation plus directe qui relie Schlegel à Goethe, et le roman Lucinde au roman Les années d’apprentissage de Wilhelm Meister, ouvrage abondamment commenté par le jeune auteur romantique et dont un chapitre est intitulé « Confessions d’une belle âme ».

Pour Schlegel, le roman de Goethe a ouvert de nouvelles voies à la poésie romantique à venir, comme le montre un autre exemple d’intertextualité, lui aussi d’inspiration nettement goethéenne. En effet, la partie centrale du roman de Schlegel est intitulée « Les années d’apprentissage de la masculinité »37. L’allusion à Goethe est ici manifeste, et insiste sur le sujet du roman : une histoire d’amour, l’histoire d’un amour progressif et complexe, entre Julius et Lucinde, elle-même reflet poétique de la relation tourmentée vécue par Schlegel et sa future femme Dorothea. À l’époque, cette relation a été fréquemment présentée comme scandaleuse, Schlegel s’étant lié dès 1797 à Dorothea, fille du philosophe Moses Mendelssohn, alors qu’elle était encore l’épouse du banquier Veit. Le divorce ne fut prononcé qu’en 1799, le mariage ne fut célébré qu’en 1804. De nombreux contemporains ont alors fustigé le roman Lucinde comme le roman d’un amour excessif, condamnable, voire impudique et choquant. Car, en accord avec sa conception métaphysique de l’amour, d’un amour total, à la fois charnel, « sensuel, spirituel et religieux »38, qui permette une médiation vers la transcendance, Schlegel n’avait pas craint d’ajouter à certaines scènes des accents sensuels et érotiques, difficilement acceptables par les lecteurs de l’époque.

« Les années d’apprentissage de la masculinité », chapitre central des « Confessions d’un maladroit » reprennent ainsi le modèle goethéen, mais en lui ajoutant une perspective ironique, en accord avec la notion d’ironie romantique, telle que Schlegel l’a définie à plusieurs reprises. Mode de perception du monde, et de la condition humaine en général, l’auteur l’applique à son personnage de Julius, en se jouant de sa propre existence et du récit de celle-ci par la pratique du « Witz », qui est pour lui « la manifestation » de l’ironie qui, elle, est « intérieure »39.

En outre, la forme obéit elle aussi au principe ironique, ce qui débouche sur une véritable complexité de la narration. En effet, l’auteur expérimente la diffraction de l’instance narrative, donnant volontairement à son roman Lucinde une architecture « chaotique », comme l’exprime l’un des fragments, ainsi formulé : « Le chaos en tant qu’idée de la forme du roman […] Lucinde »40. Ainsi, dans les différentes parties, le lecteur rencontre divers modes de narration – récit à la première ou à la troisième personne, lettres –, mais aussi plusieurs genres littéraires, classiques ou modernes, tels que « l’allégorie », « l’idylle » ou encore une « fantaisie en style dithyrambique ». Il résulte de cette multiplicité des formes employées une véritable polyphonie, Schlegel tenant à donner à son roman une dimension philosophique, selon la tradition du « banquet », ou du « symposium », lors duquel toutes les voix se font entendre.

La complexité de l’ensemble rappelle aussi la prédilection de Schlegel pour l’arabesque, forme née du libre jeu de l’imagination, ou de la « fantaisie » de l’auteur, mais une forme finalement ordonnée, structurant l’espace de la narration selon plusieurs principes. On peut remarquer par exemple que le roman Lucinde repose sur une architecture symétrique conçue à partir du chapitre central, « Les années d’apprentissage de la masculinité », ce chapitre étant précédé et suivi de deux volets composés respectivement de six chapitres. D’autres effets esthétiques reposent sur l’opposition symétrique des contraires dans l’intitulé des titres des chapitres, par exemple dans les formules « Fidélité et badinage », ou « Nostalgie et quiétude »41. Le jeu des correspondances s’applique aussi au nombre des chapitres – treize au total –, que l’on retrouve dans la construction de la première lettre du roman, divisée en treize parties, division matérialisée dans certaines éditions du roman par l’ajout d’un trait de séparation42.

Le chaos que dévoile ce roman est donc un chaos ordonné, ce que Schlegel résume par le paradoxe contenu dans les fragments suivants : « Dans le roman, la poésie et la philosophie sont synthétisées de façon chaotique », ou encore : « Le tout [Lucinde], chaotique et pourtant systématique »43. En outre, le roman Lucinde, jeu de miroirs et d’échos variés, entre aussi en résonance avec les fragments théoriques de l’auteur, roman et théorie du roman se fondant encore dans une grande synthèse conforme à l’idéal romantique. En effet, comme Schlegel l’écrit dans sa Lettre sur le roman, « telle théorie du roman devrait elle-même être un roman qui rende, dans leur éclat fantastique, chacune des tonalités éternelles de la fantaisie »44.

Dans cette synthèse de l’art romantique européen, telle qu’il souhaite la réaliser dans son roman Lucinde, Schlegel évoque souvent la tradition espagnole par ses nombreuses références à Cervantès, qu’il considère comme l’un des parrains du futur roman romantique. Il apparaît néanmoins que, dans son appréciation de la tradition espagnole, Schlegel mêle ou confond l’esthétique du roman issue du Don Quichotte et l’esthétique du roman picaresque, apparue avec le Lazarillo de Tormes. Cette fusion, ou cette confusion, s’explique par la réception parallèle des deux romans espagnols, traduits tous les deux en allemand au début du XVIIe siècle (respectivement 1617 et 1621)45, les règles fondamentales du genre romanesque – opposé à l’épopée – s’étant alors répandues en Allemagne, en même temps qu’étaient gommées les différences entre les deux œuvres. En outre, la conception du roman, telle que Schlegel était en train de l’élaborer, pouvait facilement se nourrir des traits communs aux deux types de roman. Car le roman conçu par Schlegel est avant tout l’histoire, en forme de confession, de la confrontation entre un individu et le monde, l’ironie romantique répondant à l’humour picaresque comme moyen de remédier au désordre ou à l’inachèvement du monde. Enfin, les deux romans espagnols fournissaient l’exemple d’une narration libre, cumulative, et foisonnante, en accord avec les aspirations stylistiques de Schlegel. C’est ainsi qu’une continuité pouvait se développer entre lui et ses modèles, comme en témoignent certaines notes dans lesquelles Schlegel évoque les plans de futurs romans reprenant la figure du Sancho de Cervantès.

Ainsi peut-on reconnaître une sorte de dette de Schlegel envers les premiers auteurs de romans, en raison de sa volonté constante d’expérimenter de nouvelles formes en matière de production romanesque, afin de faire progresser le genre du roman romantique, genre susceptible de réunir poésie et philosophie, et d’exprimer cette « poésie progressive universelle » qui est l’idéal vers lequel doit tendre l’humanité.

De cette immense ambition liée à la philosophie du premier romantisme allemand, émerge avant tout, sur le plan poétologique et narratologique, l’intégration – même partielle – d’une dimension autoréflexive, véritable « potentialisation » du récit en tant que tel : le roman devient « progressif », il est work in progress. Ce sont surtout ces aspects qui ont été repris dans le roman du XXe siècle, par exemple par des auteurs comme Thomas Mann, Robert Musil, ou Heimito von Doderer, dès lors que s’est posée de plus en plus radicalement la question de la narration. C’est aussi ce qui explique le nouvel élan dans l’histoire de la réception de Lucinde, roman qu’on ne saurait plus désormais décrier comme un « sacrilège esthétique ».

Notes

1 Voir par exemple Rüdiger SAFRANSKI, Romantik: eine deutsche Affäre, München, Hanser, 2007 ; Detlef KREMER, Prosa der Romantik, Stuttgart, Metzler, 1997 ; Eckart KLESSMANN, Die deutsche Romantik, Köln, Dumont, 1979 ; Hans STEFFEN (Dir.), Die deutsche Romantik: Poetik, Formen und Motive, Göttingen, Vandenhoeck, 1978. Return to text

2 Sur le « roman romantique », voir Eberhard LÄMMERT et al. (Dir.), Romantheorie: Dokumentation ihrer Geschichte in Deutschland – 1620-1880, Köln-Berlin, Kiepenheuer & Witsch, 1971 ; Esther HUDGINS, Nicht-epische Strukturen des romantischen Romans, La Haye-Paris, Mouton, 1975. Return to text

3 Voir Rolf SELBMANN, Der deutsche Bildungsroman, Stuttgart, Metzler, 1984. Return to text

4 Voir par exemple le chapitre „Zeitgenössische Äußerungen“, in Ehrhard Bahr (Dir.), Johann Wolfgang von Goethe: Wilhelm Meisters Lehrjahre – Erläuterungen und Dokumente, Stuttgart, Reclam, 1982, p. 297-342. Return to text

5 „Denn das Problem der Zusammengehörigkeit des dichterischen und theoretischen Werkes Friedrich Schlegels kann nicht von einer Seite allein aus bestimmt oder geklärt werden. Zwischen beiden besteht ein enges, ursprüngliches und unmittelbares Wechselverhältnis. Die Notizhefte beweisen, wie intensiv Schlegel sich zumindest seit 1797 mit dem Roman und der romantischen Poesie beschäftigt hat.“ Karl Konrad POLHEIM, „Friedrich Schlegels ‚Lucinde’“, in Friedrich Schlegel und die Romantik, Zeitschrift für deutsche Philologie, 88, 1970, p. 61-90, p. 62. Return to text

6 „Seitdem hat die Forschung freilich erwiesen, daß der Roman […] ebenso wenig als ‚ein ästhetischer Frevel’ und ‚zugleich ein moralischer Frevel’ gelten könne, wie Haym sich ausdrückte.“ K. K. POLHEIM, „Friedrich Schlegels ‚Lucinde’“ …, p. 61. Return to text

7 Voir par exemple le fragment 125 dans la revue Athenäum : „Vielleicht würde eine ganz neue Epoche der Wissenschaften und Künste beginnen, wenn die Symphilosophie und Sympoesie so allgemein und so innig würde, daß es nichts Seltnes mehr wäre, wenn mehre sich gegenseitig ergänzende Naturen gemeinschaftliche Werke bildeten.“ Friedrich SCHEGEL, „Athenäums“ – Fragmente und andere Schriften, Stuttgart, Reclam, p. 93. (Édition utilisée pour les citations de Schlegel contenues dans notre article.) (« (125) Une toute nouvelle époque commencerait peut-être dans les sciences et les arts si la symphilosophie et la sympoésie se généralisaient et s’intériorisaient au point qu’il ne soit plus rare de voir une œuvre commune élaborée par plusieurs natures se complétant mutuellement. » Philippe LACOUE-LABARTHE et Jean-Luc NANCY, L’absolu littéraire – Théorie de la littérature du romantisme allemand, Paris, Seuil, 1978, p. 114-115.) Return to text

8 Pour les études sur la littérature antique, voir Kritische Friedrich-Schlegel-Ausgabe, Bd. I, Ernst BEHLER (Éd.), Paderborn-München-Wien, Verlag Ferdinand Schöningh / Zürich, Thomas-Verlag, 1979 : Von den Schulen der griechischen Poesie (1794), p. 3-18, Die Griechen und Römer. Historische und kritische Versuche über das klassische Altertum (1797), p. 203-368, Geschichte der Poesie der Griechen und Römer (1798), p. 395-568. Pour Georg Forster (1797), Über Lessing (1797) et Über Goethes Meister (1798), voir F. SCHLEGEL, „Athenäums– Fragmente und andere Schriften…, respectivement p. 21-45, p. 46-75 et p. 143-164. Return to text

9 Cité d’après Ernst BEHLER, Friedrich Schlegel, Hamburg, Rowohlt, 1996, p. 29 : „Mit diesem Auftrag, ein ‚Winckelmann der griechischen Poesie’ zu werden, begab sich Schlegel im Januar 1794 nach Dresden.“ Return to text

10 Epochen der Dichtkunst, in F. SCHLEGEL, „Athenäums“ – Fragmente und andere Schriften…, p. 171-190 ; Époques de la poésie, in P. LACOUE-LABARTHE et J.-L. NANCY, L’absolu littéraire…, p. 294-311. Return to text

11 « C’est pourquoi l’histoire […] remonte toujours plus haut dans l’antiquité, jusqu’à la première source originelle. […]. Dans la floraison de la poésie homérique, c’est en quelque sorte la germination de toute poésie que nous voyons. » P. LACOUE-LABARTHE et J.-L. NANCY, L’absolu littéraire…, p. 295. („Darum steigt die Geschichte […] immer höher ins Altertum zurück, bis zur ersten Quelle. […] In dem Gewächs der Homerischen sehen wir gleichsam das Entstehen aller Poesie.“ F. SCHLEGEL, „Athenäums– Fragmente und andere Schriften…, p. 171-172.) Return to text

12 P. LACOUE-LABARTHE et J.-L. NANCY, L’absolu littéraire…, p. 298. („Nachdem die Nachahmung auch erschöpft war […].“ F. SCHLEGEL, „Athenäums– Fragmente und andere Schriften…, p. 175.) Return to text

13 « Ces trois noms sont le sommet de l’art moderne de style ancien. […] Jailli de telles sources, le torrent poétique ne pouvait plus tarir dans la nation bénie des Italiens. » P. LACOUE-LABARTHE et J.-L. NANCY, L’absolu littéraire…, p. 301. („Diese drei sind die Häupter vom alten Styl der modernen Kunst […]. Aus solchen Quellen entsprungen, konnte bei der vorgezogenen Nation der Italiäner der Strom der Poesie nicht wieder versiegen.“ F. SCHLEGEL, „Athenäums– Fragmente und andere Schriften…, p. 179.) Return to text

14 P. LACOUE-LABARTHE et J.-L. NANCY, L’absolu littéraire…, p. 302. („Die Kunstgeschichte der Spanier […] und die der Engländer [...], drängt sich zusammen in die von der Kunst zweier Männer, des Cervantes und Shakespeare, die so groß waren, daß alles übrige gegen sie nur vorbereitende, erklärende, ergänzende Umgebung scheint.“ F. SCHLEGEL, „Athenäums– Fragmente und andere Schriften…, p. 180.) Return to text

15 P. LACOUE-LABARTHE et J.-L. NANCY, L’absolu littéraire…, p. 303. („Die Romanze, gemacht um mit Adel und Einfalt edle und rührende alte Geschichten ernst und treu zu erzählen […].“ F. SCHLEGEL, „Athenäums– Fragmente und andere Schriften…, p. 181.) Return to text

16 P. LACOUE-LABARTHE et J.-L. NANCY, L’absolu littéraire…, p. 305. („Goethes Universalität. “ F. SCHLEGEL, „Athenäums– Fragmente und andere Schriften…, p. 183.) Return to text

17 P. LACOUE-LABARTHE et J.-L. NANCY, L’absolu littéraire…, p. 306. („Philosophie und Poesie, die höchsten Kräfte des Menschen […] greifen nun ineinander, um sich in ewiger Wechselwirkung gegenseitig zu beleben und zu bilden.“ F. SCHLEGEL, „Athenäums– Fragmente und andere Schriften…, p. 183-184.) Return to text

18 P. LACOUE-LABARTHE et J.-L. NANCY, L’absolu littéraire…, p. 127. („Die Französischen Revolution, Fichtes Wissenschaftslehre, und Goethes Meister sind die größten Tendenzen des Zeitalters.“ F. SCHLEGEL, „Athenäums – Fragmente und andere Schriften…, p. 99.) Return to text

19 F. SCHLEGEL, „Athenäums– Fragmente und andere Schriften…, p. 143-164. Return to text

20 P. LACOUE-LABARTHE et J.-L. NANCY, L’absolu littéraire…, p. 331-340. (Versuch über den verschiedene Styl in Goethes früheren und späteren Werken. F. SCHLEGEL, „Athenäums– Fragmente und andere Schriften…, p. 213-224.) Return to text

21 P. LACOUE-LABARTHE et J.-L. NANCY, L’absolu littéraire…, p. 306. („Es fehlt nichts, als daß die Deutschen diese Mittel ferner brauchen, daß sie dem Vorbilde folgen, was Goethe aufgestellt hat, die Formen der Kunst überall bis auf den Ursprung erforschen, um sie neu beleben oder verbinden zu können.“ F. SCHLEGEL, „Athenäums– Fragmente und andere Schriften…, p. 184.) Return to text

22 P. LACOUE-LABARTHE et J.-L. NANCY, L’absolu littéraire…, p. 117. („Der Roman [tingiert] die ganze moderne Poesie.“ F. SCHLEGEL, „Athenäums– Fragmente und andere Schriften…, p. 95.) Return to text

23 P. LACOUE-LABARTHE et J.-L. NANCY, L’absolu littéraire…, p. 322. („Solche Grotesken und Bekenntnisse [sind] noch die einzigen romantischen Erzeugnisse unsers unromantischen Zeitalters.“ F. SCHLEGEL, „Athenäums– Fragmente und andere Schriften…, p. 203.) Return to text

24 P. LACOUE-LABARTHE et J.-L. NANCY, L’absolu littéraire…, p. 329. („Das Beste in den besten Romanen [ist] nichts anders als ein mehr oder minder verhülltes Selbstbekenntnis des Verfassers, der Ertrag seiner Erfahrung, die Quintessenz seiner Eigentümlichkeit.“ F. SCHLEGEL, „Athenäums– Fragmente und andere Schriften…, p. 211.) Return to text

25 Voir sur ce sujet Alain MUZELLE, L’Arabesque – La théorie romantique de Friedrich Schlegel dans l’Athenäum, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2006. Return to text

26 P. LACOUE-LABARTHE et J.-L. NANCY, L’absolu littéraire…, p. 325. („Denn nach meiner Ansicht und nach meinem Sprachgebrauch ist eben das romantisch, was uns einen sentimentalen Stoff in einer fantastischen Form darstellt.“ F. SCHLEGEL, „Athenäums“ – Fragmente und andere Schriften…, p. 206.) Return to text

27 P. LACOUE-LABARTHE et J.-L. NANCY, L’absolu littéraire…, p. 328. („Das wären wahre Arabesken und diese nebst Bekenntnissen seien […] die einzigen romantischen Naturprodukte unsers Zeitalters.“ F. SCHLEGEL, „Athenäums– Fragmente und andere Schriften…, p. 211.) Return to text

28 P. LACOUE-LABARTHE et J.-L. NANCY, L’absolu littéraire…, p. 328. („Anders hat Cervantes nie gedichtet.“ F. SCHLEGEL, „Athenäums – Fragmente und andere Schriften…, p. 210.) Return to text

29 P. LACOUE-LABARTHE et J.-L. NANCY, L’absolu littéraire…, p. 327. („Ein Roman ist ein romantisches Buch.“ F. SCHLEGEL, „Athenäums– Fragmente und andere Schriften…, p. 209.) Return to text

30 „Sie enthält und erregt ein Gefühl von dem unauflöslichen Widerstreit des Unbedingten und Bedingten […].“ Cité d’après E. BEHLER, Friedrich Schlegel…, p. 76. (« Elle abrite et excite le sentiment de l’insoluble conflit entre l’inconditionné et le conditionné. » P. LACOUE-LABARTHE et J.-L. NANCY, L’absolu littéraire…, p. 94.) Return to text

31 „Es gibt eine Poesie, deren eins und alles das Verhältnis des Idealen und Realen ist, und die also nach der Analogie der philosophischen Kunstsprache Transzendentalpoesie heißen müsste.“ F. SCHLEGEL, „Athenäums– Fragmente…, p. 105. (« Il y a une poésie tout entière occupée du rapport de l’idéal et du réel, et qui par analogie avec la terminologie philosophique devrait être nommée poésie transcendantale. » P. LACOUE-LABARTHE et J.-L. NANCY, L’absolu littéraire…, p. 132.) Return to text

32 P. LACOUE-LABARTHE et J.-L. NANCY, L’absolu littéraire…, p. 112. („Die romantische Poesie ist eine progressive Universalpoesie. […] Die romantische Dichtart ist noch im Werden; ja, das ist ihr eigentliches Wesen, daß sie ewig nur werden, nie vollendet sein kann.“ F. SCHLEGEL, „Athenäums– Fragmente…, p. 90-91.) Return to text

33 Friedrich SCHLEGEL, Lucinde, traduction de Jean-Jacques Anstett, Paris, Aubier-Flammarion, 1971, p. 50-51. („Prolog / Mit lächelnder Rührung überschaut und eröffnet Petrarca die Sammlung seiner ewigen Romanzen. Höflich und schmeichelnd redet der kluge Boccaz am Eingang und am Schluß seines reichen Buchs zu allen Damen. Und selbst der hohe Cervantes, auch als Greis und in der Agonie noch freundlich und voll von zartem Witz, bekleidet das bunte Schauspiel der lebensvollen Werke mit dem kostbaren Teppich einer Vorrede, die selbst schon ein schönes romantisches Gemälde ist.“ Friedrich SCHLEGEL, Lucinde – Ein Roman, Studienausgabe, Stuttgart, Reclam, 2005.) Return to text

34 („Der Begriff des Romans, wie Boccaccio und Cervantes ihn aufstellen, ist der eines romantischen Buches, einer romantischen Komposition, wo alle Formen und Gattungen vermischt und verschlungen sind.“ F. SCHLEGEL, Lucinde – Ein Roman ..., p. 141.) Return to text

35 La traduction est de nous. („Confessions gehören zu Romantischen Romanen.“ F. SCHLEGEL, Lucinde – Ein Roman..., p. 136.) Return to text

36 „Bekenntnisse eines Ungeschickten.“ F. SCHLEGEL, Lucinde, trad. de J.-J. Anstett, p. 52. Return to text

37 „Lehrjahre der Männlichkeit.“ F. SCHLEGEL, Lucinde, traduction de J.-J. Anstett, p. 125. Return to text

38 „Die Liebe bildet ihren Stoff, und zwar in untrennbarer Verknüpfung als sinnliche, geistige und religiöse Liebe.“ K. K. POLHEIM, „Friedrich Schlegels ‚Lucinde’“…, p. 70. Return to text

39 „Ironie ist innerlich; der Witz ist nur die Erscheinung derselben.“ F. SCHLEGEL, Lucinde – Ein Roman..., p. 160. Return to text

40 „Chaos als Idee von der Romanform (…) Lucinde.“ F. SCHLEGEL, Lucinde – Ein Roman..., p. 141. Return to text

41 „Treue und Scherz“ ; „Sehnsucht und Ruhe“. F. SCHLEGEL, Lucinde, traduction de J.-J. Anstett, p. 108-109 ; p. 227-228. Return to text

42 F. SCHLEGEL, Lucinde – Ein Roman..., p. 89-99. Return to text

43 „Im Roman werden Poesie und Philosophie chaotisch synthetisirt [sic].“ ; „Das Ganze [Lucinde] chaotisch und doch systematisch.“ F. SCHLEGEL, Lucinde – Ein Roman..., p. 141-142. Return to text

44 P. LACOUE-LABARTHE et J.-L. NANCY, L’absolu littéraire…, p. 328. („Eine solche Theorie des Romans würde selbst ein Roman sein müssen, der jeden ewigen Ton der Fantasie fantastisch wiedergäbe […].“ F. SCHLEGEL, „Athenäums– Fragmente…, p. 211.) Return to text

45 Voir „Der Picaroroman“, in Volker MEID, Der deutsche Barockroman, Stuttgart, Metzler, 1974, p. 20-28. Return to text

References

Electronic reference

Marie-Claire Méry, « Les avatars du roman picaresque en Allemagne : Friedrich Schlegel et le roman romantique », Filiations [Online], 2 | 2011, 05 April 2011 and connection on 21 November 2024. DOI : 10.58335/filiations.106. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/filiations/index.php?id=106

Author

Marie-Claire Méry

Maître de conférences, Centre Interlangues Texte Image Langage (EA 4182), Université de Bourgogne,UFR Langues et Communication, 2, boulevard Gabriel, F - 21000 DIJON – marie-claire.mery [at] u-bourgogne.fr