Lamence Madzou, J'étais un chef de gang, suivi de « Voyage dans le monde des bandes », par Marie-Hélène Bacqué, Paris, La Découverte, 2008, 241 p.

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Révolte, Immigration

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Parmi les nombreux ouvrages qui ont suivi les émeutes des banlieues de décembre 2005 (H.Lagrange et M. Oberti, 2006, G. Mauger, 2006, T. Sauvadet, 2006, R. Castel, 2007, M.Mohammed et L. Mucchieli, 2007), celui-ci a l'intérêt de juxtaposer le témoignage d'un jeune de banlieue (p.13-166) et l'analyse de la sociologue (p.167-236).

Appartenant à une famille africaine déclassée (avant de se retrouver au chômage, son père était employé à l'ambassade du Congo à Paris), arrivé en France à l'âge de 5 ans, L. Madzou explique par son décrochage scolaire précoce, dès la 5ème , le début de son errance dans les quartiers de Corbeil : Montconseil et Les Tarterêts. La bande, le groupe de pairs, devient dès lors pour lui une famille de substitution, « une bulle précaire et momentanée », lui procurant une protection physique, des sorties et des loisirs et même la sécurité économique. Trois décennies plus tôt étaient apparus les Blousons noirs et plus avant dans le passé des « bachelleries » et autres « abbayes de jeunesse » (voir Une histoire de la violence , Muchembled également chroniquée sur ce site). Mais l'originalité de la bande dont L. Madzou allait devenir le chef, les Fights, c'est d'être composée de Noirs. Se sentant stigmatisés dans la société française du fait de leur couleur de peau, ils se sont fabriqué une identité noire en s'inspirant des bandes américaines montrées dans des films (The Warriors ou Les Princes de la Ville). Ils découvrirent aussi le hip-hop, entendirent parler d'Afrika Bambaata (créé à New York en 1974) et de la Zulu Nation.

Mais, comme le précise Madzou : « Je suis d'origine africaine – et je ne le renierai jamais – mais je me sens français » (p.32). Donc, pour la sociologue, on est loin de l'épouvantail communautariste agité par certains. Brandir son identité noire, comme le font ces jeunes, c'est rechercher la reconnaissance : « L'enjeu n'est pas tant de changer la société mais d'y trouver sa place, d'y être reconnu, de recevoir la même part que les autres ». Or trop souvent la société n'a qu'une réponse à opposer à ce désarroi des jeunes, la prison. Madzou, après bien d'autres, est catégorique : « C'est une connerie de mettre les jeunes en prison à cet âge-là ». Il y rencontre des gens qui lui apprennent le « bizness » (trafic de voitures, de shit…). Les politiques ne sont pas non plus épargnés, Manuel Vals (maire d'Evry) qui, après avoir gagné les élections, en mars 2001, « nous oublie vite ». Les associatifs, SOS Racisme, dont les dirigeants, nommés directement depuis les hautes sphères du PS, affirme-t-il, pensent surtout à leur carrière.

Après avoir été expulsé au Congo, pays qu'il ne connaissait pas et où il ne se sent pas chez lui, de retour en France après plusieurs années, il rencontre Faïza, a un enfant…et cela le transforme. De caïd il devient grand frère, s'efforçant de faire comprendre aux jeunes qu'ils allaient perdre des années dans les « embrouilles ». Car la voie est étroite pour les jeunes des banlieues, la reconversion difficile : le travail social, la musique, les sociétés de sécurité, ces dernières permettant de « reconvertir le capital guerrier ». Ce témoignage, commenté avec clarté par la sociologue, illustre la difficulté du processus d'affiliation à la société française pour un jeune « Noir de France ».

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Jean-Paul Salles, « Lamence Madzou, J'étais un chef de gang, suivi de « Voyage dans le monde des bandes », par Marie-Hélène Bacqué, Paris, La Découverte, 2008, 241 p. », Dissidences [En ligne], Mars 2012, Nos archives du mois : anticolonialisme, publié le 04 novembre 2011 et consulté le 21 novembre 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=718

Auteur

Jean-Paul Salles

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