On pourrait relever les maladresses, les redondances ou les ignorances (Loukatch pour Lukacs !), mais notons plutôt les aspects positifs de ce travail qui éclaire utilement une des sections de la LCR, celle du Nord, après ce que l'on a appelé l' « effet Besancenot » de 2002. Certes l'échantillon étudié est mince – 9 militants, tous récemment entrés à la Ligue – mais il représente 20% environ de l'effectif local. Très vite se dégage un profil de militant étrangement semblable à celui du « facteur de la Ligue » : homme, jeune, souvent encore étudiant ou en reprise d'études, originaire de famille de gauche, parfois même pour plusieurs provenant du PCF : « le recrutement à la LCR se fait dans une frange assez précise de la population »… en effet !
Quant à l'activité des militants, plus que sur le terrain de l'entreprise, elle se déploie dans les mouvements des « sans » : Sans-papiers, Sans travail (AC !), Sans toit (DAL). Un des militants interrogés reproche d'ailleurs à LO de ne pas parler des « privés d'emploi ». Le fait que la Ligue porte des « valeurs post-matérialistes », pour reprendre l'expression de la jeune sociologue, comme l'égalité des sexes, l'acceptation des étrangers, l'écologie ou la défense des droits de l'homme, joue beaucoup dans son audience. De même que sa stratégie d'ouverture (son militantisme pour la formation d'un pôle à gauche de la gauche) et son goût du débat. Du fait de la richesse des débats internes, les militants interrogés ont l'impression que leur avis est pris en compte dans l'organisation. De plus, notamment pour ceux qui viennent du PCF, ils ont l'impression que la LCR n'est pas mue par une « logique de parti », alors que le Parti communiste est accusé de vouloir avant tout sauver son appareil. Ayant noté cette aptitude des militants de la LCR à se mettre au service d'un certain nombre d'actions, Johanna Siméant les avait joliment qualifiés dans sa thèse « d'attachés de presse » de certains mouvements sociaux (in J. Siméant, La cause des sans-papiers , Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1998). Au total la LCR offrirait un modèle d'engagement plus moderne que ses concurrentes à gauche. Son attractivité sur les militants du PCF s'expliquerait essentiellement ainsi.
Quant à LO, ces nouveaux militants n'ont pas de mots assez durs pour désigner cette organisation : « homophobe », contraignante – « obligeant à lire 50 bouquins avec interrogation à la suite » -, l'un d'entre eux allant jusqu'à la comparer au Front national (il ne voit pas de différence entre la dictature de Le Pen et la dictature du prolétariat !). La campagne Besancenot de 2002 aura encore accrû l'hétérogénéité d'une organisation qui voit cohabiter des érudits à l'ancienne, comme Dominique Gérardin1, archiviste-bibliothécaire, ancien du Lycée Louis-le-Grand, militant de la JCR d'avant 68, croisé par l'enquêtrice, et des jeunes militants attirés plutôt par un « parti mouvementiste » que par le parti gardien de l'orthodoxie marxiste révolutionnaire trahie par le PCF.