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Dans la paume de la main : L’archéologie du cinéma en un geste1

Barbara Grespi
Traduction de Nathalie Mikolajczyk
p. 115-138

Résumés

Il n’est sans doute aucun geste que l’homme contemporain ne connaisse le mieux et n’accomplisse avec le plus de fréquence que regarder la paume de sa main en tenant un dispositif technique : la posture qu’il prend est très reconnaissable, en partie induite par les nouvelles technologies, en partie mémoire de gestes très anciens où la paume de la main était utilisée comme une surface à lire ou à consulter. À partir de la seconde moitié du XIXème siècle, avec la résurgence de différents savoirs de la main à la frontière entre science et magie, le geste devient une manière de configurer avec le corps un dispositif de visualisation qui, à certains égards, préfigure le cinéma : selon la nouvelle chiromancie, la paume donne forme au temps en recoupant passé et futur tandis que selon la nouvelle chirognomonie, il s’agit d’un miroir où se reflètent l’homme, ses caractéristiques psychologiques ainsi que ses gestes (sténographiés entre les plis cutanés, selon une ancienne pratique d’enseignement de la musique mais aussi selon les idées de certaines théoriciens du cinéma, comme Sergei M. Eisenstein, qui y font référence). C’est là un exemple de ce qu’affirmait un anthropologue éclectique comme Marcel Jousse, à savoir que certains gestes humains représentent une forme de pensée corporelle à travers laquelle l’homme a imaginé et anticipé la technique. Le cinéma lui-même semble se reconnaître dans ce geste primaire puisqu’il présente le motif de la paume comme un écran sur lequel défilent des images animées au début du XXème siècle déjà, pour le développer ensuite à fond, surtout au cours des années vingt. L’archéologie des médias reconnaît-elle donc dans le geste un de ses propres objets ?

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Texte intégral

  • 1 Article traduit de l’italien par Nathalie Mikolajczyk.

1Il n’est sans doute aucun geste que l’homme contemporain ne connaisse mieux et n’accomplisse avec le plus de fréquence que regarder la paume de sa main en tenant un dispositif technique : la posture qu’il prend est très reconnaissable, en partie induite par les nouvelles technologies (surtout le téléphone portable), en partie mémoire de gestes très anciens où la paume de la main était utilisée comme une surface à lire ou à consulter. Aujourd’hui, le corps se replie sur lui-même, le buste se penche légèrement, une main se tourne vers les yeux tandis que l’autre met l’appareil en marche, faisant apparaître des images ou écrivant éventuellement du bout des doigts ; dans l’Antiquité, la paume était bien souvent « livrée » à d’autres qui la recevaient sur leur propre paume et l’exploraient également au toucher, ou bien encore était utilisée telle une mémoire personnelle externe à consulter au besoin. La main a donc depuis toujours été pensée comme un dispositif d’archivage, de visualisation et de transmission (Figure 1) si bien que sa centralité dans l’organisation post-médiale des technologies portables, où conflue également le cinéma, pourrait être mieux comprise dans une perspective archéologique, en mesure de faire émerger l’histoire complexe des gestes induits par cet usage des mains.

Figure 1 : Jean Cocteau, Le sang d’un poète (1930). Capture d’écran.

Figure 1 : Jean Cocteau, Le sang d’un poète (1930). Capture d’écran.
  • 2 Selon Hans Belting, notre corps fonctionne comme un médium ; dans l’introduction à l’édition améri (...)
  • 3 The Expression of Hands (Harun Farocki, 1997) est dans ce sens une œuvre clé ; voir aussi Hands Ca (...)

2Les gestes des mains sont un thème passionnant qui a attiré l’attention de nombreux artistes, surtout intéressés par la capacité imaginative et médiale2 de l’organe primaire de l’être humain, puissant instrument non seulement de l’action mais également de l’expression et de la pensée3. Le geste des mains est « indivisiblement mouvement et symbole, et sa dynamique est à la fois physique et interprétative » écrit Michel Guérin (29) qui en souligne le caractère performatif mais aussi spéculatif-affectif, la capacité à modifier la matière en exprimant en même temps une idée du rapport entre l’homme et le monde. Depuis toujours, l’anthropologie nous apprend que le savoir-faire des mains est prolongé par les outils que l’homme invente au fil du temps pour renforcer ses actes performatifs, mais la remarque de Guérin est importante : ce qui est perfectionné et poursuivi, ce n’est pas seulement une action manipulatoire, c’est aussi l’interprétation chargée d’affectivité dont cette action est porteuse (il s’agit là précisément d’un geste) : « […] [L]’outil s’engendrait de la main, comme s’il en était l’épanouissement et d’abord l’émanation génétique ; […] c’est son geste qui le préforme » (24), et en le préformant, le transforme en un objet doué d’intelligence, qu’il a comme absorbé par la main : « On voit donc qu’en se détachant de la main, dont il a comme emmagasiné l’expérience, l’outil s’est mis, de plus en plus, du côté du cerveau » (26).

  • 4 J’ai traité dans leur intégralité les écrits de Jousse sur le cinéma dans l’essai « Mimismologie »(...)

3Marcel Jousse réfléchit lui aussi beaucoup sur le rapport entre outil, geste et cerveau, et dans ses leçons inédites sur le cinéma – un petit trésor d’intuitions qui anticipent la recherche archéologique-anthropologique contemporaine sur l’image en mouvement – il traite le médium comme un de ces outils émanant d’une forme gestuelle et en tire des conséquences importantes. Il ne saurait ici être question de reconstituer la pensée de l’anthropologue français4, il suffira de rappeler le rapport mutuel qu’il instaure entre le corps humain et le dispositif cinématographique, le premier fonctionnant comme une caméra qui enregistre et monte des gestes, et le second se présentant comme le prolongement d’un geste accompli par l’homme pour explorer le réel. Dans deux leçons en particulier, datant respectivement de 1934 et de 1936, Jousse écrit :

L’Homme est une caméra plastique qui enregistre, qui monte les gestes avec son corps, avec ses mains, avec sa musculature oculaire (Transcription des cours 8).

Je demande à la technique cinématographique de me le fournir et d'être le prolongement de mon geste – entendez-vous bien : le prolongement. (271)

  • 5 Voir le chapitre « Le rythmo-mimisme » (Jousse, Anthropologie du geste 48-49).

4Si la technique prolonge, renforce, perfectionne un geste humain – entendu du point de vue de Jousse comme forme de pensée, idée somatique, ou somatisée, concept qui se formule dans le corps avant de s’énoncer dans l’esprit5 – l’antique geste de la paume ouverte à lire et à consulter non seulement se prolonge dans notre rapport avec les nouvelles technologies mais a également pu constituer une préfiguration du cinéma.

5Dans les pages qui suivent, je développerai cette idée en approfondissant les deux principaux aspects du geste qui sont apparus au cours du XIXème siècle : sa capacité, d’une part, à engendrer un dispositif de visualisation, de l’homme et du temps, dans le sillage de la chirognomonie et de la chiromancie et, de l’autre, à offrir une possibilité d’écriture et d’archivage des gestes humains eux-mêmes, déjà évoquée par les procédés médiévaux d’écriture de la musique et pressentie par Eisenstein dans son double intérêt pour les gestes et pour la lecture de la main. Ces deux aspects renvoient au cinéma : le premier parce qu’il configure un système traces-écran particulier, qui aujourd’hui réapparaît pleinement dans l’ère du numérique ; le second parce qu’il renvoie à une idée du film comme archive chiffrée de gestes, une sorte d’écriture hiéroglyphique des expressions humaines, selon une suggestion par ailleurs bien vivante dans certaines des pages classiques, et dans d’autres moins connues, de la théorie du cinéma.

Lire la main, voir un film

6Le geste de la paume ouverte évoque depuis toujours l’exercice de la chiromancie. Dans l’Antiquité – mais aussi dans les pratiques de chiromancie modernes – la paume de la main était « livrée » à la voyante pour qu’elle la lise : celle-ci (plus souvent femme qu’homme) tenait d’une main celle du client, paume sur paume, et touchait de l’autre les plis cutanés révélateurs pour en deviner une personnalité et le cours d’une vie. Le procédé prend le nom de « lecture » mais, en réalité, le déchiffrage de la paume de la main est aussi une forme de vision (clairvoyance), un type de « vision en clair » (à travers l’espace et le temps) qui ne dépend pas des yeux : le sensitif traduit en mots ce que son esprit voit ou imagine, à partir d’un entrelacement de stimulations tactiles et, en partie, optiques. Mais il est clair que les signes que le médium voit « oculairement » ne représentent pas la véritable expérience de vision qui, au contraire, se produit mentalement au moment où les lignes touchées sont développées en figures et en histoires. La pratique de la chiromancie se place depuis toujours dans ce creux qui existe entre le toucher et la vue, dans le paradoxe d’une lecture imaginative ou d’une vision entendue comme développement de figures « extraites » de signes gravés.

7Dans la seconde moitié du XIXème siècle, avec le retour général du savoir ésotérique, de la théosophie au spiritisme, l’antique tradition de la chiromancie reprend vie en se mêlant en partie au savoir scientifique : entre 1859 et 1900, Adolphe Desbarrolles (1801-1866), paysagiste et écrivain français, publie de nombreuses éditions de son populaire Les mystères de la main, résumé de chiromancie moderne qui tire des enseignements des préceptes articulés de la chirognomonie, la toute nouvelle science de la main. La chirognomonie est introduite en 1843 par Casimir Stanislas D’Arpentigny qui, dans la foulée de la réapparition, au XIXème siècle, de la physiognomonie, tente de systématiser d’anciennes intuitions relevant de l’expressivité de la main. D’Arpentigny construit une correspondance fort détaillée entre la morphologie des doigts et de la paume et le caractère d’une personne en proposant une série de clés de lecture qui concernent : la forme de la main et de chacun de ses doigts ; leur longueur par rapport à la paume, de même que la proportion de chaque phalange ; la consistance et la tenue globale de la main. L’ouvrage de D’Arpentigny représente un premier regard moderne sur cette partie du corps non pas tant pour la « scientificité » de ses conclusions mais parce qu’il habitue à regarder la main comme un visage en insistant sur son expressivité. La correspondance entre main et visage est dans une large mesure implicite, suggérée par l’équivalence de méthodes et de modes d’observation mais il arrive que dans certaines descriptions très vivantes, cette superposition affleure clairement ; on lit par exemple :

Il y a des mains qui donnent de l’amour et il en est qui provoquent la haine et le dégoût. J’en ai vu qui semblaient pleines d’yeux, tant elles avaient l’air sagace et pénétrant. D’autres, comme des sphinx, éveillaient une idée de mystère ; – celles-ci indiquent la sottise et la force jointes à l’activité, – celles-là indiquent la paresse, jointe à la faiblesse et à la ruse, etc. (D’Arpentigny 83)

8En mettant en lumière la valeur psychologique attribuée à la morphologie de l’organe, la description de D’Arpentigny révèle la main sous un autre jour, annonçant un regard qui sera typique du cinéma. La main-visage de la chirognomonie est en effet en parfaite syntonie avec la main-premier plan théorisée par Béla Balász et ramenée à la forme particulière de visibilité de l’homme que le cinéma instaure. Dans Le Cinéma, la main est constamment comparée au visage qu’elle surpasse parfois en puissance expressive :

Le gros plan montre le mouvement de ta main – qu’elle caresse ou qu’elle frappe –, il est souvent plus expressif parce que moins contrôlable qu’une mimique. […] Souvent les gros plans dévoilent de manière dramatique ce qui se passe réellement derrière les « apparences ». Tu vois en entier un personnage assis, parlant à son voisin avec un calme impassible. Le gros plan nous montre que ses mains frémissent, elles pétrissent une boulette de pain, l’orage s’annonce. (Balász 52)

9Bien entendu, chez Balász, ce n’est pas seulement la forme de la main qui est expressive, c’est aussi les gestes qu’elle accomplit et que le cinéma souligne. De nombreux films de l’ère du muet associent l’aspect des mains à leurs gestes les plus caractéristiques en tenant compte, dirait-on, de la classification de D’Arpentigny qui se perpétuera, quasi inchangée, au siècle suivant. Desbarrolles lui-même la récupère pleinement en la greffant, d’une part, sur les principes fondamentaux de la chiromancie et, de l’autre, sur la phrénologie ; le résultat est une pseudoscience éclectique, sorte d’anatomie-physiologie de l’imagination qui fait de la main un véritable dispositif (pré)technique.

10Le volume de Desbarrolles confirme les préceptes de base de la chiromancie antique en mettant en relief à la fois les trois principales lignes tracées dans la main (la ligne du cœur, de la tête et de la vie) et une géographie imbriquée de plis révélateurs (en forme de quadrilatère, d’étoile, d’île, de croix, de chaîne, etc.) auxquels s’associent les sept saillies de la main, appelés monts, qui portent le nom des planètes. Routes, monts, étoiles, îles, donc : la paume de la main devient paysage qui, étant subtilement gravé dans la peau, est toutefois imaginable à travers le toucher plus qu’il n’est réellement visible. La chiromancie moderne est avant tout caractérisée par le besoin de rendre cette image en la fixant sur un support ; les techniques à travers lesquelles la paume de la main est moulée ou sculptée sont des plus variées, pratiquées aussi bien sur des corps vivants que sur des corps morts. La méthode du rouleau et de l’encre, largement attestée chez Cheiro, célèbre chiromancien d’origine irlandaise qui inclut dans son livre très populaire de nombreuses empreintes de personnages publics (politiciens, artistes, écrivains, d’Oscar Wilde à Mark Twain, du roi d’Angleterre à Sarah Bernhardt), se distingue entre toutes.

Figure 2 : Cheiro, Cheiro’s Language of the Hand (1897). Planche XXVII.

Figure 2 : Cheiro, Cheiro’s Language of the Hand (1897). Planche XXVII.

11Le rouleau servait à enduire uniformément la paume de teinture, après quoi il fallait presser la main sur une feuille posée sur une surface plate de façon à faire adhérer chaque centimètre de peau au papier. L’encre remplissait les plis en les révélant parfaitement dans une série de contrastes et conservait en même temps l’impression tactile en restituant pleinement le grain de la peau et les volumes de la main (Figure 2). La version tridimensionnelle de cette image est représentée par les moules en plâtre, décrits dans un texte italien anonyme du début du XXème siècle intitulé La chiromanzia alla portata di tutti, o l’arte di leggere nella mano il proprio e l’altrui destino [La chiromancie à la portée de tous, ou l’art de lire dans la main son propre destin et celui d’autrui]. La technique prévoyait que la paume de la main soit enduite d’une substance grasse et posée une dizaine de minutes sur un récipient rempli de poussière de plâtre : un procédé qui évoque celui réservé au visage dans la pratique des masques funéraires, obtenus toutefois par revêtement et exfoliation de la cire et non par moulage ; le moulage de la main était également pratiqué sur des corps morts en évaluant les difficultés produites par la raideur du cadavre, ce qui fait penser à une association implicite entre les deux pratiques et confirme par conséquent la profonde assimilation de la main au visage.

  • 6 Sur le thème du mesmérisme, voir Violi (2004), précieux volume qui m’a suggéré une perspective de (...)

12La chiromancie moderne est donc caractérisée de deux manières : d’un côté, la paume devient figure (visage) et donc, plus clairement, un dispositif de visualisation, de l’autre, ses lignes devenues visibles se présentent de plus en plus comme des traces, sur la base aussi d’explications scientifiques. On ne conteste pas la thèse de l’influence des astres mais il se diffuse aussi un réel intérêt pour la mécanique à travers laquelle elles se forment et pour le rôle joué par le cerveau dans leur modification progressive. D’après Desbarrolles, l’activité cérébrale creuse la paume, à l’instar de l’eau qui creuse la roche, goutte après goutte et, ce faisant, altère ou perfectionne le dessin palmaire premier. La référence neurologique de Desbarrolles est le mesmérisme, déjà un mélange en soi d’ésotérisme et de médecine : pour Mesmer, corps terrestres et corps célestes sont également imprégnés d’un même fluide vital, à base électromagnétique, qui, dans le cas de l’homme, circule dans le réseau nerveux et en tient le système en équilibre6. Les lignes palmaires sont considérées comme autant de traces creusées par le passage de l’électricité, des canaux d’écoulement des fluides électriques qui se propagent du cerveau à l’ensemble du corps pour déboucher, le long des doigts, vers l’extérieur. Les mains en viennent donc à jouer un rôle essentiel dans la communication entre intérieur et extérieur de l’homme en se présentant comme des antennes réceptrices-émettrices ou, selon la métaphore de Desbarrolles, comme de véritables organes de respiration, une respiration « palmaire » à travers laquelle le fluide est absorbé et relâché, aspiré et inspiré. Dans cette perspective, les corpuscules de Pacini eux-mêmes, l’explication la plus scientifique de l’époque donnée à la finesse perceptive de la main, sont réinterprétés comme des réserves d’électricité qui donnent à la main une sensibilité, à la fois tactile et magnétique, extraordinaire :

Si le fluide ou la vibration (nous adoptons le mot fluide), si donc le fluide n'éprouve aucun obstacle, il vole directement au cerveau, et l’impression est spontanée. C'est ce qui arrive lorsque les doigts pointus à l'extrémité appellent l'électricité comme les pointes aimantées des paratonnerres. Si les doigts pointus sont lisses et offrent ainsi un conduit facile et sans obstacle, l'impression est immédiate. De là viennent les inspirations hautes, les illuminations, les inventions […]. (Desbarrolles 142)

13L’enchevêtrement d’arguments ésotériques et scientifiques est ici très dense : Desbarrolles lie la forme de la main à la circulation du fluide dont vitesse et régularité d’écoulement détermineraient caractère et inclinations. Cette capacité à intégrer des approches de la main si différentes ne se représentera dans aucun des traités de chiromancie, pourtant nombreux, qui prolifèreront entre les XIXème et XXème siècles : essentiellement des recueils d’exercices de lecture de la main ou des traités grammaticaux et mathématiques rigides sur la question astrologique. Au début des années 1930, enfin, avec le Traité complet de chiromancie déductive et expérimentale de Georges Muchery, les lignes-traces sont expliquées en fonction de modèles plus rationnels, quasi techniques, sans doute aussi contaminés par les théories de la mémoire en vigueur à l’époque. Pour Muchery, l’homme naît avec des incisions palmaires non définitives qui, dans certaines limites, se modifient au cours de la vie ; pour expliquer ce phénomène, l’ésotériste compare la paume de la main à une plaque de métal recouverte à la surface d’une couche de cire :

Avec un stylet, j’y trace une série de lignes quelconques, de forme et de profondeur différentes, j’enduis ensuite la cire d’un acide capable de mordre le métal. Au bout d’un temps plus ou moins long, la plaque sera gravée. (Muchery 30)

14Le dessin sur la cire représente le « destin à l’état de projet » qui trouve toutefois moyen de s’imprimer sur la paume, et donc de s’accomplir, sous le lent effet seulement d’un réactif, métaphore de ce que le possesseur de la main fera de sa vie. L’acide peut accentuer certaines lignes et en esquiver d’autres, affaiblissant ou renforçant qualités et défauts, mais les lignes demeurent immuables, elles sont indélébiles et non extensibles, le résultat de l’influence des astres portant sur chaque individu séparément. Le sujet classique de la chiromancie est donc confirmé mais la paume de la main commence en même temps à être pour ainsi dire technologisée, présentée comme le support d’une paradoxale mémoire du futur : dans la main, les temps se croisent et se superposent puisqu’à sa façon, la paume archive et elle le fait selon une modalité analogue à celle de la mémoire, notamment selon la technique que Freud assimile à la mémoire humaine : le « bloc-notes magique », dont elle s’avère une variante inversée (la cire est au-dessus et la feuille – plaque/paume – se trouve au-dessous).

15Rappelons que le Wunderblock, modèle de fonctionnement de la mémoire humaine (et du psychisme en général) élaboré par Freud en 1924, est formé d’une tablette de cire sur la partie supérieure de laquelle sont fixées deux feuilles : la première, de papier ciré, fine et translucide, est au contact avec la cire ; la seconde, en celluloïd, recouvre et protège la première en s’offrant comme surface d’écriture (Freud 130). En gravant le celluloïd à l’aide d’un poinçon, on produit des creux dans la pâte de la cire située au-dessous, des traces permanentes qu’il est toujours possible, moyennant quelques précautions, de rendre lisibles ; inversement, les signes foncés qui sont produits sur la feuille cirée et qui transparaissent à travers le celluloïd ne sont qu’une de leur manifestation temporaire : pour que la surface d’écriture redevienne vierge, il suffit de soulever les deux feuilles, ce qui interrompt du même coup leur adhérence à la tablette. Freud se sert de ce dispositif pour expliquer deux aspects apparemment contradictoires du phénomène mémoriel : l’infinie réceptivité de la surface perceptive et la permanence profonde des traces.

16Le dispositif moderne de la chiromancie et, dans une certaine mesure, le cinéma font face à cette même double exigence. Thomas Elsaesser a récemment repensé l’analogie entre le bloc-notes magique et le cinéma, déjà explorée par ce que l’on appelle « apparatus theory » (théorie du disposif) des années 1970. En 1976, Thierry Kuntzel décrit le cinéma comme un bloc-notes magique perfectionné, composé d’une surface plane (l’écran) et d’une bande de celluloïd, cette dernière étant à son tour formée de deux couches, l’une transparente (percée sur les bords) et l’autre opaque (l’émulsion). À l’issue de chaque projection, l’écran redevient blanc et se dispose de façon à toujours recevoir de nouvelles impressions tandis que, dans la bande de la pellicule, il reste des traces permanentes des images qui peuvent toujours réapparaître si le projecteur est réactivé. Dans l’hypothèse de Kuntzel, le phénomène optique-projectif reflète le phénomène psychique tandis que dans la reformulation productive d’Elsaesser, l’analogie concerne plus profondément la dialectique entre l’enregistrement des données et leur extraction, entre les modes d’inscription/mémorisation des traces et les procédés de récupération des stimulations sensorielles associées. Dans le bloc-notes magique, Elsaesser voit une généalogie possible du numérique qui ne se configure donc plus comme une brèche dans l’histoire des médias audiovisuels mais plutôt comme la pleine émersion d’un caractère enfoui. Elsaesser écrit :

I tried to understand the Freudian Wunderblock as giving us a potential model for comprehending an element of the cinematic apparatus that is not entirely dependent on the visible, nor to the “geometry of representation” of Renaissance painting, but points instead to inscription, trace and even towards “data-management” (using both narrative and non-linear “programs”). (« What is Left of the Cinematic Apparatus, or Why We Should Retain (and Return to) it » 38)

17Ramené à cette généalogie, le médium cinématographique peut être plus facilement comparé au dispositif de la chiromancie, lui aussi composé d’une matrice (la main et ses incisions) et d’un instrument d’extraction de données (la médium-interprète). L’analogie pourrait en réalité aller plus loin, du moins jusqu’à inclure la dialectique entre images et traces, visions et inscriptions que les deux formes culturelles impliquent, surtout à la lumière du texte freudien.

18Dans son célèbre commentaire de l’essai de Freud, Jacques Derrida mettait l’accent sur la nature purement graphique des traces mnésiques, forme d’écriture non linguistique : les neurones représentent le corps d’une écriture sans code, renvoient « à un modèle d’écriture irréductible à la parole et comportant, comme les hiéroglyphes, des éléments pictographiques, idéogrammatiques et phonétiques » (Derrida 310). Les graphismes de la mémoire ne doivent donc pas être décodés mais plutôt traités avec les mêmes ménagements réservés à la Bilderschrift, l’écriture figurée typique des rêves dans laquelle les images, au lieu de renvoyer à ce qu’elles représentent, sont des signes qui n’ont de sens que dans la « phrase visuelle » où elles se présentent ; pour diverses raisons, Derrida est convaincu que Freud applique cette idée d’écriture à tous les phénomènes psychiques et, de façon particulière, aux phénomènes mémoriaux. Grâce à Derrida, on remarque par ailleurs que l’archivage des expériences de vie à travers des graphismes à « extraire » au moment du souvenir se situe, chez Freud déjà, dans le corps-chair, c’est-à-dire dans la matière neuronale : le savoir divinatoire rend le procédé simplement plus évident en déplaçant l’archive vers la surface du corps, des neurones à la peau. Pratique de la chiromancie, utilisation du Wunderblock et utilisation des écrans portables (display) où le cinéma se « relocalise » aujourd’hui (Casetti 241) exigent par ailleurs la même coordination des gestes ; en effet, Derrida écrit, en employant des mots qui pourraient également se rapporter à l’action technologique de l’homme contemporain ainsi qu’à l’exercice de la chiromancie : « [...] Il faut au moins deux mains pour faire fonctionner l’appareil, et un système de gestes, une coordination d’initiatives indépendantes, une multiplicité organisée d’origines » (334).

La paume : une partition de gestes

19Le plus grand théoricien du cinéma de l’ère classique avait une grande curiosité pour la chiromancie : dans sa vaste approche anthropologique des phénomènes médiatiques, Sergei M. Eisenstein l’avait incluse parmi ses intérêts. En étudiant certaines parties inédites du carnet du metteur en scène en vue d’une redécouverte générale de la composante ésotérique de sa pensée, Ada Ackerman a démontré l’intérêt d’Eisenstein pour la lecture de la main, à laquelle le metteur en scène s’était par ailleurs soumis, en recourant précisément à l’art divinatoire du renommé Cheiro (Ackerman et Kataeva). Les premières réflexions d’Eisenstein sur ce thème (1918) consistent en une dizaine de pages consacrées à la chirognomonie de D’Arpentigny et à la chiromancie d’Eliphas Lévi, la plus franchement magico-ésotérique de l’ère moderne. Dogme et rituel de la Haute Magie de Lévi contient peu de pages sur la lecture de la main, mais elles sont significatives : Lévi fait correspondre les lignes palmaires à l’écriture des étoiles et affirme que le rayonnement du tissu nerveux qui les provoque (et provoque de la même façon les rides sur le front) est absolument analogue au réseau formé entre les mondes par les chaînes d’attraction des corps célestes (Lévi 313-14). Eisenstein connaît cette quintessence de la pensée ésotérique mais ne cite pas d’extraits de Lévi lorsqu’il s’essaie à un résumé détaillé de la classification des doigts proposée par D’Arpentigny.

20La réflexion se poursuit – écrit Ackerman – dans un cahier suivant datant de 1929, où Eisenstein raisonne sur la correspondance entre les gestes des mains utilisées pour compter et le code symbolique-graphique des nombres : on ne sait au juste quelles sont les sources où il puise son intuition mais la page semble renvoyer à l’origine de la numérotation romaine qui traduisait en caractères alphabétiques les figures évoquées par la main dans le geste instinctif du calcul avec les doigts. Eisenstein dessine par exemple deux mains ouvertes, légèrement croisées, montrant comment les dix doigts se disposent de façon à faire apparaître un signe similaire à un X, ou bien voit apparaître un V dans l’ostension des cinq doigts d’une main, quatre rapprochés l’un de l’autre mais éloignés du pouce ouvert.

21Le thème des gestes computationnels est en fait beaucoup plus complexe qu’Eisenstein ne le pressentait : dans l’Antiquité, la correspondance analogique entre chiffres romains et gestes est vite remplacée par une autre purement conventionnelle, c’est-à-dire qui n’est plus basée sur la ressemblance entre figure créée avec les mains et chiffre écrit ; on trouve la trace de ce nouveau système de gestes, nullement intuitif, dans un traité médiéval (le De temporum ratione) attribué à Bède le Vénérable, moine anglais qui, vers le VIIIème siècle après J.-C., transcrit les gestes des anciens dans deux livres, l’un consacré à la computation gestuelle et l’autre à l’éloquence théâtrale des mains. Ces préceptes parviennent à l’époque moderne au moins à travers l’œuvre de Vincenzo Requeno, classiciste et ancien Jésuite qui, à la fin du XVIIIème siècle, les retrouve dans de nombreux textes classiques à l’intérieur d’un système de correspondances à la fois double et parallèle : entre gestes et nombres et entre gestes et lettres, ces dernières sur la base de leur position alphabétique (à la lettre A correspond le geste du 1, à la lettre B celui du 2, etc.).

Figure 3 : Vincenzo Requeno, Scoperta della chironomia, ossia, Dell’arte di gestire con le mani (1797, Appendice).

Figure 3 : Vincenzo Requeno, Scoperta della chironomia, ossia, Dell’arte di gestire con le mani (1797, Appendice).

22Requeno résume ainsi le code alphabétique-computationnel en une seule et unique table (Figure 3) en accompagnant le chiffre (désormais devenu arabe) de la lettre en italique et en précisant que l’activation de l’équivalence geste-lettre ou geste-nombre dépendait du contexte : dans la pantomime on appliquait la première et pour composer des mots avec les mains, l’acteur apprenait vingt-quatre « figures de geste » ; dans les tribunaux, on activait la seconde et l’orateur en apprenait bien d’autres encore pour pouvoir donner devant les juges n’importe quelle démonstration arithmétique. « Les orateurs, écrit Requeno, utilisèrent les figures des gestes comme les Égyptiens les hiéroglyphes » et il en va de même pour les artistes de théâtre qui les employaient « pour déclamer, comme avec autant de hiéroglyphes, tout poème écrit » (Requeno 9, 71).

23La question du rapport entre gestes des mains et écriture, introduite par Requeno avec un renvoi au hiéroglyphe, a une longue histoire qui englobe plusieurs arts et disciplines ; elle concerne non seulement l’idée d’écrire dans l’air en gesticulant mais aussi la transcription concrète du geste et, par conséquent, sa mémorisation. Le cinéma lui-même, selon les théoriciens classiques, sera amené à remplir cette fonction en écrivant et en archivant des gestes, précisément sur la base de l’homologie entre film et hiéroglyphe. Les pages les plus connues sur ce thème sont encore d’Eisenstein qui, dans « Le principe du cinéma et la culture japonaise », assimile le montage entre les plans au critère d’association des signes dans une écriture idéogrammatique et implique ainsi l’idée que le film contient en soi la dialectique entre lettre et figure, trace et image, écriture et vision. Ce n’est que quelques années plus tard que Jousse définira les images cinématographiques comme mimogrammes, séquences graphiques de gestes stylisés qui représentent un perfectionnement technique des idéogrammes primitifs gravés sur la pierre ou sur d’autres matières naturelles (en commentant un hiéroglyphe sur bois, il écrit : « Dans ce simple petit morceau d’écorce de l’Amérindien, vous avez le premier essai du cinéma ») (Transcription des cours 82). En remontant dans le temps, nous trouvons les germes de cette homologie dans The Art of the Moving Picture (1915) où, pour expliquer le fonctionnement du cinéma, le poète Vachel Lindsay propose une série d’exercices d’imagination tirés d’un livre populaire d’égyptologie. Lindsay analyse douze hiéroglyphes et les associe à la lettre romaine correspondante, après quoi il essaie de tirer de chacune de ces paires une sorte de scénario :

Exemple de scénario.

Exemple de scénario.

24C’est ainsi que le cinéma parvient à comprimer le récit en une seule image en narrant par hiéroglyphes, en utilisant des figures qui se comportent comme des lettres, selon une vision qui annonce déjà la théorie d’Eisenstein.

25C’est précisément chez Eisenstein que se trouve enfin le passage crucial qui met en relation le cinéma comme hiéroglyphe de gestes avec la pratique de la chiromancie. Ce point apparaît dans une lettre de 1931 adressée à Masaru Kobayashi, ami et historien du théâtre japonais, où le metteur en scène écrit :

Besides all connected with Kabuki, there is another subject which interests me very much according to the studies I am undertaking in the actual moment: and that is Japanese chiromancy – the science of the lines in the hand – which for me are the hieroglyphics of the expressive movements made by the hand. I made some very interesting discoveries in this field in the occidental documents and am very curious to know about oriental theories and practice in unwinding the lines of the hands into character, which is but a degree of the usual and habitual movements and attitudes of men. (« Letters to a Japanese colleague » 10-11 ; je souligne)

26L’aspect le plus fascinant de son raisonnement consiste dans l’hypothèse selon laquelle la paume deviendrait la surface d’écriture de ce langage idéogrammatique (qui constitue l’essence du cinéma). Les lignes de la main sont considérées comme une véritable transcription de gestes et de mouvements expressifs, sculptés sur la paume par contraction des muscles, selon un procédé qui s’éloigne peu de celui que le metteur en scène avait remarqué dans le cas des gestes computationnels : Eisenstein semble réfléchir sur la possibilité que le saut même du figuratif à l’abstrait, de l’iconique au symbolique qui a conduit de la computation manuelle à l’écriture des nombres ait pu également avoir lieu entre le plus ample phénomène du geste et les lignes palmaires. Et étant donné que gestes et mouvements expressifs condensent caractère et personnalité, l’idée qu’à partir de leurs traces on pourrait remonter à un type humain et à son futur devient tout à fait plausible. Tout dépend de cet « unwinding » – l’action de débobiner, « démêler », dénouer – à travers lequel on remonte de la ligne, ou trait hiéroglyphe, jusqu’au geste qui les a déterminés.

27Mais quelles ont bien pu être ces « interesting discoveries in the occidental documents » qui ont induit Eisenstein à une telle interprétation ? En l’état actuel des recherches sur ses archives, nous l’ignorons mais il est certain que l’idée d’une « sténographie » du geste est en grande partie liée à la chironomie – terme qui renvoie aujourd’hui presque exclusivement au système des gestes du chef d’orchestre (qui « récite » le mouvement de la musique et coordonne l’entrée des instruments qui participent à l’exécution), mais dans l’Antiquité, plus largement étendu aux normes de la gestuelle à des fins rhétoriques. La chironomie aussi est redécouverte au cours du XIXème siècle ; elle ajoute à la chirognomonie et à la chiromancie le thème de la main en mouvement qui ouvre la voie à des références ayant largement trait au domaine musical. Dans le volume Chironomia (1806) de l’homme d’église et éducateur irlandais Gilbert Austin, le gros effort de classification des gestes en fonction de l’art oratoire est contaminé par les problèmes propres à l’histoire de la musique. Selon Austin, le geste est une unité temporelle dépourvue de durée, un phénomène instantané et par conséquent pas entièrement descriptible, ainsi qu’en témoignent les nombreuses et illustres tentatives littéraires qui ne sont pas parvenues à rendre pleinement cette dimension insaisissable de l’humain. C’est pour cela que la transcription du geste n’est ni une représentation ni une description mais plutôt une notation, par analogie avec le procédé d’écriture des notes musicales, traces graphiques stylisées qui peuvent être lues (et exécutées) instantanément :

The language of gesture bears more analogy to that of music than to the language of general ideas. As the notation of musical sounds records the melodies and happy harmony of sounds which in their nature endure but for a moment, so the notation of gesture records the beautiful, the dignified, the graceful or expressive actions of the body, by which the emotions of the mind are manifested on great and interesting occasions, and which in themselves are no less transitory. (Austin 276)

  • 7 Je remercie Daniele Palma, doctorant en Histoire de la musique à l’Université de Florence, pour av (...)

28En réalité, Austin se bornera à dessiner les gestes à travers des séquences de lettres qui abrègent simplement les mots correspondant aux positions du corps (par exemple, pho signifie prone-horizontal-oblique – couché, à l’horizontale, penché). Dans un tableau récapitulatif très articulé, il tente de faire correspondre à chaque geste un code alphabétique en évoquant d’anciens systèmes de transcription de la musique qui avaient à faire avec la main précisément, et pas seulement avec la main en mouvement mais aussi – et c’est là que la boucle est bouclée – avec la paume de la main comme surface d’écriture. Le thème est fort intriqué et largement débattu ; impossible d’en rendre pleinement compte, il suffit d’évoquer quelques références qui nous permettent de pressentir l’ampleur du phénomène, dans le but général de faire apparaître sous un nouveau jour l’investissement médial moderne et contemporain dans la main7.

29En premier lieu, il y a dans la musique une question gestuelle relative aux ancêtres des notes, appelés neumes (du grec « signe », « geste », mais aussi « souffle » ou « formule mélodique »), première forme d’écriture des sons, précédant l’introduction du tétragramme médiéval. Les neumes se présentent comme des lignes, droites ou courbes, ascendantes ou descendantes, simples ou composites, qui rappellent les accents grammaticaux et leur combinaison (ex : \/, /\/). Une des hypothèses quant à leur origine, en vérité très discutée, les ramène précisément au geste : à l’origine, le copiste pourrait avoir codifié ces signes en traduisant instinctivement en graphies les mouvements de direction du chœur que le maître accomplissait avec les mains (mouvements chironomiques) pour faire en sorte que les chantres suivent le mouvement de la mélodie. D’après de récentes recherches sur les sculptures funéraires, il semble que dans l’Égypte antique, les instruments à vent étaient déjà guidés par des gestes des mains transcrits à travers de petits signes graphiques, hiéroglyphes élémentaires8. Selon cette hypothèse, il existerait donc depuis toujours une écriture idéogrammatique qui traduit des gestes sous une forme stylisée, jusqu’à les réduire à des lignes et des points : un peu comme une sténographie, qui, une fois « démêlée » (unwinded), correspond à la modulation émotionnelle pure exprimée par la musique.

30En second lieu, le geste des mains, et particulièrement le geste de la paume ouverte, redevient central dans le domaine musical avec la Main dite Guidonienne, à travers laquelle, autour de l’an mille, le système des neumes est remplacé par la portée musicale. Les neumes n’étaient pas un système de transcription précis de la musique car ils suggéraient le mouvement de la mélodie mais pas la hauteur exacte des sons ; ils étaient parfaits pour rendre le phrasé du chant grégorien mais ne remplaçaient pas leur apprentissage imitatif par la tradition orale. Pour arriver à écrire la musique de sorte qu’elle puisse être exécutée par des chantres qui ne l’avaient auparavant jamais entendue, le moine Guido d’Arezzo posa l’octave à la base du système musical et l’exprima à travers une notation alphabétique spéciale où chaque note était dessinée avec sa lettre, les sept premières en majuscule, leur répétition en aigu en minuscule. En introduisant les neumes dans un système de lignes parallèles horizontales, on pouvait visualiser les sons de la même hauteur. À ce stade, il n’était plus nécessaire de mémoriser la mélodie, il suffisait de mémoriser l’échelle. Et le système le plus pratique pour le faire consistait à exploiter la géographie palmaire en plaçant les lettres entre les plis cutanés. Ce dispositif – c’est ainsi que Mengozzi appelle la main guidonienne dans son étude philologique sur D’Arezzo (62) – permettait d’avoir toujours l’échelle devant les yeux. Chaque note y était disposée sur la rudimentaire « portée » dessinée par les jointures des doigts de la main gauche tandis que la paume était utilisée pour d’autres formes de visualisation ; ainsi la main devenait-elle « the conduit by which that diatonic structure was imprinted in the singers’ memory and later recalled at will » (Mengozzi 71), une carte portable à laquelle on pouvait recourir pour se souvenir des tons et des intervalles. Plusieurs chercheurs ont montré qu’elle faisait partie d’une pratique monacale répandue qui prévoyait l’utilisation de la main comme instrument d’apprentissage et, plus précisément, de la paume comme support de mémorisation, à l’intérieur de ce grand chapitre d’histoire de la culture qu’est l’art médiéval de la mémoire. Pendant la Renaissance, avec la réapparition des traités classiques de rhétorique, certains auteurs réexaminent la main musicale en appelant loci les points où les notes sont placées sur la paume, par analogie avec les loci mentaux à travers lesquels l’orateur cicéronien connaissait ses discours par cœur (Smits van Waesberghe 120-43). L’utilisation concrète de cette iconographie des mains était en revanche plus difficile à circonscrire même si Mengozzi parle de grandes mains affichées aux murs à des fins pédagogiques et différencie de nombreux types de mains musicales, les unes contenant des informations très simples, d’autres plus complexes (Figures 4 et 5). Dans son importante étude, Smits van Waesberghe reproduit plus d’une vingtaine de mains guidoniennes de la période comprise entre les XIème et XVIème siècles, dont certaines sont enrichies de figures (par exemple, la personnification de la musique placée au centre de la paume de la main), d’autres plus sobres et manifestement esquissées, faisant en tout cas partie intégrante d’une iconographie de la paume comme surface d’inscription de gestes, mouvements, tons, intervalles : ce sont là des dimensions qui demandent à être « extraites », transformées en élément sensoriel que l’œil pourrait voir ou l’oreille écouter.

Figure 4 : Main guidonienne, XIIIème siècle.

Figure 4 : Main guidonienne, XIIIème siècle.

Joseph Smits van Waesberghe, Musikerziehnung. Lehre und Theorie der Musik im Mittelalter (1969), p. 135.

Figure 5 : Main guidonienne, XVème siècle.

Figure 5 : Main guidonienne, XVème siècle.

Joseph Smits van Waesberghe,Musikerziehnung.Lehre und Theorie der Musik im Mittelalter (1969), p. 141.

Un miroir magique incorporé

31Cette culture ramifiée de la paume comme support de la mémoire, dispositif de prévision du futur, surface de lecture de l’intérieur de l’homme et matrice d’expériences sensorielles s’intègre dans les processus d’imagination du cinéma, surtout au cours de leur intensification au XIXème siècle qui mène à l’apparition historique du médium. On a vu comment, au XIXème siècle, la résurgence d’anciens savoirs magiques et scientifiques – chiromancie, chirognomonie et chironomie – a entraîné une focalisation inédite sur la main, sur sa grande capacité expressive, technique et médiale ; les nombreuses études portant sur l’organe primaire du genre humain s’accompagnent d’une dense iconographie des gestes, parmi lesquels se distingue celui de la paume soumise au regard, où se concentrent tous les affects mobilisés par l’intérêt renouvelé pour la main (le désir de révéler l’humain, de connaître le futur, d’archiver la part de contingent). Ce geste technique et affectif préfigure, à la manière de Jousse, un dispositif écran-spectateur rudimentaire que nous avons proposé de lire comme le degré zéro possible de l’archéologie du cinéma, déjà parfaitement lié à son destin post-médial.

Figure 6 : Le fiabe della nonna / Grossmutter Märchen (1908). Photogramme.

Figure 6 : Le fiabe della nonna / Grossmutter Märchen (1908). Photogramme.

Collection Turconi. Avec la permission du George Eastman Museum.

  • 9 Je suis très reconnaissante à Joshua Yumibe de m’avoir signalé ce précieux photogramme, archivé da (...)

32Dans l’imaginaire filmique apparaissent des intuitions symptomatiques de ce lien indiciaire entre cinéma et geste, par exemple dans un film produit par Cines de 1908, ayant circulé sous un double titre italien et allemand (Le fiabe della nonna / Grossmutter’s Märchen)9 : là, une séquence du film est non seulement placée dans la paume mais aussi circonscrite à l’intérieur d’une surface de projection qui anticipe avec une précision impressionnante nos display actuels. Le film est une expérience précoce de narration en abyme dans laquelle une grand-mère réunit ses petits-enfants devant l’âtre et leur raconte une histoire. La fable se déroule au Moyen Âge et a pour protagonistes un chevalier et sa dame ; l’homme est envoyé à la guerre et la dame, désespérée, se sert de deux agents magiques pour le rejoindre et le sauver : une fée traditionnelle et un étrange miroir magique. Ce dernier est noir, petit et rectangulaire ; la dame le porte à son cou mais pour le faire fonctionner, elle le place sur la paume de sa main à laquelle il s’adapte parfaitement. Lorsqu’elle porte les yeux sur sa main, le film nous restitue un détail de sa vision (Figure 6) : une scène de guerre défile sur la surface noire. Une bataille vient sûrement de s’achever car le chevalier gît à terre au milieu des blessés tandis que les ennemis surviennent et l’emportent. C’est probablement ce qui va lui arriver, si bien que la dame invoque la fée qui apparaît tout de suite et l’envoie, vêtue en soldat, à l’endroit précis « transmis » par le miroir (et de là, jusqu’à la cellule où le chevalier est emprisonné). La scène affichée par le miroir vient, semble-t-il, de s’achever lorsque la dame arrive sur les lieux : qu’est donc ce petit rectangle noir ? Non seulement une prothèse du regard, que le miroir renforce énormément, mais aussi et surtout une extension du geste dont il garde les propriétés : comme dans la paume, de même dans cette plaque noire on peut voir dans l’avenir ; le miroir magique, symbole classique du cinéma, absorbe le geste et s’apprête à le remplacer dans toute son intégrité technique et affective (l’acte corporel exprime aussi craintes, mémoires et désirs de la dame : ce n’est pas sans raison que le miroir est porté par une femme comme un bijou, une amulette, un objet à garder près de son corps).

Figure 7 : Fred C. Newmeyer et Sam Taylor, Faut pas s’en faire (1923). Capture d’écran.

Figure 7 : Fred C. Newmeyer et Sam Taylor, Faut pas s’en faire (1923). Capture d’écran.

33Le motif du film projeté dans la paume de la main, là où on lit le futur et où on essaie depuis toujours d’archiver les faits contingents, trouve un développement significatif dans le cinéma des années 1920, chez Abel Gance et Louis Buñuel. On part de l’image des fourmis sur la paume du protagoniste du film Un Chien andalou, sorte de prémonition métaphoriquement projetée dans la main, jusqu’à la bouche en mouvement, transposée de la toile peinte à la paume du peintre, dans Le Sang d’un poète. Dans deux fragments, enfin, datant tous deux de 1923, Why Worry? (avec Harold Lloyd) et La Roue de Gance, des parties du film défilent sur la paume d’une main : dans la comédie de Lloyd (Figure 7), le bandit de service projette de prendre possession du pays en regardant dans la paume de sa main, sur laquelle apparaît une scène de vie champêtre, et en la serrant dans son poing, pour indiquer son désir de prise de pouvoir, tandis que dans La roue (Figure 8), le protagoniste se fait lire la main par un voyant qui y voit défiler trois scènes de son passé.

  • 10 Certaines de ces séquences ont également été analysées, mais dans une perspective différente, par (...)

34Je me borne ici à rappeler la puissance visuelle et le caractère symptomatique de ces séquences que j’ai déjà analysés ailleurs (« Gestures of Hands and Cinema Archaeology » 114-15)10: dans tous ces exemples, les images en mouvement semblent jaillir du geste de présentation de la paume, qui devient prothèse magique, technologie incarnée, dispositif radicalement incorporé, dans la peau, dans l’organe du toucher, dans l’outil primaire de l’être humain, et non dans ses yeux, comme nous sommes habitués à le penser.

Figure 8 : Abel Gance, La Roue (1923). Capture d’écran.

Figure 8 : Abel Gance, La Roue (1923). Capture d’écran.

35Marshall McLuhan avait déjà interprété le cinéma comme extension d’un acte corporel initialement situé dans les pieds, et de là soulevé vers les mains, en voyant dans le film (ou mieux dans la bobine) une application de la roue ; mais indépendamment des gestes opérationnels impliqués par la technologie, les gestes symboliques qui ont accompagné la conception du médium jouent eux aussi un rôle fondamental. Le geste de la paume ouverte, du XIXème siècle du moins, est entré dans les processus d’imagination du cinéma, qui le place instinctivement dans cette partie du corps où l’on donne forme au temps et où l’on sténographie les gestes humains. Il est sans doute possible, à partir de ces considérations, d’examiner le cinéma à l’ère du numérique en tenant compte du rôle que la main a toujours eu dans l’histoire du médium, bien avant que la digital culture (selon l’étymologie latine de culture des doigts) ne lui attribue toute sa valeur centrale.

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Bibliographie

Ouvrages cités

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Filmographie

ANONYME. Le fiabe della nonna / Grossmutter Märchen. Cines, 1908 (BFI Museum of the Moving Image).

BUÑUEL, Luis. Un Chien andalou. Luis Buñuel, 1929 (DVD 2007 Édition Montparnasse).

COCTEAU, Jean. Le Sang d’un poète. Jean Cocteau, 1930 (DVD 2006 StudioCanal vidéo).

FAROCKI, Harun. Der Ausdruck der Hände [The Expression of Hands]. Allemagne 1997 (3 sat) (DVD 2005 FSK).

GANCE, Abel. La Roue. Pathé, 1923 (DVD 2008 Flicker Alley).

NEWMEYER, Fred C. et Sam TAYLOR. Faut pas s’en faire [Why Worry?]. Pathé, 1923 (DVD 2005 New Line Home Entertainment).

SERRA, Richard. Hands Catching Lead. 1968 (DVD 2006 Centre Pompidou).

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Notes

1 Article traduit de l’italien par Nathalie Mikolajczyk.

2 Selon Hans Belting, notre corps fonctionne comme un médium ; dans l’introduction à l’édition américaine de 2011 de son Bild-Anthropologie, il écrit : “I would contend that our bodies themselves operate as a living medium by processing, receiving, and transmitting images” (Belting 5).

3 The Expression of Hands (Harun Farocki, 1997) est dans ce sens une œuvre clé ; voir aussi Hands Catching Lead (Richard Serra, 1968), un classique sur le pouvoir de la main.

4 J’ai traité dans leur intégralité les écrits de Jousse sur le cinéma dans l’essai « Mimismologie ».

5 Voir le chapitre « Le rythmo-mimisme » (Jousse, Anthropologie du geste 48-49).

6 Sur le thème du mesmérisme, voir Violi (2004), précieux volume qui m’a suggéré une perspective de recherche.

7 Je remercie Daniele Palma, doctorant en Histoire de la musique à l’Université de Florence, pour avoir lu et commenté cette partie de ma recherche.

8 Voir le site : http://www.scribeserver.com/medieval/egypt3.htm (page consultée le 14 mai 2018).

9 Je suis très reconnaissante à Joshua Yumibe de m’avoir signalé ce précieux photogramme, archivé dans la Collection Turconi : http://www.cinetecadelfriuli.org/progettoturconi/clip.php?CLIP_NUMBER=4253 (page consultée le 14 mai 2018). Je remercie également Livio Jacob, directeur de la Cinémathèque du Frioul, de m’avoir permis de visionner une copie du film.

10 Certaines de ces séquences ont également été analysées, mais dans une perspective différente, par Emmanuelle André avec qui j’ai eu l’occasion de dialoguer, grâce à Christa Blümlinger, au colloque The NECS 2017 Conference sur le thème Sensibility and the Senses. Media, Bodies, Practices (Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3, Paris, 29 juin – 1er juillet 2017).

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Table des illustrations

Titre Figure 1 : Jean Cocteau, Le sang d’un poète (1930). Capture d’écran.
URL http://journals.openedition.org/interfaces/docannexe/image/493/img-1.jpeg
Fichier image/jpeg, 1,0M
Titre Figure 2 : Cheiro, Cheiro’s Language of the Hand (1897). Planche XXVII.
URL http://journals.openedition.org/interfaces/docannexe/image/493/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 88k
Titre Figure 3 : Vincenzo Requeno, Scoperta della chironomia, ossia, Dell’arte di gestire con le mani (1797, Appendice).
URL http://journals.openedition.org/interfaces/docannexe/image/493/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 362k
Titre Exemple de scénario.
URL http://journals.openedition.org/interfaces/docannexe/image/493/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 87k
Titre Figure 4 : Main guidonienne, XIIIème siècle.
Crédits Joseph Smits van Waesberghe, Musikerziehnung. Lehre und Theorie der Musik im Mittelalter (1969), p. 135.
URL http://journals.openedition.org/interfaces/docannexe/image/493/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 68k
Titre Figure 5 : Main guidonienne, XVème siècle.
Crédits Joseph Smits van Waesberghe,Musikerziehnung.Lehre und Theorie der Musik im Mittelalter (1969), p. 141.
URL http://journals.openedition.org/interfaces/docannexe/image/493/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 996k
Titre Figure 6 : Le fiabe della nonna / Grossmutter Märchen (1908). Photogramme.
Crédits Collection Turconi. Avec la permission du George Eastman Museum.
URL http://journals.openedition.org/interfaces/docannexe/image/493/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 464k
Titre Figure 7 : Fred C. Newmeyer et Sam Taylor, Faut pas s’en faire (1923). Capture d’écran.
URL http://journals.openedition.org/interfaces/docannexe/image/493/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 333k
Titre Figure 8 : Abel Gance, La Roue (1923). Capture d’écran.
URL http://journals.openedition.org/interfaces/docannexe/image/493/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 1,1M
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Pour citer cet article

Référence papier

Barbara Grespi, « Dans la paume de la main : L’archéologie du cinéma en un geste »Interfaces, 39 | 2018, 115-138.

Référence électronique

Barbara Grespi, « Dans la paume de la main : L’archéologie du cinéma en un geste »Interfaces [En ligne], 39 | 2018, mis en ligne le 01 juillet 2018, consulté le 18 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/interfaces/493 ; DOI : https://doi.org/10.4000/interfaces.493

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Auteur

Barbara Grespi

Università degli studi di Bergamo
Barbara Grespi est maître de conférence en études cinématographiques et visuelles à l'Université de Bergame, Italie. Elle a écrit sur le thème du geste entre cinéma et photographie, sur le rapport entre cinéma et mémoire et sur les théories du montage. Ses publications les plus récentes incluent Memoria e Immagini (dir., Mondadori, 2009), Cinema e montaggio (Carocci, 2010), Gus Van Sant (dir., Marsilio, 2011), Fuori quadro. Follia e creatività fra arte, cinema e archivio (dir. avec Elio Grazioli et Sara Damiani, Aracne, 2013), Overlapping Images. Between Cinema and Photography (dir. avec Luisella Farinotti et Barbara Le Maître, Mimesis 2016), Harun Farocki. Pensare con gli occhi (dir. avec Luisella Farinotti et Federica Villa, Mimesis 2017). Sa dernière monographie est intitulée : Il cinema come gesto. Incorporare le immagini, pensare il medium (Aracne, 2017). Elle appartient depuis 2007 au comité de sélection du Festival International du film de Turin.

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