L’étranger – un ennemi nécessaire. Représentation de l’Autre dans le cinéma roumain pendant le régime national-communiste de Nicolae Ceausescu

DOI : 10.58335/shc.109

Résumé

Durant le gouvernement de Nicolae Ceausescu, l’Image (du Parti, du Dirigeant, de la société, de la vie quotidienne, etc.) a été, plus importante que la réalité, tout en faisant partie de la réalité. Généralement le présent, avec toutes ses facettes, politiques, économiques, internationales, était expliqué, analysé, jugé par le biais d’un raisonnement nationaliste, c’est-à-dire, l’utilisation d’un propos typiquement chauvin, le recours aux figures dirigeantes du passé afin de légitimer le leader ou sa démarche politique. Dans ce contexte s’intègre l’image de l’étranger qui détient un rôle important dans la manière d’interpréter l’Histoire. L’étranger est le personnage central de cette étude en tant que figure du passé. Mais le processus qui nous intéresse particulièrement est le discours de l’énonciateur du film à son égard1.
Dans un premier temps, nous évoquerons les points conceptuels de la notion de l’Autre et de l’altérité, telles qu’elles correspondent à notre démarche analytique. Nous allons tracer dans un deuxième temps, les lignes directrices relatives à la typologie de l’étranger, son rôle dans le discours historiographique roumain et son rapport avec l’idéologie officielle du régime national-communiste roumain.

Plan

Texte

L’Autre – considérations théoriques

La représentation de l’Autre est par excellence un produit de l’imaginaire. Généralement, l’Autre est une personne ou une communauté réelle vue de notre perspective, par nos propres yeux. Ainsi, l’Autre devient une image mentale de la personne ou de la communauté en cause, fondée sur des éléments de réalité concernant le sujet regardé, mais déformée par ce regard qui est le nôtre. Le résultat est un Etre, différent de son modèle d’origine, avec des attributs supplémentaires, avec des omissions et des exagérations qui le charge de significations2.

Cette construction a une double fonction. D’un coté, elle est le miroir de notre inconscient, car nous projetons sur l’Autre nos propres envies, nos propres espoirs et frustrations. C’est ainsi, que nous devons comprendre la place des extraterrestres et des monstres, des Tarzans et des Yetis, des populations des îles paradisiaques, des sauvages et des surhommes qui ont peuplé toute l’histoire de l’imaginaire humain3. Ces personnages sont le produit de l’esprit humain dans son désir d’évasion de sa propre condition et de vivre autrement. Ils ne sont pas les seuls à subir cette projection idéalisée des rêves humains, les sociétés réelles se voient investies, elles aussi, avec des attributs similaires afin de renvoyer une certaine image bien recherchée, désirée, espérée par ceux qui l’ont provoquée. Nous essayerons de démontrer cet aspect au cours de cette étude.

De l’autre coté, cette construction devient, dans l’imaginaire, un reflet de notre propre identité. L’Autre devient un alter ego4 et plus ses défauts sont évidents et prégnants, plus nos qualités impressionnent, ou vice versa, car bien moins répandue, mais pourtant existante, l’image positive de l’Autre fait ressortir les défauts du Soi. Autrement dit, l’Autre nous définit en tant qu’entité par un mécanisme d’opposition. Bien entendu, ce rapport identité-altérité n’est qu’une structure de l’imaginaire et par voie de conséquence, limitée et partielle. La réalité est beaucoup plus complexe et difficile à saisir en sa totalité.

Néanmoins, dans ce cas, les éléments de réalité sont plus importants, voire essentiels, car notre identité hic et nunc dépend des attributs supposés réels de l’Autre, mais également d’un Autre authentique. C’est le cas de l’altérité de type géographique, ethnique, social, etc. Cette fonction a été longtemps indissociable d’une acception conflictuelle de l’altérité, qui semble aujourd’hui se dissiper et être remplacée par ce que J. Baudrillard et M. Guillaume appellent le mécanisme « de réduire l’autre à autrui »5, c’est-à-dire de compréhension et même d’assimilation de la différence. Cependant, la dimension d’affrontement est toujours présente dans l’imaginaire social, politique et même religieux.

Ces deux types de fonction, miroir de l’inconscient et révélateur de l’identité, se retrouvent également dans les réflexions de Lucian Boia qui distingue deux types d’altérité : une radicale ou onirique qui correspond à la première fonction et une autre, ordinaire, reflet des situations plus proches de la réalité6. Le terme d’altérité radicale est employé aussi par Baudrillard et Guillaume, mais dans un autre sens, celui d’une différence profonde, irréconciliable et inassimilable7 qui sépare l’Autre de nous.

L’image de l’Autre est dominante dans le système humain de pensée puisqu’elle conditionne la construction de l’identité. Ainsi, on peut reconnaître la présence du binôme identité/altérité dans une multitude de systèmes de référence : culturel (civilisation/barbarie), physique ou biologique (êtres humains « normaux »/défigurés), sexuelle (homme/femme), de l’espèce (homme/non-homme : extraterrestre, monstre), national ou ethnique (autochtones/étrangers), social (riche/pauvre), forme de vie (sédentaire/nomade), religieux (adepte/infidèle, hérétique), politique (partisans/résistants ou opposants), spatial (les forêts, les montagnes/la cité, ou l’île/le centre civilisé et perverti)8, etc. Ces exemples fonctionnent suivant un paradigme généralement valable, le rapport centre – périphérie9 qui résume tous les autres types de relation. L’image de l’Autre est une création du centre qui représente l’élément de référence et de comparaison. Il apporte les valeurs officielles, reconnues et acceptées tant sur l’Autre que sur soi-même. Ainsi, l’image d’une société ou d’une personne autre est le résultat d’un travail imaginaire conçu par soi-même. Cette image, plus ou moins fidèle à la « réalité », ne contribue nullement à une meilleure compréhension de la différence de l’Autre, ou elle n’est pas la priorité, mais au contraire, à mieux saisir et révéler sa propre individualité. C’est pourquoi la fonction première de l’altérité est la définition de Soi. A partir de ce schéma, la dialectique centre-périphérie est malléable, car ce qui est centre pour une communauté représente la périphérie pour une autre et inversement.

L’Autre dans la politique et la culture roumaine (cinéma et histoire)

La présence de l’étranger dans le film roumain s’intègre dans une vision plus ample de l’Histoire, constituée à travers les manuels scolaires, avec le soutien des professionnels des instituts historiques, historiens ou autres cadres10. La discipline historique dépasse le cadre institutionnalisé des universités ou d’autres établissements spécialisés et devient une préoccupation principale des milieux politiques11. Ainsi, fut créée une version officielle de l’Histoire qui s’imposa devant l’opinion publique et qui représenta un étalon même pour les professionnels du domaine. Partant, l’étranger a un rôle très important dans la définition de l’identité roumaine et dans l’élaboration du discours historiographique à l’époque de Ceausescu. Le point de départ dans la construction de l’image de l’étranger est un complexe d’infériorité, émergé dans les propos politico-culturels du XIX-ème siècle et redouté par la conscience collective durant le XX-ème siècle, celui de pays arriéré (politiquement, économiquement, culturellement). Si pendant le XIX siècle, cette idée est assumée courageusement par une partie de l’élite de l’époque12, durant la période national-communiste, elle est refoulée derrière un rideau de mégalomanie patriotarde conformément auquel, la Roumanie faisait partie des plus grandes puissances du monde13. Le complexe d’infériorité est occulté pour laisser la place à l’un de supériorité. Ce type d’image, de puissance internationale, est projeté dans le passé qui devient obligatoirement aussi glorieux que le présent. Ainsi, les producteurs de discours historique (Nicolae Ceausescu, son frère Ilie Ceausescu, soutenus par les historiens de l’Institut d’Histoire du Parti et par certains universitaires) appliquent une formule de sélection, omission, amplification des événements (généralement politiques et militaires) du passé afin de souligner les moments de gloire des prédécesseurs. Le rôle des étrangers, dans ce contexte, est de nature à mettre en évidence, une fois de plus, les qualités des voïvodes et leurs éventuelles victoires militaires, ainsi que leur stratégie politique d’importance européenne.

Malgré cette tendance à s’auto propulser au rang de puissance mondiale, le complexe de pays arriéré hante les consciences et de nouveau, l’interprétation du passé est une rhétorique salvatrice pour redresser cette image « honteuse ». L’étranger détient le rôle principal pour dépasser, expliquer et justifier ce complexe, en tant que bouc émissaire. Le complot, la politique impérialiste et la dissension des pays européens sont les trois actes d’accusation contre l’étranger. La répercussion directe de cette vision de l’Autre fut le sens donné aux pays roumains, devenus dans l’imaginaire historique une « cité assiégée » et un « mur de défense de l’Europe », ou « état tampon » entre les grandes puissances. Force est donc de constater que la Roumanie passe pour une victime innocente dans le discours historiographique. Ce tableau est renforcé par un autre mythe, la fatalité historique et géographique, défini dans le langage de l’époque comme « le pays à la confluence des Grands Empires ». Fondée sur une certaine réalité géopolitique, cette formule devient mythisée du moment où elle explique et légitime, de manière unitaire, la situation générale du présent.

Ces formules font partie du vocabulaire historico-nationaliste et représentent en plus un argument rhétorique pour justifier le retard économique de la Roumanie. Il semble que dans les années 80, le début de la pénurie alimentaire, certains ont recours au calcul des dettes que les héritiers des adversaires historiques des Roumains (Turcs, Hongrois, Russes, Polonais), ou même des Romains (les Italiens) avaient envers la Roumanie contemporaine14. Bien que cette entreprise absurde soit probablement marginale au moins au niveau officiel, elle est défendue par les segments les plus nationalistes de la population et elle est symptomatique pour cette mentalité de victimisation spécifique aux situations de crise. Au plan politique également, l’étranger semble déclencher des troubles. Un exemple révélateur est le dernier discours de Ceausescu, à la télévision, relatif aux événements de Timisoara de décembre 1989: « Partant des données dont on dispose jusqu’à présent, nous pouvons déclarer avec certitude que ces actions avec un caractère terroriste ont été organisées et déclenchées en étroite collaboration avec les cercles réactionnaires, impérialistes irrédentistes, chauvinistes et avec les services d’espionnage des différents pays étrangers. Ce n’est pas par hasard que les radios de Budapest est d’autres pays ont déclenché une campagne dévergondée d’insulte et de mensonges contre notre pays »15. L’assiduité avec laquelle Ceausescu dénonce les « impérialistes » et leur politique envahissante, cachée derrière une conspiration, correspond dans le passé à une vision similaire des voisins d’abord (Ottomans, Hongrois, Polonais), mais également des pays plus éloignés et surtout de l’Occident.

Ces types de constructions imaginaires se retrouvent explicitement dans les spectacles cinématographiques destinés à reconstituer le passé. A la fin des années 1960, est lancée dans la cinématographie roumaine l’idée d’« épopée nationale »16. Elle correspond à un courant idéologique dominant à partir des années 1960 qu’est le retour aux valeurs nationales, après une période d’apologie soviétique. Au fur et à mesure de l’avancement vers les années 1980, ces valeurs se transforment en l’un des nationalismes les plus extrêmes d’Europe. L’« Epopée nationale » devient une branche essentielle du plan thématique des films de fiction jusqu’en 1989, la chute du régime. Ainsi, entre 1968 et 1989, le film historique est une production régulière, qui s’élève en moyenne à 5-6 exemplaires par an. L’objectif fut de reconstituer les moments historiques considérés essentiels pour la Roumanie et de les populariser auprès du grand public. C’est un projet visiblement éducatif, car réaliser des superproductions n’est pas un but en soi, mais un moyen de rendre l’histoire nationale vivante, réelle et proche du spectateur.

L’étranger y est une figure récurrente tantôt pour des raisons dramatiques, tantôt pour des considérations liées à la véridicité. Ainsi, l’étranger accomplit une double fonction : d’un coté, servir à la reconstitution du passé où sa présence est indispensable (le Romain, l’Ottoman, le Français, le Pape, le Hongrois sont des figures d’altérité avec lesquelles les peuples habitant le territoire de la Roumanie sont entrée en contact) et de l’autre, contribuer au déroulement dramatique du film. Concernant ce dernier attribut, il est ennemi ou allié, il représente l’intrigue et les mobiles de l’action filmique.

L’étranger en tant qu’ennemi traditionnel – typologie et fonctions

a) Le Romain

Le premier étranger présent dans le cinéma de reconstitution de l’histoire est le Romain. Celui-ci représente le prototype d’ennemi spécifique pour la période de l’Antiquité. La production cinématographique consacre à cette époque trois films de fiction : Dacii (Les Daces)17, réalisé en 1967 par Sergiu Nicolaescu, Columna (La Colonne)18, nom qui désigne la colonne construite par l’empereur Trajan pour célébrer sa victoire contre les Daces, réalisé en 1968 par Mircea Dragan, et enfin, Burebista, d’après le nom du dirigeant dace qui régna au premier siècle av. J.C., réalisé en 1980 par Gheorghe Vitanidis.

Ces films sont produits et diffusés sur le grand écran dans des contextes idéologiques différents. Les deux premiers, Dacii et Columna, réalisés à la fin des années 1960, font partie de l’époque de récupération du passé national, alors que Burebista réalisé en 1980 est un projet purement nationaliste qui répond à un besoin de légitimation du dirigeant et de l’unité de tous les Roumains. Ce film s’inscrit également dans la série des festivités destinées à commémorer les 2050 ans de la création de « l’Etat unifié et centralisé » de Burebista. C’est ainsi que l’image du Romain supporte des fluctuations d’une époque à l’autre : toléré à la fin des années 1960, blâmé dans les années 80.

La figure cinématographique du Romain est associée avant tout à celle du « conquérant ». Le cinéma roumain n’invente rien à son égard, car l’image de « conquérant » est universellement diffusée et reproduite dans une multitude de types de discours (historiographique, artistique, éducatif). Quelques noms de généraux, d’hommes politiques ou d’empereurs (Jules César, Scipion l’Africain, Trajan) sont suffisants pour illustrer cette idée. Seul le point de vue change. En revanche, le terme « conquérant » à une double acception, car il désigne à la fois une vertu ou un vice. Le Romain des péplums italiens ou américains est un conquérant remarquable. Passé au premier plan, sous la forme d’un leader, il est un modèle de bravoure. Dans le film roumain, cette valeur a des connotations négatives et de ce point de vue il rejoint le type de représentation véhiculé dans le film français sur le même sujet, tels que Vercingétorix (Jacques Dorfmann, 2001) ou la populaire série Astérix.

Le film Dacii se focalise dès le début sur la puissance romaine. Produit pendant une période très favorable à la reconstitution historique, tant du point de vue économique qu’artistique, il bénéficie d’avantages financiers importants. La mise en scène est confiée à un réalisateur qui sera consacré, par la suite, comme le spécialiste des superproductions en Roumanie, Sergiu Nicolaescu. Avant même le générique, l’armée romaine submerge l’écran. Dans ce cas, l’effet de puissance est réalisé avec des moyens visuels. Une succession de plans fixes, présentés graduellement, à commencer par un plan d’ensemble de l’armée et jusqu’à un gros plan sur un détail de l’uniforme romain dresse l’image de force écrasante, invincible et surtout innombrable. Cette sensation est soutenue par le rangement ordonné des soldats dans le champ, par la contre-plongée de leur commandant et par la musique saccadée de fanfare. Elle est relayée, au niveau linguistique, par un échange verbal entre les deux camps adverses, romain et dace, d’où ressort l’arrogance des premiers et la détermination des seconds : « Ouvrez la porte. On vous donne la vie et la liberté / Qui êtes-vous ? / Les maîtres du monde / Vous y arriverez, si nous périssons »19. L’utilisation des formules hyperboliques concernant l’adversaire fait allusion à la domination totale, mondiale, sans barrières. Cette approche dépasse le cadre du simple rapport conflictuel entre deux forces opposées et contient une dimension mythique. Le Romain n’est plus un rival ordinaire, il est l’ennemi absolu.

Concernant le film Burebista, les moyens d’expression glissent vers le discours verbal. D’ailleurs, le film est plutôt scénaristique que cinématographique. La construction des dialogues occupe une place plus importante dans l’économie du film que les moyens visuels. Ainsi, la puissance romaine est exprimée le plus souvent verbalement. La voix off explique au spectateur le contexte politique du I siècle av J.-C. Bien que le rôle de cette présentation soit strictement informatif, la tonalité et la construction de la phrase démontrent une intention précise, de souligner la dimension menaçante de l’expansion romaine : « à moins de 7 siècles de sa fondation, Rome devient le centre du monde antique et se prépare à devenir le plus grand empire des tous les temps. Dans l’année 70 avant notre ère, c’est-à-dire 683 ab Urbe condita, l’expansion mondiale de Rome s’approche du sud du Danube, d’où s’étendaient les riches terres des Daces […] À partir de ce moment-là, devant l’ambitieux César et ses invincibles légions romaines ne reste plus qu’un seul royaume insoumis et un seul roi invaincu, Lui, Burebista »20. La formule du futur, incorrecte du point de vue historique, car historiciste, associée avec une hyperbole, « se prépare à devenir le plus grand empire de tous les temps », crée l’image d’une Rome surpuissante et agressive, capable de pulvériser en un simple geste toute autre civilisation. Cette introduction prépare le spectateur pour un récit conflictuel. Par la suite, la description de César comme ambitieux et invincible, attributs en l’occurrence nullement positifs, consolide de manière générale le portrait du Romain envahisseur.

Si la première représentation du Romain est liée à ses victoires et à sa domination politique et territoriale, auxquelles les cinéastes ont ajouté un filtre de réprobation, la deuxième, paradoxalement, concerne les mêmes caractéristiques à une seule exception qu’elles sont, cette fois-ci, glorifiées. Représenter le Romain de manière duale s’explique par son importance dans le discours historiographique sur la formation du peuple roumain. De ce point de vue, la guerre entre les deux peuples ne constitue plus un événement complètement tragique. Malgré cela, l’équilibre entre les deux parties n’a jamais été parfait, la balance s’étant penchée en faveur de l’un ou de l’autre. Durant le régime de Ceausescu, compte tenu du discours historiographique officiel qui privilégiait les racines autochtones, le poids des Daces a été plus important que celui des Romains. D’ailleurs, la mise en scène des Daces comme des êtres cumulant des vertus illimités démontre une certaine sympathie vis-à-vis d’eux en défaveur des Romains. Néanmoins, ces derniers ne sont pas diabolisés excessivement, car, comme nous l’avons montré plus haut, ils représentent la moitié fondatrice du peuple roumain. C’est pourquoi, les Romains ont souvent, dans le film, une mission civilisatrice. A cela s’ajoute la bravoure des soldats et paradoxalement, l’esprit pacifique des commandants et leur sagesse. En tant qu’ancêtres des Roumains, ils n’accomplissent pas la fonction de « méchants » jusqu’au bout. Celle-ci est nuancée, édulcorée, améliorée.

C’est le cas du film Columna. Il est dédié presque entièrement aux Romains. La mise en scène des épisodes concernant la victoire finale de l’agresseur et la vie d’après guerre, aurait pu nous faire croire que l’image du conquérant serait dominante. En réalité, l’accent est mis sur les possibilités de cohabitation entre les deux peuples. Alors que les Daces acceptent difficilement la défaite et la mort de leur roi, Decebal, leurs adversaires veulent la paix. Par surcroît, les Romains désignent pour la première fois, de manière évidente, l’idée de civilisation. Tiberius, le général romain, se définit non seulement comme un soldat, mais également comme un homme avec une éducation noble. Il apprend aux Daces d’abord le mot et ensuite la construction des aqueducs, il décide de bâtir un temple et de lui associer une statue féminine, ce qui impressionne les autochtones apparemment illettrés.

Dans le contexte de la valorisation des Daces en défaveur des Romains, la conquête de ces derniers et leurs ambitions civilisatrices peuvent être perçues comme une humiliation pour les autochtones vaincus. C’est pourquoi, pour résoudre ce problème délicat, les réalisateurs choisissent de changer de point de vue, c’est-à-dire de minimiser l’importance romaine et d’accentuer le rôle des locaux dans la prise des décisions, dans la construction des temples et d’autres édifices. Par exemple, Ciungu, le chef d’un village dace, procède au jugement d’un coupable devant les Romains. Ceux-ci avaient l’intention de le crucifier pour faute de les avoir attaqués. A la différence du commandant romain, Ciungu donne l’impression, seulement en se fiant à son instinct et à ses traditions, d’avoir des connaissances en droit sans suivre des études spécialisées à Rome : « avant de décider de son sort, aucun être humain ne doit être attaché »21. Pour ce qui est de la construction du castre, les soldats romains ont des vraies difficultés à élever la fortification et leur seul soutien vient de la part des Daces qui ont les connaissances techniques pour mener à terme le travail déjà commencé. A ce sujet, Ciungu est présenté au notable de Rome, comme le véritable bâtisseur du temple22. Les exemples pourraient êtres aisément multipliés dans ce sens.

b) L’Ottoman

En passant à l’époque médiévale, la représentation de l’Autre change et, cette fois ci, l’Ottoman est investi avec le rôle d’ennemi traditionnel. Apres le retrait des troupes romaines au sud du Danube sous le règne d’Aurélien, en 275 et jusqu’à la fin du XIII siècle, l’évolution des populations des régions habitées aujourd’hui par les Roumains reste très obscure. La documentation lacunaire ne permet pas de reconstituer avec précision la situation politique ou sociale de l’époque d’où le surnom de « millenium noir ». Les premières informations concernant la formation des états médiévaux roumains (Transylvanie, Valachie et Moldavie) proviennent du début du XIV siècle. Au milieu du même siècle, plus précisément en 1354, avec la conquête de Gallipoli, a lieu l’expansion de l’Empire Ottoman vers les Balkans. Après la soumission successive des Grecques, des Bulgares et des Serbes, ils s’arrêtent dans un premier temps, à la frontière danubienne où ils entrent en conflit direct avec le royaume hongrois et les pays roumains. Dès lors, la politique des Valaques et des Moldaves a oscillé entre résistance armée contre l’agresseur et compromis diplomatique et économique. Bien que, durant les 500 ans de rapports avec les Turcs ottomans, les pays roumains furent soumis aux règles de l’empire, la conscience nationale et souvent une grande partie de la branche des historiens ont retenu avec prédilection les victoires et le règne des voïvodes qui ont affronté l’Infidèle. Ainsi, le panthéon historique du Moyen Age est formé des dirigeants comme Mircea l’Ancien (1386-1418), Etienne le Grand (1457-1504), Vlad l’Empaleur (1456-1462), Michel le Brave (1593-1601), ou Dimitrie Cantemir (1710-1711), suivis à l’époque moderne par Alexandru Ioan Cuza (1859-1866) et Carol I de Hohenzollern (1866-1914).

Le cinéma suit cette orientation officielle et choisit de reconstituer ces périodes avec le maximum de patriotisme. La première production du genre a eu son avant-première en 1970 avec le titre Michel le Brave (Mihai Viteazul), désignant le nom du voïvode valaque et a été réalisé par Sergiu Nicolaescu, d’après un scénario de Titus Popovici. Le film raconte les confrontations du voïvode avec l’Empire Ottoman et ses démarches militaires et diplomatiques pour la conquête des principautés de la Transylvanie et de la Moldavie, à la fin du XVI-ème siècle. Cet événement est considéré comme l’union des toutes les principautés roumaines, comme l’accomplissement historique d’un idéal national. La série historique continue avec Etienne le Grand – Vaslui 1475 (Stefan cel Mare– Vaslui 1475), réalisé en 1974 par Mircea Drăgan d’après un scénario de Constantin Mitru. Le film traite de manière générale les mêmes types d’événements : combat contre les Turcs, stratégie diplomatique internationale au cours du XV-ème siècle. Buzduganul cu trei peceti (1977), traduit littéralement par La massue à trois sceaux réalisé par Constantin Vaeni, d’après un scénario de Eugen Mandric, revient sur le personnage de Michel le Brave et insiste sur l’unification des principautés roumaines sous le sceptre d’un unique voïvode, d’où le titre métaphorique. « L’épopée nationale » se prolonge avec le règne de Vlad l’Empaleur dans le film homonyme, Vlad l’Empaleur (Vlad Ţepes) (1978), réalisé par Doru Năstase, d’après le scénario de Mircea Mohor. Les cinéastes essayent de contrecarrer son image occidentale de personnalité sanglante et cruelle, en lui opposant le type du justicier. L’action se passe durant le siècle considéré le plus glorieux de l’histoire médiévale roumaine, le XV-ème. A travers Cantemir (1975), la cinématographie fait un saut d’un siècle et se consacre à la vie d’un voïvode avec des préoccupations culturelles. Le scénariste Mihnea Gheorghiu, assisté par le réalisateur Gheorghe Vitanidis insiste toujours sur ses orientations anti-ottomanes.

Le dernier film qui nous intéresse est Mircea (1989) sous la direction de Sergiu Nicolaescu ayant comme support un scénario de Titus Popovici. Ce film correspond à une période de nationalisme extrême, durant laquelle le culte de la personnalité de Nicolae Ceausescu atteint le sommet du kitch. L’identification de Ceausescu avec les héros de la nation et surtout avec les voïvodes du Moyen âge devient notoire23. Mircea l’Ancien représente à ce moment-là le correspondant parfait pour un dirigeant roumain en fin de vie, prétendant être l’arbitre de la situation politique internationale, similairement à son prédécesseur au début du XV-ème siècle. Les parallèles entre les deux figures ont été repérés par les apologistes du régime communiste et de Ceausescu en particulier, pour en faire des discours élogieux24. Le film, pour lequel le titre original de Mircea l’Ancien n’a pas pu résister aux censeurs en raison des allusions à l’âge avancé du dirigeant, fait sa sortie au cinéma en 1989 avec le nom Mircea. D’ailleurs, ce titre ne fut qu’un compromis entre la première version, Mircea l’Ancien et la deuxième, Mircea le Grand, particule grandissante attribuée au prénom du voïvode en 1986, année de la commémoration des 600 ans depuis son avènement au trône.

Le rôle de l’Ottoman est, partiellement comme celui du Romain, de faire valoir les qualités des Roumains (Moldaves et Valaques), par le mécanisme des oppositions. De la sorte, l’image de l’Ottoman est poussée dans les coins les plus sombres de la moralité et de l’humanité. Sa politique internationale est également blâmée tout en lui opposant les intentions pacifiques des pays roumains. Afin d’illustrer ces propos, nous avons choisi un exemple révélateur.

Dans le film Etienne le Grand la force de l’Empire Ottoman semble inépuisable. Au moment de l’avènement au trône du voïvode moldave, en 1457, Mehmed II était déjà le maître de Constantinople. Ses projets de conquêtes sont bien réels et ses aspirations pour agrandir son empire, un fait indéniable. Sur l’écran, Mehmed II est l’incarnation du pouvoir absolu, mais surtout de l’arrogance suprême. Bien que la description filmique du sultan ottoman se plie sur une certaine réalité, identifiée dans l’idéologie universaliste de Mehmed II, elle tourne au grotesque dans le scénario et le film. Vêtu de manière déplorable, faute d’imagination des créateurs des costumes et de moyens financiers pour soutenir un film de ce calibre (bien que le modèle d’origine soit le célèbre tableau de Mehmed II peint par Gentile Bellini), ses propos deviennent comiques : (après la conquête de Constantinople) « ce bâtiment me semble insignifiant comme résidence de l’empereur du monde. Je sais que le doge de Venise et le Pape à Rome ont des palais beaucoup plus beaux. Mais, il vaux mieux ne pas dépenser l’argent ici et aller directement là-bas [… ] je veux que le monde entier soit un seul royaume, avec une seule religion et un seul dirigeant »25. Son discours est repris par les émissaires ottomans qui récitent devant Stefan une plaidoirie menaçante : « Moi, Mehmed II, fils de Murad, envoyé d’Allah sur terre, prince de tous les princes du monde, maître de toutes les têtes couronnées, roi des rois, empereur d’occident et d’orient, celui qui veut bien donner la paix ou la guerre au monde, je te dis à toi, le bey de Moldavie. Cette fois-ci, toi-même viens m’apporter le tribut des deux dernières années, comme le prince Valaque, pour avoir confiance en ton amitié. Je t’ordonne d’ouvrir de suite les portes de tes cités, Chilia et Cetatea Alba. Nous te conseillons de t’éloigner de tes voisins, du Pape et de Venise et ça sera bien pour toi. Tu ne dois pas faire autrement, car notre grâce est « brise de printemps », mais la colère sera « tourbillon de tempête »26. Fondée sur une certaine réalité, l’idéologie de domination du monde héritée des turcs préislamiques et l’ambition du sultan d’instaurer une Pax Ottomanica semblablement aux Romains et aux Mongols, l’image cinématographique du sultan se superpose sur le modèle épique des personnages négatifs. Ses envies de domination sont indéniables, mais les proportions qu’elles prennent dans le film dépassent les limites de la connaissance historique pour atteindre des dimensions gigantesques et ainsi, mythologiques. Pour ne pointer que quelques détails, le palais de Topkapi construit après la prise de Constantinople a impressionné les contemporains par sa somptuosité, donc les projets d’aller occuper les résidences du dodge et du pape, imaginés par le scénariste sont fantasmagoriques. Cette formule se veut évidement une figure de style, afin d’établir l’ampleur de l’ambition du sultan, mais de cette manière, en grossissant ses traits, son image est encore plus éloignée de la prétendue réalité historique. Quant à l’anéantissement des autres religions en faveur de celle islamique, l’affirmation s’avère aventureuse, car le règne de Mehmed II était reconnu comme un des plus tolérant du point de vue confessionnel. Pour ce qui est de l’énumération des titulatures, les médiévistes confirment l’utilisation des appellations faisant référence au titre d’empereur. L’affirmation est fondée sur les prétentions de Mehmed II d’être reconnu l’héritier légitime des empereurs romains27. Néanmoins, cette attitude ne se reflète pas toujours dans les titulatures officielles, le qualificatif de bey étant plus répandu28. Quelques monnaies de l’époque témoignent l’utilisation d’autres titres sans pourtant atteindre l’opulence suggérée par le film29.

Partant de ces observations, le but du film de respecter la vérité historique semble se diriger vers l’échec. Les raisons de l’écartement de la « vérité » s’expliquent d’un côté, par la nécessité de construire un discours dramatique autour de l’axe mal-bien, dans lequel, le rôle du méchant est détenu par l’Ottoman et dont les attributs sont délibérément exagérés. Les règles de ce genre de récit obligent à une polarisation extrême des acteurs impliqués, en l’occurrence, l’Ottoman et le Roumain. Sur ce schéma, initialement de nature dramatico-littéraire, se plie une réalité historique : les relations moldavo-ottomanes. Le but principal, nous le rappellerons, est de faire ressortir l’image idéalisée du voïvode moldave et de sa politique. Ainsi, sa réponse est immédiate et elle vient à l’encontre du discours ottoman : « nous connaissons la puissance du royaume ottoman ; nous savons qu’un petit pays peut paraître une proie facile pour les troupes de Son Altesse le sultan. Nous, en revanche, nous voulons demander à sa majesté de nous laisser vivre tranquillement, ici, dans ce coin du monde, où, notre peuple roumain a des racines profondes comme les forets de chênes. On n’est redevable envers personne et on n’a jamais oppressé personne. Nous voulons vivre en harmonie avec les voisins que Dieu nous a donnés et avec les autres pays plus éloignés. Nous serions heureux que nos messagers et nos commerçants puissent arriver également à la Sublime Porte comme ils font avec les autres pays chrétiens. Moi, je n’aime pas les guerres. Mais j’ai lutté chaque fois que l’indépendance et les frontières du pays ont été menacées et si nécessaire, nous saurons nous défendre même devant les troupes qui ont conquis Constantinople »30. Point par point, les propos du voïvode moldave représentent l’antithèse de ceux du sultan. L’attitude humble, les idées pacifiques, les motivations patriotiques de ses implications en guerre opposent Etienne le Grand à son homologue. Force est de constater que dans ce discours se cache la structure mythologique décryptée précédemment : le complexe de pays insignifiant (nous savons qu’un petit pays peut paraître une proie facile), occulté par la dimensions importante de la politique de Etienne le Grand (Nous voulons vivre en harmonie avec les voisins que Dieu nous a donnés et avec les autres pays plus éloignés. Nous serions heureux que nos messagers et nos commerçants puissent arriver également à la Sublime Porte comme ils font avec les autres pays chrétiens. Moi, je n’aime pas les guerres.) et par son patriotisme en cas de danger (Mais j’ai lutté chaque fois que l’indépendance et les frontières du pays ont été menacées et si nécessaire, nous saurons nous défendre même devant les troupes qui ont conquis Constantinople). Deux autres idées se sont glissées discrètement dans son allocution : la continuité31 du peuple roumain, légitimée par des facteurs historiques et territoriaux (dans ce coin du monde, où, notre peuple roumain a des racines profondes comme les forets de chênes) et l’indépendance totale (On n’est redevable envers personne), anticipant de cette manière la politique autarcique de Ceausescu des années 80. Cela revient à avancer l’hypothèse selon laquelle le projet d’autonomie totale existait déjà sous une forme plus ou moins latente dans l’inconscient collectif, ou au moins, au sein de certaines élites politico-culturelles. Évidemment, une phrase isolée dans un film ne peut pas prouver une idéologie entière, mais ce cas, en apparence singulier, est confirmé par d’autres exemples cinématographiques ou d’autre nature.

c) L’Europe

Par Europe il faut comprendre d’abord les pays autour desquels gravitait la politique extérieure de la Valachie et de la Moldavie, c’est-à-dire la Hongrie et respectivement la Pologne. A ceux-ci s’ajoutent les autres puissances impliquées dans les problèmes balkaniques lors des coalitions anti-ottomanes ou pour des intérêts territoriaux personnels. C’est le cas de la France, de la Bourgogne, de l’Empire Romain Germanique, du Vatican, de la République de Venise et de Gênes et, vers la fin du Moyen âge, de la Russie.

L’Europe occidentale est placée dans un schéma sémi-historique sémi-narratif, en tant que cible primordiale des attaques ottomanes. Les projets des sultans de conquérir le plus de territoires font partie de l’idéologie héritée des empereurs turcs préislamiques, convaincus d’accomplir une destinée sacrée32. Cependant, l’Europe ne constitue pas un objectif constant. Certains historiens considèrent même que la préoccupation principale, sur le long terme, a été l’Anatolie et le Proche Orient33. D’ailleurs, il suffit de jeter un coup d’œil sur la carte de l’Empire, à son apogée, pour voir l’étendue territoriale en faveur de l’Orient et du nord de l’Afrique.

Dans le film, les nuances historiques représentent plutôt des obstacles à la mise en œuvre du raisonnement nationaliste. L’image de l’Europe comme objet du désir est plus confortable et plus simple qu’un débat sur les multiples éléments et objectifs de la politique ottomane. La simplification a un deuxième but : de mettre en avant le rôle des Roumains dans ce schéma initialement binaire. Un simple regard sur quelques génériques fournit un premier aperçu de la vision sur l’Europe. Dans le film Vlad l’Empaleur, la situation internationale est résumée ainsi : « 1456. Les troupes de l’Empire Ottoman ont été vaincues par Iancu de Hunedoara34 à Belgrade. Trois jours plus tard, le héros meurt, tué par la peste. Profitant de cette circonstance avantageuse, Mehmed II, le conquérant de Constantinople se prépare à donner à l’Europe le coup fatal… »35. Il en est de même dans Etienne le Grand : « l’Europe du XV-ème siècle se trouvait devant la menace d’une nouvelle invasion ottomane. Le sultan Mehmed II dirigeant une des plus puissantes armées du monde conquiert Constantinople. Une fois installé dans le trône des empereurs byzantins, il pousse ses armées de spahis et janissaires vers l’Asie et l’Europe : le royaume de Trébizonde, l’îles de la Méditerranée, la Grèce, la Serbie, la Bosnie et l’Albanie sont passés tour à tour, par le feu et l’épée...»36. Dans ces deux exemples, l’accent descriptif se focalise sur la puissance et l’avancée ottomane, tout en évoquant l’Europe comme visée finale. A partir de cet exemple, est esquissé le premier rôle des pays roumains, celui de tremplin avant l’assaut final. Une des descriptions les plus précises pour fixer l’image de la mégalomanie des envahisseurs et la vulnérabilité des envahis, est le discours de Mehmed II dans le film Vlad l’Empaleur : « …je vais frapper la Valachie et je vais la transformer en pachalik. Après elle, la Moldavie. A partir d’ici, mes soldats passeront dans la Transylvanie. Je vais transformer également la Transylvanie en pachalik […] quand les neiges vont fondre, une nouvelle armée se dirigera vers Belgrade. Annonces les Tatars de se ruer vers les Polonais ! Comme ça, je ne serais plus attaqué ni par les Polonais, ni par les Italiens. Maintenant, Budapest est perdue. Après Budapest il y aura Vienne. Je vais réunir mes deux armées et je vais partir avec toutes mes forces vers Rome. Je vais transformer Vatican en une gigantesque mosquée. Le pape et tous ses cardinaux marcheront derrière mon cheval, habillés comme de simples prêtres musulmans »37. Le tableau imaginaire de Mehmed II est fulminant38. L’obsession de domination, analysée par les historiens comme des projets avec une importance plutôt idéologique que pratique39, se transforme, à l’écran, en une stratégie cohérente, appuyée sur la tactique militaire.

Le film Michel le Brave apporte une nouvelle dimension à la conception de l’Europe qui va orienter, par ailleurs, les particularités des Roumains : « depuis plus de 100 ans l’Europe tremble sous les coups de l’armée ottomane. 1593, le sultan Murad III pousse ses armées de spahis et janissaires vers Vienne, le dernier obstacle vers une Europe désunie. Comme par miracle, répété au fur et à mesure des siècles, dans le chemin de ces armées s’opposaient trois pays insignifiants : la Moldavie, la Valachie et la Transylvanie »40. Entre les deux forces s’entreposent les pays roumains vus comme des défenseurs de la civilisation occidentale, comme un pays de sacrifice. Ainsi, son identité s’érige à partir d’une rhétorique fondée sur les deux axes politiques : les Ottomans et les Européens. Les premiers désignent les agresseurs, les deuxièmes représentent la cible, alors qu’entre eux, les Roumains occupent les positions de « mur de résistance » devant l’invasion turque et en conséquence, de « citée assiégée ». Cela revient à réduire l’image du Roumain à la condition de victime41. En plus, la description de la situation internationale dans le film Michel le Brave, ajoute une nouvelle couche sur la vision de l’Occident : la dissension.

En tant que principale caractéristique des pays européens, la dissension ou la désunion sollicitent des moyens expressifs divers afin de les rendre convaincantes. De manière générale, cela est une opération de mythification dans laquelle les informations historiques sont sélectionnées, réinterprétées, détournées, exagérées ou ignorées selon l’objectif idéologique ou dramatique du commanditaire du film. Si l’image de l’ennemi traditionnel sert à montrer les qualités des autochtones, l’image des Européens est instrumentalisée afin de justifier une série de déceptions, mais également c’est l’occasion de montrer la grande politique internationale menée par les voïvodes roumains. Les déceptions ou les échecs ont plusieurs visages. Premièrement, l’Européen désuni et irresponsable justifie les défaites subies par les armées chrétiennes, et tout autant les défaites des armées roumaines. Deuxièmement, la mort des voïvodes roumains est une conséquence directe des conspirations étrangères, en particulier occidentales. Et troisièmement, l’irresponsabilité de l’Europe, corroborée par les attaques répétées des Ottomans offre l’excuse idéale pour le retard accumulé par la Roumanie contemporaine. Cette dernière particularité, nous l’avons précisée, est refoulée pour laisser la place à un complexe de supériorité, concrétisé dans la manière de voir la diplomatie internationale des Roumains. La manière de reconstituer la cour du sultan Mehmed II, dans le film Etienne le Grand est révélatrice à l’égard de l’image portée sur l’Europe. La séquence est un échange verbal entre le sultan et ses invités, en partie d’origine européenne occidentale :

  • Benedetto Dei : « Si votre Majesté essaierait de conquérir l’Italie, tout le monde chrétien se lèvera en sa défense ».

  • Mehmed : « Des paroles vaines, seigneur Benedetto. De quelle aide parles-tu, quand toi, citoyen de Florence, tu me fournis des informations militaires sur la République de Venise, à moi, le plus grand ennemi de la Chrétienté, l’Antéchrist, comme vous m’appelez ? »

  • Benedetto Dei : « Venise est le plus grand ennemi de Florence, Altesse. »

  • Mehmed : « Le peintre Constanzo da Ferrara, que fait-il à ma cour ? Dis-moi Constanzo, qui t’a envoyé chez moi ? »

  • Constazo da Ferrara : « Sa Majesté, le Roi Ferrante de Naples. Mon maître aimerait vous offrir en signe d’hommage et amitié, un médaillon avec l’illustre portrait de votre Altesse. »

  • Mehmed : « La fierté de l’Islam, mes fameux janissaires sont tous enfants de chrétiens. Non…Sur vous, les chrétiens, pèse le sort de l’adversité. »42

Nous n’allons pas explorer ces dialogues en détail, mais il est certain que les réalisateurs ont fait des recherches pour identifier les personnalités de l’époque. Il n’en est pas de même avec l’interprétation des données trouvées. Malgré la tentative de reconstitution « fidèle » de l’époque, le point de vue sur l’entourage du sultan est bien évidemment celui du producteur contemporain. Ainsi, l’admiration que les personnalités culturelles de la Renaissance européenne portaient au leader ottoman, en tant qu’homme de culture, phénomène perçu comme un moyen de communication entre les deux mondes, est utilisée dans le film, comme un signe de la trahison chrétienne. Le raisonnement est non seulement contemporain, mais plus encore, il offre une explication unitaire et simpliste à un phénomène sociopolitique de grande complexité. Cette démarche démontre la fragilité des sources historiques qui ne parlent pas d’elles mêmes. Sans une approche professionnelle et responsable, elles peuvent servir à tout genre d’objectif. Le simple fait de transférer la rhétorique contemporaine dans les pensées de Mehmed II n’est qu’une technique bien connue de manipulation par le passé. Cette ténacité dialectique a comme résultat la responsabilisation de l’Occident pour une série d’échecs, réels ou imaginaires, subis par les Roumains au cours de l’histoire. Une situation de ce genre est présente dans le film Michel le Brave. L’initiative de Michel le Brave d’assiéger Istanbul fut empêchée par la circonspection de l’empereur Rodolphe II de l’Empire Romain Germanique et par des intrigues politiques de sa cour. En même temps, cet échec a une portée plus large. Le désistement des Européens à l’égard des actions héroïques du voïvode valaque a une signification politique majeure, dans la vision de Nicolaescu/Popovici : la faute pour le maintient des Ottomans dans les Balkans revient à l’Europe. Le coupable, en l’occurrence, est Rodolphe, mais il est également le représentant de tous les chefs d’état du continent. Jean de Nevers, Sigismond de Hongrie, Sigismond Bathory ou Rodolphe de Habsbourg se réunissent sous la même figure de « l’Européen irresponsable ».

Partant, la désunion et l’insouciance occidentales ont une deuxième fonction stratégique : révéler et accentuer le type de politique entrepris par des petits pays comme les principautés roumaines. L’effet est réalisé par le système d’opposition entre la vision et les modalités d’agir spécifiquement aux grandes puissances (les divergences d’idées, l’expectative, le manque de dynamisme, les réunions conspiratrices) et celles des pays roumains (la clairvoyance, la fermeté, les mobiles patriotiques). Un des moments les plus emblématiques dans ce sens est la reconstitution cinématographique des préparatifs de guerre pour la bataille de Nicopolis (1396) dans le film Mircea. Les participants à la croisade font partie de la plus renommée élite chevaleresque d’Europe : Philippe II d’Artois d’Eu, Jean de Vienne, l’amiral de France, Jean le Meingre, seigneur de Boucicaut, Jean sans Peur. L’organisation de l’attaque et de la stratégie militaire se prépare autour d’une table gargantuesque, où les princes mangent et boivent. La présence des célébrités autour de cette table souligne doublement leur irresponsabilité et parallèlement la lucidité et la sagesse du voïvode valaque qui est « en reconnaissance de terrain ». Le rassemblement des chevaliers de tous les coins de l’Europe et la manière dont ils entendent la croisade crée la plus éloquente image de l’Occident de tous les films historiques roumains. A l’appui des ouvrages et des chroniques évoquant la bataille et l’ambiance qui l’a précédée, Sergiu Nicolaescu et Titus Popovici reconstituent l’époque et certaines répliques « à la lettre ». Ainsi, la représentation des croisées peut être conforme à certains témoignages43, mais son utilisation est biaisée. La majorité des sources attestent les rivalités entre les princes occidentaux et certains des événements racontés par les chroniqueurs se retrouvant dans le film de Nicolaescu. La différence majeure consiste dans leur détournement afin d’embellir l’image du voïvode roumain et surtout afin de mettre en avant sa lucidité politique et militaire, l’antithèse parfaite des chevaliers européens.

Conclusions

La place centrale de l’étranger dans l’imaginaire politique et historique roumain démontre le besoin de l’appareil dirigeant d’affirmer et de légitimer sa propre identité. Attribuer à l’étranger du passé une série des vices a comme objectif, de renforcer les qualités des Roumains, et de justifier un complexe d’infériorité, non assumé pendant le régime de Ceausescu, mais ressenti dans les moments de crise. Mais la signification ultime, au-delà de la projection imaginaire des frustrations et des désirs cachés, est la profonde faiblesse d’un régime incapable d’assurer la stabilité politique et économique du pays, obligé de se réfugier dans le passé pour donner du sens à sa propre existence.

Le film n’est qu’une pièce de la grande machine à fabriquer des illusions. Au-delà de leur carrière nationale, ces productions cinématographiques sont destinées, dès la phase du projet, à l’export. Les commanditaires du film et les cinéastes envisagent de transmettre des messages moralisateurs aux spectateurs occidentaux, concernant « la vérité » sur le peuple roumain, son rôle dans le développement de la société occidentale, ainsi que la responsabilité de cette dernière. Le monde international ne s’est pas montré très réceptif aux allusions historiques des cinéastes roumains. L’explication réside non pas dans le refus du spectateur occidental de croire au récit du film, mais tout simplement dans la qualité médiocre de la réalisation, ce qui n’a pas permis leur diffusion massive. Nous ne pourrons pas établir avec certitude la destinée de ces productions dans le cas d’un chef-d’œuvre, mais telles qu’elles ont été présentées aux distributeurs étrangers, avaient de fortes chances de décrédibiliser davantage le discours roumain sur l’histoire, ainsi que le cinéma en tant qu’art.

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Notes

1 Le terme d’énonciateur désigne un complexe de personnes et de facteurs responsable de la production de film (réalisateurs, scénaristes, producteurs, conditions politico-économico-culturelles, etc.) à partir de la phase de projet et jusqu’à la sortie dans les salles. Ces idées sont développées par François Amy de la Bretèque, dans L’imaginaire médiéval dans le cinéma occidental, 2004, p. 28 Retour au texte

2 Voir quelques considérations théoriques sur l’altérité dans Lucian Boia, Pour une histoire de l’imaginaire, 1998 Retour au texte

3 Lucian Boia, Entre l’ange et la bête. Le mythe de l’homme différent de l’Antiquité à nos jours, 1995 Retour au texte

4 Quelques considérations philosophiques sur l’alter ego et la perception de l’autre dans Robert Misrahi, Qui est l’autre ? 1999, p.85- 99 Retour au texte

5 Jean Baudrillard, Marc Guillaume, Figures de l’altérité, 1994, p. 10 Retour au texte

6 Lucian Boia, Pour une histoire de l’imaginaire, 1998 Retour au texte

7 Jean Baudrillard, Marc Guillaume, Figures de l’altérité, 1994, p. 10 Retour au texte

8 Plusieurs aspects de l’image de l’étranger sont traités dans Bernadette Lemoine (dir.), Image de l’étranger. Actes du colloque du 28-29 mars 2003. Retour au texte

9 Sur la fonction du « centre » dans les sociétés traditionnelles, mais valables pour toute autre type de communautés, voir Mircea Eliade Images et symboles. Essais sur le symbolisme magico-réligieux, 1952 Retour au texte

10 Sur l’importance des productions historiographiques pendant la période de Ceausescu voir Vlad Georgescu, Politică şi istorie. Cazul comuniştilor români (1944-1977), 1981; Katherine Verdery, National Ideology under Socialism. Identity and Cultural Politics in Ceausescu’s Romania, 1991; Lucian Boia Istorie şi mit în conştiinţa românească, 1997, version anglaise History and myth in Romania consciousness, 2001. Adrian Cioroianu, Ce Ceausescu qui hante les Roumains. Le mythe, les représentations et le culte du Dirigeant dans la Roumanie communiste, 2004. Retour au texte

11 Un premier aperçu de ce que la philosophie et l’histoire devait représenter pour la doctrine communiste roumaine, selon les propos du Secrétaire Général du Parti Communiste, Nicolae Ceausescu : « nous devons recruter les étudiants en philosophie sur d’autre bases. Celle-ci n’est pas un métier de spécialité, mais une activité idéologique et là-bas doivent y aller seulement les personnes recrutées du parti, seulement les personnes qui vont devenir des activistes de parti. Ils doivent être des philosophes marxistes-léninistes. Nous ne pouvons admettre aucun autre genre de philosophie en Roumanie. Cela est valable également pour les autres facultés humanistes: l’économie politique, l’histoire. Nous ne pouvons avoir qu’une seule histoire, une seule conception sur l’histoire, le matérialisme dialectique et historique; aucune autre conception ne peut exister dans l’enseignement de l’histoire » (Nicolae Ceausescu, Expunere la consfătuirea de lucru a activului de partid din domeniul ideologiei şi al activităţii politice şi cultural-educative 9 iulie 1971, 1971. Disponible en ligne sur http://ro.wikisource.org/wiki/Expunere_la_consf%C4%83tuirea_de_lucru_a_activului_de_partid_din_domeniul_ideologiei_%C5%9Fi_al_activit%C4%83%C5%A3ii_politice_%C5%9Fi_cultural-educative [ref. du 11/02/07] Retour au texte

12 Voir l’orientation idéologique de la société culturelle « Junimea » et les opinions de certains de ses membres, tels Titus Maiorescu ou Vasile Pogor. Retour au texte

13 Lucian Boia, Destinul mare al unei ţări mici, 1998, p. 207 Retour au texte

14 Lucian Boia Istorie şi mit în conştiinţa românească, Humanitas, Bucuresti, 1997, p. 244, version anglaise History and myth in Romania consciousness, 2001 Retour au texte

15 Nicolae Ceausescu dans son discours télévisé du 21 décembre 1989 Disponible en ligne sur http://ro.wikisource.org/wiki/Cuv%C3%A2ntarea_lui_Nicolae_Ceau%C5%9Fescu_din_seara_de_21_decembrie_1989 [ref. du 11/02/07] Retour au texte

16 La première apparition de la formule « épopée nationale » a lieu dans le cadre de la publication du « Plan thématique des films artistiques » pour les années 1968, 1969 1970. Le document est rédigé le 6 juillet 1967. (Archive du Ministère de la Culture, dossier 26054, Cinematografie. 1968) Retour au texte

17 Le film a été réalisé en coproduction avec la France et a été connu sous le titre de Les Guerriers. Retour au texte

18 Le film a été connu en France sous le nom de Le Tyran Retour au texte

19 Dacii, Sergiu Nicolaescu (réalisateur), Titus Popovici (scénariste), 1967, minute 00 :00 :34 Retour au texte

20 Burebista, Gheorghe Vitanidis (réalisateur), Mihnea Gheorghiu (scénariste), 1980, minute 00 :03 :03 Retour au texte

21 Columna, Mircea Dragan (réalisateur), Titus Popovici (scénariste), 1968, minute 00 :30 :12 Retour au texte

22 Columna, Mircea Dragan (réalisateur), Titus Popovici (scénariste), 1968, minute 01 :39 :31 Retour au texte

23 Les cérémonies, les spectacles, les chansons et les poésies sont centrés sur la personnalité de Nicolae Ceausescu entouré par les voïvodes, les rois, les révolutionnaires et les autres héros de l’histoire nationale. En guise d’exemple la poésie de Victor Tulbure, Credinţa şi tăria (La foi et la force), est significative: Il provient de la chair de Horea et du souffle d’Etienne/De la lumière de Bălcescu et des pensées de Cantemir/ Rêve du rêve d’Eminescu et de Mihai, celui qui/a voulu laisser son peuple réuni sous un seul étendard (cité par Angelo Mitchievici, Giganţii, 2004, p. 435 Retour au texte

24 Lucian Boia, Destinul mare al unei tari mici, 1995, p. 207 et Cristiana Dineaţă, Mircea cel Bătrân. De la comemorări religioase la mari adunări populare 1995. p.72 Retour au texte

25 Etienne le Grand – Vaslui 1475, Mircea Drăgan (réalisateur), Constantin Mitru (scénariste), minute 00 :11 :58 Retour au texte

26 Etienne le Grand – Vaslui 1475, Mircea Drăgan (réalisateur), Constantin Mitru (scénariste), minute 00 :16 :15 Retour au texte

27 Halil Inalcik, The Ottoman Empire. The Classical Age. 1300-1600, 1973 Retour au texte

28 Gilles Veinstein, Historie turque et ottomane, Cours au Collège de France 2001-2002 Disponible en ligne sur http://www.college-de-france.fr/default/EN/all/his_tur/index.htm [ ref. du 11/02/07] Retour au texte

29 La monnaie réalisée par Constanzo da Ferrara, datée avec approximation de l’année 1479, contient les appellations : SVITANVS. MOHAMETH. OTHOMANVS. TVRCORVM. IMPERATOR et sur le revers HIC. BELLI. FVLMEN. POPVLOS. PROSTRAVIT. ET. VRBES. (Cet homme, l’éclair de guerre, a soumis des peuples et des villes). Retour au texte

30 Etienne le Grand – Vaslui 1475, Mircea Drăgan (réalisateur), Constantin Mitru (scénariste), minute 00 :17 :22 Retour au texte

31 La Continuité a constitué une véritable obsession des historiens roumains qui ont remplacé le manque d’informations sur le millenium noir par des théories, afin de démontrer l’existence perpétuelle des communautés ethniques roumaines dans l’espace de la Roumanie. Retour au texte

32 Tahsin Gemil, Romanii si otomanii in secolele XIV – XVI, 1991, p. 21 Retour au texte

33 Ibidem, p. 13 Retour au texte

34 Il s’agit de Jean Hunyadi, le voïvode de Transylvanie, régent du Royaume de Hongrie qui mène une politique anti-ottomane franche. Il perd la bataille de Kosovopolje (1448), mais défend victorieusement Belgrade en 1456. Etant d’origine roumaine, le personnage est bien valorisé par l’historiographie nationale. Retour au texte

35 Vlad Tepes, Doru Nastase (réalisateur), Mircea Mohor (scénariste), 1978, minute 00: 00: 35 Retour au texte

36 Ştefan cel Mare – Vaslui 1475, Mircea Drăgan (réalisateur), Constantin Mitru (scénariste), minute 00 :00 :45 Retour au texte

37 Vlad Tepes, Doru Nastase (réalisateur), Mircea Mohor (scénariste), 1978, minute 01: 27: 41 Retour au texte

38 Cette image de la politique de Mehmed II a eu peut-être pour origine les représentations formulées par Edward Gibbon qui attribuait à Mehmed II l’ambition de détruire Rome. Voir Myro Piper Gilmore, Le monde de l’humanisme: 1453-1517, 1955, p. 30 Retour au texte

39 Ibidem, p. 31 Retour au texte

40 Mihai Viteazul, Sergiu Nicolaescu (réalisateur), Titus Popovici (scénariste), 1971, minute 00: 00: 42 Retour au texte

41 Voir une représentation similaire de Soi et de l’Autre dans l’imaginaire bulgare dans Svetla Rousseff, Le Turc vu par le Bulgare, 1997, p 279 Retour au texte

42 Ştefan cel Mare – Vaslui 1475, Mircea Drăgan (réalisateur), Constantin Mitru (scénariste), minute 18 :45 Retour au texte

43 Le Livre des Faits du bon Messire Jehan Le Maingre, dit Bouciquaut, Mareschal de France et Gouverneur de Jennes ; les Chroniques de Froissart. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Aurélia Vasile, « L’étranger – un ennemi nécessaire. Représentation de l’Autre dans le cinéma roumain pendant le régime national-communiste de Nicolae Ceausescu », Sciences humaines combinées [En ligne], 2 | 2007, publié le 01 novembre 2007 et consulté le 24 novembre 2024. DOI : 10.58335/shc.109. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/shc/index.php?id=109

Auteur

Aurélia Vasile

Doctorante en Histoire, Centre Georges Chevrier UMR 5605