Paul Faure, « Glissement à droite ?! », Le Populaire, 7 janvier 1928

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L’année 1928 est une année importante pour la SFIO. Engagée dans le Cartel des gauches en 1924, elle avait refusée de participer au pouvoir tout en pratiquant une politique de soutien. L’alliance rompue avec les radicaux, les socialistes réaffirment leur opposition à toute liaison permanente avec quelque force que ce soit. L’objectif est de préserver l’autonomie du Parti face aux tentations d’intégration au système politique républicain portée par la droite du Parti. Dans cet article, Paul Faure, secrétaire du Parti depuis Tours, reprend l’argumentation de la majorité du Parti, identifiable ici à la gauche socialiste sur cette question de l’autonomie, pour dénoncer les attaques jugées contradictoires des radicaux, de la droite et des communistes. Face à ceux-ci, le secrétaire général de la SFIO retrouve son ironie habituelle. Son article donne la ligne socialiste pour les élections qui correspond à la volonté d’autonomie, seul au premier tour avant d’appeler à voter pour le candidat de gauche le mieux placé au deuxième tour.

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« Vous vous « enfermez dans vos formules d’« intransigeance » » nous disent des radicaux qui voudraient bien nous entraîner dans leur sillage, et qui voient avec dépit notre parti, sans démagogie ni faiblesse, conserver sa physionomie de parti de classe et sa fière et traditionnelle indépendance.

« Vous êtes le Parti de la Révolution » proclament de leur côté, Le Temps, l’Echo de Paris et autres organes conservateurs.

Quant à l’Humanité, elle fait, à notre sujet, une découverte hilarante. Cette fois, c’est irrémédiable, définitif nous avons glissé à droite Mais une glissade effroyable, jusqu’à aller rejoindre l’Union nationale !

Dommage que ces trois définitions ne puissent se traduire en clichés photographiques. Du diable, si on aurait jamais vu quelque chose de plus comique !

Mais deux mots à l’Humanité.

Comment après sept ans de scission, au cours desquels nous avons accumulé tous les abandons et les reniements, nous est-il encore possible de glisser à droite ? Je pensais avoir bu la honte jusqu’à la lie ! J’apprends avec plaisir qu’il n’en était rien et que c’est surtout depuis notre Congrès de Noël que nous sommes en état de trahison intégrale. Mes oreilles chantent encore de l’outrage de Tours : « Vous êtes les agents déterminés de la bourgeoisie ! »

Ce n’était donc pas tout à fait vrai ? Pour en apporter la démonstration décisive, il a fallu que nous nous réunissions, à la fin de l’an 1927, afin de proclamer une fois de plus à la face de tous ces choses abominables. Le Parti socialiste est fidèle plus que jamais à son idéal de transformation révolutionnaire du régime social actuel.

Il ira seul à la bataille, avec son programme et sa doctrine.

Au second tour, son objectif exclusif, là où il ne pourra vaincre par ses propres forces, sera d’aider de toutes ses forces à l’écrasement de la réaction et de l’Union nationale.

Plutôt Daladier que Daudet, plutôt Cachin que Maginot ! Nous le répèterons jusqu’au mois d’avril et après.

A partir de ce moment, l’Humanité informe ses lecteurs que nous sommes dans le jeu bourgeois !!

Ce ne sera vrai que si l’Humanité nous fait adopter sa tactique électorale. Mais c’est elle qui en changera – je le lui prédis – sous la pression des ouvriers communistes eux-mêmes. »

Citer cet article

Référence électronique

« Paul Faure, « Glissement à droite ?! », Le Populaire, 7 janvier 1928 », Dissidences [En ligne], 1 | 2011, publié le 23 mars 2011 et consulté le 22 novembre 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=122