Daniel Grason, René Mouriaux et Patrick Pochet (coord.), Éclats du Front populaire, Paris, Syllepse, 2006, 230 p.

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Mots-clés

Communisme, Socialisme, Grève, Syndicat, Historiographie

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Un ouvrage un peu « patchwork » qui ouvre des pistes dans des domaines laissés souvent en friche, parmi la masse déjà considérable de livres parus sur cette période. Ces derniers sont d’ailleurs mis en perspective dans la note introductive de René Mouriaux, tandis qu’en fin de parcours, une bibliographie sélective liste les seules anthologies. Sous cet angle, le livre rassemble lui-même des textes de référence souvent épars ou cités très partiellement dans les autres : la présentation de 1935 du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes (CVIA), le pacte d’unité d’action (1934) et la plateforme d’action commune SFIO-PCF (1935), le programme du Rassemblement populaire avec ses considérants (ces derniers ne figuraient pas dans le document publié dans le hors-série de ce printemps 2006 de L’Humanité) , et la liste des 99 organisations constituantes, les statuts de la CGT réunifiée, les accords de Matignon, auxquels il faudrait ajouter la lettre, contemporaine, de Blum à Jouhaux s’engageant – par écrit donc - pour le vote des lois sociales. Il comporte une chronologie détaillée qui intègre l’extrême gauche, les femmes (auxquelles un chapitre un peu court - comme celui sur l’antifascisme - est consacré, dû à Madeleine Peytavin, centré sur les femmes salariées) et le culturel (venant illustrer « l’air du temps » de Nicolas Bénies), note elle-même accompagnée d’une biblio-discographie propre où on aurait aimé voir citer le chapitre11 « Le mouvement culturel » de La France du Front populaire de J.Kergoat ( réédité cette année en poche par La Découverte, voir sa recension sur notre site), qui aborde le même thème sous un angle plus institutionnel.

Dans ces « Approches transversales » et/ou sectorielles, une note est consacrée aux enseignants par Loïc Le Bars qui complète ainsi son ouvrage sur La Fédération Unitaire de l’Enseignement (Ed. Syllepse. 2005) qui s’arrêtait évidemment à 1935, date de l’unification avec la FGE. Si le secteur public n’a pas participé aux grèves de 36, il n’en reste pas moins que les enseignants ont joué un rôle important dans la gestation du front populaire par l’intermédiaire du Syndicat national des instituteurs (SNI). Les instituteurs exerçaient d’ailleurs souvent des responsabilités interprofessionnelles dans les Unions locales (UL) et Unions départementales (UD) de la CGT. Les « Approches locales » qui constituent l’autre moitié de l’ouvrage sont encore pionnières (bien que nombre de travaux universitaires, hélas non publiés, existent maintenant), même si on peut rappeler l’article du Mouvement Social de janvier 1966 sur les manifestations du 12 février 34 en province, que republie d’ailleurs Antoine Prost dans son recueil Autour du Front populaire (Seuil, 2006). Ces approches ont le mérite de « descendre à la base », d’incarner concrètement l’événement et de manifester la diversité d’un mouvement que l’approche habituelle, de surplomb, a tendance à estomper. Ainsi, grâce à un ensemble d’articles sur la banlieue parisienne (banlieue ouest, qui n’oublie pas les immigrés, et Nanterre, illustré de photos inédites) et sur Marseille (extrait de Midi rouge, ombres et lumières, Les années de crises (1930-1940), de Robert Mencherini, chez Syllepse (2004), volume 1 d’une trilogie sur la cité phocéenne et les Bouches-du-Rhône, couvrant les années 1930 à 1950), on comprend mieux et plus directement ce que « lame de fond » veut dire. On ne peut que souhaiter la publication d’autres monographies de ce type.

Mais pourquoi classer Danos et Gibelin parmi les pivertistes, et non parmi les trotskistes ? Gibelin était un des dirigeants du PCI en 1952 au moment de la 1ère parution de Juin 36. A la rigueur le qualificatif s’appliquerait à Daniel Guérin bien qu’il en fut pour une courte période avant de passer de la gauche des pivertistes au trotskisme puis, pour la plus grande partie de sa vie militante, au communisme libertaire dont il se réclamait quand il écrivit son Front populaire, révolution manquée (Julliard, 1963).

Illustrations

References

Electronic reference

Jean-Pierre Debourdeau, « Daniel Grason, René Mouriaux et Patrick Pochet (coord.), Éclats du Front populaire, Paris, Syllepse, 2006, 230 p. », Dissidences [Online], Front populaire, 06 December 2012 and connection on 21 November 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=531

Author

Jean-Pierre Debourdeau