Expression, langue et rythme des sentiments dans le poème Le Gars de Marina Tsvetaeva

Résumés

Marina Tsvetaeva écrit, en 1922, le poème Mólodec sur le thème du Vampire (d’Alexandre Afanassiev), une sorte de traduction de la prose en poésie. Sept ans plus tard, elle entreprend la traduction de son poème du russe au français : Le Gars. Mais il ne s’agit pas d’une simple traduction ; elle réécrit le poème, qui toutefois reste inédit jusqu'à l’édition d’Efim Etkind (1992). L’extrémisme linguistique (formel) et métrique de Marina Tsvetaeva semble imposé par l’extrémisme de son contenu : Le Gars est un poème glorifiant l’amour, la vraie passion qui ne connaît pas de limites. On analysera la langue et la versification du poème pour identifier comment, à travers ces moyens, elle parvient à exprimer ces sentiments extrêmes.

In 1922 the Russian poet Marina Tsvetaeva (1892-1941) wrote the poem Molodec (The Swan), modeling it on Alexander Afanasyev’s Vampire, a kind of translation from prose to poetry. Seven years later, she undertook the translation of her poem from Russian into French: Le Gars. But it is not a mere translation; she rewrote the poem, which remained unpublished until Efim Etkind’s publication in 1992. The linguistic and metric extremism of Marina Tsvetaeva is imposed on her by the extremism of its content: Le Gars is a poem glorifying love, true passion that knows no limits. We will analyze the language and versification of the poem to identify how it is able to express and translate these extreme feelings.

Plan

Texte

à la mémoire de Véronique Lossky1

« Tout poète est par son essence un émigré, même en Russie. Un émigré du Royaume des Cieux et du paradis terrestre de la nature. Le poète – et tous les artistes – mais le poète plus que tout autre – porte au front une marque d’inconfort, grâce à laquelle, même dans sa propre maison on le reconnaît. Un émigré sorti de l’Immortalité pour entrer dans le temps et qui ne peut retourner dans son ciel. » (Tsvetaeva 2009a : 561)

1. Petite préface : Langue et Poésie

Avant d’entrer dans le cœur de notre analyse du poème Le Gars, je voudrais rappeler la considération dans laquelle Marina Tsvetaeva tenait la langue poétique. Elle affirme et revendique avec une profonde conscience critique que la langue de la poésie est une langue universelle, une koinè, et que la poésie est toujours une traduction « de la langue maternelle dans une autre langue », comme on peut le lire dans ce passage de sa lettre à Rainer Maria Rilke du 6 juillet 1926 (Saint-Gilles-sur-Vie) :

Cher Rainer, Goethe dit quelque part qu’on ne peut rien réaliser de grand dans une langue étrangère – cela m’a toujours paru sonner faux. […] Écrire des poèmes, c’est déjà traduire, de sa langue maternelle dans une autre, peu importe qu’il s’agisse de français ou d’allemand. Aucune langue n’est langue maternelle. Écrire des poèmes, c’est écrire d’après. C’est pourquoi je ne comprends pas qu’on parle de poètes français ou russes, etc. Un poète peut écrire en français, il ne peut être un poète français. C’est ridicule. Je ne suis pas un poète russe, et c’est toujours un étonnement pour moi d’être tenue pour telle [sic], considérée comme telle. On devient poète (si tant est qu’on puisse le devenir, qu’on ne le soit pas tous d’avance), non pour être français, russe, etc., mais pour être tout. Ou encore : on est poète, parce qu’on n’est pas français. La nationalité est forclusion et inclusion. Orphée fait éclater la nationalité ou l’élargit à tel point que tous (présents et passés) y sont inclus. (Rilke / Pasternak / Tsvetaeva 2003 : 211)

Ces idées – formulées déjà par Novalis et J. G. Hamann et liées à une vision romantique du monde – sont reprises par Marina Tsvetaeva puis par Paul Valéry auquel elle s’était adressée à travers une correspondance au sujet des traductions de Pouchkine et de l’in/traductibilité de son œuvre (Etkind 1982 : 254-255). La question – qui dans le cas de Tsvetaeva est liée aussi à sa condition d’exilée – se présente comme une réflexion sur l’écriture poétique : les poètes font naître et renaître le langage d’une vie nouvelle parce qu’ils refusent de le figer en lui donnant une nationalité ; langage qui n’imite pas le monde mais, au contraire, le crée et le recrée ; langue sans demeure, non-lieu par sa constitution, où le poète, émigré dans l’espace et le temps, accepte le défi de l’étrangeté. Toute une partie des poète(sse)s et des écrivain(e)s du XXe siècle – comme le souligne Vincent Teixeira (2014) en citant de nombreux exemples – connaît ce parcours de « langues de passage », connaît bien cette condition « d’être (de) nulle part ».

2. Histoire. Il était une fois...

Dans les années vingt à Moscou, Marina Tsvetaeva commence à utiliser dans ses compositions, des thèmes tirés du folklore, comme dans les poèmes-contes La Vierge-tsar (Car’-devica, écrit en 1920 et publié à Moscou en 1922 et basé sur les contes n° 232 et 234 de Alexandre Afanassiev), Egorouchka (1921), resté inachevé, et Ruelles (Pereoulotchki, écrit en avril 1922 et inspiré d’une byline russe, qu’on retrouve à la fin du recueil Le Métier publié à Berlin en 1923). Toutefois, elle n’est pas du tout intéressée par la simple recherche d’un nouveau style (ou d’une « forme nouvelle ») : pour elle, il s’agit de « dénuder l’essence du conte, donnée dans son squelette », de « libérer l’œuvre du sortilège » (Tsvetaeva 2009a : 511), voici son intérêt. Elle n’est pas non plus intéressée par la magie, par le surnaturel, par la sorcellerie ; si l’artifice du folklore occupe une place très importante dans sa conception du langage, et en particulier de la langue de la poésie, c’est parce que cela lui permet de se concentrer encore plus sur la force incantatoire des mots ; l’extrême concision du récit produit, en même temps, une accélération tourbillonnante des vers, des rimes, des sons.

En 1922, elle commence à écrire un nouveau poème en russe, Mólodec, en prenant comme source d’inspiration le conte d’Alexandre Afanassiev Le Vampire (n. 363 des Contes populaires) qui avait frappé son imagination. Cette histoire est au cœur du poème. Cependant, par un choix décisif, Tsvetaeva rejette le happy end qui voit Maroussia se débarrasser du jeune homme – le vampire – au moyen de l’eau bénite, et se réunir heureusement à son mari.

Ce changement dans l’épilogue, par rapport à sa source d’inspiration, n’est pas nouveau dans le processus d’écriture de Marina Tsvetaeva. Déjà dans La Vierge-tsar de 1920, Tsvetaeva avait refusé l’heureux couronnement amoureux des deux amants du conte d’Afanassiev. Alors que, dans ce dernier, les jeunes gagnaient sur les forces obscures du mal, Tsvetaeva avait décidé autrement de leur destin : la jeune femme s’envole portée par le vent pendant que le faible tsarevich, désespéré, se noie dans la mer.

Le choix bien précis de l’auteure de virer vers la tragédie manifeste, en réalité, le refus d’une vision en partie conventionnelle et stéréotypée du féminin, qui se traduit par une complète inversion des rôles. Dans les deux textes, les protagonistes féminines n’acceptent pas de suivre passivement un destin imposé, mais sont maîtresses de leur choix. Elles sont des forces actives qui trouvent leur place dans l’amour en réécrivant leur histoire.

Mólodec, la version de Tsvetaeva, est l’histoire d’un amour fou. Maroussia tombe amoureuse d’un jeune homme qui derrière sa belle apparence, cache un terrible secret : il est un vampire. Maroussia découvre la malédiction, mais par amour pour lui elle ne voudra/pourra pas empêcher la mort de sa mère et de son frère, et elle en mourra elle-même. Immédiatement après sa mort, Maroussia se transforme dans une belle fleur rouge ; mais dans une nuit froide et blanche, elle est saisie par un noble barine, un seigneur russe : grâce à ce geste, la fleur reprend ses traits humains. Puis la vie semble reprendre son cours naturel, au point que les deux jeunes gens vont se marier et avoir un fils. Mais passion et malédiction sont les deux faces d’une crête qu’il est impossible de ne pas gravir ; c’est le destin qui appelle Maroussia :

Un cœur
Un corps
Accord
Essor

Unis
Étreints
Au ciel
Sans fin.

(II, 5 vers 307-314, Tsvetaeva 1992 : 125)

Le poème Mólodec est terminé entre la fin 1922 et le début 1923 en Tchécoslovaquie, comme en témoigne la lettre à Boris Pasternak du 14 février 1923 :

Vous êtes là (en février de cette année), entré dans ma vie après un grand vide laissé par une vaste dévastation : je viens de terminer un long poème (il faut bien le nommer d’une façon ou d’une autre !), non pas un poème mais une hallucination, et ce n’est pas moi qui l’ai achevé mais lui qui m’a achevée, nous nous sommes séparés dans un déchirement ! – et libérée, je me réjouissais à l’avance : je vais écrire des vers souverains et recopier mon cahier de notes – petit à petit – et tout ira bien ainsi. (Tsvetaeva / Pasternak 2005 : 52-53).

Le poème est publié au printemps 1925 avec une dédicace à Pasternak – « Pour vos jeux merveilleux / pour un confort doux » – et une épigraphe expliquée par Tsvetaeva dans une lettre postérieure, toujours adressée à Pasternak, un an après (26 mai 1925), où elle révèle que les vers proviennent du chant épique russe Le roi des mers et Sadko, en priant son ami de ne pas révéler cette origine qui doit rester secrète. À Paris, en janvier 1926, dans son essai Le Poète et la Critique, elle revient sur le sujet et explique que son objectif n’était pas formel et que si elle se réfère à la tradition populaire c’est juste pour manifester l’expression des sentiments de Maroussia :

Bien souvent, lisant un article quelconque sur moi-même et y apprenant que « le problème formel est superbement résolu », je me demande : avais-je donc un problème formel ? « Mme Tsv. a voulu composer un conte populaire et elle y a introduit des éléments de ceci et de cela, etc. » C’est ce que j’ai voulu, moi (l’accent est sur moi) ? Non. C’est cela que j’ai voulu ? Non, mais non, voyons ! J’ai lu un conte d’Afanassiev Le Vampire, et je me suis demandé pourquoi Maroussia, qui avait peur du vampire, s’entêtait tellement à ne pas vouloir avouer ce qu’elle avait vu, tout en sachant que le nommer c’était se sauver. Pourquoi au lieu de dire oui, disait-elle non ? Par peur ? La peur peut non seulement vous clouer au fond d’un lit, elle peut aussi vous jeter par la fenêtre. Non, ce n’était pas la peur. Peut-être même la peur, oui mais autre chose encore. La peur et quoi d’autre ? Quand on me dit : fais ceci et tu seras libre et que je ne le fais pas, cela signifie que je ne désire pas trop ma liberté, que ma servitude m’est plus précieuse. Et qu’est-ce, entre les êtres, qu’une servitude précieuse ? C’est l’amour. Marussia aimait le vampire, voilà pourquoi elle ne le nomme pas, perdant les uns après les autres : sa mère, son frère, sa vie. C’est la passion et le crime, la passion et le sacrifice... Telle était ma tâche quand j’ai entrepris d’écrire Le Gars. Dénuder l’essence du conte, donnée dans son squelette. Libérer l’œuvre du sortilège. Et pas du tout créer une « forme nouvelle » ou « populaire ». (Tsvetaeva 2009a : 511-12).

On rencontre fréquemment dans toute sa correspondance des allusions à ce « terrible » poème et en particulier au rôle central de cette œuvre dans le cadre de sa production (comme par exemple dans les lettres à Boris Pasternak de Bohême, Mokropsy, le 10 mars 1923 et Saint-Gilles-sur-Vie, le 10 juillet 1926 : Tsvetaeva / Pasternak 2005 : 65-66, 282). D’ailleurs l’adjectif « terrible » nous dit déjà tout : « Terribilis est locus iste. Hic domus Dei est et porta coeli» (« Ce lieu est redoutable : c’est ici la demeure de Dieu et la porte du ciel », Genèse, 28, 17), parce que « terrible » est le pouvoir de la parole qui subvertit l’ordre des choses en nous révélant « la porte » de notre vraie vie.

3. Mólodec > Le Gars

Après l’intense et fervente vie en Bohême, à la fin d’octobre 1925, Marina Tsvetaeva déménage avec ses enfants Alja et Georgy à Paris (Bellevue, Meudon, Clamart, Vanves et enfin à nouveau Paris), où elle restera, jusqu’en juin 1939, isolée et réduite presque à la misère.

Pendant l’hiver 1928-1929 elle fait la connaissance de l’artiste peintre Natalia Gontcharova qui vivait à Paris depuis dix ans déjà, étant arrivée en 1914 avec l’imprésario des Ballets russes (en tournée) Serge Diaghilev. La rencontre avec cette femme (et en même temps avec le fantôme que l’artiste représente, puisqu’elle est l’arrière-petite-fille d’une autre célèbre Gontcharova, l’épouse d’Alexandre Pouchkine !) a eu lieu dans un restaurant de la rue Saint-Benoît, comme le rappelle Marc Slonim : celle-ci marque le début d’une grande amitié et inaugure une série de visites assidues de Marina dans l’atelier de l’artiste, rue Visconti. Marina Tsvetaeva lui consacre un essai, qui est publié pour la première fois dans le magazine de Prague Rossij Volya  en 1929, et lui fait lire le poème Mólodec. Gontcharova, enthousiaste, suggère à Marina de le traduire en français. Pendant huit mois, entre 1929 et 1930, Marina Tsvetaeva elle-même travaille intensivement à la traduction / réécriture du Mólodec, qui, en français, prend le titre de Le Gars.

À travers son amie Elena Alexandrovna Izvolskaja, poétesse et traductrice, Marina Tsvetaeva est invitée à lire son poème dans le salon littéraire de l’écrivaine d’origine américaine Nathalie Clifford-Barney, dans son hôtel particulier, 20 rue Jacob, mais la lecture se révèle un échec complet. Plusieurs tentatives de publication du poème se révèlent vaines – dans La Nouvelle Revue Française par l’entremise du philosophe et essayiste Brice Parain, dans la revue Commerce, ou même grâce à des contacts tels que l’écrivain Charles Vildrac ou le poète et traducteur du russe Jean Chuzeville. Des témoignages dramatiques de ce fiasco se retrouvent dans de nombreuses lettres, comme celles envoyées à ses amies Salomeja Nikolaevna Halpern et Anna Teskova. Les motifs du rejet, comme le dit Tsvetaeva elle-même, sont liés essentiellement au fait que Le Gars est trop moderne et difficile pour le goût français. Elle écrit encore le 6 mars 1931 à Nanny Wunderly-Volkart : « Sur Le Gars français, un seul écho : ‘C’est trop nouveau, inhabituel, hors de toute tradition, ce n’est même pas du surréalisme’ (N.B. ! ce dont Dieu ne [sic] garde !) 2» (Tsvetaeva 2005 : 296).

Marina Tsvetaeva avait également envoyé son manuscrit français, comme en témoigne sa lettre à Raissa Lomonosova du 13 février 1931, à l’écrivain anglais Alec Brown, qui avait traduit en anglais Le Gars. Cependant, cette traduction ne sera jamais publiée.

Le Gars aurait dû sortir accompagné par les dessins de Natalia Gontcharova. Ces dessins, en dépit d’être d’un grand réalisme, sont construits à partir du même dynamisme que les vers : le trait rapide noir / blanc souligne la volonté de suivre la tension, la danse, la lutte. L’énergie émise par les ombres et les lumières semble obéir aux forces obscures de l’histoire, au sens tragique de la fatalité. Ce qui rapproche ces illustrations de véritables scènes de théâtre. Toutefois, le poème n’a été publié en France qu’en 1992, cinquante ans après la mort de Marina Tsvetaeva.

Deux fragments du poème ont été publiés dans les années trente. Le premier fragment, c’est-à-dire le Ier chapitre, Fiançailles, parut en 1930 dans la revue France et monde, précédé par un texte en prose intitulé Quelques lignes de Marina Tsvetaeva sur elle-même qui offre des réflexions très intéressantes sur la figure de la poétesse, sur son rôle et sur la différence qu’elle faisait entre poésie et prose. Le deuxième fragment – tiré du Vème chapitre, Le chant des anges – parut en 1935 dans l’Anthologie de la littérature soviétique (1918-1934), comme poésie isolée sous le titre de La neige avec la date 1923 sans autre indication (Malleret 1999 : 117-188). Il est peu probable que Tsvetaeva, à la demande de publication pour l’anthologie, ait réutilisé ses propres vers de Le Gars (texte qui lui était très cher et qui n’avait pas encore été publié) en apposant la date ‘fictive’ de 1923 ; il vaut mieux supposer une réécriture d’un passage du poème russe (Móledec) sous la forme d’une poésie en français. Cette hypothèse serait cohérente avec l’écriture poétique de Tsvetaeva procédant par transpositions et utilisant des matériaux déjà existants à partir d’un même noyau thématique.

4. Orphée et Eurydice

Le Gars est l’histoire d’un amour fou et d’une grande, grande passion, mais aussi autre chose. Dans ce poème Tsvetaeva revient, avec une force et une évidence remarquables, sur un sujet auquel elle avait souvent réfléchi et qui l’avait toujours passionnée. C’est le thème de la poésie, la poésie-vie, pas seulement de la poésie comme vocation, mais comme destin, le destin de ceux qui doivent traverser l’Hadès, pour reprendre l’expression qu’elle devait employer et expliciter dans une lettre à Pasternak en 1926.3

À travers l’Hadès, Marina Tsvetaeva semble retracer l’histoire d’Orphée et Eurydice, bien présente tout au long du conte-poème, presque un contrepoint : dans une sorte de double identification, Marina est, en même temps, Orphée et Eurydice. Toutefois elle ne reproduit pas l’histoire de l’abandon. Dans le mythe, Orphée passe à travers l’Hadès pour sauver Eurydice, pour ‘vivre’, mais pour Tsvetaeva il ne s’agit pas d’un ‘vraie vie’. Orphée se méfie en se tournant vers Eurydice, en lui ôtant la parole pour toujours. Si elle meurt, semble nous dire Tsvetaeva, ce n’est pas seulement pour cette faiblesse, pour ce manque de confiance, mais aussi parce que il veut limiter sa vie (leur vie, leur amour) à celle ordinaire de la vie humaine. Orphée cherche la rencontre, mais la rencontre avec l’autre est toujours décevante, parce que elle est impossible comme toute tentative de circonscrire l’amour, de le limiter à ‘ça’ : elle est donc destinée à l’échec. Pour Tsvetaeva, au contraire, la passion amoureuse est une descente aux enfers, une déchirure – un écorchement à vif ; la seule réalité possible est justement son impossibilité, sa seule réalisation est sa non-réalisation ; sa localisation ‘géographique’ est la distance infranchissable, l’absence, le non-salut. C’est ainsi que la relation amoureuse est guidée vers le haut (azur, spirituel, mais avec tout le côté charnel et érotique) de la fusion : impossible dans la vie, possible dans la réalité d’un autre monde (soit l’au-delà comme ici, à la fin du poème, soit le songe, comme ailleurs dans le poème) ‘celui-là’ qui donne et forge la parole (poétique). Maroussia est Orphée qui ne se tourne pas, qui aurait eu « honte de regarder en arrière » pour sauver Eurydice, comme elle écrit à Pasternak dans la lettre 25 mai 1925 et où – avec un lapsus (?) très intéressant – elle fait prononcer ces mots à Eurydice, et pas à Orphée.4

Déjà en 1923 Marina Tsvetaeva réfléchissait sur ce thème dans le poème Eurydice pour Orphée (paru dans le recueil Après la Russie, publié à Paris en 1928), où elle prête sa voix à Eurydice, avec les accents d’une tragédie grecque, en suppliant Orphée ne pas perturber le cours du destin :

Pour celles qui rejettent les lambeaux
Du voile des noces (ni joues ni lèvres !)
Oh ! il n’a pas le droit, Orphée,
De descendre dans l’enfer…

Pour celles qui renoncent aux derniers maillons
Terrestres ... et déposent sur les couches d’amour,
Leurs regards de mensonge : la vision,
La rencontre est poignard au-dedans.

Elle est payée – le prix des roses de sang –
Cette grande paix d’éternité.
Mais moi, après l’amour jusqu’aux sommets
Les plus hauts du Léthé, j’ai besoin de cette paix

D’oubli... Car dans la demeure des illusions,
L’illusoire c’est toi – être vivant, tandis que moi,
Morte, je suis la vraie ... Que puis-je te dire, sinon
« Oublie tout et va-t’en! »

Tu ne me troubleras pas, je ne me laisserai pas faire !
Il n’y a plus ni lèvres ni bras pour enlacer
Ton corps ! – Le serpent met fin à la passion de la femme
Par sa morsure d’éternité.

Payé, j’ai payé ! Rappelle-toi mes clameurs
Pour ce dernier espace de paix,
Il ne faut pas qu’Orphée descende vers Eurydice !
Et que les frères viennent troubler leurs sœurs.
(Tsvetaeva 2015 : 369-371)

Dans ce poème, Tsvetaeva donne la parole à l’héroïne classique de façon originale et personnelle, tandis que dans Mólodec (Le Gars), Maroussia refuse de « s’exprimer », de « nommer » le gars (« Cloue-moi, cloue !/ Nomme-moi, nomme ! », I, 4, vers 42-43, lui dit-il), qui d’ailleurs n’a pas de nom tout au long du poème, pour se sauver. Entre ces deux façons d’être des protagonistes féminines – la ‘nouvelle’ Eurydice du poème et Eurydice-Maroussia du poème-conte –, la contradiction est seulement apparente, parce qu’à travers la dynamique parole-silence Tsvetaeva définit sa conception de la poésie. La parole poétique ne peut pas prononcer le mot qui fossilise, immobilise, en momifiant l’autre pour toujours (« Comme fumée / Fuyant le four, Chose nommée / Part sans retour », « Chose nommée / Meurt à jamais », I, 4, vers 36-39 et 50-51).

Il faut souligner dans les deux cas la question du féminin, la nouveauté d’avoir rendu protagoniste Eurydice en lui prêtant sa voix, avec en plus toutes les références au corps, à la passion féminine, jusqu’à arriver à ce qui pourrait sembler un paradoxe, c’est à dire le fait que Eurydice (et Maroussia) morte est plus vivante que Eurydice « sauvée ».

5. La voix – la langue – le français

« J’entends des voix, disait-
elle, qui me commandent… »
(Tsvetaeva, 2009 : 498)

Complexe et difficile à décrypter, au moins ici, le long et pénible processus de réécriture de Mólodec russe dans le français de Le Gars,5 parce qu’il s’agit bien d’une réécriture et pas d’unesimple’ auto-traduction, comme l’avoue d’ailleurs Tsvetaeva dans une interview à un ami journaliste :

Vous connaissez Le Gars ? J’ai essayé de le traduire, puis je me suis dit : pourquoi me contraindre ainsi, d’autant plus que les Français ne comprendront pas ce qui pour nous est tout à fait clair. Le résultat, c’est que j’ai tout réécrit autour d’un seul noyau. Par exemple, en français il n’y a pas de mot pour ‘tempête de neige’, alors il m’a fallu parler de neige pour la préparer – et lorsque je dis enfin ‘rafale’ – tout le monde comprend que ce n’est plus du vent mais une tempête de neige… Moi-même, je n’aurais jamais pensé que je me mettrais un jour à ce genre de travail. Cela s’est fait presque par hasard. Natalia Gontcharova qui connaissait le texte russe a fait des illustrations, puis elle a regretté que ce poème n’existât pas en français. Alors j’ai commencé, à cause des illustrations, puis je me suis laissé entraîner. (« Vozrojdenie », 7/3/1931, Tsvetaeva 2011 : 129).

Dans le passage du texte russe au français, elle supprime la dédicace à Pasternak et les vers de la bylina Sadko, tandis qu’elle ajoute une introduction et une sorte de résumé de l’histoire, sans doute pour donner l’occasion au public français de mieux comprendre le contexte. Malgré la grande liberté prise dans la transposition des images poétiques, le poème français reste très précis dans la préservation du style et du rythme.

Le poème (2155 vers) est divisé en deux parties symétriques, de 5 sous-parties : Ière partie La danseuse (832 vers) : 1. Accordailles (165 vers) ; 2. L’échelle (132 vers) ; 3. Sœur et frère (118 vers) ; 4. Mère et fille (166 vers) ; 5. Sous le seuil (251 vers) ; IIe partie La dormeuse (1323 vers): 1. Le barine (56 vers) ; 2. Marmoréa (347 vers) ; 3. L’épousée (118 vers) ; 4. Les compères (408 vers) ; 5. Le chant des anges (314 vers). Les vers, souvent très brefs (d’une syllabe à un maximum de 8/9 syllabes) sont presque toujours regroupés en quatrains (très souvent des rimes croisées), en distiques (rimes plates), ou en strophes de 6 vers avec des rimes différentes. La ponctuation est très riche : Tsvetaeva emploie fréquemment le point d’exclamation ou d’interrogation, les points de suspension ainsi que les tirets.

La dimension orale est très importante dans le poème. L’intérêt de Marina Tsvetaeva pour l’oralité vient du monde du conte qu’elle affectionne tant, mais il peut également être mis en relation avec sa manière d’écrire, liée à l’écoute et à la voix. Elle en parle dans la prose Indices terrestres (1919), dans sa correspondance avec Boris Pasternak (comme par exemple dans la lettre envoyée depuis Saint-Gilles-sur-Vie, le 25 mai 1926), et même dans son texte théorique Le poète et la critique :

J’obéis à quelque chose qui, sans cesse, mais de façon discontinue, résonne en moi, qui tantôt me dirige, tantôt me commande. Quand cela dirige – je discute, quand cela commande – je me soumets. Ce qui commande est le vers primitif, inaltérable et irremplaçable, l’essence qui apparaît sous la forme d’un vers (le plus souvent – c’est le dernier distique qui, ensuite, s’accroît de tout le reste). Ce qui dirige – c’est une voie auditive jusqu’au vers : j’entends une musique, je n’entends pas les mots. Les mots je les cherche. Un peu plus à gauche – un peu plus à droite, plus haut – plus bas, plus vite – plus lentement, ralentir – couper, telles sont les indications précises de mon ouïe – ou de quelque chose d’autre encore – dictant mon à l’ouïe. Mon écriture tout entière consiste à prêter l'oreille. De là la nécessité, pour continuer à écrire, de relire constamment ce que j’écris. Si je n’ai pas relu au moins vingt vers, je n’en écrirai pas un. C’est comme si, dès le début, l’œuvre entière m’était donnée – sous forme de tableau mélodique et rythmique, comme si l’œuvre que je suis en train d’écrire, en ce moment même (je ne sais jamais si elle sera achevée), était déjà écrite quelque part, avec précision et tout entière. Et moi, je ne fais que la reconstituer. Voilà pourquoi je suis constamment sur le qui-vive : est-ce bien ça ? est-ce que je ne m’écarte pas ? est-ce que je ne suis pas en train de n’en faire qu’à ma tête ? Entendre juste – telle est ma tâche. Je n’en ai pas d’autre. (Tsvetaeva 2009b : 498-499)

Cette propension très particulière à écrire en prêtant l’oreille, on la retrouve parfaitement intacte même quand Marina Tsvetaeva écrit dans une langue qui n’est pas la sienne, comme le français de Le Gars.

Dans les vers du poème la voix, les voix, par leurs monologues, créent un rythme tantôt rapide, saccadé, violent, – un « rythme guerrier », comme le définit elle-même Tsvetaeva –, tantôt donnent naissance à un vaste mouvement calme, presque mélancolique ; un rythme qui peut être apprécié à travers une lecture à voix haute qui reproduit les ‘stations’ – presque d’un chemin de croix – de la création originale.

Le français n’était pas une langue apprise par Tsvetaeva pendant son enfance, comme c’était le cas de l’allemand. Dans une lettre à Rainer Maria Rilke de 1926, elle affirme qu’il s’agit d’une langue « ingrate » pour les poètes, « presque impossible », et encore : « horloge sans résonance » (Rilke / Pasternak / Tsvetaeva 2003 : 211).  Et d’ailleurs, dans sa correspondance, et dans plusieurs de ses écrits, en prose et en vers, il y a de nombreuses références à ces décevantes « impressions françaises » ou à propos de sa difficulté à s’adapter aux « mœurs françaises ». La langue dans laquelle elle écrit Le Garsest une langue qui transperce, déforme et trahit le vocabulaire, la grammaire et la syntaxe du français.

Mais quel est le français de Marina Tsvetaeva, et d’ailleurs, est-ce bien du ‘français’ ? Dans le manuscrit (pas publié) du texte, les traces des corrections que son ami et poète belge Robert Vivier (1900-1988, traducteur français de Lermontov, de A. Tolstoï et professeur à l’Université de Liège) lui suggère restent bien évidentes. La preuve la plus tangible de son sentiment d’avoir rejoint une sorte de ‘langue franche’ – langue de la poésie tout court – consiste dans le fait que Marina Tsvetaeva refuse toutes les corrections suggérées par Vivier, toutes les modifications apportées dans la tentative de ramener la langue française entre les limites de l’exactitude de la grammaire, de la syntaxe et de la sémantique.

Au-delà de son mépris pour les règles de la grammaire, l’extrémisme linguistique de Marina Tsvetaeva est bien évident dans l’utilisation des archaïsmes grammaticaux (conjonctions et adverbes, comme onques, à la place de jamais, ou , à la place de déjà ; substantifs, par exemple ru pour ruisselet ; formes verbales comme Oyez pour Écoutez) et syntaxiques (vers 167-168 « Tes yeux sont bleus, / Les voyais noirs » , Etkind 1996 : 252). Dès les premiers vers, l’emploi fréquent de parallélismes, consonances et assonances rappelle le style des chansons françaises médiévales anciennes ou celui des contes populaires. Ce sont des procédés qui favorisent la mémorisation dans la littérature orale :

Fin de terre,
Fin de ciel,
Fin de village.
Tombé le chêne, le rameau fleurit.
A veuve soucieuse
Fillette rieuse.
(vers 1-6)

Tsvetaeva descend dans les entrailles de la langue dans un mouvement tourbillonnant, plein de ruptures et de contractions, par à-coups, où les noms s’enchaînent sans le support logique du verbe.

L’enchantement du conte populaire est rendu, du point de vue du son, par le rythme, surtout consonantique, que Marina, traduit, transfère, en toute liberté, du russe au français. Elle accumule les syllabes accentuées qui se suivent précipitamment, sans médiation. « Les rythmes de la prosodie tonique », comme le met en évidence Efim Etkind, « forment la toile de fond du poème » (1996 : 254). Le rythme iambique et anapestique est très fréquent. Certaines formules métriques, comme celles utilisées pour la danse de la IIe partie Marmorea, où il y a « huit vers anapestiques aux rimes féminines croisées (ABAB) », « suivis de vers anapestiques aux rimes masculines (abc cde ) […].  Ces formes métriques correspondent à la prosodie propre aux poésies russes et allemandes, par conséquent étrangères à la prosodie française » (Etkind 1996 : 255), essentiellement syllabique, ce qui provoque un écart et libère une énergie au tournoiement mystérieux, forçant le lecteur à la suivre.

Un autre procédé utilisé par Tsvetaeva pour la création et la ‘canalisation’ de cette énergie, est l’emploi du tiret qui lui vient de la musique, comme elle l’indiquera dans le récit autobiographique Ma Mère et la musique (1934) :

Lorsque plus tard, poussée par la nécessité rythmique, j’ai commencé à morceler, à casser les mots en syllabes à l’aide du tiret, inhabituel dans les vers, et que j’ai été, à cause de cela et pendant des années, fustigée par certains et glorifiée par un très petit nombre (les uns et les autres pour ma « modernité »), je n’ai su que répondre, sinon « il le faut ». Mais un beau jour, j’ai revu devant mes yeux ces textes de romances de ma petite enfance criblés de tirets parfaitement légitimes, et je me suis sentie lavée : lavée par la musique entière de toute « modernité », lavée, soutenue, raffermie et légitimée, exactement comme l’enfant qui, par la découverte d’une marque de naissance secrète, s’avère être de la famille et avoir enfin droit à la vie (Tsvetaeva 1993 : 63).

Dans son essai sur Marina Tsvetaeva, le poète Joseph Brodsky identifie dans le tiret un aspect distinctif et original de son d’écriture poétique, en disant que si son style est proche de celui du télégraphe, il l’est seulement parce que le signe de ponctuation principal est pour elle le tiret, dont la fonction est de présenter la proximité des phénomènes et des sauts au-delà de l’évidence. Ce signe remplit également une autre fonction : selon Joseph Brodsky, ce simple trait « dissipe », abolit une grande partie de la littérature russe du XXe siècle, dans laquelle il n’apparaît jamais si fréquemment. Si on analyse l’utilisation du tiret dans le poème, on verra qu’il prend différentes significations.

Dans certains cas, il relie, en les rapprochant, deux noms :

Flamme – louve
(I, 1, vers 105)

Neige –, neige – le mien,
Neige – chaume, neige – nid
(II, 1, vers 17-18)

Dans d’autres cas, il est utilisé pour isoler soit des mots, soit des segments linguistiques, soit des vers, interrompant le rythme, comme dans un souffle de reprise qui cependant n’offre pas un véritable répit :

Longeant des murs
Et des ravins,
– Lune à droite –
Des enclos
Et des granges
Et des huttes
(I, 2, vers 34-39)

Dernier bond
– Tout fond –
Cœur bat :
L’isba
(I, 2, vers 115-118)

ou bien il est utilisé, au contraire, pour prolonger la lecture du vers :

Relais restent, clochers percent,
Grelots be – er – cent,
Traîneaux, ve – er – sent,
Allons, ve – er – stes !
(II, 1, vers 21-24)

Qui es ? D’où viens ?
– Je – n’en – sais – rien...
[…]
Te plais-je, blond ?
– Ne sais. – Frisson.
[...]
Un oui de trop ?
Ne sais. – Sanglot.
[…]
Bien vrai ! pour sûr!
– Ne sais ! – Soupir
(II, 2, vers 308-309, 312-313, 316-317, 320-321)

Din – din!
Dre – lin!
De – main!
Dors – bien !
(Co – quins !)
(II, 4, vers 401-405)

Les rimes sont très fréquentes, pas seulement la rime ‘canonique’ basée sur la répétition de la dernière partie du mot, mais aussi la rime interne, brisée, cassée :

Coco – cornu !
Rico – pied bot !
Kiki – connu
Riki – sabot !
(II, 4, vers 140-143)

Le texte est étayé d’allitérations, consonances, assonances, que parfois on ne peut comprendre qu’en recourant à une prononciation ‘russe’ ou ‘allemande’ du français (Kemball 1991 : 217-235 ; Gasparov 1997 : 267-275 ; Faccani 1996 : 91). Mais la vitesse des images et la succession des sons sont accélérées aussi par le roulement des enjambements soudains, par les répétitions et l’anaphore, associations murmurées ou criées de façon spectaculaire. Le récit passe dans les vers sans l’indication des personnages dans un délire qui submerge le lecteur et qui parfois peut engendrer une confusion : qui parle ? le gars ? Maroussia ? le barine ? le chœur ? La tension est continue jusqu’au paroxysme de la fin : l’extase de la prière « dite de Chérubins », le vol dans un royaume ultra-mondain.

L’amour qui pour Marina Tsvetaeva échappe aux raccourcis, ne connaît pas de mesure – parce que, par sa nature même, il est incommensurable – il peut s’exprimer seulement à travers cette langue, une langue nouvelle, renouvelée (on peut se souvenir du mot italien ‘nova’ dans la signification profonde de Dante) : c’est ce que nous dit, que nous offre Marina Tsvetaeva, qui a été capable d’exprimer l’extrême, l’inexprimable :

Je me suis ouvert les veines : la vie
Gicle, ininterrompue et irrécupérable.
Mettez dessous : assiettes, jattes…
Toujours trop petites, trop plates !
Débordant – à côté – elle coule
Dans la terre noire, nourrir les joncs.
Irrécupérable, elle gicle : la poésie.
(Tsvetaeva 2015 : 704-705)

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Notes

1 Je remercie Madame Véronique Lossky, – hélas, désormais de loin – qui m’a accueillie – moi et ma dévotion pour Marina Tsvetaeva et pour ce poème – avec une grande générosité d’écoute et de précieuses indications de lecture. Retour au texte

2 Lire « (N.B. ! ce dont Dieu me garde !) » Retour au texte

3 Dans une lettre à Pasternak (St-Gilles-sur-Vie le 22 mai 1926), on lit : « Boris ! Mon décrochage d’avec la vie se fait de plus en plus irrémédiable. Je migre, j’ai migré, emportant avec moi toute la passion, toute la passion tout le non consommé, non pas telle une ombre sans vie, mais l’emportant avec moi au point de pouvoir griser et soûler tout le royaume d’Hadès ! Ô, avec moi, il se serait mis à parler, Hadès ! Pour preuve – ma capacité d’exécution dans la vie. C’est ainsi qu’on joue un rôle appris. Tu ne connais pas ma vie, justement ce détail du mot: vie. Et jamais tu n’en sauras rien par mes lettres. J’ai peur de le dire à haute voix, j’ai peur du mauvais œil, j’ai peur d’attirer la guigne, j’ai peur de l’ingratitude, j’ai peur – impossible d’expliquer. Mais elle est si peu dans ma nature, cette non-liberté chérie que, par souci d’auto-préservation, je migre dans la liberté – totale. (La fin du Gars). Oui, à propos du Gars, si tu te souviens – c’est toi qui as raison et non Assia. “ B., en son incroyable bonté, a vu dans la fin une simple libération et s’est réjoui pour toi ”. Boris, peu m’importe où voler. Et peut-être est-elle là, ma profonde amoralité (a-déité). Car oui, Maroussia – c’est moi, aussi droite qu’il est de mise (aussi à l’étroit qu’il n’est possible), celle qui tient parole, se défend, se barde contre le bonheur, à demi morte (pour les autres – plus que – mais moi, je sais), qui ne sait pas elle-même trop bien pourquoi c’est comme ça, obéissante au viol qui lui est infligé, et même, qui se rend à cette Prière “ des Chérubins ” – se pliant à une voix, à une volonté étrangère, pas la sienne. J’ai moi-même poussé un soupir lorsque j’ai terminé, heureuse pour elle – pour moi. Que feront-ils dans le feu-bleu? Voler en lui pour l’éternité. Aucun satanisme. La Prière des “ Chérubins ” ? Le peuple en a voulu ainsi. (Lis dans Afanassiev le conte Le vampire . – S’il te plaît!) ». (Tsvetaeva / Pasternak 2005 : 221-222). Retour au texte

4 « (J’aurais su faire comprendre à Orphée : Ne regarde pas en arrière!) La tête d’Orphée qui se tourne – on voit la main d’Eurydice. (“ La main ” – à travers tout le couloir d’Hadès !) Orphée qui se retourne – c’est l’aveuglement de son amour qu’il ne sait pas maîtriser (Vite! vite !) soit – ô, Boris, c’est soit terrible – tu te souviens, 1923, mars, la montagne, les vers : “ Il ne faut pas qu’Orphée passe voir Eurydice / Et que les frères – importunent les sœurs – ” Ou encore – l’ordre de se retourner – et de perdre. Tout ce qui en elle aimait encore – un dernier souvenir, l’ombre du corps, une espèce de protubérance du cœur pas encore touché par le poison de l’immortalité, t’en souviens-tu ? “ –... Avec l’éternité par morsure de serpent/ Prend fin la passion féminine ! ” Tout ce qui faisait encore écho en elle à son nom de femme le suivait, lui, – elle, elle ne pouvait avancer, ou alors, peut-être ne le voulait-elle pas. […] Il y a dans Eurydice et Orphée un écho à “ Maroussia ” et au “ Gars ” – encore une fois, ne ris pas ! – je n'ai pas le temps d’y réfléchir maintenant, mais puisque ça m’est venu tout d’un coup – c’est juste. Ah, peut-être est-ce simplement ce “ n’aie pas peur ” qui a entraîné à sa suite ma réplique à Eurydice et Orphée. Ah, je vois : Orphée est venu la chercher – pour VIVRE, l’autre est venu chercher la mienne – pour ne pas vivre. C’est pour cette raison qu’elle (moi) s’est précipitée la tête la première. Si j’avais été Eurydice, j’aurais eu... honte – de regarder en arrière !  » (Tsvetaeva / Pasternak 2005 : 233). Retour au texte

5 Ioanna Savvidou dans son article dédié au poème Comment traduire un conte en poème : « Le Gars » de Marina Tsvetaeva analyse en particulier les personnages (le barine ; la famille ; les protagonistes) et l’espace (Savvidou 2000 : 73-82 ; mais aussi : Semeka-Pankratov 1995 : 31-56 ; Hauschild 2004 ; Etkind 2005 : 269-275 et Lane 2009). Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Annalisa COMES, « Expression, langue et rythme des sentiments dans le poème Le Gars de Marina Tsvetaeva », Textes et contextes [En ligne], 13-1 | 2018, publié le 05 décembre 2018 et consulté le 28 mars 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=1888

Auteur

Annalisa COMES

Doctorante en Littérature italienne, thèse en cotutelle entre l’Université de Lorraine (Nancy) et l’Université de Vérone (Italie), Centre de recherche LIS (Littératures, Imaginaire, Sociétés) (EA 7305), 23 boulevard Albert 1er, BP 60446, 54001 Nancy Cedex, alisacomes [at] hotmail.com

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