Motto :
Monotones sont mes lettres, puisqu’entre moi et toi, il ne peut en être autrement. Ma conscience envers toi est pleine de larmes et de regret - surtout que c’est à toi que je dois toute ma réussite… et tout le bien, et tous les jours paisibles de la vie… mais je vis avec des gens pleins de jalousie, de sottise et qui font tout ce qu’ils peuvent afin que je les haïsse… 1
Je te parle seulement de mes difficultés, de mes espoirs parmi lesquels les uns s’éteignent et les autres s’allument, des orages dans mon cœur, et j’aurais dû te parler uniquement de mon grand attachement à ta personne, de mon amour sans cesse grandissant pour la reconnaissance de tous les biens que tu me prodigues, ma chère, toi qui veilles sur moi… (361)
Ma nature est pleine d’éclairs – les jours sombres sont les plus nombreux, mais quelquefois s’y entrelacent des jours flamboyants multicolores qui illuminent mes souvenirs. Un jour je me tisserai sur le front des lauriers de toutes ces lumières et tel je resterai. (358)
Je vais donc chanter et tendre vers mes limites :
Je vais ranimer la flamme, s’il y a la moindre braise dans les cendres.
C’est ainsi que l’Egyptien dans une feuille d’aloès
Enferme le cœur flétri du mort :
Sur cette feuille, il écrit la formule de la résurrection :
Et même si le cœur ne se ranime pas dans cette feuille,
Il sera pourtant préservé éternellement de la putréfaction,
Il ne tombera pas en poussière… Quand l’heure sonnera,
Le cœur pressentira la signification secrète des paroles,
Et à ce moment-là il trouvera la réponse au tréfonds de lui-même. (Lambro, Słowacki 1996 : 38)
1. Introduction
Ecrivain et auteur de l’époque romantique, Juliusz Słowacki s’inspirait aussi des pays qui imposaient leurs idées à ce courant. Il a quitté son pays, et plus précisément ses terres natales (en ce temps-là la Pologne n’existait pas en tant qu’état indépendant) à l’âge de dix-neuf ans et jusqu’à la fin de sa vie, pendant trente ans il voyagea d’un pays à l’autre, allant de l’Allemagne, à l’Angleterre, à la Suisse, à l’Italie pour enfin s’installer plus longtemps en France, à Paris. Véritable romantique, d’un côté fasciné par Shakespeare, Scott et Byron, Madame de Staël, de Chateaubriand ou Georges Sand, de l’autre plein de patriotisme, de nostalgie pour ses proches, il se livre avec la même facilité à l’euphorie comme à la mélancolie. Depuis sa plus tendre enfance Juliusz Słowacki fut imprégné de l’esprit littéraire, grâce à son père Euzebiusz Słowacki, poète classique célèbre et à sa mère Salomea qui adorait l’art. Très vite orphelin, il ne trouva jamais de soutien chez son beau-père, monsieur Bécu, second mari de sa mère, professeur de médecine à l’Université de Vilnius.
2. Salomé Słowacka - mère confidente
Elevé par les femmes et parmi les femmes, c’est-à-dire par sa mère et ses deux demi-sœurs, Słowacki va acquérir des habitudes qui influenceront son caractère et, d’une manière visible, sa vie entière. Il est surprenant et en même temps remarquable de constater que déjà adolescent puis adulte il se confie et même dans un certain sens confesse à sa mère toutes ses réflexions, tous ses sentiments personnels, toutes ses intentions et démarches artistiques. Ces « pigeons blancs de tristesse » comme Słowacki appelait les lettres qu’il lui adressait, accompagneront le poète jusqu’à la fin de sa vie.
Salomea Becu, la mère de Juliusz Słowacki, avait-elle de l’influence sur le développement intellectuel de son fils ? Pour le moment cette question reste sans réponse car à part quelques pages on n’a pas retrouvé la correspondance de sa mère adressée à Juliusz, bien que l’on ait les preuves qu’un tel courrier existait, puisque Słowacki signale à plusieurs reprises que partout où il allait il les emportait.
Les cent trente-neuf lettres adressées à sa mère dans la période s’étendant du 15 septembre 1830 jusqu’en décembre 1848 permettent de juger les succès artistiques de cette figure de la littérature polonaise à l’aune de ses relations personnelles.
Après des études de droit à l’Université de Vilnius, Juliusz – conformément à la volonté de sa mère – se rend à Varsovie pour se consacrer à la carrière de diplomate au sein du Ministère des Finances. On est en 1830, et la Pologne, divisée entre la Russie, la Prusse et l’Autriche, n’existe plus. Mais la nation polonaise opposée à cette situation prépare de nouveau une insurrection nationale avec cette fois-ci à sa tête les étudiants de l’Ecole Militaire de Varsovie placés sous le commandement direct du Grand Prince Konstanty, frère du tsar Alexandre 1er, lequel l’avait nommé gouverneur du Royaume Polonais (ainsi désignait-on cette partie du territoire polonais après le Congrès de Vienne en 1815). Juliusz Słowacki, en tant que membre d’une mission diplomatique passant par Dresde, Paris, le Havre et Londres, ne participera pas activement à ce mouvement patriotique. Malgré son absence de Varsovie, il tisse des liens avec les insurgés en créant deux poèmes : « Bogurodzica » et « Kulig » dans lesquels il remonte à la tradition afin de les réconforter et leur donner foi dans la lutte pour retrouver l’indépendance.
Ce premier voyage fut à la fois la première et, comme on le verra par la suite, la dernière séparation avec sa mère. Il ne lui sera pas accordé de réaliser son rêve le plus grand, revenir dans sa terre natale et revoir la personne qui lui était la plus chère. Les lettres seront la seule façon de communiquer. Dans ses lettres le poète s’adressera toujours à sa mère avec un grand respect, un grand amour filial et la reconnaissance de son indulgence pour la voie choisie par son fils. Il lui sera reconnaissant également pour son aide financière qui lui assurait le confort non seulement matériel mais aussi psychologique. Cette aide le libérait de tout souci pour le quotidien, il en parlait déjà dans l’une de ses premières lettres écrite à Dresde : « Chère Maman, tu ne croiras pas comme il est fort ce sentiment de dépendre de toi, d’exiger autant de toi, n’ayant même pas l’espoir de te le rendre un jour […] » (16). Par les premières lettres nous découvrons également le rythme de travail du poète, qui sera confirmé à plusieurs reprises dans sa correspondance ultérieure : « Je n’écris rien à présent, c’est mon habitude en été. » (22) Ces premiers voyages et premières confrontations avec la réalité seront importants pour le poète : « Le voyage favorise l’imagination, dommage seulement que tout ce qu’il dévoile soit moins beau que notre imaginaire. » (32) Ces remarques trouveront leur place au cœur du drame publié quatre ans plus tard, intitulé Kordian.
De temps en temps le poète arrive à vivre par ses propres moyens en vendant ses œuvres publiées mais cela ne se produit que très rarement. A Paris l’écrivain est absorbé par la lecture et à vrai dire il est de plus en plus convaincu que la voie qu’il a choisie est appropriée. « Vous voyez seulement que pour moi il n’y a pas d’autre perspective que ces poésies malheureuses – cet espoir, unique espoir dans ma vie, me décevra-t-il ? » (34)
A cette époque-là, être poète est un destin presque normal. Pour le romantique polonais il faut y ajouter la nécessité de l’errance, une grande nostalgie pour les personnes les plus proches et le rêve de la patrie libre :
Chère Maman ! Je voudrais tellement te voir – j’aimerais tellement, par mon attachement, te récompenser, ma Mère, de toutes ces peines que je t’ai causées… Il me faut m’isoler […] et je cite de Chateaubriand : si j’avais encore la folie de croire au bonheur, je le chercherais dans l’habitude. (36)
Cette confession nous fait comprendre le sacrifice du poète qui, contre sa propre volonté, reste à Paris car, il avoue :
A Paris, je suis plein d’un unique espoir : c’est de pouvoir imprimer. […] En vérité ils nous proposent ici différentes occupations littéraires, je pensais écrire un roman sur notre histoire en français – mais je ne peux pas écrire pour l’argent […] chaque fois que j’y pense mon imagination devient vide. (38-9)
Pendant ses promenades à Paris, en visitant les monuments et musées, lorsque le poète n’écrit pas, ses réflexions sont sans cesse ranimées par de nouvelles observations. Il fait des remarques comme celle-ci sur la composition du héros chez Shakespeare :
Je pense […] que très souvent, pour ceux qui ne s’entendent pas à la poésie, Shakespeare ressemble à un enfant ou à un fou alors que chacune de ses scènes montre une connaissance profonde du cœur humain et est marquée par la grandeur du génie poétique. (38)
Dans une de ses lettres à sa mère, Juliusz Słowacki l’informe qu’il a décidé d’écrire un roman en français, en s’inspirant de différentes histoires, anecdotes et légendes ukrainiennes. Dans son roman, qui sera composé de trente chapitres, les styles de Walter Scott et de Shakespeare se mélangent. Le poète y fait encore une fois une allusion très personnelle :
Ma Mère, comment pouvais-tu terminer ta lettre en disant que tu ne m’avais pas donné énormément de bonheur dans ce monde – qu’est-ce que je serais sans Toi, ma Maman… Tout mon bien provient de Toi – tout le mal, c’est moi qui l’ai causé. Tout m’a ennuyé – j’ai dû tout abandonner – et comme un fou je cours après une immortalité imaginaire – triste était cette inclination de mes pensées durant l’enfance. […] Tu sais, chère Maman, je t’avouerai ce que je n’ai dit à personne – dans l’enfance, lorsque j’étais très pieux, je priais Dieu, souvent et ardemment pour qu’il me donne la vie la plus misérable possible – pour que je sois méprisé tout au long de ma vie – et ceci dans un seul but : posséder cette gloire immortelle après la mort. (47)
Nous retrouvons ce genre de confession dans presque toutes ses lettres. Sa mère est sa confidente et c’est avec elle que Juliusz Słowacki partage les bons et mauvais moments :
Chère Maman ! Tu ne croiras pas à quel point je suis heureux. Et c’est à Toi, ma Mère, que je dois ce bonheur unique qu’il m’est possible encore d’éprouver. Depuis une semaine je suis occupé à l’impression de ma poésie, tu l’auras dans deux mois. Ce sera comme si tu me voyais – puisque je ne suis rien d’autre que mes poésies. (48-49)
Comme le rêvait l’auteur, l’annonce de la naissance d’un nouveau romantique polonais s’est vite répandue, et pas seulement à Paris. On put lire dans la Revue Encyclopédique éditée par Julien de Paris un article présentant Juliusz Słowacki. En outre, à Paris, on soulignait que la Pologne cesserait d’envier Byron à l’Angleterre, puisqu’elle comptait Słowacki parmi ses écrivains.
L’entourage de l’auteur se sentait très flatté de faire partie des proches de Słowacki, comme en témoigne ce fragment de lettre écrite par un ami de Słowacki à sa mère :
Madame ! Vous concevrez aisément combien j’ai du plaisir à être avec lui ; jouir de sa conversation, admirer ses talents qui relèvent encore le mérite de son père, dont la mémoire est tellement révérée, enfin cette foule de souvenirs qui se pressent, après une absence de tant d’années […] (55)
3. Paris – Premières rencontres, premiers succès littéraires
Au moment où la gloire commence à entourer le poète, il semble avoir encore davantage besoin de la présence de sa mère, la personne la plus proche de lui :
Il me faudra Te voir, chère Maman, lorsque tu liras mes poésies – il faut que je te les lise moi-même. Chère Mère, eu égard au nombre de personnes qui m’aiment ici et je me permets même de dire, qui m’adorent, tu n’aurais pas honte de ton fils. Je le sens et ce sentiment orgueilleux me fait plaisir […] (56)
Nous avons parfois l’impression que ce n’est pas un adulte qui parle de son succès, mais un fils unique très gâté et un peu perdu qui doit retrouver la personne qui, depuis toujours, était sa protectrice et assurait sa tranquillité en toute occasion.
Cependant à Paris on parle de plus en plus des œuvres et du talent d’un jeune poète de Pologne. Juliusz Słowacki a déjà publié deux poèmes épiques très importants pour lui : Mindowe et Lambro. Il est aussi invité à des soirées chez des personnes célèbres en France. En décrivant une de ces soirées, Słowacki rend non seulement l’ambiance du lieu mais également la manière dont il a été reçu :
Le soir est arrivé – grande réception avec de nombreuses dames polonaises et françaises, toutes jeunes et jolies. Lafayette présidait – tout le monde lisait en français, […] à la fin le Vice-président s’est adressé au public en annonçant que l’assistance avait demandé au plus grand des poètes polonais de réciter dans sa langue natale et pria Słowacki de prendre place. Słowacki refusa et récita en restant debout… […] Les Français dirent qu’ils avaient presque tout compris car j’avais mis toute mon âme en déclamant. (58-59)
Le poète devient de plus en plus célèbre et il en fait part avec fierté : « Je Vous envoie des exemplaires avec les signatures – je le fais pour un petit nombre de personnes afin que celles-ci sachent que je les aime et les considère plus particulièrement. » (58-59)
Les succès littéraires sont suivis par des propositions de peintres qui veulent faire le portrait de Słowacki, de plus en plus reconnu et remarqué parmi les artistes. Enfin cette gloire tant attendue et désirée non seulement réconforte Słowacki mais encore l’assure de la réalité de son talent et l’autorise à écrire : « Tu sais, chère Maman, ici [en France, à Paris] je reçois tant d’admiration de la part de mes compatriotes [issus de la Grande Emigration après l’échec de l’Insurrection de Novembre 1831] que les critiques m’importent peu […] » (58-59).
Dans certaines lettres le poète, aux prises avec la nostalgie, évoquera son passé et comme le Werther de Goethe, il va se souvenir de son amour pour Ludwika Sniadecka, un amour adolescent, malheureux et inoubliable. Sa bien aimée apparaît dans plusieurs ouvrages sous le nom de Laura. Ce souvenir subsiste toujours en lui et on a même l’impression qu’il fait tout pour se la remémorer, rêver d’elle et souffrir à nouveau, à tel point que ce premier amour est inscrit dans sa biographie car il se figurait qu’il trahirait son souvenir s’il retombait amoureux :
Je t’assure Maman, j’ai assez aimé… et ne priez pas Dieu pour que votre Julek redevienne un tel fou, comme il l’était à dix-sept ans car je ne sais pas s’il sortirait de cette folie. Vous savez qu’après cette épreuve-là, je suis encore maintenant en convalescence. (65)
On ne peut ni compatir ni s’étonner, car l’amour malheureux était en quelque sorte inscrit dans la biographie de l’artiste à cette époque. Il ne pouvait donc pas l’éviter. A la nostalgie des souvenirs s’ajoute le manque des traditions, particulièrement ressenti par le poète – comme on peut le deviner – dans la période des fêtes, que ce soit Noël ou Pâques :
[…] ça ne ressemblait pas au bénit – car il n’y avait pas dans le salon cette odeur propre à notre bénit que j’aime tant – cette odeur est inexprimable, inconcevable – tu dirais que l’odeur de l’eau bénite, mêlée à l’odeur du gâteau de Pâques, à celle de la pervenche, à celle des œufs, et des moutons – l’odeur me poursuit comme un rêve d’enfance. (66)
Słowacki fait un résumé à propos de son séjour à Paris dans lequel la brièveté mérite une attention toute particulière par la justesse des expressions : « Chère Mère, voilà les détails de ma vie à Paris – si Vous y réfléchissez, Vous me regretterez car je n’ai pas le plaisir des sentiments mais uniquement celui des impressions. » (69)
On apprend par les lettres suivantes que Juliusz, malgré les déceptions qu’il éprouve, ne quitte pas Paris, car il se rend compte que c’est le seul endroit où il peut renforcer son rang de poète. C’est pourquoi, malgré son âme de solitaire, l’artiste est présent à tous les déjeuners, dîners et rendez-vous, dans lesquels selon les organisateurs, seules sont invitées les personnes dignes d’attention :
En ce mois [de juillet] monsieur Jullien […] m’a envoyé une invitation à un déjeuner savant. C’est le déjeuner Revue Encyclopédique, auquel les éditeurs invitent tous les étrangers célèbres et importants. Je suis donc allé à un déjeuner savant (car je suis un étranger célèbre). En vérité, mes impressions intellectuelles comme culinaires après ce déjeuner-là ne furent pas très positives car ce fut un repas ennuyeux et sans goût. Après le déjeuner Jullien porta des toasts – et entre autres mon toast – en tant que nouveau-venu – et en tant que poète – et je l’en ai remercié. (71)
On note une légère déception chez Słowacki suite aux relations qu’il entretient avec son entourage. En revanche il y eut des moments de satisfaction qu’il voulut partager immédiatement avec sa mère : « Chère Maman ! Il m’est difficile d’exprimer toute la joie que j’ai ressentie en lisant ta dernière lettre – alors Vous lisez déjà mes livres ! Toi Mère, tu as parfois éprouvé quelque moment où le sentiment de fierté est une consolation à l’abandon. » (71)
Ensuite Juliusz Słowacki explique à sa mère :
[…] que ce désordre dans l’agencement de l’action est nécessaire – que Zmija, à mon opinion et à celle de tous, reste mon poème le plus parfait. L’un des critiques les plus célèbres dit de moi, après avoir lu Zmija, que toute la nation polonaise est ranimée par ce chant – que là où les autres sortaient les briquettes des murs, moi j’édifiais des murs entiers […] Je suis content que tout le monde trouve Zmija le meilleur de mes poèmes puisque c’est mon dernier – je progresse donc et je cultive mon esprit… (75)
Face à cet enthousiasme, on note également des jugements sévères prononcés à l’encontre de ses œuvres, parfois il les défend quand il se sent en désaccord avec les critiques imprégnés d’idées classiques. « La tragédie Mindowe, je sais qu’elle est très faible à part quelques scènes… Les critiques trouvent que je n’ai pas de prédispositions dramatiques – je dois cette opinion à leur ignorance pour le nouveau genre dramatique. » (75)
Juliusz Słowacki, vrai romantique dans la façon de penser et d’exprimer ses sentiments, est conscient que ses œuvres ne seront pas acceptées par tout le monde, qu’il y aura toujours des personnes qui seront dépassées par ses poèmes, puisque les épigones du classicisme seront égarés et lui reprocheront l’impiété. Mais les œuvres existent déjà et vivent leur propre vie. C’est pourquoi, plusieurs fois dans ses lettres, Słowacki va demander à sa mère de l’aider à diffuser ses poèmes, à les procurer à tous ses proches mais aussi à ceux qui en sont dignes. Ce qui est surprenant, c’est la présence parmi ces personnes de celle qui l’a repoussé. « Ma Maman, si tu possédais deux exemplaires, envoies-en un à Ludwisia [Sniadecka]– nécessairement, […] » (76).
Le succès de Słowacki en tant que poète influence même sa façon de s’habiller :
[…] Et aujourd’hui j’ai réussi ma mission au jardin de Tuileries : pour la première fois j’ai attiré le regard des dames – je portais un pantalon blanc, un gilet de cachemire avec des grandes fleurs de couleurs différentes, (…) et le col de ma chemise empesé – à cela ajoutez la canne à tête dorée, les gants en cuir et voilà votre Julek. [...] Et tu me demanderas, Maman, pourquoi je fais ça? Pour éviter ce reproche universel qui considère notre nation comme délaissée et négligente… (76)
Alors on constate d’un côté la nécessité d’être « à la mode », ce qui nous rappelle Werther et sa manie provocatrice, et de l’autre le besoin de se distinguer, le besoin d’originalité, indispensable pour attirer l’attention.
4. « Duel artistique » entre Juliusz Słowacki et Adam Mickiewicz
Nous retrouvons dans ses lettres des informations sur les rencontres du poète avec d’autres auteurs polonais qui, comme lui, avaient choisi la vie à l’étranger pour des motifs politiques. La majorité d’entre eux ont ainsi évité non seulement la prison mais aussi la déportation en Sibérie. Il semble donc que les rapports entre les expatriés étaient harmonieux, ils voulaient s’aider mutuellement et se comprenaient. Malheureusement, la réalité donnait une image totalement différente. Cette réalité était loin de l’acceptation mutuelle, souvent on percevait des malentendus, des disputes et la compétition se jouait en vue d’être le premier, le meilleur aux yeux des compatriotes de l’étranger et de ceux qui étaient restés au pays. Souvent les discussions se transformaient en disputes qui menaient parfois à des duels comme ceux mentionnés dans les lettres de Słowacki, envoyées de Paris. Lui-même n’a pas évité le conflit, puisque ses opinions sur l’art n’étaient pas acceptées par tous. Il faut rappeler que lorsque Słowacki est arrivé à Paris, la place de « leader spirituel de la nation polonaise » était déjà prise par un auteur plus âgé, dont les œuvres étaient imprégnées de patriotisme romantique, Adam Mickiewicz. Il n’y aura jamais d’accord entre ces deux auteurs talentueux bien que tous les deux l’aient désiré. Ils s’efforçaient de s’accepter mutuellement, mais dès le début les partisans de Mickiewicz s’étaient montré défavorables à Słowacki et jaloux d’un éventuel remplacement de leur maître par le nouveau-venu. Ils n’étaient pas loin de l’humilier. A ce sujet, il semble indispensable de citer quelques remarques de Juliusz. « Aujourd’hui [31/07/1832] Mickiewicz est arrivé à Paris, mais je n’irai pas le voir en premier. S’il veut faire ma connaissance, c’est bien… » (82).
Encore une fois Słowacki rapporte à sa mère la situation dans laquelle il se trouvait, alors accompagné par Mickiewicz, et décrit la vie artistique à Paris :
Mickiewicz est là depuis quelques jours. Aucun n’a voulu faire le premier pas pour faire connaissance – il y avait quelques personnes auxquelles il aurait dit qu’il voulait me voir. Elles essayèrent donc de nous réunir afin que nous fassions connaissance. Aujourd’hui [7/08/1832] on s’est réuni dans un grand déjeuner… Mickiewicz improvisait – mais ce n’était pas une réussite. Pendant que l’assemblée se promenait dans le jardin, Mickiewicz s’est approché de moi et on s’échangea quelques compliments… […] Quand je lui dis que pour moi, il était le meilleur des poètes, un des Polonais qui était resté derrière moi me répéta incessamment : « Tu es trop modeste ». Avec ces mots il a obscurci notre discussion. Pendant le déjeuner, Cezary [organisateur des rencontres] courut pour nous inviter chez lui à la soirée des artistes – c’était une soirée composée uniquement d’hommes… Chopin, célèbre pianiste et compositeur, jouait… nous parlions, récitions différentes poésies. La soirée s’est bien passée. Cette soirée-là ressemblait aux soirées splendides que donnent les artistes français – les musiciens jouent d’abord, les peintres font des portraits et souvent prennent pour modèles les visages des personnes cultivées présentes à la soirée – les voyageurs racontent leurs voyages, les savants leurs découvertes… (85-86)
Les observations des rencontres avec les émigrés polonais et surtout avec Mickiewicz, auront leur place dans le cinquième chant du poème intitulé Beniowski dans lequel le poète, sans détour, caractérise ce milieu.
A cause de cette situation et fatigué par ces réticences toujours plus nombreuses, Słowacki capitule et décide de quitter Paris. Il en informera sa mère en écrivant une lettre à Genève. Désormais, par prudence, ses publications seront anonymes. Ce sera une déception de plus pour cette confiance sans limite et désintéressée entre le fils et sa mère. « Ma Mère, aime-moi, aime – je vais essayer, par de nouvelles poésies, de faire en sorte que tu te souviennes souvent de moi, puisque je désire être de plus en plus célèbre » (83).
Ses nouvelles œuvres ne recueillaient pas toujours ni la gloire ni une bonne critique. Słowacki s’éloignait des modèles connus, proposés par Mickiewicz. L’abandon de ces modèles déjà existants ne garantissait pas sa reconnaissance dans le monde artistique :
Un des Polonais m’a rapporté une phrase énoncée par Mickiewicz à propos de mes deux volumes […] il avait dit que ma poésie était belle, qu’elle était l’édifice de la beauté architecturale, comme une sublime église – mais que dans cette église il n’y avait pas Dieu […] N’est-ce pas une belle phrase poétique ? (87)
Ce jugement générera de l’amertume chez Słowacki, ce qu’on a bien pu remarquer dans la question rhétorique posée par le poète. En outre, cette phrase aura sa place dans le poème Beniowski, déjà évoqué. C’est pourquoi il n’est pas surprenant que le très jeune Słowacki (il avait 23 ans) après tant d’expériences vécues, partage avec sa mère une analyse juste et adéquate : « Cette vie c’est une force un peu trop lourde ! » (92)
Malgré tout, le poète conserve un grand optimisme et surtout l’espoir de revenir, de retrouver ses proches, mais ces rêves seront inexorablement remplacés par la réalité. Słowacki n’a pas d’autre choix que d’accepter l’errance et de chercher le repos éternel quelque part… « Si je devais mourir à l’étranger – Słowacki informe sa mère – j’inscrirais dans mon testament de bâtir une énorme croix, formée d’une seule pierre [symbole de sa vie], d’y planter un cyprès et d’écrire mon prénom en latin. » (92)
La croix doit être élaborée à partir d’une seule pierre. Il y a là un objectif précis. La pierre signifiait l’union, l’accord, l’action commune et donc toutes ces valeurs représentent la force de la nation que le poète revendique, en s’adressant à ses compatriotes.
Słowacki essayait aussi d’écrire en français mais il est difficile d’affirmer s’il le faisait uniquement pour l’argent en vue de se libérer partiellement de l’aide de sa mère ou bien par simple expérience :
J’allais voir les tragédies, afin de mieux connaître les Français et leurs goûts ainsi que le jeu des actrices, puisque je dois t’avouer secrètement que je suis en train d’écrire une tragédie pour l’un de ces théâtres – je ne sais pas s’ils me l’accepteront – et voudront la mettre en scène – et s’ils voudront me payer. (99-100)
Alors que Juliusz Słowacki est toujours considéré comme débutant, Adam Mickiewicz publie la troisième partie du drame Dziady. Cette œuvre est un classique polonais et son message patriotique est toujours aussi fort, en témoignent les évènements de 1968 lorsqu’en mars après avoir vu la représentation du drame mise en scène au Théâtre National à Varsovie, les Polonais ont commencé à manifester contre la censure et le régime politique en place. Le fait que Mickiewicz publie cette œuvre n’échappe pas à l’attention de Słowacki qui en informe sa mère :
Dans ces prochains jours le tome IV de Mickiewicz sera imprimé chez les dames Pinard. Il contient la troisième partie de Dziady. Je ne la connais pas encore – mais le talent de Mickiewicz s’affaiblit. Dans les dialogues il introduit sans arrêt la religion – il anéantit le Pape, même la Bulle – ce qui me déplaît à présent. (101) 2
5. Séjour à Genève
Dans presque chaque lettre nous retrouvons des confessions très intimes ; nous ne pouvons pas les citer toutes bien qu’elles contiennent une part importante de sentiments troublants par leur profondeur, et une originalité dans la formulation, qui met en relief la sensibilité et le talent de l’écrivain. « Chère Maman […] Toi Mère et mon Père vous m’aviez laissé plusieurs amis dans ce monde – je ne devrais pas avoir de fils car je n’arrive même pas à me trouver un ami – et bien qu’est-ce que je pourrais lui laisser ? » (101)
La lettre suivante est pleine de délicatesse :
Ma Mère ! Crois à la reconnaissance de ton fils, car comment pourrait-il te remercier avec hypocrisie de tous les biens que tu lui prodigues ? Je compare mon sort avec les autres – et souvent je me dis que Toi Mère, tu es la meilleure des mères. Quand pourrai-je te serrer dans mes bras, quand tomberai-je à genoux devant toi et te dirai-je que tu es mon Dieu – ange gardien de ma vie ! (105)
Juliusz n’avait aucun secret pour sa mère – au contraire, il éprouvait un énorme besoin de partager chaque nouvelle avec elle. Voilà pourquoi il informe sa mère sur le contenu de la lettre reçue de son inoubliable amour – Ludwika Sniadecka :
D’après les conclusions que je peux tirer de la lettre, elle n’est pas fâchée que je me souvienne d’elle – par contre elle se fâche pour le manque de témoignage sur elle dans mes livres – « J’avais plaisir, dans ma solitude silencieuse, à parcourir les secrets des pensées et des sentiments d’une âme connue. Dans ces créations il n’y a que le poète – l’homme s’est caché mais, parfois, il s’est révélé et je l’ai reconnu. Je ne lis plus aucun livre, sauf les Poésies écrites par Vous, mon vieil ami. Elles resteront chez moi jusqu’à la fin de mes souffrances terrestres.
Ici s’achève l’extrait de la lettre de son ancienne bien-aimée et c’est alors que revient le commentaire de Słowacki. « J’espère que lorsque j’imprimerai le poème Lambro, elle ne me reprochera pas de cacher mes sentiments. » (109)
Ce message est l’un des derniers avant le départ de Paris et comme l’ordre chronologique prédomine dans la présentation des lettres, les prochaines seront envoyées de Genève.
Il faut rappeler que deux raisons ont décidé de cet ordre chronologique : premièrement il semble plus logique de suivre plus précisément l’évolution du caractère de Słowacki, dictée nécessairement par le changement de son entourage, et d’autre part ce choix n’est pas sans conséquence sur les personnes et le paysage auxquels il fait allusion :
Je suis triste, triste parfois – et souvent – car je deviens le citoyen du monde – je ne m’attache plus aussi fortement ni aux endroits ni aux personnes avec qui je vis, comme c’était le cas dans mon enfance. C’est l’un des problèmes de mon cœur, devenu vagabond. (119)
Quelques années plus tard ces remarques écrites en prose seront reprises de manière très poétique dans le poème lyrique évoquant la nostalgie et la condamnation à l’errance jusqu’à la fin de sa vie. Puisque cette œuvre reproduit pleinement les états physiques et moraux qui seront de plus en plus forts et visibles chez le poète, il nous faut en citer quelques vers :
Je suis triste, Seigneur. A l’Occident, pour moi
Tu répands l’arc-en-ciel éclatant et radieux ;
Dans une eau d’azur tu éteins devant moi
L’astre de feu…
Bien que tu me dores mer et ciel qui meurent,
Je suis triste, Seigneur.
Tels les épis vides à la tête dressée
Je reste las de désirs et las d’être joyeux ;
Pour le monde mon visage a l’uniformité
Du ciel silencieux.
Mais devant Toi, j’ouvrirai le fond de mon cœur,
Je suis triste, Seigneur.
[…]
Comme j’ai souvent rêvé sur les tombes humaines,
Que je n’ai presque pas connu la maison de mon père,
Que j’ai été le pèlerin qui sur la route peine, Aveuglé par le tonnerre,
Comme je ne sais pas où sera ma suprême demeure,
Je suis triste, Seigneur.
Tu verras mes os blanc, mais loin d’être confiés
A la garde superbe de colonnes de marbre ;
Me voici, tel un homme qui doit envier
Les tombes, aux cendres…
Pour mon repos troublé lorsque viendra mon heure,
Je suis triste, Seigneur. (Pankowski : 1961, 49-50)
Cette tristesse du pèlerin romantique apparaîtra de plus en plus souvent dans les lettres et dans ses œuvres. Heureusement, à la nostalgie envers ses proches se juxtapose la conscience de posséder du talent et cette conviction aidera Słowacki tout au long de sa vie :
La lettre […] que je suis en train d’écrire, retardée de quelques jours, car je travaillais à mon Lambro et hier, je l’ai envoyé à l’imprimerie. Cette séparation me rend d’autant plus triste que tu ne le liras pas prochainement. (120)
A Genève, dès le début de son séjour, Juliusz Słowacki ressent de la sympathie, il n’y a pas de critiques défavorables, émises dans le but que Słowacki perde la foi en ses capacités et abandonne la volonté créatrice :
Madame M. est venue chez nous et m’a dit que, parmi les conversations le jeune N. N. disait qu’aujourd’hui dans l’un des journaux français il avait lu un long article flatteur sur les poésies de Juliusz Słowacki. Est-ce que vous connaissez, Monsieur, ce poète ? J’ai fait semblant que cet article m’importait peu, mais le lendemain j’ai vite couru à la Société de Lecture, dans laquelle se trouvent tous les journaux, et j’ai retrouvé cette critique sur mes poésies dans la Revue Européenne. On me flatte. Ils commencent par la publication de Bogurodzica, donnent la traduction de cet hymne, puis ils parlent très favorablement de Zmija […] puis un large recueil de tragédies […] Maria Stuart, pour finir d’une assez bonne traduction d’Arab. Il y a partout un peu de critique, mais on note aussi le fait que j’ai vingt-deux ans et que j’ai échappé aux schémas littéraires. (122)
Voilà encore un message positif pour sa mère lorsqu’il reçoit un texte écrit spécialement à son sujet, intitulé Notices sur les poésies de Jules Słowacki. Mais ce n’est pas fini !
Maintenant j’imprime le tome III et j’ai déjà reçu la première correction. Ce tome sera constitué du poème en deux chants, intitulé Lambro, ensuite ce seront des poésies différentes […] où à la fin du poème on retrouvera toute mon enfance [il parle du poème lyrique : Heure des pensées]. Pour ce seul poème, j’aimerais que vous lisiez le tome III … (126)
Il semble que le regard de Juliusz Słowacki ait dépassé les cadres de l’autoévaluation ; l’appréciation du poète par les autres serait intéressante, malheureusement nous ne disposons pas de bonnes sources à ce sujet, alors nous nous servirons de quelques envois reçus par Salomea Becu, envois provenant de la fille de la propriétaire d’une pension où Słowacki a séjourné durant quelques années. Voilà la lettre d’Eglantine Pattey qui semblait avoir pour le jeune Polonais des sentiments différents de ceux qu’éprouve une sœur pour son frère. Ce qui est sûr, c’est que Słowacki n’était pas traité comme un pensionnaire mais comme un membre de la famille. « Chère Madame, combien Vous devez être fière de Votre enfant, si jeune, si beau et possédant un tel génie ; il y a là une consolation pour des maux et une compensation à la peine que vous éprouvez d’être séparée de lui. » (130)
En lisant ses lettres, on prend conscience du problème qui, d’une manière particulière tourmente le poète, à savoir l’aide financière de sa mère grâce à laquelle Juliusz se trouve dans une situation confortable par rapport à ses autres compatriotes, notamment par rapport à son rival dans la course aux lauriers poétiques, Adam Mickiewicz qui, pendant toute sa vie, dut faire face à la détresse financière :
On me dit parfois que je suis particulièrement doué. Après l’avoir entendu je pense souvent avec amertume, qu’il y a tant de personnes qui, avec de petits talents, font vivre toute leur famille […] et moi, je suis comme une herbe inutile… je suis même un fardeau pour Toi, ma Mère… pardonne moi d’avoir choisi un tel chemin… Mais je ne peux pas renoncer. (132)
En décrivant avec enthousiasme tous ses succès à sa mère, Słowacki s’offre un moyen d’oublier ses remords :
Ce tome [tome III] plaît beaucoup aux Polonais habitant ici.(…) Si mon imagination créatrice continue à être aussi riche, si tous les ans j’imprime de nouveaux tomes, alors […] après ma mort, celui qui voudra me connaître devra me lire pendant un mois entier. (137)
De temps en temps le poète rêve d’une vie plus active pour soutenir sa patrie. Il est important de citer au moins une fois les réflexions de ce genre car elles sont très rares à cause de la censure. Il faut savoir que Słowacki est un émigré politique et le pouvoir tsarien n’oubliera jamais, comme pour beaucoup d’autres, ses poésies révolutionnaires :
La volonté d’une vie active me tourmente parfois – je rêve à des projets différents mais tout ceci en vain. Il ne me reste plus qu’à me taire et à écrire. Si encore je pouvais choisir mon pays pour y vivre, je serais allé en Allemagne […] – mais maintenant tous les pays se sont refermés devant moi, il est même difficile de rentrer en France. Vous ne pouvez pas imaginer notre situation [il parle des émigrés politiques de Pologne]. Je remercie Dieu et Toi, Mère, car en comparaison des autres, je suis heureux… (140)
On l’a déjà évoqué, cet état d’âme de Słowacki est dû à l’ambiance presque familiale de la pension de Madame Pattey, ce qui a marqué la sensibilité du poète. La fille de la propriétaire de la pension, Eglantine, rassurait Salomea Becu, elle relatait cette bienveillance prodiguée à Juliusz, en ajoutant ses propos aux lettres du poète qui lui laissait volontairement quelques lignes de libre, car il se rendait bien compte que ces mots apaisants écrits de la main de quelqu’un d’autre étaient importants pour elle :
Croyez à notre tendresse dévouée pour Votre fils tant qu’il le souhaitera. Maman Vous présente ses compliments empressés, elle se joint à moi pour Vous dire, combien nous Vous aimons et combien nous sentons la peine que Vous cause la séparation de Votre enfant. […] Je voudrais Vous voir afin de mieux Vous démontrer l’implication que maman et moi prenons à ce qui Vous intéresse. (146)
Pour illustrer davantage cette profondeur de sentiments qu’éprouve Słowacki pour sa mère, il faut ajouter que, souvent, il joignait à ses lettres les croquis et les dessins qui lui montraient les lieux où se trouvait son fils :
Quel beau pays ! En le regardant je pense involontairement et je répète après Goethe : est-ce que tu connais ce pays ? Tu le connais Ma chère ! Ce serait le Paradis si tu étais là-bas avec moi … (153)
Malheureusement, Słowacki ne verra jamais ce Paradis bien qu’à plusieurs reprises, il en rêve dans ses lettres. Qu’est-ce qui lui reste ?
Je me suis promis de ne jamais courir après la richesse, et si la gloire chatouille un peu ma vanité, on peut dire que c’est un sentiment noble – car la gloire ne me revient pas, mais elle revient à ma pauvre cousine [il appelle ainsi la patrie]. Crois-moi, ma Mère, c’est le seul but de ma vie. Ce service coûte cher puisque je sacrifie mon bonheur. Autrement je serais avec Vous – mais dites-moi – que deviendrait ma vie sans livres et sans plume… (154)
L’écriture est la chose la plus importante pour Słowacki. Lorsque l’inspiration se présente, Słowacki se met immédiatement au travail pour ne rien perdre de cette inspiration :
Je suis en train d’écrire ma grande œuvre. J’ai déjà écrit 1300 vers, mais ce n’est rien dans la totalité de ma construction. Je suis distrait pendant toute la journée – j’écris la nuit – et jusqu’à dix heures je dors profondément… […] Maman – c’est étrange que mon imagination soit la source unique de mes malheurs – et tout mon bonheur terrestre… En vérité, je suis heureux - je suis heureux tous les soirs quand j’écris… […] Maman, ne sois pas étonnée du style de cette lettre et n’aie pas peur pour moi ; c’est une simple tournure d’esprit d’automne, je concentre tous mes pouvoirs sur l’imagination qui m’envahit. Je vis depuis plusieurs jours ainsi et je ne peux pas devenir autre – je ne peux pas Vous parler d’incidents sans gravité, d’événements du quotidien. […] Si j’étais avec Vous, je serais pensif – et sombre… (158, 160, 161)
Dans la lettre suivante – comme dans la précédente – le poète parle à sa mère des émotions qu’il éprouve lors de la création de sa nouvelle œuvre, mais aussi, de la déception liée au comportement d’Adam Mickiewicz, toujours considéré comme le premier romantique polonais :
Oh ! Je Vous dis combien ça m’a coûté ! […] C’est l’une des raisons pour lesquelles je suis allé à Genève… et Vous ne croirez pas à quel point je souffre à chaque fois que les gens demandent mon avis sur [Adam Mickiewicz)]. Je le hais… Il a prélevé un passage de ma préface et il l’a inséré dans le petit journal, mais il l’a raccourci d’une telle façon que son sens en a été complètement changé, avec une dose de sarcasme – et pourtant ma préface est une justification – tout ceux qui l’ont lue en entier, admettent que Adam l’a fait exprès – car c’est lui qui écrit à propos des œuvres littéraires dans le petit journal – Il ne me reste plus rien qu’à parvenir à une telle gloire, afin qu’aucune offense ne t’atteigne. Et je dois y parvenir – Dieu lui-même m’a inspiré en élaborant dans mon esprit une grande œuvre.
Je recopie la première partie et je la fais imprimer dans quelques jours. Crois-moi, chère Mère, je ne suis pas aveuglé – j’ai pris l’avis d’une personne étrangère à cette situation…Et ce sera un anonyme – pour que la bataille avec Adam soit plus égale. Si Vous êtes prête, je Vous en enverrai quelques exemplaires. Ecrivez-moi si Vous les voulez. Toute mon œuvre parle de la maladie de la cousine [lire : patrie]. (164)
Les informations données sur sa nouvelle œuvre sont remarquables dans leurs détails, l’impression que l’écrivain désire que sa mère participe pleinement à la création de ce nouveau poème :
Tout ce mois [novembre 1833] j’ai travaillé sur le nouveau poème et j’ai écrit 2200 vers en vingt jours. Je me suis consolé en pensant que ma jeunesse n’est pas complètement perdue pour le bien de ma patrie [le mot ‘patrie’ n’est utilisé qu’une seule fois] – je me le répète – c’est ma manière de tout adoucir. […] Je n’arrête pas de lire ces deux œuvres l’une après l’autre [les œuvres de Jan Kochanowski demandées par Słowacki lui ont été envoyées par sa mère] et je trouve que Treny est d’une beauté incomparable. Je trouve juste la majorité des remarques de mon père, mais dans certains cas je vois que le goût classique ou plutôt français a eu une énorme influence sur lui. […] Je ne lis rien d’autre, car je passe toutes mes journées à recopier, en toute hâte, mon nouveau poème intitulé Kordian. Ce prénom, que j’ai trouvé pour mon héros idéal, est bizarre … (166)
Dès la page de titre nous apprenons que le poète avait pour projet d’écrire une trilogie. Malheureusement, que ce soit par manque d’inspiration ou par changement de décision, seule la première partie a été publiée. L’auteur n’en parle même pas dans ses lettres à sa mère où pourtant, il l’informe de tout. L’auteur avait pour projet d’écrire les parties suivantes, la composition et la fin très mystérieuse de la première partie du drame en témoignent. On ne sait pas si Kordian sera exécuté, le messager aura-t-il le temps d’arriver avec la lettre de grâce du tsar avant l’exécution ?
Quand ce poème [Kordian] aura vu le jour, ce sera pour moi un moment très important […] Je travaille sans cesse − je lis beaucoup, je me suis lancé entièrement dans la philosophie allemande qui, malgré la multitude d’inutiles rêves d’idéalisme, nourrit mon imagination. (169)
Kordian représente encore une tentative d’entrer en compétition au sens idéologique et artistique du terme avec son rival Mickiewicz. Probablement la décision d’écrire le drame précité a été provoquée par la publication de la troisième partie de Dziady, dans laquelle Mickiewicz de manière très claire, caractérise la mission de la nation polonaise en tant que ‘Christ des nations’.
En outre selon Mickiewicz : « tout Polonais participent d’office à la mission nationale » […], tandis que pour Słowacki : « […] seules les forces vives de la nation, les jeunes révolutionnaires représentent l’idéal à instaurer, à incarner la défense de la nation. » (Maslowski : 30).
Une autre remarque d’Eglantine Pattey, personnage déjà cité, jointe à une des lettres de Słowacki à sa mère, confirme l’état d’âme du poète :
Voila un an que maman a fait l’acquisition d’un fils et moi d’un frère c’est Vous dire, Madame, que nous savons apprécier et aimer votre fils. Cette année [1833] s’est écoulée pour lui sans plaisir, mais non sans gloire, car il a su mettre à profit et son génie et ses talents. Il pourra bien jeune encore jouir d’une gloire que d’autres n’ont atteinte que sur les vieux jours. Cette perspective doit le consoler des privations qu’il éprouve et Vous, Madame, Vous faire supporter avec résignation la peine de vivre loin de lui. (172)
Ces quelques lignes écrites, par Eglantine donnent un regard plus objectif sur le comportement et les réalisations du poète. Elles permettent en outre de nous éloigner un peu de toutes ces pensées romantiques qui commencent dans l’euphorie puis, à travers la nostalgie, le découragement et le manque de confiance rendent l’artiste au pessimisme et le font douter du sens de toutes ses actions.
Malgré les variations de ses états d’âme, le poète ressent le besoin d’écrire et la joie qui émane de son travail. C’est la période de sa vie pendant laquelle dans presque chaque lettre il informe sa mère de « son nouvel enfant », c’est ainsi que l’auteur définit ses recueils de poésie. Cependant pour des causes indépendantes de sa volonté (la censure du tsar de Russie) il regrette de ne pas pouvoir les envoyer à sa confidente. A maintes reprises Słowacki essaiera encore d’écrire en français, influencé en particulier par Byron et Scott. Comme ces deux artistes, il créera une œuvre ayant pour héros les chevaliers de l’Ecosse médiévale. Malheureusement nous ignorons pourquoi les œuvres dont il est question n’ont pas laissé de traces. Nous pouvons seulement supposer qu’elles n’ont pas été imprimées à cause d’un niveau insuffisant en français à moins qu’il ait décidé lui-même de les détruire, jugeant leur contenu littéraire décevant.
Parfois nous avons l’impression que le poète, malgré ses succès, se sous-estime, d’ailleurs, il s’en plaint dans ses lettres :
[...] Tous les plaisirs de la vie m’effleurent, me contournent, en me disant : Ne dérangeons pas cet homme, il rêve à la postérité [et il ajoute aussitôt :] Chère Mère, je suis heureux – comme je suis... (178)
En analysant les lettres de Juliusz Słowacki on remarque qu’il nous donne son opinion sur les œuvres qui l’ont fasciné et il les recommande à sa mère :
Sais-tu Chère Mère, que maintenant il y a en France un nouvel auteur qui bientôt sera plus connu que Madame de Staël – c’est Byron en jupe. Pour l’instant nous ne sommes pas sûrs de son nom, car jusqu’à présent elle se cache sous un prénom masculin : George. [...] Elle a écrit trois romans admirables : le premier - Indiana, le deuxième − Valentine, et tout récemment le troisième − Lélia . [...] Fais ton possible, Chère Mère pour lire un de ces romans… (181)
On remarque également un thème souvent évoqué dans ses lettres, ce sont les voyages, avec une description détaillée, accompagnée par un croquis ou dessin pour mieux les localiser, mais réaliste, il les commente de la façon suivante : « Les images que ton imagination crée seront certainement belles, mais elles ne le seront jamais autant que celles dont je me souviens. » (203)
Pendant les dix-huit ans de cette correspondance les mêmes sujets apparaissent, c’est la description de Noël (le fait que la tradition était très importante pour Słowacki a déjà été mentionné), c’est aussi les descriptions de la fête de sa mère (Salomea) ainsi que les anniversaires du poète. Chaque année dans ses lettres, Juliusz décrit les déroulements de ces journées solennelles car, malgré l’éloignement, le fils n’oublie pas sa fête et à l’occasion de son anniversaire il l’assure de son attachement infini tout en lui ouvrant son cœur. « [...] Après vingt-cinq ans de ma vie, aujourd’hui je pourrais me confesser à Toi de toute cette période, et déclarer que je n’ai rien à me reprocher. » (204)
Il faut souligner que nous trouvons peu d’informations dans les lettres du poète sur son état de santé, il le cachera jusqu’à la fin de sa vie, essayant d’expliquer que sa faiblesse physique n’était que le reflet de son état d’esprit. Cette façon de réagir qu’il s’était imposée et à laquelle il était habitué demandait sûrement une grande discipline physique et morale. En outre Juliusz Słowacki, avec son caractère difficile de romantique, n’était pas souvent aimable vis-à-vis de son entourage. C’est pour cela que Słowacki partageait ouvertement les réflexions de René de Chateaubriand, qui répétait souvent qu’il « devrait se rabaisser aux yeux des autres afin que ceux-ci l’acceptent. » (207)
Dans une lettre à sa mère Słowacki mentionne encore une fois l’édition de la nouvelle œuvre d’Adam Mickiewicz. Il faut reconnaître que le poète faisait des efforts, malgré le fait qu’il y ait eu des malentendus entre eux, pour donner un avis objectif sur la dernière œuvre littéraire de ce grand poète national :
Adam a publié à Paris un poème en deux tomes : Monsieur Tadeusz, la dernière rencontre en Lituanie en 1811, roman sur la noblesse. Je n’ai pas encore lu ce nouvel ouvrage parce que personne ne me l’a encore envoyé. Je me réjouis à chaque fois qu’une nouvelle œuvre est publiée, parce que notre littérature a besoin non seulement de bons, mais aussi de nombreux ouvrages... (208-209)
Il faut souligner que le poète lui-même a beaucoup contribué à l’enrichissement de la littérature polonaise, voici l’annonce d’une nouvelle œuvre :
(...) Je rentrai à la maison (...) parce que c’est la saison habituelle de l’année – l’automne − qui me donne le souffle pour créer depuis quatre ans déjà, sans exception. J’ai pour habitude d’accoucher en automne. Ainsi, pendant plusieurs jours j’écrivis une tragédie, devant laquelle tu pleurerais. Pour l’instant, Mazepa reste à l’état de manuscrit, mais si jamais un vent quelconque me balaie de ce monde avant que je ne le publie, je vous prie et je vous supplie de réclamer ce fruit à Madame Pattey et de le publier un jour. N’oubliez pas... (213)
Le poète adresse ses souhaits, qui ressemblent un peu à des dernières volontés, à celle de qui et par qui – aux côtés du père – il a reçu le don d’écrire.
Nous pouvons aussi interpréter cela comme une sorte d’auto-justification du poète, y compris de sa dépendance financière vis-à-vis de sa mère :
Malheureusement au moment de ma conception, mon Père était très occupé par l’écriture de sa tragédie Mindowe. Sans cette fatalité pour moi je serais un homme plutôt normal – et non rêveur – pas un homme qui désire être célèbre après sa mort. Pardonne-moi ma Mère ce délire des mots, c’est mon imagination débordante qui reste gravée dans ma tête après avoir écrit cette tragédie. (214)
Maîtriser son imagination et arrêter d’écrire n’ont donné aucun résultat, car seulement un mois après il apprend à sa mère la création d’une nouvelle tragédie intitulée Balladyna.(Aujourd’hui elle est classée parmi les tragédies romantiques le plus souvent jouées) :
Cette tragédie est la meilleure chose que j’aie jamais créée. Elle m’a permis d’ouvrir un nouveau chemin, un nouveau pays poétique, qui n’est pas encore développé par les hommes, pays plus vaste que cette pauvre terre, car il est idéal. [...] Cette tragédie ressemble à une vieille ballade, qui aurait été composée par le peuple, sans vérité historique, sans même une vérité. J’essayai d’y mettre un vrai peuple en insérant nos cœurs dans leurs cœurs... [...] Si elle [Balladyna] ressemble à une pièce connue, c’est peut-être au Roi Lear de William Shakespeare. [...]
Shakespeare et Dante sont maintenant mes deux préférés – depuis déjà deux ans. Plus je les découvre plus j’y vois de beauté. Ma Mère, comme je serais heureux si je pouvais m’asseoir avec ces deux disparus sous un tilleul – ou un chêne, devant ma propre chaumière – sur ma terre natale – et rêver – et décrire mes rêves – et partager avec Toi, ma chère Mère, mes projets poétiques, comme on le faisait autrefois. Ici je suis si solitaire... (220)
6. Juliusz Słowacki – sa solitude et ses voyages
Cette solitude de plus en plus profonde prédominera et le poète s’en plaindra de plus en plus souvent à sa mère, qui ne pourra malheureusement rien faire – sauf le consoler, le réconforter et lui donner sa bénédiction. « Je pense – je rêve – et parfois j’attends et j’espère. Chère Mère, espère toi aussi et prie Dieu très fort, très fort – pour qu’il nous conduise tranquillement sur l’autre rive. » (223) Le spleen, maladie du romantisme, ainsi que ses problèmes de santé rendent le poète solitaire. De plus, l’impossibilité de susciter et de vivre un amour profond intensifie sa mélancolie et il sombre dans le pessimisme.
Que reste-t-il pour ne pas se donner la mort comme, par exemple, Werther ou le jeune ami de Słowacki, Ludwik, et les autres ? C’est la fierté de se considérer comme un génie :
[...] Le sentiment de fierté me console. Les gens qui m’oublient maintenant – se souviendront peut-être un jour de moi et viendront récupérer mes cendres enfouies quelque part pour les ramener dans ma patrie. Je rêve maintenant d’un tel retour. (226-227)
Plus loin dans la même lettre face à son pessimisme nous percevons un peu d’espoir...
Maintenant je ne connais personne qui allègerait un court moment de ma vie par une conversation amicale et me serrerait la main. C’est la conséquence de ma vie solitaire, la faute du lieu où je vis et ce quelque chose en moi qui empêche toute familiarité. J’en cherche souvent la cause au fond de mon cœur mais je ne peux la trouver. (228)
Dans cette situation les informations concernant la publication de ses nouvelles œuvres sont très importantes car elles lui permettent de récupérer physiquement et moralement. « De toute part le bruit court que mon quatrième petit enfant [quatrième tome de poésie] fut accueilli avec ardeur à Cracovie. » (234)
Mais un tel enthousiasme ne dure généralement pas longtemps et l’artiste revient à des termes de mélancolie et de solitude :
Oh ! Oh ! Oh ! c’est l’exclamation avec laquelle meurent les héros dans mes tragédies... c’est avec un si long soupir que meurt mon espoir. (...) Quant à moi, je regarde parfois ma santé et mon avenir avec effroi... Pourquoi ? J’ai la même inquiétude de l’hirondelle, qui craint que sa maison, avec ses nids, ne brûle avant que ses enfants ne soient élevés ... On touche encore ici au mysticisme qu’il nous faut alors expliquer. Les hirondelles représentent mes œuvres déjà créées ou à venir… les nids littéraires – mes manuscrits… J’écris comme si quelqu’un me poursuivait. L’atmosphère de l’immigration, au pays de la métaphore est comme l’île de l’idéal coupée par un fleuve de larmes. (249)
Les lettres écrites à la fin de l’année 1835 annoncent un certain changement dans le psychisme de Juliusz Słowacki, ce qui influencera de façon significative sa création :
J’ai besoin d’une plus grande perfection encore – un sentiment nouveau et plus fort se développe en moi. Je ne sais pas encore quelle forme artistique il prendra, mais je m’appliquerai pour que mes écrits soient clairs, pour que mes mots soient pleins de larmes. J’ai 25 ans, je devrais déjà être celui qu’il me faut être et c’est peut-être pour cela que je déteste mes premiers petits ouvrages. Je préfère pourtant L’heure de la pensée (Godzina myśli). Il a quelque chose en cet ouvrage qui me berce en m’évoquant le passé à travers une chanson. Les trois mois passés à regarder les plus beaux paysages de la nature furent pour moi d’une grande richesse. Je percevais cette harmonie qui unit tout. [...] J’observai que l’art devrait imiter cette union entre tout. Je méditai longtemps sur les arbres, les fleurs, le murmure, les différents sons de la nature – de près je la voyais azurée ou nuageuse. Une fois, après avoir gravi une montagne, j’ai eu sous mes pieds un grand ravin couvert de pins, il était très sombre et coupé par un ruisseau. C’était un dimanche matin. La cloche de l’église du village tintait, forte et grave, remplissant l’air. Toute cette image était animée par l’âme de cette cloche – comme un poème sombre dans lequel résonne le nom de Dieu. (258-259)
A cette époque le poète juge différemment les gens qui l’entourent, même si la complexité de son caractère particulier se manifeste toujours et occasionne un obstacle dans sa relation avec les autres :
Je ne connais encore pas bien les coeurs des gens, car ma sympathie envers eux est instinctive et je ne sais discerner les caractères bons ou mauvais. Il me semble aussi que mon esprit mûrit, car je ne ressens aucun plaisir en lisant les romans, ni ces nombreux ouvrages faciles, dont jusqu’à présent mon esprit s’entourait. (260)
Nous pouvons supposer que ce changement a provoqué un certain ralentissement de ses activités littéraires :
Moi, qui à l’automne avait toujours en tête l’idée d’un nouveau poème, cette année, ma tête ressemble à un phare sans lumière – et je m’ennuie – la vanité de mes pensées m’expose à la plus grande torture – je ne sais à quoi rêver – et n’ayant à l’esprit aucune imagination je dois me contenter d’une réalité ennuyeuse. (264)
La décision de faire un voyage en est la conséquence, Juliusz Słowacki partira d’abord en Egypte après avoir traversé l’Italie pour gagner ensuite la Terre Sainte. Ce déplacement fut nécessaire quoi qu’il se soit encore plus langui de sa mère dont il n’aura pas de nouvelles pendant presqu’un an.
C’est pour cette raison que, dans une de ses dernières lettres, envoyée encore d’Italie, il écrira :
Lorsque tout le monde m’abandonnera et ne m’aimera plus, Tu ne m’abandonneras pas et Tu m’aimeras toujours comme si j’étais le meilleur des hommes à mériter ton amour. (272)
Si nous en croyons ce que Słowacki a écrit dans ses lettres, voici la raison de son voyage :
La Bible ouverte par hasard sur une page indiquait la phrase suivante : Les églises aryennes vous saluent. Peut-être Ma Chère prendrez-vous cela pour une superstition, mais cette phrase m’a mis en confiance et me mènera très loin. (286-287)
Ce voyage d’abord imprévu sera pour le poète une délivrance salutaire :
J’ai couru le monde pendant six mois comme un fou, j’ai vu tellement de choses, que je ne comprenais pas comment je pouvais embrasser tout cela du regard. J’ai éprouvé des sensations. J’étais joyeux, ravi, je pleurais, j’ai passé des jours entiers à m’abandonner à la rêverie, des mois pleins de distractions mais deux inquiétudes importantes subsistent : mon inquiétude pour Toi et une deuxième : celle que Tu ressens pour moi. (...) Ma Chère ! vers qui mes pensées reviennent en permanence de tous les points cardinaux, car je veux partager avec Toi chaque vue, chaque impression. Pourquoi ne peux-Tu pas, même un bref moment, être avec moi – maintenant – pendant cet instant... (293-294)
Voici quelques vers qui expriment les pensées et les sentiments du poète, alors qu’il se trouvait très loin de sa patrie et de ses proches :
Aujourd’hui, perdu au large de la mer,
A cent lieues d’un bord et de l’autre à cent lieues,
J’ai vu les cigognes voguer dans les airs
En rangs longs et gracieux.
Les ayant connues jadis sur nos prés en fleurs,
Je suis triste, Seigneur.
[…]
Dans mon pays un enfant innocent te prie
Pour moi chaque jour, levant sa tête blonde.
Pourtant je ne vogue point vers mon pays,
Voguant par le monde…
Comme elles ne peuvent rien, sa prière et sa candeur,
Je suis triste, Seigneur.
Vers cet arc-en-ciel que tes anges sans tare
Ont déployé, immense, sur la voûte des cieux,
Dans cent ans, les hommes, tournant leur regard,
Mourront anxieux.
Avant d’accepter humblement mon néant et ma peur,
Je suis triste, Seigneur. (« Hymne », Pankowski 1961 : 50)
Le voyage, qui dura près d’un an, a laissé pour toujours des traces dans la mémoire du poète, on en a pour preuve un très beau poème lyrique intitulé Le Voyage en Terre Sainte, d’où proviennent les passages cités ci-dessus.
L’évolution du caractère du poète n’est qu’une autre conséquence de son voyage. Un solitaire, un mélancolique, un pessimiste a quitté Naples, un « nouveau romantique polonais » plein de vie en est revenu, ce dont il a immédiatement informé sa mère avec qu’il n’était plus en contact depuis plusieurs mois :
N’es-tu pas étonnée Ma Chère, du fait que moi, autrefois solitaire, j’ai peur aujourd’hui de la solitude. A ce jour mes rêves et mes espoirs dorés en l’avenir m’entourent. Auparavant ma vie n’était pour moi que le préambule à quelque chose de meilleur – mais aujourd’hui c’est la réalité. (321)
Comme nous pouvons le penser de nouvelles œuvres sont créées. Il assure à sa mère :
Tu les aimeras, car elles sont complètement différentes des dernières – déjà mon enfant grandit très vite, il pleure et possède des traits plus réguliers. Il me paraît plus beau et plus noble. (327)
Sa correspondance ultérieure reflètera des changements de plus en plus visibles en ce qui concerne sa manière de percevoir le monde, les hommes, la religion et même Dieu. Dans certaines expressions nous percevons un désaveu des souhaits d’alors, souhaits dirigés vers Dieu pendant ses années d’enfance et de jeunesse :
[...] Qu’il me donne la vie du poète maintenant ? Il fait tout pour que mon cœur soit plein des meilleures impressions poétiques possibles – Il me fait traverser les mers azurées, il me guide au bord des eaux dormantes, vers les montagnes couvertes de nuages et aux sommets des pyramides. Merci pour cela mon Dieu. (328)
Cependant l’optimisme accumulé pendant son voyage n’a pas duré longtemps. Le rythme monotone de la vie à Florence, les mêmes visages, les mêmes conversations ont eu pour effet :
Une mélancolie bizarre vaine, me poursuit. Je souhaiterais tomber amoureux, mais je ne connais personne dont je puisse tomber amoureux. [...] Et voilà le nouvel an et je n’aime personne. Que deviendrai-je ? Comme un oiseau j’ai mis la tête sous l’aile et je me suis replongé dans mes rêves mélancoliques. (329)
Le manque d’amour et la solitude ne sont pas seuls en cause – les remords de conscience surgissent à nouveau. « Car que ferai-je dans l’avenir, jamais rien … ma vie est un espoir sans fin, je n’ai personne qui puisse me motiver. » (345)
Nous avons l’impression de revenir au point de départ sans nous tromper, car les mêmes sentiments habitent toujours le poète. Sans toutefois rester le même personnage, il a évolué mais a conservé les mêmes pensées et les mêmes idéaux qu’auparavant. La solitude le conduit à cette réflexion :
[...] L’imagination a besoin d’un souffle paternel ou alors d’une ressemblance avec celui-ci, elle a aussi besoin d’une ambiance pleine d’émotion émanant de personnes qui ressentent les mêmes choses qu’elle, elle a besoin d’un peu d’approbation et d’un peu de sécurité... (346-347)
Une autre pensée l’obsède et ne le quitte pas :
L’amitié n’a jamais envahi mon cœur. Cette froideur pour tout et pour tout le monde est un comportement étrange pour moi. Est-ce déjà la vieillesse ? Mais j’ai si peu utilisé mon cœur, il devrait être encore jeune... (335)
Enfin Słowacki redevient poète, il en informe sa mère : « (...) Anhelli a un visage mélancolique qui ressemble un peu à celui du Christ, ses vêtements sont très simples, le personnage est totalement nouveau, il ne ressemble à personne. » (358).
Cette œuvre connaît un grand succès, certes inattendu, mais tant désiré par Słowacki :
Avant-hier ce fut une journée agréable pour moi. Le voilà mon dernier enfant envoyé de Paris [Anhelli3]. Il vit depuis seulement 11 jours, enfant portant une jolie robe, docile, mélancolique, parlant d’une façon simple... enfant que j’aime de tout mon cœur, et dont ils dirent qu’il se portait bien. (363)
Słowacki est satisfait, Anhelli est une œuvre qui le fait connaître :
J’aimerais tellement avoir Ton opinion sur l’enfant [Anhelli], et seulement à ce moment-là mon but sera réalisé, car je dis à tout le monde que Tu es ma dixième muse. […] Que cette lettre soit la première à Te saluer, que Tu l’accueilles, comme toujours, comme un enfant d’un enfant fou et prodigue, à qui les délires fermèrent déjà la porte du retour. Sur cette porte de Dante nous y lisons : elle était triste car tu l’as abandonnée. – Moi aussi, une fois après avoir lu cette inscription, je me retournai tout en larmes et j’allai plus loin – et je vais de plus en plus loin, bénis s’il Te plaît celui qui s’éloigne, Toi Ma Chère, gravis la montagne la plus haute et bénis-le, pour que Dieu Te voie de plus près de même que Ta bénédiction – pour qu’un jour un mauvais ange ne me dise à l’entrée de l’Eternité : Elle était triste car tu l’as abandonnée. (364-365)
En interprétant cette citation du poète n’oublions pas de lui donner ses deux sens : elle peut être adressée à sa mère, mais aussi, probablement, à la patrie.
N’oublions pas non plus, en analysant les lettres de Słowacki, le fait que, du mois d’août 1839 jusqu’au mois d’octobre 1840 elles furent signées d’un nom : Julles d’Avallon ou d’un prénom : Zofija (prénom soi-disant d’une protégée de la mère du poète) et écrites comme si l’auteur en était une femme. Nous pouvons supposer que peut-être le poète agit ainsi ayant reçu une information sur la censure et le contrôle renforcé et ne voulait pas exposer sa mère aux persécutions de la police du tsar. Ses lettres pleines de sentiments comme jamais auparavant prouvent encore une fois combien Słowacki souffrait de l’absence de la personne en qui il avait toute confiance :
Et maintenant sans exaltation et d’une façon très simple, je t’écris que Tu occupes la première place dans mon cœur – si je mourais, j’ordonnerais qu’on brûle mon corps, et qu’on Te rapporte mes cendres car elles n’appartiennent à personne d’autre – que toi. (390)
7. Retour à Paris – lieu de la première et de la dernière étape artistique de Juliusz Słowacki
En 1841, Juliusz Słowacki est de nouveau à Paris, et encore une fois nous serons témoins de nouveaux changements. Cette fois à côté de la langueur, de la mélancolie et de la maladie toujours plus préoccupante, le poète adhère de plus en plus aux fruits de l’enseignement d’Andrzej Towiański, l’un des plus grands mystiques de l’époque qui réussit à gagner les esprits et à convaincre de nombreux émigrants polonais :
Maintenant je suis heureux, plus que jamais dans ma vie – tout se passe comme si Dieu veillait sur moi, m’aimait et me bénissait. Mon cœur longtemps inerte s’anime à nouveau, maintenant qu’il ressent que mon caractère, froid pendant si longtemps, respire encore l’air du printemps. Je faisais des folies, j’aimais, je courrais de tous côtés après le bonheur, je pleurais, je riais comme un homme joyeux, je vivais. D’un autre côté je devenais plus sérieux et plus brillant, je forçais ceux qui m’étaient hostiles à paraître devant moi – en ne me voyant pas inerte ils cédèrent. (391)
Et enfin il est persuadé que la vie sur terre a une autre valeur :
Pour la première fois de ma vie, je ne ressens pas cette mélancolie vaniteuse. J’ai découvert alors que nous ne sommes pas sur terre ni pour rechercher un plaisir vaniteux ni pour acquérir la célébrité, mais nous sommes sur terre pour la gloire de Dieu et pour effectuer un travail qui éveillera notre esprit afin qu’il accomplisse tout ce que notre esprit doit réaliser. […] J’ai toujours ma Mère Ton cœur dans mon cœur, pour cela j’écris de cette façon, pour que Toi aussi Tu aies une petite partie de cette paix que j’ai en moi. [...] Jusqu’à présent nous étions tristes, pleins d’amertume, car nous pensions que nous devions souffrir seulement à cause de la séparation et de la nostalgie ... mais sache maintenant, Ma Chère, que nous ne souffrons non seulement sur la terre, mais aussi pour le ciel – et nous ne pouvons pas éviter cette souffrance même en prenant un autre chemin. (415-416)
Et cela nous conduit à nous consacrer uniquement à la foi et à Dieu :
Ainsi je n’exige rien de Vous, j’exige seulement la foi en la puissance, en l’amour et en la justice de Dieu. Je n’exige rien de Toi, Ma Chère, seulement que Tu me rendes avec confiance à Dieu et que Tu te soumettes à sa volonté – et moi, je T’écris tout ému que Tu ne me perdras pas, mais au contraire, Tu me gagneras, Tu me récupéreras. (419)
C’est avec beaucoup d’attention que Słowacki entend tous ces enseignements et en les partagent avec sa mère il souhaite la persuader du bien fondé des doctrines précitées :
Car je t’avoue qu’il est très difficile d’épurer nos cœurs, faire ce nettoyage sera la preuve que nous travaillons bien pour Dieu afin qu’il crée les autres personnages conformément à notre image. C’est le travail que j’ai commencé avec mes nombreux frères... [...] Le monde c’est comme une usine de l’esprit qui produit en elle l’amour de Dieu...alors toutes les créations ont le même but. [...] Je Te l’écris, Ma Chère, et je Te prie de ne pas penser que j’ai imaginé tout cela, mais je te demande de le ressentir avec ton cœur... cela T’aidera à voir la grande justice de Dieu. (...) Figure-toi que chaque esprit ait sa mission sur terre... que chaque esprit entre en relation avec les esprits semblables... (428-429)
Nous remarquons un nouveau style dans sa correspondance. Słowacki touche à la folie, il se prend pour quelqu’un chargé d’une mission importante, le langage de la Bible domine non seulement dans les passages cités par l’auteur, mais aussi dans ses réflexions :
Cependant moi, un simple être humain, je retrouvai cette même séduction qui remplit les hommes d’amour et les lie en un cercle... séduction qui autrefois était due à l’instinct et se développait ou s’éteignait à l’intérieur de l’homme comme une lampe. [...] Pense que je ne suis plus le petit Julo – je ne suis plus cet enfant ennuyeux mené à la baguette par Byron et les autres – mais maintenant je suis un homme qui devance les autres. [...] Alors si quelqu’un veut me suivre, il faut qu’il soit là ou j’étais avant… (443, 444, 447)
Remarquons les malentendus entre Słowacki et sa mère à partir du moment où il se prend pour un messager de Dieu. Il faut rappeler que nous n’avons pas les lettres que sa mère lui a envoyées mais nous pouvons en faire la déduction suite à la réponse du poète :
J’ai entendu dire que Tu as confiance en moi, mais que Tu ne me comprends pas... Alors Tu réagis comme les autres, comme ceux qui pensent que je me suis déjà envolé dans un monde idéal, ils ne veulent pas croire que je suis plus réel qu’eux – car je suis sûr de moi et j’ai foi en ma vision des destins de ce monde. Je Te demande toujours, Ma Chère, de prier avec moi, d’être en lien spirituel et affectueux avec moi et pour toujours, de me juger avec l’amour. [...] Sois bonne et cordiale pour moi. Ne crois pas aux mauvaises nouvelles me concernant si elles arrivent, ne Te réjouis pas de bonnes nouvelles jusqu’à ce que je te confirme de T’en réjouir. [...] Je T’écris tout – mes lettres sont une confession... [...] Tu veux connaître mon état...peut-être même me vois-Tu de loin en exaltation, ressemblant à ceux que nous appelons les mystiques... En effet je Te prie une fois pour toute de ne pas perdre confiance en moi et en la paix de mon esprit... Un tel travail difficile et de longue durée constitue pour moi peut-être un jugement et mon destin... (482, 483, 503, 504)
Voici encore une autre certitude, celle d’avoir choisi un bon chemin et le changement pour le meilleur…
Ma Chère Mère, ma nature a changé – mon corps ne se réjouit d’aucun plaisir et ne ressent pas la douleur... [...] Chaque jour m’apporte maintenant un nouveau travail – je connais Ton cœur et je suis certain que Tu me bénis ; n’aie pas d’anxiété à mon sujet, je suis maintenant un homme raisonnable, je devrais ainsi montrer les fruits de mes dix-sept ans de travail sur moi – même et mes souffrances spirituelles. (518, 522)
Cet enthousiasme spirituel cédera la place aux réactions et réflexions basées sur la réalité. Le poète quittera très vite le monde de l’imaginaire, auquel il appartenait depuis si longtemps, pour se retrouver à nouveau dans le monde réel, suggérant par exemple les changements nécessaires, qui, selon lui, devraient se faire sur les terres polonaises :
Pour sortir de la pauvreté, il faut évoluer, mais il faut le faire vite et avec vigueur, ne pas perdre de temps à conserver les choses appelées à disparaître. C’est ainsi que la servitude du peuple et la domination de la noblesse ont fait partie de ces « fleurs du Paradis » de l’ancienne Pologne. (563)
Dans cette réflexion nous retrouvons le poète qui dans son drame Kordian a essayé d’expliquer les raisons de la défaite pendant l’Insurrection de novembre de 1831.
Nous nous acheminons vers la fin de la correspondance de Juliusz Słowacki à sa mère, encore en décembre 1848 il l’ait informée avoir planifié un voyage au printemps suivant pour voir ses proches. Malheureusement il ne réalisa pas ses projets car il mourut le 2 avril 1849. Dans une de ses dernières lettres il écrivit : « L’amour est toujours le même − c’est un charme qui nous attire ou une certaine fatalité qui nous le fait repousser » (565). Chez Słowacki les deux cohabitaient.
Nous ne laisserons pas le poète sans une dernière citation : « Je voudrais arrêter le temps, non pas que je m’attende encore à un certain bonheur, mais pour ne pas quitter ce monde comme un débiteur insolvable [...] » (338).
Il est mort très jeune, à l’âge de 40 ans et malheureusement il n’a pas réussi à arrêter le temps, mais pourtant il n’a pas quitté le monde comme un débiteur insolvable, il a laissé un héritage digne d’un poète de l’époque du romantisme. Ses œuvres sont riches tant dans l’expression artistique que dans les idées qu’elles contiennent.
Il a réalisé ce qu’il avait annoncé dans un de ses poèmes et qui a pris la forme d’un canevas artistique pour ses successeurs dans la poésie polonaise :
Je veux que la langue souple
Puisse exprimer tout ce que pense la tête ;
Qu’elle soit prompte parfois, claire comme la foudre,
Et parfois triste comme un chant des steppes,
Douce, comme la plainte d’une nymphe qui souffre,
Ou comme la langue des anges, parfaite.
Il faut que l’esprit la frôle en météore ;
Que la strophe soit mesure ! et non sous le mors.
Tout tirer d’elle – l’entourer d’une langueur brumeuse,
Puis, en déverser des cascades d’éclairs,
Puis, la montrer toute d’or, lumineuse,
Puis, tissée par la main d’Arachné, légère,
Puis, par l’orgueil des ancêtres, orgueilleuse,
Puis, la former de boue, comme sous une gouttière
Le nid d’hirondelles, attaché patiemment,
Et qui chante pour le soleil levant. (« Beniowski », Pankowski 1961 : 57)
Bibliographie
Jelenski, Constantin (1981). Anthologie de la poésie polonaise. Renens/Lausanne (Suisse) : L’Age d’Homme.
Pankowski, Marian (1961). Anthologie de la poésie polonaise. Aalter (Belgique) : André de Rache.
Słowacky, Juliusz (1959). Dziela. Ed. Julian Krzyzanowski, tome XIII, Wroclaw, Zaklad Narodowy im. Ossolinskich.
Słowacky, Juliusz (1996). Kordian, traduit du polonais par Jacques Donguy et Michel Maslowski, Lausanne (Suisse) : L’Age d’Homme.