Cet ouvrage réunit les communications présentées au Colloque de Paris X-Nanterre sur « Art et contestation sociale », le 25 juin 2004. Malgré, parfois, l'impression de patchwork – telle contribution sur les « lecteurs de polars » me semblerait mieux trouver sa place dans un ouvrage sur la sociologie des lecteurs, telle autre (« la créativité comme arme révolutionnaire ») dans un livre sur mai 68 – ce livre contient des études précises et utiles sur les avant-gardes ou les marges artistiques : celle de Lilian Mathieu sur le rock identitaire français lié à l'extrême droite ou celle d'Isabelle Sommier sur le rap italien plutôt engagé à l'extrême gauche, naissant dans les années 1990 dans les squats autogérés, les Centres Sociaux Occupés et Autogérés (CSOA).
Mais les contributions les plus riches sont celles qui ouvrent le livre : celle de Baptiste Giraud (Paris I) sur Zebda et celle de Christophe Traïni (IEP Aix) sur la « ligne Imaginot ». Le rappel de l'aventure de Zebda, groupe toulousain issu d'une association socioculturelle de quartier, Vitécri, est passionnant. Les Zebda entreprennent un travail de dé-stigmatisation d'eux-mêmes, groupe de jeunes maghrébins. Evitant tout repli communautaire, ils s'efforcent de faire reconnaître leur citoyenneté française sans abandonner leur particularité culturelle. Par ailleurs ils utilisent le support culturel pour générer des formes d'activités collectives : « Une seule tactique, le collectif ! ». Contre la morosité et le défaitisme, il faut rester…Motivés !
Quant à l'énigmatique « Ligne Imaginot » étudiée par Ch. Traïni, c'est un ensemble de groupes de musique tels les Fabulous Trobadors de Toulouse, les Massilia Sound de Marseille, les Nux vomica de Nice, appartenant à la mouvance reggae-trouba-mufin-rap. La principale originalité de ces groupes, tous du Midi, est de nourrir leur musique en puisant à diverses sources culturelles, sans oublier la tradition occitane (ou nissarde !), mélangeant l'art des troubadours et le reggae. Parallèlement les Fabulous Trobadors s'emploient à restaurer la convivialité à Toulouse, organisant des repas de quartier à Arnaud Bernard notamment.
En adhérant à la cause de l'anticentralisme culturel, les imaginistes mènent un combat salutaire contre « une des caractéristiques les plus regrettables que la société française doit au mode de construction étatique qui l'a façonnée de longue date » (p.63), rendant à son public l'estime de lui-même. Et en effet Toulouse en particulier semble connaître sa « movida » depuis quelques années, tellement les initiatives politiques et culturelles y sont variées et dynamiques.