Emmanuelle Loyer, Paris à New York. Intellectuels et artistes français en exil, 1940-1947, Paris, Hachette-Littératures, 2007, 500 p. (Pluriel).

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Emmanuelle LOYER, Paris à New York. Intellectuels et artistes français en exil, 1940-1947, Paris, Hachette-Littératures, Collection « Pluriel », 2007, 500 p., 10,50 €

Emmanuelle LOYER, Paris à New York. Intellectuels et artistes français en exil, 1940-1947, Paris, Hachette-Littératures, Collection « Pluriel », 2007, 500 p., 10,50 €

Cet ouvrage peut apparaître comme la suite des Mémoires de Varian Fry sur le sauvetage des intellectuels menacés par le nazisme. Que sont-ils devenus une fois aux Etats-Unis ? A priori beaucoup d’Américains, chez les Républicains notamment, étaient hostiles aux réfugiés, accusés d’importer, dans une Amérique religieuse et préservée, des idéologies néfastes. Ainsi, longtemps le gouvernement américain maintint des liens avec Vichy, et l’ambassadeur de Pétain à Washington, Gaston Henry-Haye, par ailleurs sénateur-maire de Versailles, ne manquait pas d’entregent. Heureusement un certain nombre d’institutions, comme la New School for Social Research de New York, ou de personnalités – par exemple Alfred Barr, conservateur au Moma (Musée d'art moderne) – allaient s’employer à accueillir les réfugiés. Un éditeur important, Brentano’s, ouvrit une section française dirigée par un avocat parisien. De 1941 à 1944, 240 auteurs furent publiés en français à New York, parmi lesquels Aragon, Gide, Kessel, Vercors etc.Au sein de la New School fut créée l’Ecole Libre des Hautes Etudes (ELHE), dotée de la revue Renaissance, véritable université française en exil, dirigée par Jacques Maritain. Jean et Francis Perrin y enseignèrent, de même que le juriste Boris Mirkine-Guetzevitch, le sociologue Georges Gurvitch et Claude Lévi-Strauss. Lieu privilégié de rencontre entre lettrés français et intellectuels américains – Lévi-Strauss y connut Margaret Mead – l’ELHE permit aussi le compagnonnage de Lévi-Strauss avec André Breton. Ce dernier vécut plus douloureusement son séjour américain. Obligé de travailler comme speaker pour l’Office of War Information (OWI), organe de propagande de l’armée américaine, loin de la sociabilité et des cafés parisiens, il ne parvint pas à faire fonctionner un groupe surréaliste. Outre l’amitié qu’il noua avec Lévi-Strauss, il rencontra Meyer Schapiro et le milieu trotskysant de la Partisan Review, qui avait publié le Manifeste pour un art révolutionnaire indépendant de 1938, cosigné par lui, Léon Trotsky et le peintre muraliste mexicain Diego Rivera. Les réfugiés qui tirèrent le mieux leur épingle du jeu furent les peintres. Max Ernst, marié avec Peggy Guggenheim, était à l’abri de tout souci matériel, mais les autres surent nouer des liens avec des collectionneurs, des musées ou des galeries, comme celle de Pierre Matisse à New York.Le retour fut douloureux aussi. Accusés d’être restés éloignés de la patrie en souffrance, certains comme Maritain (il devint professeur à Princeton) ou Boris Mirkine-Guetzevitch restèrent aux Etats-Unis ou se contentèrent d’allers et retours. Cependant Lévi-Strauss revint en France, résistant aux sirènes des universités américaines. Quant à Breton, son retour fut tardif (mai 1946) et tragique. Il dut faire face aux attaques du couple Louis Aragon-Elsa Triolet et du Centre national des écrivains (CNE) qui décernaient des brevets de résistancialisme. Jean-Paul Sartre ne fut pas plus amène avec lui, l’accusant d’être trotskyste, parce qu’attiré par le marginal, le minoritaire et finalement l’inoffensif. Tristan Tzara, l’ancien dada rallié au PCF fut aussi très dur, expliquant que l’exil surréaliste était dans la logique du mouvement, « irresponsable, anormal, artiste, petit-bourgeois ». Pour se défendre contre ces attaques, qui visaient aussi Gide à qui le Parti communiste ne pardonnait pas son Retour d’URSS d’avant la guerre, les personnes incriminées devaient se contenter de voir leurs textes accueillis par des revues microscopiques, comme Les Cahiers Spartacus qui publièrent Le nommé Aragon ou le patriote professionnel de Jean Malaquais, en février 1947.Il n’en reste pas moins que ce séjour contraint et prolongé de quelques intellectuels français aux Etats-Unis permit notamment la modernisation des sciences sociales en France, l’apprentissage de l’interdisciplinarité : la VIe section de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes(EPHE) puis l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) succédèrent à l’ELHE. De même les jeunes peintres américains apprirent beaucoup des Surréalistes et purent se lancer dans l’Expressionnisme abstrait. Quant à la modernisation/américanisation du capitalisme français par l’importation de l’expertise et du management, elle n’est qu ‘effleurée par ce livre captivant qui, il est vrai, s’arrête en 1947.En prolongement, on peut consulter : Jeanpierre Laurent, Des hommes entre plusieurs mondes. Etude sur une situation d’exil : Intellectuels français et réfugiés aux Etats-Unis pendant la Deuxième Guerre mondiale, Paris, EHESS, Thèse de sociologie, 2004. Et du même, « Trotskysme et intellectuels américains. A propos de The New-York Intellectuals d’Alan Wald » et « Un dissident du trotskysme aux Etats-Unis, Meyer Schapiro (1904-96) », in Dissidences BLERM, n° 7, décembre 2000. Salles Jean-Paul.

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  • Emmanuelle LOYER, Paris à New York. Intellectuels et artistes français en exil, 1940-1947, Paris, Hachette-Littératures, Collection « Pluriel », 2007, 500 p., 10,50 €

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Jean-Paul Salles, « Emmanuelle Loyer, Paris à New York. Intellectuels et artistes français en exil, 1940-1947, Paris, Hachette-Littératures, 2007, 500 p. (Pluriel). », Dissidences [Online], 1 | 2011, . URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=105

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Jean-Paul Salles

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