La campagne des Conservateurs pour les élections au Parlement écossais de 2011 : un appel resté vain au bon sens populaire

DOI : 10.58335/individuetnation.284

Résumés

Les Conservateurs nourrissaient des espoirs de progression lors des élections au Parlement écossais de 2011. Ils avaient retrouvé de l’influence à Holyrood, et étaient au pouvoir à Westminster. Pendant la campagne, ils se sont expressément démarqués du consensus social-démocrate, préférant insister sur leurs différences pour s’adresser à l’électorat de centre-droit. Mais ils n’ont même pas été entendus. Non seulement les Écossais n’ont pas été sensibles au bon sens qu’ils prétendaient incarner, mais la victoire massive des Nationalistes a accentué leur marginalisation.

The Conservatives had great expectations in the run-up to the 2011 Scottish Parliament elections. They had recovered some influence at Holyrood and were in power at Westminster. During the campaign, they displayed their specificities and distanced themselves from the social-democratic consensus as they intended to appeal to centre-right voters. But they were not even heard. Not only did the electorate remain unconvinced by their supposed common sense, but the Nationalist landslide increased their loss of relevance.

Plan

Texte

« On May 1st 1997 the people of Scotland told us what they thought : we got it wrong. They said we were out of touch. We didn't listen. Our decisions and policies had London stamped all over them with little relevance, or sympathy, for the needs of the Scottish people. »

David McLetchie, leader des députés conservateurs écossais, 1999 (SC 1999 : 1).


« And to those who say to me « You can't deliver » I say to them “Oh really, well just look at what we have delivered for Scotland over the last four years !” »

Annabel Goldie, leader des députés conservateurs écossais, 2011 (SC 2011 : 1).


« Classic Conservative, centre-Right, strong, patriotic, family, pro-enterprise values are the values that millions of people in Scotland share. And if we can get people to link their values with their voting behaviour, seeing a party that is both absolutely for the United Kingdom but fundamentally Scottish, that to me is the long-term answer to getting back to that magic number [50 % of the vote]. »

David Cameron, leader du Parti conservateur britannique, Premier ministre, Inverness, 20 avril 2011 (Torrance 2012 : 111).

Jusqu'aux années cinquante, les Conservateurs disposaient d'une base électorale stable et homogène en Écosse. Le vote en leur faveur était unioniste, protestant, attaché à l'intégrité du Royaume-Uni et de l'Empire britannique (Seawright 1999). La désagrégation de ce dernier, et la perte d'influence de la religion lui ont été préjudiciables. Ainsi, alors qu'en 1955, les Conservateurs avaient emporté une majorité absolue de suffrages écossais lors d'élections à la Chambre des Communes, ils commencèrent à régresser dès le scrutin suivant, en 1959. Depuis lors, les Conservateurs sont minoritaires en Écosse, même lorsque leur parti emporte les élections législatives au plan britannique. Leur déclin s'amplifia sous les gouvernements de Margaret Thatcher et de John Major, dont les Écossais désapprouvaient les politiques néo-libérales. Aux élections de 1987, ils ne conservèrent que dix députés sur 72, avant de les perdre en 1997.

A partir de 1999, la création du Parlement écossais, qu'ils avaient combattue avec virulence, leur permit de retrouver une représentation, qu'ils voulurent active. Leurs dix-huit députés (sur 129) admirent la dévolution du pouvoir, ainsi que certaines politiques sociales-démocrates menées par la coalition travailliste-libéral-démocrate jusqu'en 2007. La formation d'un gouvernement SNP minoritaire les autorisa alors à caresser l'ambition de recouvrer de surcroît une influence politique. Ainsi, sous la houlette d'Annabel Goldie, leurs dix-sept élus à Holyrood maintinrent au pouvoir les Nationalistes d'Alex Salmond en votant chaque année leur projet de loi de finances, en échange de concessions. Dans le même temps, ils discutèrent avec les deux autres partis unionistes (Travaillistes et Libéraux-démocrates) d'un transfert supplémentaire de compétences au Parlement écossais, ce qui les plaçait pour la première fois au coeur de la réflexion relative à la dévolution.

Les Conservateurs pensaient tirer avantage de cette tactique lors des élections de 2011 au Parlement écossais, alors que leur parti demeurait très impopulaire aux élections à la Chambre des Communes, devant se contenter d'un seul député depuis 2001. David Cameron, qui avait su profiter de l'usure au pouvoir des Travaillistes, n'était pas parvenu à reconquérir les Écossais. Holyrood semblait donc la seule enceinte permettant de nourrir les espoirs de reconquête, et de dépasser le dilemme des Conservateurs depuis 1999, mis en évidence par les trois citations ci-dessus : démontrer qu'ils sont à l'écoute des Écossais et qu'ils peuvent se rendre utiles sans renier leurs valeurs, afin de retrouver leur force passée. Or, loin de progresser, les Conservateurs ont subi un nouveau recul, en voix comme en sièges. C'est cette déconvenue que nous allons tenter d'expliquer, en évaluant leurs difficultés à élaborer un programme écossais et leur incapacité à surmonter leurs faiblesses structurelles, au cours de la campagne électorale, mais aussi tout au long de la législature précédente, conçue comme une longue pré-campagne, avant d'analyser leurs résultats.

1. La difficile quête d'un positionnement écossais

Les Conservateurs devaient se positionner sur une scène politique écossaise qui compte deux partis de gouvernement (Travaillistes et Nationalistes), et deux questions centrales, l'intervention de l'État et le degré d'autonomie de l'Écosse.

D'une part, les Conservateurs cherchaient à retrouver les faveurs de l'électorat, en se posant en parti d'opposition, rempart contre le socialisme des Travaillistes et le Nationalisme (l'indépendantisme) du SNP (Herald 2011). Avec le titre de leur Manifeste électoral (Common sense, SC 2011), ils faisaient appel à un électorat responsable, capable de déceler le populisme des Nationalistes et des Travaillistes. Dans le même temps, ils n'ont cessé de rappeler les pressions, qualifiées de décisives, qu'ils avaient exercées sur le gouvernement Nationaliste, tout en critiquant les trahisons de ce dernier au regard de ses engagements (par exemple au sujet de la réforme de la fiscalité locale, à laquelle ils étaient pourtant hostiles). De plus, ils se déclaraient prêts à nouer une coalition avec le parti arrivé en tête, le SNP dont ils dénonçaient les carences, voire même les Travaillistes, leurs adversaires historiques, dont ils fustigeaient également les trahisons. Leur position devenant complexe voire ambiguë, D. Cameron a dû préciser que son parti ne cautionnait pas une victoire du SNP (Daily Telegraph 2011).

En outre, les Conservateurs voulaient se démarquer de leurs adversaires sur la question de la probité. Certes, ils pouvaient dénoncer quelques manquements, telle la tentative de Salmond d'empêcher la diffusion d'un rapport peu élogieux pour un de ses projets (Hutcheon 2011c), mais eux-mêmes n'étaient pas exempts de critiques, notamment parce qu'Alex Fergusson, qui quittait ses fonctions de Presiding officer tout en briguant un nouveau mandat électoral, allait cumuler salaire et retraite (Hutcheon 2011b). De plus, l'un des principaux porte-parole du parti en 2011, David McLetchie, avait dû démissionner du poste de leader en 2005 pour avoir réclamé des défraiements abusifs.

D'autre part, s'agissant du contenu de leur programme, la priorité était l'économie. Les Conservateurs ont présenté leur Manifeste au centre-ville de Portobello (Dinwoodie 2011b), afin de souligner que, sous l'influence de leur député Derek Brownlee, les budgets du gouvernement Nationaliste avaient concédé un soutien à l'activité dans les centre-ville, et une baisse de la pression fiscale dans les collectivités locales (accélération du calendrier de réduction, pour les PME, de la taxe professionnelle, et incitation au gel de la taxe d'habitation par les conseils locaux, SP 2008a : 5868 ; SP 2009a : 14657 ; SP 2010b : 23373 ; SP 2011b : 33068). Ils s'engageaient à continuer dans cette voie, en accordant des dégrèvements aux entreprises rurales et aux personnes âgées (SC 2011 : 5, 22). Leur objectif était de stimuler l'activité économique dans l'ensemble de l'Écosse, même dans les friches industrielles. A. Goldie avait d'ailleurs rendu visite à l 'ancien complexe sidérurgique intégré de Ravenscraig, un symbole du désengagement de l'État sous M. Thatcher (Dinwoodie 2010). La croissance devait toutefois s'effectuer dans le respect de l'environnement, à travers la fiscalité (SP 2009e : 18793), la promotion des énergies renouvelables et du nucléaire (SC 2011 : 25), ou encore les transports routiers (Currie 2011b).

Toutefois, certaines promesses étaient limitées dans le temps par souci de réalisme (gel de la taxe d'habitation), d'autres paraissaient anecdotiques (utilisation de la bande d'arrêt d'urgence pour lutter contre les embouteillages et les émissions de CO2), voire impopulaires (énergie nucléaire). A l'inverse, le programme du SNP, principal concurrent des Conservateurs au plan économique, était plus ambitieux et en phase avec l'opinion publique.

Ensuite, en matière de services publics, les Conservateurs ont tenté de conforter un positionnement de centre-droit. S'agissant des politiques sociales-démocrates, qu'ils avaient pour la plupart approuvées depuis 1999, ils ont affirmé que des choix étaient nécessaires en période de crise économique et financière (SC 2011 : chap.2). Ainsi, ils souhaitaient maintenir les dispositifs en faveur des personnes âgées, qu'il s'agisse de la prise en charge des frais de soins personnels des plus dépendantes, dont ils avaient dénoncé l'application inégale sur le territoire écossais (SP 2008c : 8707), ou la gratuité des voyages en bus, l'âge des bénéficiaires devant toutefois être relevé (SC 2011 : 11). Par contre, ils se sont engagés à revenir sur les suppressions du ticket modérateur sur les médicaments et des droits d'inscription universitaires, qu'ils avaient rejetées à Holyrood (SP 2010a : 22941 ; SP 2008b : 6495). Ils préconisaient la restauration de frais à la charge de l'usager qui, s'élevant respectivement à 5£ et 4000£ (par an), les rendraient plus responsables, tout en demeurant inférieurs à ceux pratiqués en Angleterre (SC 2011 : 14, 16). Cette prise de distance à l'égard de certaines politiques emblématiques de la dévolution les distinguait de leurs adversaires. Ainsi, les Travaillistes, eux aussi hostiles à la gratuité totale des études universitaires en 2009 au moment de son adoption au Parlement, s'étaient ralliés à cette politique populaire en 2011. Ce positionnement semblait également anéantir les efforts accomplis depuis la commission Rifkind  en 1998 (SCUP 1998b) et le Manifeste électoral de 1999 (SCUP 1999 : 1), afin de démontrer le changement des Conservateurs qui, ayant analysé les raisons de leur défaite historique en 1997, avaient la ferme intention de répondre aux attentes des Écossais. Il faut souligner que la concertation formelle et régulière entre A. Goldie et D. Cameron permettait à celui-ci d'être à l'écoute de sa collègue (Goldie 2010), tout en aiguillant ses choix.

Par ailleurs, en ce qui concerne la gestion des services publics, depuis 1999, les Conservateurs n'ont jamais renoncé à défendre l'héritage thatchérien. En 2011, tout en affichant une volonté de coopération avec les collectivités locales, ils proposaient de renouer avec l'achat, par les locataires, de leur logement en HLM (SC 2011 : 23), politique qui n'avait pas suscité d'engouement chez les Écossais, avant d'être abrogée par le gouvernement SNP. Ils promettaient de rendre la distribution d'eau plus autonome du gouvernement (SC 2011 : 7), alors que M. Thatcher avait dû renoncer à privatiser de secteur en Écosse, sous la pression de l'opinion publique. Ils prévoyaient d'autoriser les jeunes à quitter le système scolaire à 14 ans, pour suivre une formation ou un apprentissage, et envisageaient de confier à des citoyens ordinaires la création d'écoles publiques (SP 2011a : 32 131 ; SC 2011 : 12). Or les Écossais sont très fiers de leur système public, instauré plus tôt qu'en Angleterre, et l'une des premières lois du Parlement écossais, en 2000, visait à abolir la possibilité, pour une école publique, de s'affranchir de la tutelle des collectivités locales, au grand dam des Conservateurs. Quant à la police, elle constituait un autre axe majeur. Les Conservateurs avaient lancé leur campagne à proximité d'un commissariat, se targuant d'avoir incité le SNP à augmenter les effectifs de police dans ses budgets. Cependant, leur Manifeste prônait la création de commissaires élus, responsables d'objectifs, qui les isolait. De plus, il retrouvait des accents répressifs, alors que depuis 2007, les Conservateurs s'étaient montrés sensibles aux causes de la délinquance à Holyrood, à la différence des Travaillistes (SP2009b : 16520).

Enfin, au plan institutionnel, leur Manifeste ne faisait pas état de leur participation au processus de réforme de la dévolution, de la commission de réflexion menée par Kenneth Calman en 2008-2009 (CSD 2009d) à la rédaction d'un projet de loi (Scotland Bill) par le gouvernement de David Cameron en novembre 2010, projet porté par le Secrétaire d'Etat à l'Ecosse, Michael Moore, un libéral-démocrate jugé plus légitime que le seul député Conservateur David Mundell. Le Manifeste occultait ce texte, en cours d'examen à Westminster, tout comme la coopération multipartite qui l'animait. Or, dès l'arrivée au pouvoir du SNP en 2007, A. Goldie s'était associée à la proposition de Wendy Alexander, leader des Travaillistes écossais, aux côtés des Libéraux-démocrates, afin de contrecarrer les velléités indépendantistes d'A. Salmond. Le dispositif phare, autorisant le Parlement écossais à collecter près de 30 % de ses revenus par la voie fiscale, correspondait pourtant à l'idéologie du parti, soucieux de gestion parcimonieuse des deniers publics. Les parlementaires devraient en effet se préoccuper désormais des modalités de financement de leurs politiques, comme l'ont souligné, pour s'en féliciter, les élus Conservateurs anglais intervenant dans le débat à la Chambre des Communes (HC 2011 : 292).

Cependant, cette poursuite de la dévolution, voulue par la direction du parti, était loin de faire l'unanimité. Les élus conservateurs l'avaient acceptée à condition que le projet fût piloté par Westminster (SP 2007 : 4163), et dans leurs auditions par la commission Calman, les rares élus autorisés à s'exprimer s'inquiétaient davantage des relations entre autorités centrale et dévolue que du fonctionnement du Parlement écossais (CSD 2009a, 2009b, 2009c). Une seule députée unioniste avait manifesté des réticences à l'égard du Scotland Bill lors du vote consultatif à Holyrood : il s'agissait d'une élue Conservatrice, Margaret Mitchell (SP 2011d : 34304). Michael Forsyth, ancien Secrétaire d'État à l'Écosse, a lui aussi fait part de ses doutes à la Chambre des Lords, à de multiples reprises, préconisant la révision des principes de la dévolution, en réformant la formule Barnett1 qui assurait le financement des politiques populistes d'A. Salmond, et en supprimant les députés au Parlement écossais dont le travail serait accompli par les députés écossais à la Chambre des Communes.

Ce faisant, les Conservateurs ont perdu une occasion historique de reconfigurer la dévolution selon leurs valeurs, alors qu'à la fin des années soixante, Edward Heath, leader du parti dans l'opposition, avait fait figure de pionnier avec son discours de Perth, en réaction à la première victoire du SNP lors d'une élection partielle l'année précédente. Pourtant, certains de leurs membres, tels Michael Fry, Brian Monteith ou Murdo Fraser, leader ajoint du parti écossais, avaient formulé des projets d'autonomie fiscale, permettant à l'Écosse de collecter un certain nombre d'impôts (Jamieson 2006 : 33, 48 ; Monteith 2007 : 32). A. Goldie avait alors lancé une réflexion, dont les conclusions avaient été rejetées par ses collègues à Holyrood qui semblaient obnubilés par les risques pour l'intégrité de l'Union (McLeod / Russell 2006 : 130).

Le Manifeste ne faisait pas non plus allusion au séparatisme du SNP, pourtant dénoncé avec constance depuis 2007. Les Conservateurs avaient, avec les deux autres partis unionistes, empêché le gouvernement minoritaire de déposer un projet de loi portant organisation d'un référendum d'autodétermination, car ils promettaient de le retoquer. Ils fustigeaient le gaspillage d'argent public qu'il engendrerait (SP 2010c : 24036), l'isolement dans lequel le SNP se trouvait (SP-SBC 2011 : 4), mais aussi le manque de viabilité d'une Écosse indépendante, notamment pour renflouer ses grandes banques RBS et HBoS fin 2008 (SP 2008d : 11099).

Ce positionnement ambigu était d'autant plus dommageable que le parti demeurait divisé.

2. Des faiblesses structurelles persistantes

Le parti abordait cette élection sans être parvenu à remédier à ses faiblesses structurelles. Non seulement il manquait d'unité, avec la direction britannique comme avec les militants écossais, mais, qui plus est, il disposait de moyens insuffisants pour diffuser son message.

D'une part, son appartenance au Parti conservateur britannique lui conférait une image anglaise, qui perdurait en dépit des réformes engagées. Les recommandations de la commission Strathclyde, en 1998, avaient débouché sur une rationalisation de sa gouvernance en intégrant les ailes associatives et professionnelles, en associant l'exécutif écossais à la désignation du président du parti écossais par le leader britannique et en créant un vice-président élu par les militants (SCUP 1998a). Cependant, en 2010, constatant leur incapacité à accroître leur représentation à la Chambre des Communes en dépit de la victoire de leur parti au plan britannique, les Conservateurs écossais formèrent une nouvelle commission de réflexion, dirigée par Russell Sanderson (SCC 2010 : 16). Son rapport préconisait notamment la transformation du chef de groupe parlementaire à Holyrood en véritable leader du parti en Écosse, alors qu'il devait jusque-là travailler avec un président, un vice président et les élus à Westminster. De plus, il multipliait les propositions visant à dynamiser un parti vieillissant et inactif sur une grande partie du territoire. Il s'agissait d'attirer les adhérents (dont le nombre avait chuté à 10 000 contre 40 000 en 1992) en leur accordant une influence accrue à tous les échelons du parti, afin de faire émerger de nouveaux talents.

Ce rapport devait être mis en œuvre à l'issue du scrutin de 2011, Annabel Goldie a mené campagne en tant que simple leader des députés à Holyrood. Elle a dû composer avec les dirigeants britanniques venus la soutenir, en particulier David Cameron. Ce dernier, après avoir manqué son entrée en campagne (éclipsée par les frappes aériennes sur la Lybie, Currie 2011a), n'a eu de cesse de marteler que les valeurs de son parti (famille, esprit d'entreprise, promotion du secteur privé) devaient être partagées par un grand nombre d'Écossais (Currie 2011c). Cette attitude n'était pas sans rappeler celle de M. Thatcher, notamment exprimée dans un discours tenu devant l'Assemblée générale de l'Église d'Écosse en mai 1988. La conclusion tirée par les deux Premiers ministres était l'incompréhension face au rejet des Écossais. Or sur le fond, D. Cameron, qui s'était excusé dans le passé de certaines politiques radicales de M. Thatcher (dont la poll tax2) pouvait légitimement évoquer la transformation de la société qu'elle avait opérée, même A. Salmond ayant reconnu son apport au plan économique, tout en se démarquant d'elle au plan social (Hassan 2012 : 87). Mais les Écossais n'étaient pas prêts à entendre ces paroles prononcées par un homme qui, malgré le nom qu'il portait, était tenu pour un pur produit de l'élite anglaise.

De plus, D. Cameron a mis en exergue des politiques confortant l'image de son parti (réforme des allocations sociales, plafonnement de l'immigration, Settle 2011) qui paraissaient anachroniques dans une Écosse attachée à l'intervention de l'État et ayant besoin de la main d'oeuvre immigrée, ce que reconnaissaient les élus Conservateurs à Holyrood (SP 2011c : 33373). Le Premier Ministre personnifiait de surcroît des politiques d'austérité qui le distinguaient de ses trois adversaires favorables à une relance de l'activité. A. Goldie en a d'ailleurs été tenue pour responsable, par des manifestants et par les Travaillistes (Dinwoodie 2011b) qui ont fini par se rendre compte, à quinze jours du scrutin, qu'ils se trompaient de cible, le SNP étant sur le point de gagner.

Annabel Goldie a également dû tenir compte d'une base militante très attachée à l'héritage thatchérien et à la liberté individuelle, et ce, même parmi les plus jeunes qui avaient conscience de la nécessité de démontrer la fibre sociale du parti (Bednarek 2011 : 113). Des politiques emblématiques de la dévolution, comme la prise en charge des personnes âgées dépendantes, étaient loin de faire l'unanimité, malgré la fermeté affichée par les élus à Holyrood (Hassan 2012 : 103). De plus, les militants avaient désigné à deux reprises au poste de vice-président Bill Walker, ancien député thatchérien, demeuré fidèle aux idées de son mentor, avant d'opter en 2009 pour George Kynoch, député et ministre sous John Major, plus modéré. Lors du Congrès écossais de 2010, D. Cameron a reçu les applaudissements les plus nourris lorsqu'il a fustigé l'assistanat (Dinwoodie / Currie 2010). C'est également à cette époque que des candidats à l'élection de 2011 ouvertement nostalgiques de M. Thatcher ont dû être écartés (Currie 2010). Au Congrès écossais de 2011, la proposition de Margaret Mitchell (et de Lord Forsyth), consistant à organiser un référendum sur la poursuite de la dévolution pour mieux dénoncer celle-ci, a été très bien accueillie (Dinwoodie 2011a). La base avait une conception thatchérienne de l'unionisme, synonyme d'immobilisme au plan institutionnel, toute réforme étant réputée faire le jeu d'A. Salmond.

D'autre part, en ce qui concerne ses finances, le parti était dans une situation critique. Depuis leur échec aux élections législatives de 2010, les Conservateurs avaient dû se séparer de leur siège sur Princes Street à Édimbourg et de leur directeur de la communication. Un de leurs principaux bailleurs de fonds, Lord Laidlaw, impliqué dans un scandale, avait cessé ses versements. D'autres avaient pris leur distance, en désaccord sur des points particuliers. Tom Coakley avait ainsi peu apprécié les luttes internes à Glasgow pour sélectionner le successeur de Bill Aitken qui se retirait (Hutcheon / Gordon 2011a). C'est finalement Ruth Davidson, assistante parlementaire d'A. Goldie, qui a été désignée en tête de liste3. Dans l'attente de la mise en œuvre du rapport Sanderson qui préconisait une rationalisation de la collecte de fonds, le financement du scrutin de 2011 provenait essentiellement de dîners organisés par Jack Harvie auprès de sympathisants fortunés (Hutcheon 2011a).

Ainsi, au cours de la campagne de 2011, les Conservateurs n'ont dépensé que 276 462£, (Electoral Commission 2011a), contre 400 000£ aux élections à la Chambre des Communes de 2010. Certes, l'écart entre les deux types de scrutin était apparu dès les débuts de la dévolution, les Conservateurs ayant tendance à considérer l'élection à Holyrood comme accessoire, d'autant qu'elle les confinait au rang d'opposants, face à une Chambre des Communes conservant des pouvoirs régaliens et leur donnant de réelles chances de victoire. Ainsi, nombre de députés à Holyrood se sont présentés à Westminster ; l'un d'entre eux, David Mundell, est parvenu à y entrer en 2005. Cependant, les dépenses engagées en 2011 étaient modestes au regard de celles de leurs adversaires, car elles représentaient 18 % du plafond autorisé contre 56 % pour les Travaillistes et 75 % pour le SNP.

Or en 2011, les Conservateurs ne pouvaient compenser cette faiblesse par le soutien de personnalités, à la différence du parti en Angleterre. Les chefs d'entreprise, nombreux à se déclarer en leur faveur aux élections à la Chambre des Communes, ont préféré s'engager aux côtés du SNP, en 2011 comme en 2007. La presse écossaise s'était également détournée du parti qui ne semblait plus incarner l'identité écossaise (Massie 2012 : 139), depuis les premiers débats relatifs à la dévolution dans les années soixante-dix. Ainsi, le Herald, longtemps considéré comme le journal des milieux d'affaires de Glasgow, ouvertement Conservateur, ne comptait en 2011 qu'un chroniqueur défendant les idées de ce dernier (Andrew McKie), tandis que le Scotsman semblait un peu moins rétif avec Allan Massie et Bill Jamieson. Même le Sun, revenu vers D. Cameron en 2010, a opté pour A. Salmond dans son édition écossaise en 2011.

Dans les circonscriptions, les Conservateurs ont dépensé en moyenne 31,5 % des plafonds autorisés, contre environ 55 % pour les deux partis en tête de course (nos calculs d'après Electoral Commission 2011b). Toutefois, dans 46 des 73 sièges, leurs dépenses étaient inférieures à leur moyenne nationale, ce qui signifie qu'ils s'en désintéressaient. A l'inverse, une dizaine de sièges (contre plus de vingt pour leurs deux principaux rivaux) étaient clairement ciblés avec des dépenses excédant 75 % des plafonds. Ces circonscriptions correspondaient aux sièges perdus en 1997 à Westminster, et pour certains reconquis à Holyrood depuis 19994: quelques sièges urbains relativement aisés (Eastwood, Edinburgh Pentlands, Edinburgh Southern et Edinburgh Western), ainsi que des sièges ruraux, au sud (Dumfriesshire, Galloway & West Dumfries, Ettrick, Roxburgh & Berwickshire5), à l'ouest (Ayr, Argyll & Bute), au centre (Fife North East, Perthshire North et Perthshire South & Kinross-shire) et au nord-est (Banffshire & Buchan Coast, Aberdeenshire West).

Ce ciblage n'a pas donné les résultats escomptés.

3. Un nouveau recul électoral

L'échec des Conservateurs, qui se mesure tant au regard des suffrages recueillis que des sièges obtenus, s'explique par la sociologie et l'image du parti.

D'une part, les Conservateurs n’ont recueilli que 276 652 voix, soit 13,9% des suffrages contre 16,7% en 2007. Près de 60 000 électeurs les ont délaissés. Ils ont perdu quatre cautions. Dans 68 des 73 sièges, ils ont obtenu des proportions de voix inférieures à 30%, ce qui les laissait à l’écart de la compétition. Certes, les Libéraux-Démocrates, qui ont une sociologie électorale comparable, ont rassemblé 7,9% des voix en moyenne tout en devant renoncer à 45 cautions. Mais ce sont les Nationalistes qui ont su tirer avantage de l'impopularité de ces derniers en raison de leur participation au gouvernement de coalition à Londres. Quant aux Travaillistes, s'ils se retrouvaient avec seulement 31,7% des voix (contre 45,4% au SNP), ils pouvaient prétendre au remboursement de toutes leurs cautions.

Or ces résultats ne pouvaient être attribués à des erreurs ponctuelles, la campagne des Conservateurs n'ayant jamais rencontré son public. Sur seize sondages effectués entre le début de 2011 et le jour du scrutin, le parti était crédité d’intentions de votes généralement comprises entre 10% et 13% (www.scotlandvotes.com). Celles-ci restaient nettement en deçà de ses résultats de 2007 (16,7%), même en ne tenant compte que du deuxième vote (régional).

Le coefficient de corrélation entre les dépenses et les résultats des Conservateurs dans les circonscriptions était élevé (0,72), mais il est impossible de conclure à une stimulation des premières sur les seconds car les dépenses, comme les résultats, étaient faibles dans la grande majorité des circonscriptions. De plus, dans certaines circonscriptions ciblées, leurs scores avoisinaient 20% (Aberdeenshire West, Edinburgh South, Edinburgh West), atteignant au maximum 25-30% (Dumfriesshire, Perthshire North et South). Cela semblait moins imputable aux votes tactiques6 dont les Conservateurs font régulièrement les frais aux élections législatives britanniques qu’à la vague nationaliste, les trois premiers ayant été enlevés par le SNP aux Libéraux-Démocrates, tandis que les deux derniers étaient conservés par le parti d’A. Salmond (Dumfriesshire demeurant travailliste). Il est cependant difficile de pousser plus loin l’analyse car les circonscriptions avaient été redécoupées entre 2007 et 2011.

Les suffrages exprimés au scrutin régional de liste n’ont pas entraîné de sursaut. A. Goldie, qui avait appelé les électeurs à la soutenir au moins grâce à leur deuxième voix, n’a pas été entendue. Les Conservateurs ont rassemblé 245 967 voix, soit une déperdition de près de 30 000 depuis 2007. Ils sont ainsi passés de 13,9% à 12,4% des suffrages.

En ce qui concerne les sièges, les élections de 2011 avaient lieu dans des circonscriptions ayant fait l’objet d’un redécoupage. En remédiant aux déséquilibres entre sièges ruraux, plus peuplés, et urbains, celui-ci était censé avantager mécaniquement les Conservateurs, plus solidement implantés dans les premiers. Selon des simulations, ils auraient ainsi pu gagner deux circonscriptions supplémentaires (Denver 2011 : 55). Pourtant, ils n’ont obtenu que quinze députés, soit deux de moins qu’en 2007. Ils ont néanmoins conservé trois de leurs quatre circonscriptions, Ayr, Ettrick et Galloway, gages d’enracinements, tandis que la quatrième, Edinburgh Pentlands, était conquise par le SNP. De même, s’agissant des sièges qu’ils visaient, six ont été emportés par le parti nationaliste (parmi lesquels six conquêtes, aux dépens des Libéraux-Démocrates), deux autres demeurant acquis aux Travaillistes.

Derek Brownlee a été battu au scrutin de liste dans la région Sud. David McLetchie, élu d’Edinburgh Pentlands, a été reconduit mais en tant que député de la région de Lothians. Bill Aitken a été remplacé par Ruth Davidson dans la région de Glasgow. De fait, sans action particulière de la part des Conservateurs, 40% de leur groupe parlementaire était constitué de femmes, proportion supérieure à celle de l’ensemble du Parlement écossais (35%).

La concomitance avec la campagne pour le référendum sur le mode de scrutin aux élections à la Chambre des Communes n’a pas porté préjudice aux Conservateurs. Certes, les Écossais étaient moins nombreux que les Anglais à partager leur hostilité à l’alternative vote (AV). Cependant, dans la plupart des sièges qu’ils ciblaient, les réticences étaient plus marquées, à l’exception de Fife North East et surtout d’Edinburgh South, l’un des rares sièges enregistrant une courte majorité de 'oui'.

D'autre part, ces comportements électoraux avaient des racines profondes, mises en évidence par les données issues de la Scottish Election Study.

L'électorat du parti était fidèle, puisque 75 % des électeurs Conservateurs en 2007 déclaraient avoir conservé la même allégeance en 2011 (Mitchell, 2011). Cependant, il ne s'est pas renouvelé, car la proportion d'électeurs d'autres partis en 2007 qui se sont tournés vers les Conservateurs en 2011 ne dépassait pas 6 %. Qui plus est, les catégories ayant la plus forte propension à opter pour les Conservateurs étaient très minoritaires ou leur préféraient d'autres formations politiques. En ce qui concerne l'identité nationale, 22 % des personnes (peu nombreuses) qui se définissaient comme Britanniques ou plus Britanniques qu'Écossaises sur l'échelle Moreno7 ont voté Conservateur, tandis que 35 % et 28 % ont choisi les Travaillistes. De même, 14% seulement des personnes appartenant aux classes sociales A et B d'après leur CSP8 ont opté pour les Conservateurs, tandis que 25 % ont préféré les Travaillistes et 41 % le SNP. Quant aux personnes se réclamant de l'Église d'Écosse, si 15 % ont soutenu les Tories, 26 % ont manifesté leur allégeance aux Travaillistes et 44 % au SNP. Enfin, si 17 % des personnes de plus de 55 ans étaient Conservatrices, 26 % étaient Travaillistes et 42 % Nationalistes.

Quant à l'image du parti, elle était la plus mauvaise des quatre grands partis (3 sur une échelle de 0 à 10, Johns, 2011). Seules 15 % des personnes interrogées estimaient qu'il se préoccupait des gens ordinaires, et 20 % qu'il tenait ses promesses. C'est également le parti qui était perçu comme le moins susceptible de défendre les intérêts écossais. Par contre, Annabel Goldie était plus appréciée que les leaders des deux autres partis britanniques, et sa campagne était jugée meilleure que celle d'Iain Gray, leader travailliste, mais sa popularité ne permettait pas de compenser l'image de son parti. En outre, sur les échelles de positionnement des partis, les Conservateurs étaient toujours à l'écart des trois autres partis, qu'il s'agisse des réductions de dépenses publiques ou de la poursuite de la dévolution. Seules 8 % des personnes prônant un renforcement des pouvoirs du Parlement écossais votaient Conservateur.

Ainsi, le parti continuait à être perçu comme anglais, au service de valeurs qui n'étaient pas celles des Écossais, la vitalité et l'humour d'Annabel Goldie ne pouvant compenser ce lourd handicap. Il ne pouvait pas se constituer une identité écossaise nationale. Sur ce terrain, il subissait même une double concurrence, des Travaillistes et du SNP, pour les réformes tant économiques et sociales qu'institutionnelles. Il était associé à un patriotisme britannique, protestant, qui paraissait désuet à l'heure de la dévolution du pouvoir. Les Écossais se méfiaient d'un parti semblant encore éprouver des réticences à l'égard de leur Parlement. De ce fait, ils n'écoutaient plus ses propositions, alors que les enquêtes montraient que leurs attitudes à l'égard des politiques publiques différaient peu de celles des Anglais qui, eux, avaient choisi de faire confiance aux Conservateurs (Curtice 2012 : 119, 124).

Conclusion

Les quatrièmes élections au Parlement écossais ne se sont guère distinguées des scrutins précédents pour les Conservateurs alors qu’elles avaient suscité de réelles attentes, fruits d’un travail laborieux. Depuis 1997, ceux-ci ne parvenaient pas à se présenter unis, leur déclin ne faisant qu’accentuer les rivalités internes. Ils cherchaient à élaborer des politiques écossaises, crédibles, ce qui les a parfois conduit à la surenchère avec leurs adversaires. Cependant, ils devaient compter avec le parti au plan britannique, et l’arrivée de David Cameron ne s’est pas transformée en avantage. Ce dernier a favorisé les convergences, alors même que l’échiquier politique écossais était plus à gauche que le centre de gravité à Westminster, fragilisant le positionnement patiemment construit à Holyrood. Le bon sens qui consistait à réformer les services publics n’était pas du goût des Écossais. Depuis 2007, la montée en puissance du SNP sur la scène politique, qui leur permettait de trouver un rôle d’appoint, a nui aux Conservateurs, car il parvenait à occuper  leur  terrain au plan fiscal, ce qui a séduit leur électorat naturel. Leurs efforts de concertation sur le statut de l’Écosse semblaient désormais insuffisants au regard des résultats du scrutin, mais ils n’envisagaient pas de transferts supplémentaires de pouvoirs au-delà du Scotland Bill (même si certains députés s’interrogeaient). Par conséquent, les Conservateurs perdaient à nouveau toute capacité à exercer de l’influence, tant au plan socio-économique qu’institutionnel. En outre, le caractère subalterne de cette élection pour de nombreux adhérents, plus enclins à soutenir le centre historique du pouvoir, n’a pas facilité une diffusion efficace de leur message. Les Conservateurs écossais ne paraissaient pas audibles, par rapport au gouvernement Cameron tout comme au regard de l’opposition travailliste en Écosse. Qui plus est, ils ne constituaient pas une force de proposition, dotée d'une vraie stratégie, se contentant de réagir à des projets initiés par leurs adversaires. Ils semblaient ainsi incapables d'investir un créneau nationaliste en Écosse, contrairement à leurs trois adversaires et à leurs homologues gallois.

Par ailleurs, à l'issue du scrutin, les Conservateurs ont poussé à la démission leur leader, un de leurs minces atouts auprès de l’opinion publique. A la différence des précédents scrutins, l'élection destinée à désigner son successeur a été disputée par plusieurs candidats. C’est Ruth Davidson qui l’a emportée en novembre 2011. Si ce premier véritable leader écossais incarne un renouveau, elle devra s’imposer auprès de ses collègues à Holyrood (où elle n’est entrée qu’en mai 2011), collègues qui lui auraient préféré Murdo Fraser, partisan de la création d’un Parti conservateur écossais distinct, faisant alliance avec les Conservateurs anglais lors des élections, sur le modèle de la CDU-CSU en Allemagne. Elle devra mettre en œuvre la réforme Sanderson, dans des conditions financières délicates car Jack Harvie a lui aussi jeté l'éponge. De plus, les Conservateurs doivent redéfinir leur place à Holyrood, alors que le SNP, fort de sa majorité absolue, fait adopter tous ses textes et accapare la plupart des postes d'influence, dont la présidence du Parlement écossais.

Qui plus est, le SNP se livre à une surenchère verbale, afin de se présenter comme le seul parti au service des intérêts économiques des Écossais (axe de sa campagne de 2011) face à un gouvernement britannique obnubilé par ses politiques d’austérité. Les Conservateurs écossais ont peu d’espace dans cet affrontement direct entre les deux gouvernements. Cependant, ils ne sont plus isolés à Holyrood dans leur volonté de revenir sur la gratuité des services publics, les Travaillistes ayant entamé leur propre réflexion. La marginalisation des Conservateurs est plus nette sur la question constitutionnelle. C'est le gouvernement britannique qui a fait droit à certains aménagements du Scotland Bill réclamés par le SNP (notamment une formalisation de la coopération entre gouvernements au sujet de la détermination de la dotation britannique), ce qui a permis l'adoption du Scotland Act en dernière lecture en avril 2012. R.Davidson, qui souhaite mettre en évidence les valeurs de liberté économique et individuelle qui caractérisent son parti, a seulement promis d'utiliser les pouvoirs issus de la nouvelle loi pour alléger modestement l'impôt sur le revenu en Écosse. Elle refuse d'autres transferts de compétences, alors que le Premier ministre a laissé entendre qu'il n'y serait pas opposé.

De même, D. Cameron reconnaît désormais à A. Salmond la légitimité politique pour organiser un référendum d'autodétermination. Toutefois, tout au long de l'année 2012, les deux hommes ont exprimé publiquement leur désaccord quant aux modalités, tout en menant des négociations. Le SNP est alors parvenu à isoler les Conservateurs au Parlement écossais, les contraignant à admettre qu'eux seuls refusaient de reconnaître la souveraineté du peuple écossais, fondement du référendum, comme sous M. Thatcher. Au terme de cette escalade verbale, ce sont Cameron et Salmond qui ont paraphé un accord, le 15 octobre 2012, par lequel le premier confère au second l'autorité juridique pour une consultation dans un domaine relevant de Westminster. Celle-ci devra avoir lieu avant fin 2014, comme le prônait Salmond, pour se donner le temps de convaincre les 20 % d'indécis. Elle ne devra porter que sur l'indépendance, comme l'exigeait le gouvernement britannique, mais la formulation de la question appartiendra au SNP. Sur ce point, comme pour l'ensemble des modalités du référendum, le gouvernement écossais devra interroger la commission électorale britannique, sans être lié par ses avis.

Références

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Notes

1 Le gouvernement écossais se voit attribuer une proportion fixe (10,08%) de toute hausse des dépenses pour l'Angleterre par un ministère britannique chargé d'un domaine dévolu à l'Ecosse. Il dispose ensuite de toute latitude pour affecter cette somme comme il l'entend. Retour au texte

2 La poll tax a été introduite en Ecosse en 1989 avant d'être étendue à l'ensemble du Royaume-Uni. Impôt par capitation, égal pour tous les contribuables résidant dans une même collectivité locale, elle a précipité la chute de Margaret Thatcher en 1990. Son successeur John Major l'a remplacée par une taxe d'habitation, la council tax. Retour au texte

3 Le Parlement écossais compte 73 députés de circonscriptions, désignés au scrutin majoritaire uninominal à un tour, et 56 élus régionaux, sur des listes plurinominales, à la représentation proportionnelle. Retour au texte

4 Depuis les élections à la Chambre des Communes de 2005, caractérisées par la diminution du nombre de députés écossais, les circonscriptions pour les élections à Holyrood et à Westminster ne sont plus identiques. Retour au texte

5 Le candidat conservateur de ce siège n'a pas déclaré de dépenses pendant la campagne officielle. Néanmoins, le siège était ciblé par son parti, qui le détenait, ainsi que Ayr, Edinburgh Pentlands et Galloway. Retour au texte

6 Le vote tactique est conditionné par la situation politique dans la circonscription. L’électeur opte pour son second choix, moins par adhésion que par rejet d’un autre candidat. Retour au texte

7 Selon cette échelle, établie par le sociologue espagnol Moreno en 1986, la population peut se définir selon une identité unique ou duale, selon qu'elle se sent plus ou moins écossaise et/ou britannique. Cinq choix sont ainsi proposés. Retour au texte

8 Les catégories A (cadres supérieurs et professions libérales) et B (encadrement intermédiaire, enseignants) forment, avec les employés de bureau (C1), les classes moyennes. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Edwige Camp-Pietrain, « La campagne des Conservateurs pour les élections au Parlement écossais de 2011 : un appel resté vain au bon sens populaire », Individu & nation [En ligne], vol. 5 | 2013, publié le 18 juin 2013 et consulté le 21 novembre 2024. DOI : 10.58335/individuetnation.284. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/individuetnation/index.php?id=284

Auteur

Edwige Camp-Pietrain

Professeur des Universités, CALHISTE (Valenciennes): EA 4343, Université de Valenciennes, FLLASH, Le Mont Houy, BP 311, 59313 Valenciennes Cedex 9 – edwige.camp [at] univ-valenciennes.fr

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