Guy Brucy, Françoise Laot et Emmanuel De Lescure, Mouvement ouvrier et formation. Genèses : de la fin du XIXe siècle à l'après Seconde Guerre mondiale, Paris, L'Harmattan, 2009, 150 p.

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Ce livre est la publication de la première partie des Actes d'un Colloque consacré à « Syndicalisme et Formation ». Un deuxième livre doit suivre, qui reprendra les contributions concernant l'après Deuxième Guerre mondiale.

Les premiers textes reviennent utilement sur les réflexions menées par des pionniers (Georges Sorel étudié par Hugues Lenoir) ou par des organisations d'éducateurs (les Amicales d'Instituteurs vues par Frédéric Mole) : dans quel sens faut-il orienter l'éducation pour qu'elle soit en concordance avec le monde moderne et qu'elle permette l'émancipation des travailleurs ? Si les uns et les autres insistent sur l'introduction de l'étude des sciences à l'école, sur la nécessité de rapprocher l'école de la vie sociale, ils refusent néanmoins de réduire l'école à un apprentissage de métier. Sorel insiste aussi sur la nécessaire indépendance des écoles vis-à-vis du pouvoir. Il préfèrerait que le syndicat prenne en main les questions d'éducation de façon à éviter que « l'Etat bourgeois n'empoisonne le cerveau de l'enfant du prolétaire ». L'école de Jules Ferry n'est donc pas perçue comme « libératrice », accusée, autant que les Eglises, de répandre certains dogmes : le culte de la patrie, de l'armée, de la propriété individuelle.

Lucien Mercier, par ailleurs auteur d'une thèse sur la question (en 1986), retrace l'essor des Universités populaires (1899-1914) et en même temps explique la déception des ouvriers qui avaient l'impression de recevoir « la bonne parole » de bourgeois soucieux de moraliser la classe ouvrière plutôt que de lui permettre de devenir autonome. Cette insatisfaction explique la création par la CGT, en 1932-33, du Centre confédéral d'éducation ouvrière (CCEO), étudié par Morgan Poggioli. Considérant toujours l'école publique comme celle de la classe dominante, la CGT tente d'œuvrer à l'émancipation intellectuelle des travailleurs. L'institution, qui doit beaucoup à Ludovic Zoretti, militant syndical et professeur à l'université de Caen1, est dirigée par Georges Lefranc. En province, les Collèges du Travail vont démultiplier cet effort d'éducation. Les militants plébiscitent l'initiative en s'inscrivant en nombre. Outre les cours oraux, sont proposés des cours par correspondance et des publications. Dans le but de former les nouveaux syndiqués qui affluent après mai-juin 1936, l'une d'entre elles sera tirée à 1 million d'exemplaires. Les nouveaux adhérents demandent notamment le renforcement de la partie culturelle des programmes : chant, solfège, théâtre et même visites de monuments. Grâce à Marceau Pivert, le CCEO disposera d'un temps d'antenne à la TSF. Appuyé par Léo Lagrange, Sous-secréaire d'Etat aux loisirs, le CCEO tiendra même des semaines internationales d'études à Pontigny dans l'Yonne. La guerre met fin à ces expériences.

Une autre institution, l'Eglise catholique, après son tournant de 1891 vers le christianisme social (Encyclique Rerum Novarum ), se préoccupe aussi d'éducation ouvrière et syndicale. Bruno Poucet revient sur la formation syndicale à la CFTC, Michel Chauvière et Bruno Duriez sur le rôle de la mouvance JOC (des années 40 aux années 50), enfin Joceline Chabot sur la formation dans les syndicats féminins chrétiens, dans la première moitié du XXe siècle. Toutes ces contributions, riches et bien écrites, dues à des chercheurs ou chercheuses confirmés, jettent un éclairage utile sur un secteur renouvelé récemment par des thèses ou des études importantes.

Notes

1 La fin de vie de Zoretti est malheureusement entachée par un engagement très actif dans la Collaboration (voir par exemple Pascal Ory, Les Collaborateurs, Seuil, Points-Histoire, 1976, p.141, p.144). Return to text

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References

Electronic reference

Jean-Paul Salles, « Guy Brucy, Françoise Laot et Emmanuel De Lescure, Mouvement ouvrier et formation. Genèses : de la fin du XIXe siècle à l'après Seconde Guerre mondiale, Paris, L'Harmattan, 2009, 150 p. », Dissidences [Online], Février 2012, Nos archives : le mouvement syndical, 03 November 2011 and connection on 21 November 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=747

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Jean-Paul Salles

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