Danielle Tartakowski (dir.), Syndicats et associations. Concurrences ou complémentarités, Rennes, PUR, 2006.

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Les anniversaires constituent de manière ancienne un des moteurs de la recherche historique. Ils accélèrent des projets, donnent l'occasion de rencontres pour une plus grande visibilité pour des chercheurs, créent une demande éditoriale1. Le centenaire de la loi de 1901 n'a pas fait exception et diverses initiatives ont vu le jour. L'ouvrage dont il est question ici se constitue des actes du colloque de 2004. La portée commémorative existe. Il se tenait pour combler un manque constaté à l'occasion d'une autre rencontre, (novembre 2000) qui portait sur « les associations dans le champ politique ». Ainsi, en deux colloques distants de quatre années, trois des principaux champs dans lesquels l'action et l'engagement militant se déploient ont été envisagés dans leurs résonances et liens mutuels. Seul le second opus nous intéresse ici.

En près de 500 pages s'offre au lecteur la somme des communications proposées pour cette rencontre. Une introduction synthétique précède chacune des parties de l'ouvrage. La quatrième de couverture déclenche une réelle appétence en raison des ambitions affichées : la pluridisciplinarité, la volonté d'une approche sur le temps le plus long possible, la diversité, la complexité et l'évolution des liens entre les deux champs de militantisme envisagés font partie des ambitions du projet. La structure même du colloque, in fine de l'ouvrage, satisfait en partie ces curiosités. Les quelques trente huit communications sont en mesure, bien souvent par le biais monographique, d'approcher de manière très fouillée et très large, les liens existant entre le fait syndical et le champ associatif ou, parfois, d'expliquer l'absence de relations. D'autre part la plus grande acception diachronique est envisagée. En effet si certaines communications portent sur des associations actives à la fin du dix-neuvième siècle et durant les deux premières décennies du siècle dernier, notamment les amicales d'instituteurs confrontées à l'émergence d'un syndicalisme enseignant2, d'autres chercheurs se penchent sur des structures dont la naissance a été beaucoup plus récente, les années 1980 et 1990, dans un contexte de mutations économiques et idéologiques3. Pour en rester dans l'inscription dans cette dimension diachronique, il faut également signaler l'effort conséquent d'historicisation de l'objet : le lien entre la forme des structures étudiées et les rapports qui les lient ou les opposent, les contextes ont été pris en compte, y compris chez de nombreux intervenants, pourtant non historiens.

Les relations entre les participants des deux champs ont par ailleurs été envisagées selon différentes échelles géographiques. Si celle de l'Etat-nation a servit le plus fréquemment de cadre, l'infra et le supranational n'ont pas été négligés, permettant des développements et une approche comparatiste au lecteur. Si celui-ci fait l'effort d'une mise en miroir des diverses monographies...

Dans ces temps et ces territoires habités par les structures étudiées, l'effort pour une auscultation des différents modes de positionnement des syndicats et des associations les uns par rapport aux autres fut intensément mené. Il suffit pour le constater de reprendre l'organisation générale de l'ouvrage. Celle-ci montre bien que les rapports pouvaient ne pas être, - ou bien exister et dans ce dernier cas prendre des tonalités assez variables, de l'adversité à l'alliance objective en passant par une forme de symbiose hiérarchisée dans certains cas. Il faut ici relever la réapparition d'une idée héritée des sciences naturelles, l'écosystème. Elle émerge de manière empirique, non planifiée lors de la définition de la problématique générale. Cette notion devient donc opératoire lorsqu'il s'agit de comprendre les mécanismes du militantisme et les faisceaux de contingences dans lesquels il peut s'inscrire. Ainsi, le refus a priori de la considérer doit être abandonné devant la ténacité des faits.

La contribution de l'ouvrage à notre connaissance de ces champs d'engagement et des liens existant entre les deux est donc indéniable. Il convient d'y ajouter le fait qu'en fonction des intérêts propres du lecteur, les monographies seront d'un apport variable selon la période, le lieu, les formes approchées par ailleurs. Toutefois, il nous semble que ce colloque n'ait pas clos le sujet. Il a simplement abordé ce continent, et les éléments avancés ici peuvent être complétés ou renforcés. Un colloque est par définition limité, cherchant l'exemplarité plus que l'exhaustivité.

Aujourd'hui près de la moitié de la population française apparaît comme s'acquittant au minimum d'une cotisation à une association, sans que cela ne puisse toujours être considéré comme une forme d'engagement. En revanche, la question mérite tout de même d'être posée. Au départ, posons le cas suivant : un individu tient la trésorerie d'un club de rugby dans une petite ville de province, ce qui a priori n'a rien de très stimulant pour un chercheur traquant les diverses formes d'engagement. En revanche si l'on sait de ce militant qu'au même moment de sa vie, il est également secrétaire de l'UL CGT du cru et membre du comité de section du Parti communiste français ainsi que membre du conseil municipal de la ville comme adjoint au maire, élu sur une liste d'union de la gauche, on conçoit alors qu'il n'est pas complètement absurde d'envisager l'action associative comme élément d'une démarche militante globale et surtout comme élément venant renforcer les deux premières formes d'action civique. De cette remarque en forme d'exemple incarné, nous envisageons trois directions supplémentaires à celles auscultées dans le livre. La première pourrait consister en une ouverture des recherches à des formes associatives négligées dans l'ouvrage parce qu'elles ne véhiculent apparemment pas de valeur militante (sociétés de chasse, club sportif, etc.) mais qui, mises en perspectives avec d'autres structures civiques fréquentées, peuvent se révéler éclairantes. La seconde est une approche plus systématique par les territoires, en particulier par le local, mais également par les parcours singuliers, afin de cerner davantage de milieux tels que celui explicité précédemment. Enfin, si nous avons compris que ce colloque venait en second temps d'une première manifestation consacré aux relations entre champ politique et associations, il n'en reste pas moins que le politique apparaît néanmoins comme le grand absent des différents propos, en particulier lorsqu'il s'agit d'un élément aussi important que le Parti communiste français. Un effort de mise en lumière sur mode non plus binaire (syndicat/association ou Parti/association) mais ternaire (Syndicat/parti/association) serait sans doute plus heuristique.

Notes

1 Notons que cela ne fonctionne pas toujours : si le centenaire du cinéma en 1895 a donné lieu à une certaine effervescence, il n'en fut pas de même pour celui de la CGT sauf dans des milieux assez restreints. Retour au texte

2 L. Le Bars, « amicales et syndicats dans l'enseignement primaire (1901-1919) », pp. 37-47. Retour au texte

3 J. Capdevielle s'est notamment intéressé au mouvement ATTAC dans une communication intitulée : « le syndicalisme français et l'association ATTAC : une alliance problématique », pp. 429-438. Retour au texte

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Référence électronique

Stéphane Paquelin, « Danielle Tartakowski (dir.), Syndicats et associations. Concurrences ou complémentarités, Rennes, PUR, 2006. », Dissidences [En ligne], Février 2012, Nos archives : le mouvement syndical, publié le 04 novembre 2011 et consulté le 29 mars 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=776

Auteur

Stéphane Paquelin

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