Les consultations du 5 mai 2011 : l’unité du Royaume-Uni à l’épreuve du conservatisme du centre et des nationalismes de la périphérie

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Introduction

En 1999, le gouvernement de Tony Blair mit en place des assemblées au pays de Galles et en Irlande du Nord, ainsi qu'un Parlement en Écosse. Les nouvelles institutions étaient élues directement par les électeurs de ces trois nations périphériques1, afin de gérer leurs affaires internes. Cette dévolution du pouvoir fut qualifiée d'asymétrique car chaque nation se voyait conférer des pouvoirs particuliers. De plus, chacune conservait sa représentation auprès des institutions centrales, britanniques (Parlement et gouvernement) qui demeuraient inchangées. Quant à l'Angleterre, elle continuait à être entièrement gouvernée par le Parlement britannique à Westminster.

Ce projet, s'il s'inscrivait dans un programme de réformes constitutionnelles, répondait surtout aux attentes des populations locales. En effet, la dévolution du pouvoir avait été voulue et conçue par les Écossais et les Gallois. Dans un premier temps, dans les années soixante-dix, il s'agissait, pour le gouvernement britannique, de démontrer une capacité de réponse aux aspirations des populations locales, en leur accordant plus d'autonomie pour éviter la rupture totale préconisée par les partis nationalistes, Plaid Cymru et surtout Scottish National Party (SNP). C'est l'entrée de ces derniers à la Chambre des Communes, en 1966-1967, et plus encore, en octobre 1974, qui avait conduit le gouvernement travailliste à élaborer des projets de dévolution. Lors des référendums du 1er mars 1979, ces projets furent rejetés par les Gallois tandis que le taux d'approbation des Écossais n'atteint pas le seuil requis. Les dix-huit années de gouvernements conservateurs qui s'ensuivirent changèrent radicalement la donne. Il s'agissait désormais de créer de nouvelles assemblées pour échapper aux politiques néo-libérales mises en œuvre à Londres. Ainsi, la Convention constitutionnelle écossaise et le Parti travailliste gallois rédigèrent deux rapports, qui inspirèrent les Livres blancs (avant-projets de lois) soumis à référendum les 11 et 18 septembre 1997.

L'Irlande du Nord avait déjà connu une dévolution du pouvoir après la partition de l'Irlande en 1921. Mais le Parlement de Stormont, qui avantageait les Protestants, fut abrogé par Westminster en 1972. Dès lors, les gouvernements britanniques successifs, en charge d'une province en guerre civile, cherchèrent à mener des discussions avec les représentants de toutes les communautés en Irlande du nord (Protestants et Catholiques) et le gouvernement de la République d'Irlande. Toute dévolution ne pouvait se concevoir qu'avec l'accord de toutes les parties, et un partage effectif du pouvoir entre elles. Le processus était nécessairement ardu, les deux camps étant divisés en leur sein, avec des branches armées qui n'épargnaient pas les populations civiles. Les gouvernements successifs exigeaient un cessez-le-feu avant d'entamer des pourparlers. Ils invitèrent également des médiateurs extérieurs, notamment américains. L'implication personnelle de Tony Blair, dès son arrivée au pouvoir, conduisit à la signature de l'accord du Vendredi Saint (accords de Belfast) en 1998, accord endossé par les deux communautés par voie référendaire.

A partir de 1999, ce sont donc de nouvelles scènes politiques qui se sont développées, favorisées par l'utilisation de modes de scrutin distincts du scrutin uninominal majoritaire à un tour (first-past-the-post, FPTP). Les députés au Parlement écossais (Members of the Scottish Parliament, MSP) et à l'Assemblée galloise (Assembly members, AM) sont élus selon l'additional member system (AMS), ce qui signifie que deux-tiers d'entre eux sont élus au FPTP, le tiers restant étant désigné à la représentation proportionnelle sur des listes régionales, venant compenser l'avantage conféré par le scrutin majoritaire au parti dominant. Ainsi, dès 1999, les Travaillistes écossais et gallois, largement majoritaires à la Chambre des Communes, n'obtinrent qu'une majorité relative de sièges. En Irlande du Nord, le gouvernement britannique imposa la représentation proportionnelle intégrale, gage d'équité parfaite entre les communautés, pour la désignation des Members of the Legislative Assembly (MLA).

Au-delà de ces modes de scrutin, les règles de fonctionnement de chaque assemblée invitaient les parlementaires à coopérer. Ainsi, les Travaillistes formèrent des coalitions avec les Libéraux-Démocrates, de 1999 à 2007 en Écosse, de 2000 à 2003 au pays de Galles. Les partis nationalistes, SNP et Plaid Cymru, devinrent les premiers partis d'opposition, alors qu'à Westminster, leur dizaine de députés était quasiment inaudible. Ils firent la preuve de leurs capacités et de leur volonté de défendre d'authentiques politiques de gauche, alors que les Travaillistes devaient composer avec le New Labour de Tony Blair. Enfin, les Conservateurs qui, en partie à cause de leur refus de la dévolution, avaient perdu tous leurs députés écossais et gallois à la Chambre des Communes en 1997, retrouvèrent une représentation grâce aux nouvelles assemblées, et entamèrent une révision de leur programme pour s'adapter à des scènes politiques dont le centre de gravité était plus à gauche qu'à Westminster. En Irlande du Nord, ce sont les deux partis qui avaient porté les accords de paix, UUP et SDLP, qui emportèrent le scrutin. Leurs leaders David Trimble et John Hume se virent d'ailleurs décerner le Prix Nobel de la Paix en 1998. En pratique, la méfiance réciproque et la question clé de la remise des armes eurent raison de cette première Assemblée, rapidement suspendue.

Qui plus est, chacune de ces scènes politiques ne tarda pas à manifester sa différence par les textes adoptés. Écossais et Gallois percevaient la dévolution non pas comme une fin, mais comme un moyen de restaurer la social-démocratie. Ils s'y employèrent, en s'affranchissant des lois de réforme des services publics adoptées sous les gouvernements de Margaret Thatcher et de John Major (comme le classement des écoles publiques, le marché interne au sein du système public de santé). Ils adoptèrent également des dispositions ayant des conséquences visibles dans la vie quotidienne des citoyens, en particulier la prise en charge de tout (Écosse) ou partie (pays de Galles) des droits d'inscription des étudiants (alors que ceux-ci s'envolaient pour les Anglais inscrits dans des Universités en Angleterre), l'octroi d'aides substantielles aux personnes âgées (gratuité des voyages en bus dans les trois nations périphériques, ainsi que la couverture des frais de soins personnels des personnes dépendantes en Écosse), ou encore la suppression du ticket modérateur sur les médicaments au pays de Galles (et en Irlande du Nord). Si ces décisions contribuèrent à souligner les différences entre les nations et, partant, à accroître le sentiment d'identité nationale anglaise, elles n'incitèrent pas les Anglais à se doter d'assemblées régionales, les habitants de la région du nord-est rejetant le projet qui leur était soumis lors d'un référendum en novembre 2004.

Les divergences s'accentuèrent à l'issue des troisièmes élections, en 2007. Le SNP parvint à conquérir une majorité relative de sièges, alors que la dévolution avait été conçue pour prévenir sa percée. Il forma un gouvernement minoritaire, qui lui permit de démontrer sa capacité à gouverner. Au pays de Galles, le Plaid Cymru ayant progressé, les Travaillistes acceptèrent de constituer une coalition avec lui. Ces deux gouvernements poursuivirent les réformes sociales-démocrates (s'inspirant des mesures adoptées dans l'autre nation, l'Écosse optant par exemple pour la gratuité des médicaments), tout en réclamant des réformes constitutionnelles. Ainsi, la coalition galloise obtint de Westminster un référendum proposant de doter l'Assemblée de pouvoirs législatifs, proposition entérinée le 3 mars 2011. En Écosse, le SNP tenta, en vain, de contourner les obstacles juridiques afin d'organiser un référendum d'autodétermination. Cependant, sa présence au pouvoir incita ses trois opposants à créer une commission de réflexion sur la poursuite de la dévolution du pouvoir. Les travaux de cette commission (Calman) inspirèrent le projet de loi (Scotland Bill) du gouvernement britannique qui accordait une plus grande autonomie fiscale à l'Écosse. Enfin, en Irlande du Nord, le DUP et le Sinn Fein, autrefois adeptes de solutions en marge de la légalité, et peu enthousiastes à l'égard du processus de paix, signèrent un nouvel accord en 2006. L'année suivante, devenus majoritaires, ils parvinrent à travailler ensemble à Belfast. De ce fait, le gouvernement britannique leur transféra des compétences supplémentaires, notamment en matière de police.

Dans ce contexte, les campagnes électorales précédant le quatrième renouvellement de ces trois assemblées, le 5 mai 2011, étaient caractérisées par des enjeux politiques et constitutionnels propres aux trois nations concernées. Qui plus est, leurs habitants avaient quelque raison de se méfier du centre, le gouvernement britannique étant désormais exercé par une coalition entre des Conservateurs toujours impopulaires en Écosse et au pays de Galles, associés aux unionistes en Irlande du Nord, et des Libéraux-démocrates ayant trahi leur positionnement de centre-gauche dans les périphéries (positionnement manifesté par la participation à des coalitions avec les Travaillistes). Si ces derniers demeuraient crédibles dans leur volonté de réforme constitutionnelle, les premiers avaient démontré à de multiples reprises dans le passé leurs réticences. Ils étaient de surcroît engagés dans un programme de réduction drastique des dépenses publiques, en contradiction avec les politiques sociales coûteuses menées par les assemblées périphériques.

Or la coalition avait un autre projet constitutionnel, également soumis aux électeurs par voie référendaire le 5 mai 2011 : la réforme du FPTP pour les élections à la Chambre des Communes. Plus exactement, les Libéraux-Démocrates avaient transformé ce référendum en condition sine qua non de leur participation à la coalition, alors que les Conservateurs demeuraient très attachés à un scrutin qui avait été adapté, mais jamais réformé. De ce fait, la proposition soumise à l'électorat, l'alternative vote (AV), apparaissait comme un compromis, puisqu'il était préférentiel mais pas proportionnel. C'était d'ailleurs le seul système qui avait été envisagé dans l'entre-deux-guerres, au moment de la recomposition de la scène politique britannique, lorsque les Travaillistes s'imposèrent comme deuxième force aux dépens des Libéraux. Gordon Brown, conscient que son parti était en passe de perdre les élections de 2010 à la Chambre des Communes, l'avait également évoqué dans les mois précédant le scrutin. Cependant, les Libéraux-démocrates prônaient un système proportionnel et plurinominal alors que les Conservateurs ne voulaient pas renoncer aux caractères uninominal et majoritaire du FPTP. Le nouveau système devait permettre une meilleure prise en compte des opinions minoritaires, sans nécessairement remettre en cause l'existence de majorités stables.

Cette consultation était originale dans un régime politique reposant sur la souveraineté parlementaire. Si les référendums relatifs à la dévolution étaient monnaie courante depuis les années soixante-dix, un seul référendum avait déjà été organisé au plan britannique, sur les renégociations des conditions de l'adhésion à la CEE, en 1975. Or le gouvernement travailliste de l'époque était divisé sur cette question, comme l'était la coalition sur la réforme du mode de scrutin en 2011. Ainsi, dans les deux cas, le référendum avait pour vocation de permettre au peuple de trancher un différend ouvertement affiché par les ministres.

Le gouvernement Cameron a choisi le premier jeudi de mai, traditionnellement consacré aux consultations électorales locales au Royaume-Uni. Il espérait ainsi stimuler la participation, sur une question relativement technique, qui ne passionnait guère les Britanniques. Vus du centre, Écossais et Gallois étaient réputés plus sensibles au mode de scrutin, étant déjà habitués à une grande diversité (la représentation proportionnelle intégrale étant par ailleurs utilisée pour les élections dans les collectivités locales écossaises). Cependant, les hommes politiques des périphéries craignaient que les élections destinées à renouveler les assemblées dévolues, en charge de domaines essentiels, ne fussent éclipsées par ce référendum britannique, sur une question secondaire.

Ce sont quatre campagnes électorales distinctes qui ont été menées. En Écosse, les Travaillistes, jusque-là bien placés pour profiter de l'usure au pouvoir des élus du SNP, ont rapidement été devancés par ces derniers. Qui plus est, en dernière minute, ils sont revenus sur leur position antérieure dans des domaines essentiels, semblant conforter l'universalité des services publics défendue par le SNP. C'est ce dernier qui a dominé la campagne, s'agissant des moyens financiers, des soutiens dans la presse et dans les milieux d'affaires. Les Libéraux-démocrates se sont trouvés immédiatement en difficulté, les électeurs ne pardonnant pas leur alliance avec les Conservateurs à Londres. Quant à ces derniers, une fois encore, ils ont tenté de convaincre l'électorat de leur évolution, de structure et d'image. Or tout en souhaitant mobiliser leur électorat naturel, ils devaient élargir cette base, plutôt étroite en Écosse, ce qui les a conduit à un positionnement ambigu.

Au pays de Galles, les deux partenaires de la coalition sortante se sont déchirés. Plaid Cymru, qui pouvait se targuer d'avancées constitutionnelles, prônait une nouvelle extension des pouvoirs de l'Assemblée, sur le modèle du Parlement écossais. Cependant, loin de défendre le bilan commun, il s'est opposé avec force aux Travaillistes car il craignait de subir les conséquences de sa participation au pouvoir. Les Libéraux-démocrates ont tenté de décrédibiliser la coalition galloise. Les Conservateurs ont cherché à marginaliser le parti nationaliste, se présentant comme les principaux adversaires des Travaillistes.

En Irlande du Nord, la coalition sortante était la première, depuis 1999, à pouvoir se prévaloir d'avoir mené à son terme la mandature. En dépit de leurs électorats radicalement distincts, les deux partis (Sinn Fein et le DUP) qui la composaient n'ont pas cultivé l'affrontement, faisant même front commun contre les velléités de violence. Désireux de reconstruire leur territoire, ils se sont consacrés aux enjeux économiques et sociaux, et non plus aux questions constitutionnelles, ce qui a été salué comme la marque d'une normalisation. Ils ont pris respectivement pour cibles principales l'autre grand parti de leur communauté, le SDLP et l'UUP, ce dernier subissant de surcroît les conséquences de son alliance avec les Conservateurs britanniques lors des élections à la Chambre des Communes de 2010.

Quant à la campagne référendaire, elle a donné lieu à un affrontement entre les deux membres de la coalition au pouvoir à Londres, affrontement qui a rapidement pris une tournure délétère. En effet, les Conservateurs s'en sont pris à titre personnel à Nick Clegg, leader des Libdems et vice Premier ministre, qualifiant de trahison les mesures qu'il avait acceptées à titre de compromis au sein de la coalition. David Cameron a toléré ces pratiques, qui donnait satisfaction à l'aile droite de son parti. Les Travaillistes étaient divisés tant sur le fond que sur la tactique. Nombre de partisans de la réforme en leur sein refusèrent de mener campagne aux côtés de Nick Clegg. Ces déchirements ont mis en échec la stratégie des partisans du projet qui, en soulignant que tout député devrait désormais recueillir 50% des suffrages, souhaitaient restaurer la crédibilité de la classe politique, mis à mal par le scandale des notes de frais. En pratique, ils ont éprouvé des difficultés à défendre des arguments relativement complexes, tels que la réduction du nombre de sièges que certains députés étaient assurés de conserver. Par contre, leurs adversaires se sont livrés à des simplications. L'AV a été accusé de favoriser la progression des petits partis, et par conséquent de l'extrême droite, tout en garantissant aux Libéraux-démocrates une participation au pouvoir. Qui plus est, sa mise en place était présentée comme un gaspillage, d'autant qu'elle était rapportée au coût de dépenses publiques essentielles comme la santé. Au-delà, l'AV remettrait en cause un système qui avait prouvé son efficacité tout au long de l'histoire du pays.

C'est donc sans surprise que les électeurs britanniques ont manifesté leur conservatisme et leur indifférence, en rejetant l'AV. Deux-tiers des 40 % de l'électorat qui s'était déplacé a voté 'non', les Anglais s'avérant plus réservés que les nations périphériques. Les Irlandais du Nord ont reconduit la seule coalition qui avait démontré ses capacités de fonctionnement depuis la dévolution, en lui accordant un nombre accru de sièges. Chacun des deux membres de la coalition a consolidé son avance dans sa communauté. Malgré son implication dans un scandale, et la perte de son siège à Westminster en 2010, Peter Robinson, First Minister et chef du DUP, s'est vu conforter. Certes, la participation était en chute, mais cela semblait prouver un alignement sur les pratiques britanniques. Les Gallois ont confié une majorité relative aux Travaillistes, comme ils l'avaient toujours fait depuis 1999. Cependant, ceux-ci, en progression, ont égalé leur meilleur résultat de 2003. Leur leader, et First minister, Carwyn Jones, est de fait devenu le dirigeant travailliste britannique ayant le plus d'ancienneté dans sa fonction. Par contre en Écosse, pour la première fois depuis une cinquantaine d'années, les Travaillistes étaient nettement devancés, le SNP obtenant une majorité absolue, ce que le mode de scrutin endossé par le gouvernement travailliste en 1998 était censé éviter. Le parti nationaliste semblait le plus susceptible de défendre les intérêts écossais, d'autant qu'il promettait que la question de l'indépendance serait tranchée dans un deuxième temps. A l'inverse, au pays de Galles, son homologue était en régression, victime de sa proximité avec les Travaillistes. Les Libéraux-démocrates perdaient du terrain, davantage en Écosse qu'au pays de Galles. Les Conservateurs demeuraient associés aux années quatre-vingt en Écosse alors qu'ils étaient parvenus à se forger une image distincte au pays de Galles. Ils ont profité de la défaite de Plaid Cymru pour reconquérir des zones rurales de l'ouest du pays, même si leur leader Nick Bourne a été battu.

Ainsi, le 5 mai 2011, les périphéries ont conforté leurs spécificités par rapport au centre, tout en se démarquant clairement les unes des autres. Au-delà de similitudes (assemblées locales, gouvernements de coalition, existences de partis nationaux), le nationalisme des électorats s'est traduit par des comportements divergents. En Écosse, cette élection lançait un processus d'autodétermination pouvant conduire au démantèlement du Royaume-Uni, avec des répercussions inéluctables et imprévisibles sur les autres nations. Or la dévolution conçue dans les années quatre-vingt-dix devait prévenir ce type de rupture. Dans le même temps, le centre semblait incapable de se réformer, l'échec du référendum relatif à l'AV empêchant tout débat sur le sujet sur le moyen terme.

Dans cet ouvrage, ces différents points sont analysés. En ce qui concerne l'Écosse, Gilles Leydier présente les résultats du scrutin du 5 mai 2011 en les replaçant dans une perspective historique, qui évoque la sociologie électorale de l’Écosse et l’image des partis. Nathalie Duclos montre les stratégies que le SNP a déployées pour parvenir à ses fins, insistant sur le ton positif, la maîtrise d’outils informatiques, sans oublier l’atout incomparable que constituait son leader Alex Salmond. Les raisons de la défaite des Travaillistes sont mises en évidence par Fiona Simpkins, cette défaite étant imputable autant à leur manque d’organisation, à leur leader en retrait, qu’à leur programme remanié dans la précipitation. L’autre perdant du scrutin est le parti libéral-démocrate. Annie Thiec attribue en partie son revers cinglant à la perte de sa capacité à se positionner comme une source d’innovation en matière de politique publique. Elle met également en exergue l’impact néfaste de la coalition qu’il a formée avec les Conservateurs de David Cameron au plan britannique. En effet, les Écossais continuent à associer ces derniers à un parti anglais et néo-libéral. Ils sont demeurés insensibles aux efforts de sa branche écossaise pour remodeler cette image, et pour retrouver une influence dans la vie politique écossaise, ce qu'explique Edwige Camp.

S'agissant du pays de Galles, Laura McAllister analyse le scrutin de mai, et le référendum qui l’a précédé, les deux étant étroitement liés, la nouvelle Assemblée devant faire usage des pouvoirs qui lui avaient été conférés. Elle impute à la dévolution l'acquisition progressive d'une maturité politique, la population étant plus enthousiaste à l'égard du référendum en 2011 qu'en 1997. Moya Jones situe l'élection de 2011 dans le paysage politique gallois, mettant en évidence la domination des Travaillistes qui exercent le pouvoir depuis 1999, tandis que Stéphanie Bory traite d'une question particulière, l’environnement, et des acteurs qui en assurent la défense et la promotion, tels le Parti vert et des groupes de pression.

Michel Savaric présente le scrutin en Irlande du Nord, en particulier l'évolution du positionnement des grands partis politiques et la persistance de groupuscules dissidents, tout en rappelant le contexte politique et social singulier et les termes du débat.

Au-delà des scrutins individuels, l’ouvrage permet également d’envisager les relations entre ces périphéries et un centre qui ne cesse de reporter sa propre réforme, au moment même où le SNP, fort de sa majorité absolue au Parlement écossais de Holyrood, promet un référendum sur l’indépendance de l’Écosse, en 2014. C’est Kenneth O. Morgan, membre de la Chambre des Lords, qui revient sur ces enjeux, notamment au plan financier, la formule Barnett, qui garantit la progression des dépenses publiques dans les nations périphériques, n'ayant jamais été révisée alors qu'elle est critiquée. Carwyn Jones, First minister gallois, confirme l'importance de ces thèmes, tant l'autonomie financière (désormais envisagée au pays de Galles) que les répercussions du référendum écossais pour l'ensemble du Royaume-Uni.

Enfin, Elizabeth Gibson retrace la genèse de la consultation référendaire, avant d'aborder les modalités et la portée du système proposé, ainsi que les difficultés rencontrées pour aboutir à un compromis ne satisfaisant personne.

Les scrutins du 5 mai 2011 démontrent la pertinence des propos de Ron Davies en 1998. Alors Secrétaire d'État au pays de Galles, il définissait la dévolution non pas comme un événement isolé, mais comme un processus. Par contre, les prévisions de son collègue George Robertson, en charge de l'Écosse au sein du Cabinet fantôme travailliste en 1995, selon lesquelles la dévolution devait anéantir les Nationalistes, sont démenties par les résultats du scrutin écossais. Quant à la question de la réforme du mode de scrutin, le rejet de l'électorat l'a une nouvelle fois mise à l'index.

Bibliography

Carwyn Jones. « Foreword »

Gilles Leydier. « 'It was not supposed to happen' : une mise en perspective historique des élections au Parlement écossais de mai 2011 »

Nathalie Duclos. « The Scottish Parliament Election of May 2011 : Internal Factors in the SNP's Victory »

Fiona Simpkins. « The 2011 Scottish Labour Campaign : Changing Tactics ? »

Annie Thiec. The Fourth Scottish General Election : a Challenging Campaign for the Scottish Liberal Democrats »

Edwige Camp. « La campagne des Conservateurs pour les élections au Parlement écossais de 2011 : un appel resté vain au bon sens populaire »

Laura McAllister. « The Fourth National Assembly Election in Wales »

Moya Jones. « The 2011 Assembly Election in Wales in Context »

Stéphanie Bory. « Les enjeux environnementaux lors des élections au pays de Galles : vert, vous avez dit vert ? »

Michel Savaric. « The 2011 Northern Ireland Assembly Election »

Lord Kenneth O. Morgan, « The Welsh Referendum and Territoriality in British Politics »

Elizabeth Gibson. « The 2011 AV Referendum or the Attempt to Change the UK Parliamentary Voting System »

Notes

1 Le terme est entendu au sens géographique. Return to text

References

Electronic reference

Edwige Camp-Pietrain, « Les consultations du 5 mai 2011 : l’unité du Royaume-Uni à l’épreuve du conservatisme du centre et des nationalismes de la périphérie », Individu & nation [Online], vol. 5 | 2013, . URL : http://preo.u-bourgogne.fr/individuetnation/index.php?id=255

Author

Edwige Camp-Pietrain

Professeur des Universités, CALHISTE (Valenciennes): EA 4343, Université de Valenciennes, FLLASH, Le Mont Houy, BP 311, 59313 Valenciennes Cedex 9 – edwige.camp [at] univ-valenciennes.fr

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