François Le Gros, La LCR à Caen de 1973 à 1978, maîtrise, Université de Caen, 1990-1991, 143 p. annexes (chronologie, bibliographie et documents, environ 50 p.)

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Trotskysme

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Malgré son ancienneté, ce travail avait échappé au dernier recensement bibliographique sur le trotskisme en France auquel notre revue avait participé (in Cahiers Léon Trotsky n°79, décembre 2002, p. 82-90). Réalisée par un militant qui a été le témoin de cette histoire, mais qui est en même temps historien – professeur d’histoire, François Le Gros a réalisé plusieurs ouvrages sur l’histoire de Caen et de sa région pendant la Deuxième Guerre mondiale notamment –, cette maîtrise a de nombreux mérites. Le choix des documents publiés est très pertinent : par exemple l’extrait de Plein Phare – bulletin des cellules Saviem du PCF – illustre la haine extraordinaire que vouaient les militants (ou les dirigeants ?) de ce parti à ces gauchistes qui prétendaient s’implanter dans les usines. De même les 43 pages d’une chronologie extrêmement précise ne peuvent que rendre de très grands services aux historiens de Caen et de sa région. Pour mener à bien son étude, l’auteur ne s’est pas contenté de la presse (Ouest-France, Paris-Normandie, Caen 7 Jours, Humanité Dimanche 14 et les journaux militants nationaux et régionaux), il a interviewé les témoins (là aussi militants révolutionnaires et d’autres : ainsi il a vu Louis Mexandeau, incontournable député PS de Caen), et il a eu accès aux bulletins intérieurs locaux de la LCR. Nous aimerions d’ailleurs bien savoir où ils sont conservés, manifestement pas aux Archives départementales du Calvados, que l’auteur ne semble pas avoir fréquentées. Ce travail, qui mériterait une plus grande visibilité, apporte de nombreuses précisions sur une section de la Ligue originale. Héritière d’un des groupes provinciaux de la JCR les plus importants – Caen venait immédiatement après Toulouse et Rouen -, animée par des militants hors pair, dont Yves Salesse, aujourd’hui président de la Fondation Copernic, la LCR de Caen s’est développée dans une ville en plein essor, la région de Basse-Normandie bénéficiant dans les années 1960 des nombreuses créations d’emplois liées à la décentralisation. Les effectifs de l’usine Saviem par exemple, sont passés de 952 à 4000 ouvriers entre 1963 et 1968. Dès janvier-février 1968, une lutte ouvrière importante, annonciatrice de mai 68, secoue cette usine et la ville. Précocement la jonction se fait entre ouvriers et étudiants (Voir la maîtrise de Gérard Lange, Mai 68 à Caen, et sa contribution, « L’exemple caennais », in Dreyfus-Armand G., Gervereau L., Mai 68. Les mouvements étudiants en France et dans le monde, Paris, BDIC, 1988). Cette jeune classe ouvrière, assez éloignée de la CGT et de la tradition communiste orthodoxe, va se laisser séduire pour certains par une CFDT considérée comme plus « à gauche », et pour d’autres par les gauchistes. Ainsi, la LCR de Caen – tout en ne dépassant jamais les 40 militants – est rejointe par un des principaux dirigeants ouvriers de la Saviem, Alain Adélaïde, ou encore par le principal dirigeant syndical de l’imprimerie Caron Ozanne. Nous sommes donc en présence d’une section plutôt masculine et ouvrière. Cette particularité, ajoutée à la relative faiblesse du PC dans ces terres bas-normandes, explique sans doute les luttes ouvrières longues et inventives menées aux PTT, chez Caron Ozanne, ou encore chez Piron à Bretoncelles (Orne), petite entreprise de sous-traitance pour l’automobile, dans ce dernier cas à l’initiative d’un militant de la LCR, Antoine R. Prenant exemple sur Lip, les ouvriers de Caron Ozanne ont remis leur entreprise en marche, éditant des tracts et des journaux pour les syndicats et les partis de gauche et d’extrême gauche…sans exclusives. Ils tiendront presque un an (juin 1975-mai 1976), popularisant l’idée de contrôle ouvrier. Le militantisme des révolutionnaires ne se limite pas aux usines. Ils sont présents aussi, avec d’autres, dans le Crilan – Comité régional de Lutte Anti-nucléaire – qui mène une lutte tenace contre l’installation du Centre de retraitement des déchets nucléaires de la Hague, mais aussi contre la construction de la centrale nucléaire de Flamanville, dans le Cotentin. A Caen, le panorama de l’extrême gauche ne se limite pas à la LCR. En effet cette ville a vu se développer une des sections de province les plus importantes de l’OCR (Organisation communiste Révolution !), devenue l’OCT (Organisation communiste des travailleurs) en décembre 1976. Et là, l’auteur nous laisse sur notre faim : il nous en dit peu sur la naissance de cette organisation, dont la majorité des militants semblent provenir du PSU local. En 1976, les effectifs de l’OCT sont deux fois supérieurs à ceux de la Ligue. On ne connaîtra pas non plus les raisons du retour des militants de l’OCT (tous ? une partie ?) à la LCR en 1979-80. On aimerait, bien évidemment, en savoir plus. Malgré ces vicissitudes, les révolutionnaires – la majorité d’entre eux – sauront s’unir lors des municipales de 1977, et la liste OCT-LCR-LO, menée par le jeune cheminot de l’OCT François Verney fera le beau score de 7,69% des suffrages exprimés, culminant à 12,9% ou 10% dans les quartiers ouvriers de la Guérinière et de Calmette. Un travail précieux, dont nous souhaiterions la refonte, sous forme d’article, pour une publication, pourquoi pas, dans les colonnes de Dissidences. En tout cas un travail qui devrait inciter un historien à se lancer dans l’étude, non encore réalisée, à notre connaissance du moins, de Révolution ! et de l’OCT.

References

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Jean-Paul Salles, « François Le Gros, La LCR à Caen de 1973 à 1978, maîtrise, Université de Caen, 1990-1991, 143 p. annexes (chronologie, bibliographie et documents, environ 50 p.) », Dissidences [Online], 2 | 2011, . URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=184

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Jean-Paul Salles

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