Le théâtre de la Guerre d’Espagne : entre propagande et renouveau (César M. Arconada et Germán Bleiberg)

  • The Theatre of the Spanish War: Between Propaganda and Renewal (César M. Arconada and Germán Bleiberg)

Résumés

Après des années d'assoupissement et de léthargie, le théâtre est amené à jouer un rôle non négligeable pendant la Guerre d'Espagne ; il recouvre une vigueur nouvelle et trouve l'occasion de créer un répertoire original, tout en tentant de reconquérir un public populaire. Cet article nous invite à découvrir deux pièces de ce théâtre d'urgence, La Conquista de Madrid, de César M. Arconada, et Sombras de héroes, de Germán Bleiberg, des œuvres pleinement représentatives du théâtre de guerre — ce théâtre politique proche de l'Agit-prop, écrit dans l'urgence du combat —, mais qui font aussi entendre une voix différente et poétique. Elle montre que propagande et renouveau ne sont pas (nécessairement) antagoniques.

After years of drowsiness and lethargy, the theatre was going to play quite an important role during the Spanish civil war; it found a new vigor and had the opportunity to create an original repertoire while trying to reconquer a popular audience. In this article we shall discover two of these plays, La Conquista de Madrid by César M. Arconada, and Sombras de héroes by Germán Bleiberg which are both highly representative of war theatre − this political theatre close to Agit-prop, written in the haste of the struggle − and also offering a different and poetical voice, showing that propaganda and revival are not (necessarily) antagonistic.

Plan

Texte

No alcanzaréis su estirpe con vuestra torpe mano:
la Libertad del hombre está más alta que la soberbia ciega
como lo está la luz mucho más que la sombra en los bosques inmensos
.
Arturo Serrano Plaja, Canto a la Libertad, 1937.

La Guerre d’Espagne a, depuis longtemps, intéressé les chercheurs et les historiens qui en ont proposé des études variées et approfondies, multipliant les points de vue et les analyses, depuis les perspectives purement politiques et idéologiques, jusqu’à la prise en compte des dimensions sociales et internationales du conflit. La culture de la Guerre a, elle aussi, ses historiens qui ont mis en avant le lien étroit qui, dans le camp républicain, a uni le combat proprement politique et belliqueux et l’engagement culturel. La littérature et, en particulier la poésie ou le roman, comme l’art, ont fait l’objet d’études nombreuses, dont certaines de très grande valeur. Mais il est un absent dans ce panorama, le théâtre, qui n’a jamais, de son côté, bénéficié du même intérêt, malgré quelques œuvres d’une indéniable qualité, dont celle, pionnière, de Robert Marrast.

Pourtant, le théâtre a joué un rôle non négligeable pendant les trois ans du conflit au cours desquels il recouvre une vigueur nouvelle, après les années d’assoupissement et de léthargie. À la fin de la période républicaine, le théâtre ne représente plus qu’une pratique culturelle qui s’est essoufflée et qui voit les quelques manifestations d’avant-garde (celles de Valle-Inclán, de Lorca, d’Alberti ou encore de Rivas Cherif dans le domaine de la mise en scène) céder le pas face à un répertoire bourgeois et commercial, conservateur qui plus est, aux antipodes de toute modernité. Il s’est surtout éloigné de son public populaire, plus intéressé par d’autres spectacles, dont le cinéma, son grand rival. Le théâtre espagnol semble avoir perdu son pari d’allier la recherche esthétique et l’intérêt d’un public de masse. Dès le 18 juillet 1936, pourtant, la Guerre lui offre la possibilité de relever ce double défi. C’est là tout le paradoxe de cet art qui trouve dans ces circonstances dramatiques l’occasion de créer un nouveau répertoire et de reconquérir un public populaire. L’adéquation entre les attentes politiques, la question du renouveau artistique et la réception du public n’est pas aisée à trouver, d’autant que la guerre rend l’organisation de la vie théâtrale difficile. De là, les contradictions, les déceptions, les ratés, mais aussi les indéniables réussites de ce théâtre d’urgence qui lutte contre l’ankylose du passé tout en se mobilisant contre le fascisme.

Les auteurs qui se consacrent à cette tâche sont, pour la très grande majorité, des intellectuels engagés sur le terrain des lettres et sur celui du combat politique. Aux côtés des grands noms de la culture espagnole des années 30 (Rafael Alberti, Miguel Hernández, Max Aub, María Teresa León…), on voit apparaître des auteurs moins connus, pour beaucoup des poètes, qui se mettent au service de ce devoir de guerre : créer cette littérature d’urgence que la nouvelle situation du pays requiert. César M. Arconada et Germán Bleiberg sont deux de ces intellectuels engagés, jusqu’alors surtout connus pour leur œuvre poétique ou romanesque, qui se tournent vers le théâtre. Le premier rédige La Conquista de Madrid, quelques mois après avoir publié, en février 1936, Tres farsas para títeres, alors que le second crée une œuvre inspirée du bombardement meurtrier sur Guernica, en avril 1937, Sombras de héroes.

Peu connues de la critique, ces deux pièces sont, à la fois, pleinement représentatives du théâtre de guerre, ce théâtre politique proche de l’Agit-prop, écrit dans l’urgence du combat, mais elles font aussi entendre une voix différente et poétique qui, au réalisme habituel dans ce genre de répertoire, allie une dimension symbolique plus étonnante. Elle montre que propagande et renouveau ne sont pas (nécessairement) antagoniques.

1. Un théâtre d’urgence

Dès les jours et les semaines qui suivent le soulèvement nationaliste du 18 juillet, s’exprime dans le camp républicain une double nécessité : résister, bien sûr, aux attaques des adversaires, mais mener aussi simultanément un second combat, éduquer les masses. C’est le sens du discours du Ministre de Instrucción Pública, Jesús Hernández, du PCE, prononcé le 14 septembre et repris par le journal La Voz :

L’objectif des combats actuels n’est pas seulement la conquête des biens matériels, mais aussi celle des biens de l’esprit : l’appropriation de la culture, de l’art et de toutes les créations de l’intelligence. Aujourd’hui, la République démocratique, créée pour le peuple et qui fonctionne au service du peuple, revendique pour les masses populaires les biens qui ont été créés pour elles et qui, de ce fait, leur appartiennent1.

Jesús Hernández reprend dans ce discours des déclarations faites quelques jours auparavant, au cours desquelles il lançait déjà un appel clair aux intellectuels, invités à se mettre au service du peuple : « en cette époque de guerre civile, il faut lancer au plus vite un plan d’agitation et de propagande en nous nous appuyant sur la Musique, le Théâtre, le Cinéma et sur les consignes fondamentales du Front Populaire »2. Cet appel, les intellectuels l’ont entendu et on assiste vite à une mobilisation des artistes et des créateurs au nom de la cause républicaine, que ce soit à travers leur propre production, à travers la presse (qui connaît une explosion sans pareil), des meetings, des manifestations, des spectacles ou via les nombreuses associations et organisations qui sont alors créées et qui sont autant de signes de cet immense effort politique et culturel, porté par les intellectuels et les dirigeants politiques.

On doit l’une des initiatives les plus importantes à la Alianza de Intelectuales Antifascistas qui, à travers son comité de Agitación y Propaganda Interior, crée, dès la fin août 1936, la revue emblématique El mono azul. C’est grâce à elle, on le sait, que des récitals de poésie sont donnés, que l’on distribue des livres aux combattants et que l’on organise très vite des représentations théâtrales et des projections de films sur les zones de front et à l’arrière. Conscient, pour sa part, du rôle fondamental que peut jouer la radio dans la mobilisation de la population et dans la diffusion d’une culture de masse, l’État met en place le fameux Altavoz del Frente, un organisme qui dépend du service de propagande du Ministère de la Guerre et qui, dès les premiers jours de septembre 1936, propose chaque soir de nouvelles émissions sur les ondes de Unión Radio Madrid. Au programme, des débats, des conférences, des chants et des poèmes, pour porter haut et fort auprès des combattants la voix de cette nouvelle culture de guerre qui trouve dans la radio un moyen efficace de propagande et de publicité. Le succès est au rendez-vous et, très vite, un camion blindé, équipé de puissants haut-parleurs se déplace jusqu’aux premières lignes de front, bientôt suivi de nombreux autres. C’est le début d’une intense activité de propagande auprès des soldats, dans laquelle le théâtre va jouer un rôle important. Enfin, parmi les autres initiatives de ces premiers mois de guerre, il faut citer encore les Milices de la Culture, créées en janvier 1937 et destinées à éradiquer l’analphabétisme parmi les combattants et à élever leur niveau culturel, comme l’indique le décret d’instauration qui rappelle que « le combat que l’État et le peuple espagnol ont engagé est aussi, et pour une grande part, un combat pour la culture du peuple »3.

Si ces actions se multiplient à partir du 18 juillet, elles ne naissent pas ex nihilo. Elles ont été précédées par d’autres entreprises du même ordre, pour beaucoup apparues pendant le régime républicain et qui toutes s’inscrivent dans une perspective d’agit-prop, sur le modèle de ce qui a pu se produire, par exemple, en Union Soviétique au moment de la Révolution de 1917 ou, quelques années plus tard, en Allemagne ou en Italie. La fonction politique, voire révolutionnaire, de ces activités culturelles est claire, comme le souligne Christopher H. Cobb, spécialiste de ces questions. Il explique que

l’on peut décrire l’ensemble de ces activités comme des manifestations publiques destinées à éveiller les consciences et à favoriser le ralliement et la combativité de la population. Elles coïncident avec l’apparition d’un art civique dont l’objectif était de légitimer la révolution. Destinées à un public de masse, elles cherchaient à susciter une réaction active et la participation des citoyens dans le processus révolutionnaire4. (Cobb 1992-1993 : 238)

Parmi les activités d’agit-prop apparues en Espagne avant 1936, un grand nombre est lancé à l’initiative du Parti Communiste Espagnol ou d’artistes et d’intellectuels qui en sont proches. Ils s’inspirent de manifestations qui ont lieu dans d’autres pays européens et qu’ils connaissent pour certains très bien, grâce à des voyages ou des lectures assidues de ce qui se passe dans ces autres pays. C’est le cas de César et Irene Falcón, Rafael Alberti, María Teresa León, José Bergamín, Max Aub ou Miguel Hernández. On doit, par exemple, à Rafael Alberti et María Teresa León le projet de constitution d’une compagnie théâtrale révolutionnaire, baptisée Octubre et qui ne verra pas finalement le jour, mais qui avait pour objectif la représentation dans des villages et des usines d’un répertoire révolutionnaire. Ils présentent leur projet dans le numéro d’octobre-novembre 1933 de la revue Octubre, qu’ils ont tous deux fondée à leur retour d’un voyage en Europe financé par la Junta de Ampliación de Estudios, qui les a menés à Amsterdam, à Moscou et à Berlin :

Notre compagnie sera originale de par sa composition, mais aussi de par son esprit et son orientation artistique. Nous voulons lancer un théâtre nouveau : le théâtre des travailleurs, le théâtre qui, sous ses multiples formes, mette en scène tous les modes de vie des classes sociales qui luttent pour échapper à la misère5. (Aznar Soler 2007 : 39)

Le groupe théâtral Nosotros, apparu pendant la République et dirigé par César et Irene Falcón, est un autre exemple, le plus emblématique, mais il n’est pas unique. Il n’est pas étonnant que, en Espagne comme ailleurs, le théâtre soit au cœur de ce processus politique qui prétend mobiliser les masses populaires et les rallier à la cause de la révolution par le biais de la culture. Avec des moyens réduits (des acteurs ou des marionnettes et, au mieux, quelques tréteaux, une scène mobile, des accessoires…), il permet ce contact direct entre l’œuvre et le public. Le message politique et culturel qu’englobe la pièce trouve en lui un tremplin efficace, car il est aussi divertissement et c’est sur un mode récréatif − et parfois comique − que la communication s’établit. Elle en est nécessairement renforcée, d’autant que, nous le verrons, ce théâtre de propagande obéit à des schémas de construction et de création assez semblables.

Toutes les initiatives théâtrales apparues pendant la République en marge du théâtre commercial majoritaire n’entrent évidemment pas dans la catégorie de l’Agit-Prop, mais elles reposent pour beaucoup sur cette volonté de rapprocher la culture du public populaire en allant à sa rencontre, comme les dirigeants politiques de la première période progressiste, puis ceux du Frente Popular le préconisent. Des mouvements tels que les Misiones Pedagógicas (qui comptent une section théâtrale, baptisée Teatro del Pueblo, et une section de théâtre de guignols, dirigées respectivement par Alejandro Casona et Rafael Dieste), La Barraca, qui a à sa tête García Lorca, et El Búho, tous deux issus de la Federación Universitaria Escolar, la FUE, ou encore la Tarumba, (une compagnie de guignols, d’abord baptisée Octubre et dirigée par Miguel Prieto) s’inscrivent dans cette perspective que le théâtre de la guerre entend prolonger et dépasser, en renforçant sa dimension révolutionnaire et sa portée. Les initiateurs et les animateurs de ces groupes qui réapparaissent au début de la guerre sont souvent les mêmes que précédemment, ce qui n’est pas surprenant si l’on songe que faire du théâtre ne s’improvise pas tout à fait et que ces intellectuels, ces artistes et ces auteurs sont sensibilisés à cette question de l’engagement et de l’urgence de la mobilisation. Avec eux, le théâtre entre en guerre dès les premiers jours du conflit.

Dans son essai très détaillé et documenté, El teatre durant la guerra civil espanyola, Robert Marrast recense les premières représentations de ce théâtre révolutionnaire, comme, par exemple, celles organisées à Madrid par le groupe Teatro Popular, dirigé par Pedro Galeote et Luis Mussot, en septembre 1936. Fondée au début de l’année 1936, cette compagnie a un objectif clair, en pleine harmonie avec les circonstances nouvelles que connaît l’Espagne :

Le Théâtre Populaire se propose de faire connaître au peuple les œuvres les plus remarquables du théâtre classique espagnol et étranger (ce dernier, traduit dans notre langue).
Le Théâtre Populaire se propose d’apporter son aide morale et matérielle aux nouveaux auteurs pour que puissent être représentées les pièces en accord avec le mouvement social que nous sommes en train de vivre et celles dont le contenu dénote un progrès ascendant.
Le Théâtre Populaire se propose également de faire connaître les œuvres bourgeoises qui esthétiquement méritent d’être connues par le prolétariat6. (Marrast 1978 : 19)

Entre autres représentations, on doit à cette compagnie la mise en scène d’une pièce intitulée 4 batallones de choque, qui est jouée dans différents quartiers de Madrid, à l’arrière d’un camion. Écrite par un auteur anonyme, cette pièce courte est représentative de ce théâtre d’agit-prop, autant pour son contenu (une intrigue simple, directement inspirée de la guerre) que par ses conditions de représentation, dans la rue et avec la participation du public7. Toutes les représentations organisées par ces différents groupes ne le sont pas dans les mêmes conditions et beaucoup ont lieu, bien évidemment, dans des salles de théâtre, mais une grande partie entre dans cette nouvelle catégorie du théâtre de guerre, qu’il s’agisse de ce théâtre d’urgence ou de pièces plus anciennes, comme, par exemple, Fuenteovejuna, de Lope de Vega, mise en scène par la compagnie Nueva Escena, entre septembre 1936 et janvier 1937.

Ce n’est pas là, pourtant, le seul répertoire que le public madrilène ou barcelonais peut applaudir pendant ces premiers mois de guerre. Car ces initiatives originales d’un théâtre mis au service de la cause républicaine ne peuvent masquer la réalité du théâtre espagnol de l’époque : la très grande majorité du théâtre qui est alors joué s’inscrit dans la prolongation désolante du répertoire d’avant-guerre. Les zarzuelas, les saynètes, le théâtre comique et les comédies bon enfant qui hantent les salles du pays depuis des décennies continuent à faire les beaux jours des théâtres, alors même que le pays est en guerre. Certaines de ces œuvres présentent d’indéniables qualités, mais beaucoup se contentent d’exploiter sans vergogne un modèle archi codifié de théâtre de pur divertissement qui, à l’originalité et à l’art, préfère depuis longtemps le ronron rassurant d’un répertoire bourgeois sans surprise et sans grande saveur. Il n’est pour s’en convaincre que de consulter les programmes de théâtre de l’époque où, aux côtés d’une pièce de théâtre révolutionnaire, on trouve un nombre infini de ces piécettes jouées sans surprise depuis de si nombreuses années. La Revoltosa, une zarzuela de Carlos Fernández Shaw et José López Silva, de 1897 (!), est au programme de quatre théâtres madrilènes, entre février et mai 1937, comme La gatita blanca, de José Jackson Veyán et Jacinto Capella, une autre zarzuela de 1905, donnée en mai 1937. En décembre 1937, alors que l’on joue au Théâtre de la Zarzuela Sombras de héroes, de César M. Arconada, on donne dans un autre théâtre de Madrid, El genio alegre, une pièce de 1906, des prolifiques frères Álvarez Quintero. Ces quelques pièces, parmi celles, nombreuses, qui continuent de remplir les théâtres de Madrid, ne sont pourtant pas ce que le théâtre espagnol a produit de plus mauvais, loin de là, mais qu’on les retrouve encore, 30 ou 40 ans après leur première, au répertoire montre bien toutes les difficultés qu’a le théâtre espagnol à se renouveler, y compris dans des moments de crise, comme la guerre. On aura beau répliquer − avec raison − que le divertissement n’est pas incompatible avec la guerre, il n’empêche.

Le décalage entre le répertoire léger et souvent médiocre et les pièces engagées de l’Agit-Prop ou du théâtre d’urgence est trop important pour que l’on n’y décèle pas le signe d’un malaise plus profond, qui tient à la conception même du théâtre et à ses conditions d’organisation. Il fait l’objet, depuis bien des années avant le début de la guerre, d’un débat nourri dans la presse et chez les intellectuels qui se désolent de cet état de choses. La question rejaillit dès le début de la guerre devant le spectacle jugé affligeant qu’offrent les théâtres espagnols où, aux côtés des quelques œuvres nouvelles, continue à s’afficher le même répertoire que par le passé. Ce décalage, nombreux sont les intellectuels, les journalistes, les auteurs et responsables politiques et syndicaux à en prendre conscience et à le dénoncer. De là jaillissent les premières initiatives que nous avons évoquées, comme la création de nouvelles compagnies et la mise en scène de ce théâtre d’urgence, mais aussi des mesures pour encadrer l’organisation de la vie théâtrale. À Madrid, les deux syndicats majoritaires de l’industrie des spectacles, la Federación Española de la Industria de Espectáculos Públicos (qui dépend de la UGT) et le Sindicato Único de la Industria Cinematográfica de Espectáculos Públicos (lié à la CNT) prennent en charge l’exploitation des salles de spectacles. C’est, en particulier, au Comité de Control e Incautación, aux mains de la CNT, que revient cette tâche et, dès lors, une compagnie sur deux fonctionne comme une coopérative, alors que, à Barcelone, est décidée une collectivisation des théâtres (Marrast 1978 : 16 sq. et 105 sq.). Ces nouvelles mesures, pourtant radicales, ne suffisent pas à l’émergence d’un théâtre nouveau, car les syndicats à la tête de cette organisation originale sont plus préoccupés par la question de la défense des conditions de travail de leurs membres, que par celle du répertoire à mettre en place. Au prétexte de garantir un salaire pour les travailleurs et d’assurer une offre de divertissements à la population civile, on continue donc à représenter le même répertoire éculé, sans davantage se préoccuper de la contradiction qu’il peut y avoir entre combattre, au nom de la lutte antifasciste et des valeurs du prolétariat, le camp nationaliste et voir représenter un spectacle aux antipodes de toute modernité et de toute dimension révolutionnaire.

Erwin Piscator s’en étonne lors du voyage qu’il effectue à Barcelone, en décembre 1936. Il y découvre effaré les programmes des théâtres et la place que l’on continue d’accorder, malgré les quelques initiatives d’intérêt, aux spectacles de divertissement et de variétés, lui qui considère que « le répertoire qu’il faut offrir aux soldats ne doit pas les distraire de leur devoir et des besoins de la révolution, mais au contraire leur en faire prendre conscience »8 (Marrast 1978 : 127). Mais le public n’est sans doute pas prêt à voir jouer des œuvres par trop différentes de celles auxquelles il est habitué depuis des décennies et qui constituent un répertoire ‘prêt à l’emploi’, qu’il est aisé pour tous, acteurs, directeurs de compagnie et spectateurs, de reprendre. La facilité et l’habitude expliquent donc sans doute bien des choses, comme également le peu de considération apportée à l’importance de l’effort culturel, en dépit des messages nombreux et répétés par certains dirigeants politiques et par les intellectuels.

C’est pourquoi, parmi les objectifs les plus urgents, il en est un essentiel, au cœur de tout le mécanisme théâtral, celui du répertoire original qui est encore à créer pour être à la hauteur des circonstances. Si des efforts sont faits pour trouver dans le répertoire classique des pièces de qualité et si l’on se tourne vers des auteurs étrangers (souvent russes) ou des dramaturges espagnols plus récents (Galdós, Dicenta…, ce qui n’est pas ce que le théâtre espagnol produit pourtant de plus novateur), cela ne suffit pas. Il faut aussi renouveler le répertoire pour créer cette production nouvelle que tous les intellectuels appellent de leurs vœux. C’est là une condition essentielle, que les circonstances mêmes de la guerre rendent difficile. Écrire des poèmes de guerre pour alimenter le Romancero de la Guerra, que l’on soit un « poeta de oficio » ou un « poeta incipiente » pour reprendre les termes de Serge Salaün (Salaün 1974), ne requiert pas l’effort (en temps du moins) que celui que demande l’écriture d’œuvres théâtrales, aussi courtes soient-elles. Et il est plus facile sans aucun doute de s’improviser poète qu’auteur de théâtre, ce qui demande quelques compétences techniques ou professionnelles. Quant aux auteurs ‘professionnels’ qui, eux, peuvent prétendre écrire ce théâtre de guerre, ce sont souvent aussi des combattants engagés sur le front et à l’arrière et qui n’ont que peu de temps à consacrer au théâtre. Ce ne sont là que quelques-unes des raisons qui expliquent que le répertoire de guerre, créé entre 1936 et 1939 dans le camp républicain, pèse numériquement si peu face aux milliers d’œuvres que compte le théâtre commercial, mais elles permettent de comprendre le retard pris dans ce domaine. C’est pourquoi tous les intellectuels engagés insistent en de nombreuses occasions sur cette nécessité, créer un théâtre de circonstances. Dès le mois de septembre 1936, le groupe Altavoz del Frente tout juste formé lance cet appel relayé dans la presse :

Maintenant que sont formés les groupes de théâtre qui vont travailler sur les fronts, dans les casernes, les hôpitaux ou les centres ouvriers…, il nous faut des œuvres. C’est aux auteurs, aux écrivains antifascistes, à tous ceux, ouvriers ou intellectuels, qui pensent collaborer à cette entreprise que Altavoz del Frente les demande. Ces œuvres doivent être courtes, durer entre 15 et 20 minutes et obligatoirement mettre en scène la lutte contre le fascisme ou exalter l’héroïsme du peuple. Elles doivent être envoyées au bureau de Altavoz del Frente, 62 rue d’Alcalá9.

Dans la forme comme dans le contenu, les modalités requises sont précises, un théâtre court, dont le thème doit être d’actualité, pour contribuer à l’effort de guerre. Mais à cela s’ajoutent les conditions de représentation difficiles, notamment sur le Front, qui conditionnent, elles aussi, le genre de théâtre à créer. C’est ainsi que certaines de ces pièces ne comptent que quelques pages et un nombre de personnages limité, quand elles ne se réduisent pas à un récitatif qui ne réunit parfois qu’une ou deux voix. Il en est ainsi des pièces très courtes réunies dans le volume El Retablo Rojo de Altavoz del Frente, publié à Valence en 1937. Elles sont précédées d’un prologue de Francisco Martínez Allende qui insiste sur l’étroite relation qui doit exister entre les circonstances présentes, la guerre, et le type de théâtre qui doit être écrit et qui doit obéir à un objectif clair, la propagande antifasciste :

Vers où nous tourner ? Eh bien, vers une forme de théâtre qui sans nécessiter d’éléments particuliers nous permettrait de commencer le travail immédiatement et de manière efficace. Voilà pourquoi nous avons choisi le théâtre récitatif, où alternent une ou plusieurs voix, car nous avons conscience que cette forme de théâtre des plus primitives, dont le seul mode d’expression est la voix de l’acteur, est celle qui accorde le plus de poids aux mots et qui, par voie de conséquence, est la plus à même de mener une campagne d’agitation et de propagande orale, ce qui, dans les circonstances actuelles, constitue la finalité essentielle de la section théâtrale (“El Retablo Rojo”) de Altavoz del Frente10. (Martínez Allende 1937 : 6)

La simplicité de forme et de contenu de ces œuvres est donc un gage d’efficacité d’autant plus essentiel que le message doit être immédiatement compris, pour favoriser la communion de tous, acteurs et spectateurs, dans une cause commune. Si elles ne se présentent pas toutes, comme c’est le cas des pièces réunies dans le précédent volume, sous la forme de poèmes récités (majoritairement des romances, ce qui n’est pas pour étonner si l’on songe au rôle joué par cette forme dans la poésie de la guerre), les œuvres de ce théâtre d’urgence présentent néanmoins de nombreuses similitudes.

C’est un théâtre souvent manichéen, qui repose sur une division claire des personnages en deux groupes, avec, d’une part, les représentants de l’Espagne républicaine et, de l’autre, celui des Nationalistes. Le premier est composé de personnages emblématiques, souvent réduits à une fonction sociale ou politique, avec au premier plan le Milicien, entouré d’ouvriers, de représentants syndicaux et de victimes de la barbarie fasciste (des veuves, des parents sans enfants, des orphelins…). Quand ils ne sont pas représentés par leur fonction (El Miliciano, El Soldado, El Aviador, La Viuda…), ils le sont par un simple prénom. Quant aux seconds, ils comptent très souvent des personnalités de premier plan du camp nationaliste, dont Franco, Queipo de Llano (toujours ridiculisé à cause de son goût prononcé − et avéré − pour la boisson) et les autres généraux du soulèvement, accompagnés de représentants de l’Espagne nationaliste, comme des membres de l’Église, des Allemands, des Italiens ou des “Maures” venus d’Afrique. Malgré la violence des seconds, le premier camp l’emporte toujours, grâce à la solidarité et à l’intelligence dont ses membres font preuve et au bien fondé de la cause qu’ils défendent, alors qu’en face l’ennemi est pleutre et souvent ridiculisé. Les intrigues ne se déroulent pas toujours sur le front, mais aussi à l’arrière et la démonstration menée en est alors quelque peu modifiée. Il s’agit cette fois, non plus d’opposer Républicains et Nationalistes, mais de réunir, au sein du camp de la République, des Espagnols convaincus de la cause qu’ils défendent et d’autres qui doutent, quand ils ne sont pas prêts à trahir leur cause. Heureusement, les premiers les démasquent ou parviennent à les convaincre et tout rentre finalement dans l’ordre. Car les dénouements, on l’a dit, sont toujours à l’avantage du camp républicain, même s’il est difficile de parler de conclusion heureuse à propos de ces œuvres, souvent construites autour d’un fait précis (un bombardement de l’aviation ennemie, l’attaque sur Madrid, la perte d’une enfant, d’un mari ou d’un fiancé sur le front, des civils qui doutent…) auquel il est apporté une réponse immédiate (l’échec d’un bombardement, des civils réconciliés…). Mais, il n’est pas explicitement fait mention de la fin de la guerre, si ce n’est à travers la promesse que les efforts seront récompensés et que le droit l’emportera. Ce théâtre est écrit dans une fin précise, encourager le public devant lequel il est joué et lui insuffler l’espoir de lendemains qui chanteront à nouveau pour le camp républicain et le monde prolétarien, sans pour autant rien lui cacher des horreurs de la guerre. De là, la forte dose de réalisme dont ces pièces sont empreintes, parfois accompagnée d’une dimension plus mélodramatique, comme il sied à un genre de répertoire amené à faire pleurer le public pour mieux le mobiliser.

Ce répertoire manichéen est souvent sans surprise, mais pas sans qualité, comme on pourrait être amené à le penser. La générosité du propos n’efface pas de réelles trouvailles et un sens certain de la dramaturgie, comme chez Alberti par exemple, un auteur qui s’est depuis longtemps déjà essayé, avec succès, au théâtre. L’uniformité du répertoire n’empêche pas davantage que des voix différentes puissent être entendues. C’est le cas, en particulier, de La Conquista de Madrid, de César M. Arconada, et de Sombras de héroes, de Germán Bleiberg.

2. César M. Arconada et Germán Bleiberg, deux voix originales

César M. Arconada comme Germán Bleiberg font partie de ces intellectuels engagés, auteurs de quelques œuvres écrites avant la guerre, qui, dès le 18 juillet 1936, se mettent au service de la lutte antifasciste, sur le front et dans leurs écrits. Le premier est sans doute le plus connu des deux en 1936, car le plus âgé aussi (il est né en 1898). Il s’essaye d’abord à la poésie et flirte avec les avant-gardes (il publie, dès 1920, dans une revue de province, un article sur l’Ultraísmo, et collabore plus tard à La Gaceta Literaria, dont il est, en 1929, rédacteur en chef). C’est un auteur éclectique qui, avant la guerre, a écrit de la poésie (Urbe, en 1928), des romans (La turbina, en 1930, Los pobres contra los ricos, en 1933, et Reparto de tierras, en 1934), et même des essais sur la musique et le cinéma (En torno a Debussy, en 1926, et Vida de Greta Garbo, en 1929), en plus d’innombrables articles parus dans les grandes revues de l’époque (Octubre, Nueva Cultura, Leviatán…). Il est l’auteur également d’un recueil de trois pièces de théâtre pour marionnettes publié en 1936, Tres farsas para títeres, qui contient les titres suivants, El teniente Cazadotes, Dios y la beata, Gran baile en La Concordia. Et comme de nombreux autres auteurs de l’époque, il connaît d’abord une première étape marquée par les avant-gardes, avant de se tourner vers un art humaniste plus engagé, une évolution visible à travers son entrée au Parti Communiste en 1931. Germán Bleiberg, plus jeune qu’Arconada (il est né en 1915), est surtout connu, avant la guerre, pour sa collaboration à La Barraca et pour plusieurs recueils de poésie (Árbol y farola, en 1934, El cantar de la noche, en 1935, et Sonetos amorosos, en 1936). Il adhère au Parti Républicain pendant la guerre.

La familiarisation des deux auteurs avec le théâtre, pour en avoir écrit ou en avoir joué et monté, explique sans doute qu’ils s’y consacrent une fois la guerre déclarée, en plus des poèmes et articles qu’ils rédigent alors. La pièce de Bleiberg, Sombras de héroes, est la seule des deux à avoir été jouée, celle d’Arconada, La Conquista de Madrid a eu un destin curieux, puisque ce n’est que depuis très récemment seulement qu’elle est connue. N’ayant jamais été publiée pendant la guerre et Arconada s’étant exilé dès 1939 en URSS, l’œuvre ne doit son édition récente qu’à une universitaire russe, Natalia Kharatinova, spécialiste de l’auteur, qui en a fourni une copie à Nigel Dennis et Emilio Peral Vega, éditeurs de Teatro de la Guerra Civil: el bando republicano (Dennis, Peral Vega 2009). L’on sait, cependant, grâce à un article paru dans la presse asturienne11 (province où Arconada passe une partie de la guerre) que cette pièce reçoit le deuxième prix d’un concours de théâtre, organisé à l’initiative du Departamento de Propaganda del Consejo de Asturias y León. Sombras de héroes connaît un destin plus heureux, puisqu’elle est jouée à Madrid, en décembre 1937, pendant une semaine d’affilée, au Théâtre de la Zarzuela, par le Teatro de Arte y Propaganda. Elle connaît le succès et remporte même, en janvier 1938, un prix à un concours organisé par les Juventudes Socialistas Unificadas (Marrast 1978 : 60). Quoiqu’il soit difficile aujourd’hui, faute de documentation disponible, de se prononcer sur les raisons qui ont poussé les deux jurys à accorder des prix à ces pièces, on peut sans doute penser qu’ils récompensent l’originalité dont elles font preuve. Elles allient, en effet, au réalisme habituel dans ce genre de répertoire, une dimension poétique et symbolique bien plus surprenante qui en renforce, à la fois, la portée et la théâtralité.

Bien que le processus ne soit pas poussé aussi loin dans la pièce de Bleiberg, les deux œuvres sont construites de manière assez semblable, puisque leur intrigue repose sur la confrontation entre deux mondes ou deux sphères : la réalité d’un côté et, de l’autre, un monde d’ombres et de morts qui, tel un chœur tragique, viennent peupler l’univers des vivants pour leur rappeler, ou le crime qu’ils ont commis, ou le devoir qui leur reste à accomplir. La pièce de César M. Arconada, La Conquista de Madrid, la plus complexe de deux, est tout entière construite sur l’affrontement entre ces deux sphères dont l’opposition est d’autant plus marquée qu’elle se double d’un combat entre le camp Nationaliste (celui du monde réel) et le camp Républicain, dont les victimes viennent peu à peu hanter l’espace occupé par les premiers pour les repousser, alors même qu’ils se disposent à entrer dans Madrid. La pièce montre le spectacle de Franco et de ses traditionnels acolytes (Queipo de LLano, Yagüe, Mola, Varela, Pemán, l’évêque de Salamanque, entourés des Phalangistes et des Maures habituels) réunis à Leganés, à la porte de la capitale, le 7 novembre 1936. Ils y festoient, avant ce qu’ils imaginent être leur entrée triomphale à Madrid, le lendemain matin. Mais à trop se régaler et à se perdre dans les brumes, qui de l’alcool, qui de la vanité, ils finissent par s’assoupir, un sommeil mis à profit par leurs anciennes victimes (El Miliciano, El Ahorcado, El Viejo et La Madre) pour envahir la salle où ils se trouvent, pendant que l’armée de Madrid a réussi à repousser les troupes nationalistes. Franco et les siens se réveillent, mais il est trop tard, ils ont été vaincus. Le dénouement est celui qu’on attend, mais l’originalité tient indéniablement au chemin qu’emprunte l’auteur pour y parvenir, car s’il n’est pas inhabituel de ridiculiser le camp franquiste, souvent représenté sous des traits grotesques, l’avancée progressive de ces ombres et de ces voix qui sortent des ténèbres l’est bien davantage. Arconada a à cœur, dès les didascalies initiales, d’insister sur cet effet scénique qu’il manie de façon très précise.

Il faut avoir à l’esprit que toute l’œuvre se déroule dans deux ambiances distinctes : l’une réelle, réaliste et définie par la scène, et l’autre invisible, ou presque, et toujours mystérieuse. Elle constitue comme un autre monde qui, sans être totalement présent, entoure la réalité et pèse sur elle. C’est le monde de la douleur et de l’accusation.
Les Voix et les Ombres, plus encore que les bruits, font partie de ce deuxième monde de l’œuvre. Elles sont comme un chœur. Au début, ces voix sont lointaines, quelque peu éteintes, mais à mesure que l’intrigue progresse, elles avancent, elles forment un monde propre jusqu’à entourer et étouffer le monde de la farce. Cela se produit lorsque les Ombres interviennent sur scène et dans l’action. Le deuxième monde, celui de l’accusation et de la douleur, passe alors au premier plan12. (Arconada 2009 : 153)

Au fur et à mesure, en effet, de l’avancée de l’action et de la confiance toujours plus grande avec laquelle le camp nationaliste conçoit son entrée (triomphale) dans Madrid, les Ombres se font plus présentes. Il ne s’agit d’abord que d’une présence à peine perceptible au détour d’une fenêtre ou d’un volet qui s’ouvre et se referme tout aussi furtivement :

— L’ombre du milicien (Il apparaît à une porte qui s’ouvre et se referme très rapidement pendant que les autres parlent) : − Curés et évêques, militaires et mercenaires. Qu’êtes-vous en train de faire de l’Espagne ? Qu’êtes-vous en train de faire… ? Voyous !13. (Arconada 2009 : 158)

Ces Ombres, à peine visibles et qui peinent encore à s’imposer, ne sont pour l’instant que des voix tout juste audibles, que leurs adversaires ne remarquent pas, mais que le public, pour sa part, perçoit. Elles fonctionnent comme des contrepoints, auditifs et visuels, au discours triomphateur et grotesque des Nationalistes, tellement imbus d’eux-mêmes qu’ils sont bien incapables de se rendre compte du danger qui les guette. Le contraste entre ces mondes est d’autant plus grand qu’à la discrétion scénique des uns s’oppose l’omniprésence des autres (d’autant qu’il est précisé que « les personnages qui représentent la farce doivent porter des masques. Chacun doit apparaître comme la caricature marquée de la personne qu’il incarne. À l’inverse, les ombres doivent jouer avec sobriété et dignité »14 [Arconada 2009 : 154]) et qu’un jeu d’échos s’établit vite entre eux. La clairvoyance des Républicains tapis dans l’ombre se dresse contre l’aveuglement des Nationalistes qui occupent, pourtant, le devant de la scène et au spectacle sans vergogne qu’ils donnent répondent la dignité et la souffrance de leurs ennemis :

— Tous (Ils jouent le rôle de public. Ils sourient avec des grimaces admiratives et exagérées) : − Vive Franco! Vive le sauveur de l’Espagne ! Vive le chef de l’armée nationale ! (L’évêque le bénit et Pemán, telle une femme, lui envoie des baisers.)
— L’Ombre du Pendu (Sur le seuil d’une autre porte. Il apparaît dans l’obscurité, pendu à une corde) : − Sauveurs, sauveurs de quoi ! Assassins du peuple, assassins poltrons ! Bêtes sauvages lâchées sur les routes de l’Espagne, vous ouvrez sous vos pas des flots de douleur et des larmes brûlantes à cause du feu de la haine et la rage de l’impuissance !15 (Arconada 2009 : 160)

L’opposition entre ces deux mondes est d’autant plus efficace qu’elle est renforcée par un certain nombre d’effets scéniques que le dramaturge manie avec habileté : aux jeux sur l’espace et sur les univers auditifs qui se répondent, s’ajoutent ceux sur les lumières et les déplacements. Les Ombres, d’abord recluses derrière des portes et des fenêtres, franchissent peu à peu ces limites et s’aventurent sur scène, protégées dans un premier temps par l’obscurité de la nuit. À la fin du premier tableau, alors que les voix des Ombres s’élèvent comme dans un chœur tragique, le fantôme de leurs corps erre sur la scène plongée dans le noir : « les ombres se perdent et se mêlent dans les ombres des recoins et de la nuit »16 (Arconada 2009 : 166). Dans le second tableau, leur présence devient plus concrète et finit par s’imposer en pleine lumière, comme le précisent les didascalies initiales :

Quand le tableau commence, la scène est éclairée par une lumière électrique. Elle s’éteindra ensuite lorsque ce sera indiqué. Plus encore que dans le tableau précédent, le monde invisible et dramatique de la tragédie espagnole doit se faire de plus en présent et envelopper la scène, jusqu’à en prendre possession et dominer la farce jouée par les généraux. Dans ce tableau, les ombres accusatrices et déchirantes doivent entrer sur scène, quand ce sera indiqué, avec une présence et des formes pleinement réelles17. (Arconada 2009 : 167)

Et alors que la conscience des représentants du camp nationaliste s’évanouit peu à peu dans les fumées de l’alcool et du sommeil, les Ombres, elles, deviennent plus présentes : d’abord seules, elles finissent par s’unir les unes aux autres et par ne plus former qu’un seul chœur solidaire et fraternel dont la voix s’élève, limpide désormais, au-dessus de celles de leurs ennemis. Cette union très symbolique a, on s’en doute, une très forte connotation politique.

À ce moment-là, apparaissent à divers endroits de la scène les ombres du Vieux, de la Mère, du Pendu et du Milicien. Au début, elles errent sur scène, de façon indépendante, chacune étant renfermée sur elle-même, absorbée par sa propre douleur. Puis elles se rencontrent, elles entrent en relation les unes avec les autres, elles s’unissent : c’est le symbole de l’Espagne sacrifiée qui, dominant les pantins de la farce, fait l’expérience de cette solidarité tragique née de ses destins accusateurs18. (Arconada 2009 : 178)

On le voit, ces deux mondes fonctionnent comme des miroirs inversés qui tirent pleinement profit des infinies possibilités scéniques (spatiales, vocales, gestuelles ou visuelles) que leur offre le théâtre. Le message politique de la pièce (un hommage aux Madrilènes et un appel à la résistance) en est renforcé, mais le théâtre trouve là aussi une occasion de se rénover. L’heure n’est plus à un théâtre de divertissement, bavard et frivole, qui privilégie le mot au profit du geste, mais bien à une redécouverte de la scène et de la théâtralité et, surtout, de l’homme. Loin des personnages de carton-pâte du théâtre commercial, la pièce d’Arconada construit des personnages nouveaux qui, d’abord fantomatiques, s’incarnent sous les yeux du public. La déshumanisation des Ombres, réduites dans un premier temps à l’état de spectres, renforce paradoxalement leur présence scénique et leur donne une force spectaculaire plus grande, alors même que les Nationalistes, qui se confondent peu à peu avec des pantins sans consistance, offrent un spectacle dans la plus pure tradition du guignol. C’est bien en renouant avec l’essence du théâtre (le guignol, les marionnettes, le théâtre d’ombre), mais aussi avec le théâtre symboliste que la portée politique de la pièce est renforcée. La Conquista de Madrid apporte la preuve, en pleine Guerre d’Espagne, que les dimensions épique et symbolique du théâtre ne sont pas incompatibles, bien au contraire ; elle montre aussi que recherche esthétique et propagande politique peuvent très bien aller de pair.

La pièce de Bleiberg, Sombras de héroes, ne pousse pas si loin le processus, mais on retrouve à l’œuvre, néanmoins, cette même opposition entre le monde des ombres et celui de la réalité. L’action de la pièce, un « poème dramatique » composé de quatre courts tableaux, est construite autour d’un événement majeur de la Guerre d’Espagne, le bombardement de la ville de Guernica, en avril 1937. L’intrigue commence quelques jours auparavant pour se terminer quelques semaines plus tard. Elle réunit victimes et survivants du bombardement, ainsi que ses auteurs, des représentants de l’armée allemande et italienne, accompagnés des “Maures” que l’on retrouve très souvent dans ce répertoire. Le quatrième tableau voit (ré)apparaître sur scène, comme chez Arconada, les ombres des morts : la Femme, l’Enfant et le Vieillard, trois victimes innocentes, sont accompagnées de l’héroïne de la pièce, Isabel, une jeune fille violée et assassinée dans le troisième tableau et dont on fait la connaissance dès le début, alors qu’elle fuit avec ses parents les bombardements et qu’elle retrouve, au gré de ses déambulations, Leonardo, le Milicien républicain qu’elle aime. Unique survivant de la tragédie, ce dernier est seul au milieu des corps de ses camarades morts au combat lorsque, désespéré et découragé, il voit des ombres vêtues de noir apparaître autour de lui :

À cet instant, apparaît sur la droite une vieille Femme, toute vêtue de noir, qui parle d’une voix lente et posée. À ce moment-là, apparaît un Enfant, lui aussi vêtu de noir. […] Apparaît Isabel vêtue de noir19. (Bleiberg 2009 : 231)

Contrairement à la pièce d’Arconada, ces ombres, dans lesquelles le public reconnaît les victimes du bombardement, ne (re)viennent pas sur scène pour menacer les représentants du camp nationaliste, mais pour insuffler courage et espoir au seul combattant survivant qu’elles incitent à poursuivre la lutte, en gardant la tête haute.

— Isabel (Sur le même ton que précédemment) : — Souviens-toi toujours : tu es Basque. Tu as voulu oublier ton devoir face à l’ennemi. C’est pour ça que je suis là, Leonardo. Bats-toi jusqu’à la victoire.
(Apparaît un Vieillard)
— Le Vieillard : — Ou jusqu’à la mort, car moi aussi je suis mort. Mort et je suis là, à tes côté, dans cette solitude qui est la tienne, toi, milicien héroïque, pour te le rappeler toujours : moi aussi, je suis mort. […] Regarde le sang qui a été versé et tu verras que le tien ne compte pas. Bats-toi, soldat basque, bats-toi jusqu’à la victoire ou jusqu’à la mort, car moi aussi je suis mort20. (Bleiberg 2009 : 231)

La présence de ces ombres sur scène dure à peine le temps de quelques répliques, mais cela suffit pour que le message qu’elles sont venues délivrer depuis l’outre-tombe soit entendu. Avant de s’écrouler au milieu de ses camarades et que la lumière ne s’éteigne pour aussitôt se rallumer, Leornado affirme le courage du peuple basque et appelle le peuple d’Espagne à la vengeance. Une femme, vêtue elle aussi de noir, fait alors son apparition. C’est la voix allégorique de ce peuple d’Espagne qui s’exprime à travers le romance qui clôt la pièce :

Alors que le soldat prononce ces derniers mots, apparaît, sur la gauche, la voix du Peuple − ce n’est plus « La voix du peuple basque », mais « La voix du nord de l’Espagne ». Elle s’approche du premier Milicien et, quand ce dernier meurt, elle récite avec solennité ce poème :
—La voix du Peuple : Le soldat basque est mort.
Tout dans le Pays Basque est silence.
À Bilbao, les Allemands
Cherchent le fer de la mine. […]
Et sur le sang vif
La voix du peuple chante.
Vengez le crime du nord!
L’Espagne a une armée!
Les héros morts crient :
“le triomphe n’est qu’à nous! ”21 (Bleiberg 2009 : 232)

Certes, les mécanismes scéniques sont moins audacieux chez Bleiberg que chez Arconada, ils se réduisent à quelques effets auditifs et visuels (le contraste entre les cris de désespoir du Milicien et la voix lente et grave des ombres qui entourent le soldat, le costume noir qu’ils ont vêtu, les jeux d’ombre et de lumière…). Ils suffisent pourtant à donner de la profondeur à la pièce et à en renforcer la théâtralité. Et, surtout, la voix des républicains trouve là une caisse de résonance qui donne densité et force à leur discours qui réunit dans un même cri morts et vivants, militaires et civils, Basques et Espagnols de tout le territoire. Et alors que le camp nationaliste donne un spectacle pitoyable (veules et cruels, ils sont aussi cupides et intéressés), leurs adversaires acquièrent une plus grande humanité. Leur double condition de vivants et de morts et le dédoublement entre les deux mondes rendent leur douleur plus insupportable et leur combat d’autant plus légitime que les effets de mise en scène en renforcent la portée. Ils apportent aussi la preuve que le théâtre d’urgence peut emprunter d’autres voies que celles d’un réalisme strict et qu’il ne lui est pas interdit de s’inspirer d’un modèle plus poétique.

3. Conclusion

La réussite − et l’originalité − de ces pièces tient sans aucun doute à la confrontation entre ces deux mondes, celui de la réalité et de l’instant présent et un autre, plus mystérieux, celui des ombres où sont réfugiées toutes les victimes du fascisme. La transcendance qui s’élève sur la scène des deux pièces n’a pas la moindre dimension religieuse ; elle est, au contraire, une célébration de l’homme et de ses valeurs de partage, de solidarité et d’entraide qui constituent le contrepoint à l’inhumanité dont fait preuve le camp adverse. Le sacrifice du camp républicain est sublimé, comme son combat, mais son courage n’en demeure pas moins profondément ancré dans la réalité concrète de la guerre. Et, surtout, le théâtre trouve en ces temps de guerre l’occasion de se rénover, de réconcilier l’homme et la scène et de renouer avec la théâtralité. Les différents jeux scéniques qui se déploient dans les deux œuvres en renforcent le caractère spectaculaire et soulignent l’effet d’illusion et de magie, mais ils permettent aussi, par là même, d’accentuer la portée du message qui est transmis. L’effet, certes, n’est pas nouveau, que l’on songe, par exemple, au spectre du père d’Hamlet qui réapparaît au début de la pièce pour dévoiler à son fils l’identité de son meurtrier et l’inciter à la vengeance ou encore à Electra, de Benito Pérez Galdós. La Conquista de Madrid et Sombras de héroes n’en constituent pas moins des voix originales dans le répertoire de guerre, montrant qu’il est possible de concilier recherche esthétique et engagement politique. Le théâtre d’urgence remplit là toutes ses promesses.

Bibliographie

Arconada, César M. (2009). La Conquista de Madrid, in : Dennis, Nigel / Peral Vega, Emilio, Eds. Teatro de la Guerra Civil: el bando republicano. Madrid : Fundamentos.

Aznar Soler, Manuel (2007). « María Teresa León y el teatro durante la guerra civil », in : Stichomytia ; 5, 37-54.

Bleiberg, Germán (2009). Sombras de héroes, in : Dennis, Nigel / Peral Vega, Emilio, Eds. Teatro de la Guerra Civil: el bando republicano. Madrid : Fundamentos.

Cobb, Christopher (1992-93), « El Agit-Prop Cultural en la Guerra Civil », in : Studia Histórica-Historia contemporánea ; X-XI, 237-249.

Marrast, Robert (1978). El teatre durant la guerra civil espanyola. Assaig d’Història i documents. (= Monografies de teatre ; 8), Barcelona : Publicacions de l’Institut del Teatre.

Martínez Allende, Francisco (1937). « A manera de prólogo » in : El Retablo Rojo de Altavoz del Frente. Agitación y propaganda de guerra. Valencia : Ediciones Altavoz del Frente, Gráficas Turia, 5-7.

Salaün, Serge, (1974). « Poetas de “oficio” y vocaciones incipientes durante la Guerra de España », in : Botrel, Jean-François / Salaün, Serge, Eds. Creación y público en la literatura española. Madrid : Castalia, 181-214.

Teatro en la calle. 4 batallones de choque, Madrid, s. a.

Notes

1 La Voz, 15/09/1936, p. 3 : «. En estos momentos no sólo se lucha por la conquista de los bienes materiales, sino también por la de los bienes espirituales; por la posesión de la cultura, del arte y de todas las creaciones del espíritu. Hoy la República democrática, creada por el pueblo y que funciona en servicio del pueblo, reivindica para las masas populares los bienes creados por ellas y que, por tanto, sólo a ellas pertenecen. » Retour au texte

2 El Sol, 13/09/1936, p. 3 : « Es necesario emprender con rapidez un plan de agitación y propaganda apoyándonos en la Música, en el Teatro, en el Cine, y sobre las consignas cardinales del Frente Popular en estos momentos de la guerra civil. » Retour au texte

3 Décret du 30/01/1937 (Gaceta de la Répública, 2/02/1937) : « La lucha que el estado y el pueblo español vienen sosteniendo es también, en una parte muy importante, una lucha por la cultura del pueblo. » Retour au texte

4 « el conjunto de estas actividades puede describirse como actuaciones públicas para despertar la conciencia, así como promover la adhesión y la combatividad de la población. Coincide con la aparición de un arte cívico cuyo objeto era el de legitimar la revolución. Destinado a un público de masas, buscaba incitar una reacción activa y la participación de los ciudadanos en el proceso revolucionario. » Retour au texte

5 « Nuestra compañía será nueva, no sólo por su composición formal, sino también por su espíritu y por su tendencia artística. Queremos iniciar un teatro nuevo: el teatro de los trabajadores, el teatro que exprese en sus múltiples formas todas las modalidades de la vida, de las clases que luchan por redimirse de la miseria. » Retour au texte

6 « El Teatro Popular se propone dar a conocer a las masas las obras más sobresalientes del teatro clásico español y extranjero; este último, traducido a nuestro idioma. Retour au texte

7 Voir, à ce propos, le prologue de l’œuvre, Teatro en la calle. 4 batallones de choque, Madrid, s. a., p. 3. Retour au texte

8 « El repertori que cal oferir als soldats no els ha de distreure de llur deure i de les necessitats de la revolució, ans al contrari, cal que els en faci prendre consciència. » Retour au texte

9 « Altavoz del Frente pide obras a los autores antifascistas », La Voz, 4/09/1936, p. 3 : « Formados los grupos teatrales que van a trabajar en los frentes, cuarteles, hospitales, centros obreros, etc., hacen falta obras. Altavoz del Frente las pide a los autores, a los escritores antifascistas, a cuantos piensan colaborar en él, obreros e intelectuales. Las obras deben ser cortas, de quince o veinte minutos de duración y necesariamente de lucha contra el fascismo o exaltación del heroísmo popular. Enviadlas al local de Altavoz del Frente, Alcalá 62. » Retour au texte

10 « ¿Hacia dónde orientarse? Pues hacia una forma de teatro que, sin demandar elementos de ningún género, permitiera dar comienzo al trabajo inmediato y eficazmente. Es así como se optó por el recitado alterno entre unas y varias voces, entendiendo que esta forma tan primitiva de teatro, al no contar con más medio expresivo que la voz del actor, es la que mayor importancia concede a la palabra, y, en consecuencia, la más adecuada para llevar a cabo una campaña de agitación y propaganda oral, finalidad básica de la sección Teatro (“El Retablo Rojo”) de Altavoz del Frente en las actuales circunstancias. » Retour au texte

11 « Concurso de obras teatrales », Avance, 11/01/1937, p. 2. Retour au texte

12 « Es preciso tener en cuenta que toda la obra se desarrolla en dos ambientes distintos: uno el real, el realista y definido de la escena, y otro invisible o casi invisible y siempre misterioso, que es como otro mundo que, sin estar del todo presente, pesa y circunda. Es el mundo del dolor y de la acusación. Retour au texte

13 « La sombra del miliciano (En una puerta que se abre y se cierra con rapidez, mientras hablan): Curas y obispos, militares y mercenarios, ¿qué estáis haciendo de España? ¿Qué estáis haciendo?… ¡Bandidos! ». Retour au texte

14 « los personajes que realizan la farsa deben llevar caretas, y cada una de las figuras debe ser la caricatura acusada y el personaje que representan. Las sombras, en cambio, deben presentarse con sobriedad y dignidad. » Retour au texte

15 « — Todos (Hacen de público. Sonríen con gestos exagerados de admiración.) ¡Viva Franco! ¡Viva el salvador de España! ¡Viva el jefe del ejército nacional! (El Obispo le echa bendiciones y Pemán, imitando a una mujer, le tira besos.) Retour au texte

16 « las sombras se pierden y se confunden en las sombras de las esquinas y la noche. » Retour au texte

17 « Cuando comienza el cuadro hay luz eléctrica. Después ha de apagarse, cuando se indique. Más aún que en el cuadro anterior, el mundo invisible y dramático de la tragedia española debe hacerse presente poco a poco, envolviendo la escena hasta llegar a posesionarse de ella, por encima de la farsa de los generales. […] En este cuadro, las sombras acusadoras y lacerantes han de entrar en escena, cuando se indique, con plena realidad de presencia, de contornos. » Retour au texte

18 « En este momento aparecen por distintos sitios del escenario las sombras del Viejo, de la Madre, del Ahorcado y del Miliciano. Al comienzo vagan por la escena independientemente, cada sombra recogida en sí, abstraída en su propio dolor. Luego se encuentran, entablan relación, se unen: es el símbolo de la España sacrificada que vive, por encima de los muñecos de la farsa, la solidaridad dramática de sus destinos acusadores. » Retour au texte

19 « En este instante aparece por la derecha una Mujer vieja, toda vestida de negro y con una voz muy lenta y pausada […] En este instante sale un Niño, también vestido de negro. […] Sale Isabel, vestida de negro. » Retour au texte

20 « — Isabel (Con el mismo tono de voz de antes.) Acuérdate siempre: eres vasco. Has querido olvidar tu deber frente al enemigo. Por eso estoy aquí, Leonardo. Lucha hasta vencer. (Sale en este instante un Anciano) Retour au texte

21 « (Mientras el soldado dice las últimas palabras sale, por la izquierda, La voz del pueblo —que ya no es «La voz del pueblo vasco», sino «La voz del norte de España»—. Se acerca al Miliciano 1° y, cuando este muere, recita con solemnidad el romance.) Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Evelyne Ricci, « Le théâtre de la Guerre d’Espagne : entre propagande et renouveau (César M. Arconada et Germán Bleiberg) », Textes et contextes [En ligne], 6 | 2011, publié le 01 décembre 2011 et consulté le 29 mars 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=311

Auteur

Evelyne Ricci

CREC, Centre de Recherche sur l'Espagne Contemporaine (EA 2292), Université de la Sorbonne-Nouvelle Paris III / Université de Bourgogne, UFR Langues et Communication, Département d’Espagnol, 2 Bld Gabriel 21000 Dijon

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