Jane Austen ou la caricature littéraire domestique

  • Jane Austen or Domestic Literary Caricature

Résumés

Loin de la caricature politique courante dans l’Angleterre du dix-huitième siècle, loin de celle, tout aussi courante pratiquée entre eux par les frères ennemis de la littérature, Jane Austen élabora ce qu’on pourrait appeler une caricature domestique. Elle vise les donneurs de leçons et les pédants mais aussi les têtes creuses et les bavards impénitents qu’il est traditionnellement du devoir d’une femme bien élevée de supporter, un sourire figé accroché aux lèvres. Cet article s’attachera à dégager la spécificité du travail de caricaturiste de l’auteur, fondé sur les mots, la parole et le (non)discours dans leur construction comme dans leur rythme. Travail qu’on peut qualifier, jusqu’à un certain point de féministe, même s’il s’attaque de manière sinon indifférente, du moins de façon équitable aux ennuyeux et prétentieux des deux sexes.

Far from the political or literary caricature in vogue in eighteenth-century England, Jane Austen created what could be called domestic caricature. Its targets are all those who feel that they possess superior wisdom or know-how, but also all the empty-headed and long-winded bores who it was a well-brought-up woman’s duty to listen to patiently. This article will try to uncover what is specific in Jane Austen’s caricature. Basing her work on ordinary social interaction and conversation, she exposes the shape(lessness) of speech and (mis) construction of discourses that characterise this would-be superiority. The article will also try to see how far Austen’s work on caricature can be called feminist.

Plan

Texte

1. Introduction

Le Littré définit la caricature comme « un terme de peinture. Représentation grotesque de personnes, d’événements qu’on veut ridiculiser ». Cette représentation qui choisit un ou plusieurs traits potentiellement ridicules dans leur non-conformité à la norme et les charge à l’extrême fait également et depuis toujours partie des outils de l’écrivain. Elle semble pourtant au premier abord antithétique de l’écriture de Jane Austen, cette gravure sur ivoire dont la plupart des lecteurs et des critiques s’accordent à vanter la délicatesse et la subtilité. Nous nous attacherons ici à prouver que si Jane Austen n’est pas que caricaturiste, elle est cependant bien l’héritière d’un dix-huitième siècle anglais qui sut manier cet art mineur et réjouissant dans ses combats idéologiques et littéraires. Preuve en est Northanger Abbey qui caricature de manière délibérée et magistrale la romance et le roman gothique, en même temps qu’il donne ses lettres de noblesse au roman tel que le conçoit l’auteure. Nous ne nous attarderons pourtant pas sur ce texte déjà maintes fois étudié et nous concentrerons, au vu du cadre limité d’un article, sur la caricature de personnages. En effet si elle n’utilise pas le grotesque avec la même persistance qu’un Smollett, avec par exemple Tabitha Bramble, la vieille fille acariâtre ou Lismahago, l’Ecossais sans le sou, dans Humphrey Clinker, il n’est pas sûr que Jane Austen ait quoi que ce soit à lui envier quant à l’efficacité et à la férocité.

L’entreprise, si elle est limitée, n’en est pas forcément plus aisée dans la mesure où il est possible d’affirmer que la caricature concerne tous ou presque tous les personnages des romans de Jane Austen, y compris les protagonistes. Elle est dans le cas de ces derniers temporaire ou partiale, reflétant en cela la capacité des plus sages à oublier parfois les vertus de raison et de mesure qui sont au centre de la morale austenienne. Des héroïnes comme Emma dans le roman éponyme ou Marianne dans Sense and Sensibility sont à certains moments à la limite de la caricature. Les déclarations de Marianne sur l’amoureux idéal construisent la caricature du sentiment romantique alors à la mode. Tout comme les raisons d’Emma pour dissuader sa protégée, Harriet, d’épouser un simple fermier révèlent la folie d’un trop grand attachement à une hiérarchie sociale tenue pour immuable. Mais les deux héroïnes se corrigent elles-mêmes : Marianne renonce à son idéal masculin – «Whatever his pursuits, his eagerness in them should know no moderation, and leave him no sense of fatigue » (Austen 1811 : 32) – pour épouser Brandon, calme, posé et fiable tandis qu’Emma finit par se réjouir du mariage d’Harriet avec un jeune homme qui, s’il ne fait pas partie du cercle poli qui est le sien, n’en est pas moins d’une respectabilité impeccable. Elles sortent ainsi du cadre de la caricature proprement dite pour entrer dans celui de la comédie de mœurs. Elles nous offrent cependant une première indication de la variété de la caricature austenienne. Elles en révèlent aussi la spécificité en ce qu’elle n’est pas, comme c’est souvent le cas au dix-huitième siècle, le fait d’un parti pris visant l’ennemi artistique ou idéologique. Elle se contente d’attaquer indifféremment les folies ordinaires de la société de son temps, rejoignant en cela Smollett.

2. Une caricature des femmes ?

Si tous les personnages de Jane Austen peuvent être touchés par la caricature, il n’en demeure pas moins que certains, en général des personnages plats au sens où l’entend Forster (1927 : 73),1 sont tout entiers contenus dans le trait caricatural. C’est à travers eux que nous tenterons de définir ce qu’il y a de féminin dans la caricature telle que la pratique Jane Austen. La première remarque que l’on peut faire est qu’elle semble plus souvent concerner les femmes que les hommes : celle de Mr Thorpe dans Northanger Abbey, si elle est sans pitié, est loin d’être aussi développée que celle de Catherine, l’héroïne en titre avant que, comme Emma ou Marianne, elle se corrige de son enthousiasme pour le sensationnel. Dans Pride and Prejudice, pour un Mr Collins nous avons Mrs Bennet, Lady Catherine de Burgh et Miss Bingley. Dans Emma Mrs Elton et Miss Bates répondent à M. Woodhouse et dans Sense et Sensibility Mrs John Dashwood et Lady Middleton sont les pendants féminins de Robert Ferrars dans la caricature de la morgue de classe. Pourquoi un tel déséquilibre ? Sans doute en premier lieu parce que l’auteure, femme du dix-huitième siècle célibataire, était confinée dans ce qu’on pourrait appeler le sérail de la gentry à laquelle elle appartenait. Elle avait donc avec les femmes un contact plus proche et plus de temps pour les observer et en apprécier les ridicules. Peut-être aussi parce qu’il est plus difficile, quand on est une femme, de transformer les défauts du sexe dominant en traits caricaturaux ? Certainement, d’un point de vue critique féministe, Mr Knightley n’apparaît pas plus parfait qu’Emma ; il ne glisse cependant à aucun moment vers la caricature, au contraire de celle-ci. Cette répartition constitue une première caractéristique – la plus immédiatement visible en tout cas – de la caricature au féminin chez Jane Austen. Le fait qu’en accord avec le roman social et domestique qu’elle écrit, la caricature d’Austen se garde soigneusement d’être ouvertement politique semble confirmer l’idée d’une approche féminine du portrait charge. Il n’y a pas chez Austen de caricatures de penseurs ou de gouvernants comme chez Swift ou d’homme de guerre comme chez Fielding et plus tard Thackeray. Tout se passe dans le domaine privé des salons familiaux, des soirées plus ou moins mondaines, dans les bals de société, et dans les conversations qui s’y tiennent.

Conversation, parole, discours sont en fait les maîtres mots de la caricature austenienne. D’abord en ce que tous les personnages-caricatures cités ci-dessus sont des bavard(e)s impénitent(e)s. Ils imposent impitoyablement leurs discours, ou ce qui en tient lieu, à des interlocuteurs trop bien élevés pour leur couper la parole. Et c’est sans doute ce qui marque le plus clairement la caricature de Jane Austen comme caricature au féminin. Car elle découle directement d’une expérience de femme bien élevée de l’époque, l’obligation d’écouter et de supporter ces ennuyeux et ennuyeuses alors qu’il y avait un livre à lire … ou à écrire. Cela est apparent dans Emma où Miss Bates et Mrs Elton, deux caricatures sur lesquelles nous reviendrons, épuisent de paroles toutes celles qui croisent leur chemin, mais pas Mr Knightley qui, en vertu d’une masculinité affirmée, les ignore et fait passer ce qu’il veut faire entendre. Son attitude dans la scène où Miss Bates lui parle de sa fenêtre, révélée par des expressions comme « Mr Knightley seemed determined to be heard in his turn, for most resolutely and commandingly did he say », « ‘I want to know… tell me’ », « He cut her short with », « ‘What is the matter now ?’ » (Austen 1816 : 219-21) est évidemment impossible à assumer par une jeune femme bien élevée comme Emma.

Mais la concentration sur la représentation de la parole et du discours et en particulier ceux des autres relève également d’une appréhension féminine des relations humaines. Luce Irigaray (1990 : 59-60) le démontre clairement dans son étude Sexes et genres à travers les langues dont une des conclusions majeures est le fait que les femmes utilisent le langage pour désigner un monde où l’environnement et les autres sont présents. Béatrice Didier reprend l’idée au plan strictement littéraire dans L’Écriture femme quand elle note la conscience de l’écrivaine « de toute cette richesse, de toute cette mouvance fluide que possède la parole » (Didier 1981 : 60).

3. Une caricature féminine

Il faut cependant séparer ces bavards en deux catégories : les (apparemment) inoffensifs tels Miss Bates ou Mr Woodhouse dans Emma et les agressifs, Lady Catherine de Burgh, Mr Collins dans Pride and Prejudice ou Mrs Elton dans Emma. La logorrhée de Miss Bates et l’hypocondrie de Mr Woodhouse sont d’ordre strictement privé et les lecteurs s’amusent de la folie humaine ordinaire. Il faut cependant admettre qu’une lectrice réagira peut-être différemment qu’un lecteur. Car ce sont les femmes, comme nous l’avons déjà mentionné, qui en général assurent le bon fonctionnement des relations humaines et qui subissent et doivent gérer ces grains de sable de la vie quotidienne. Si Jane Austen ne rejette à aucun moment ce rôle féminin, il n’en demeure pas moins qu’elle en montre la difficulté. Preuve en est la confidence que Jane Fairfax, la nièce de Miss Bates qui est revenue vivre avec elle, ne peut s’empêcher de faire à Emma : « Oh ! Miss Woodhouse, the comfort of being sometimes alone ! » (Austen 1816 : 338). Preuve en est également la scène du pique-nique quand on décide d’un jeu où chacun doit dire « one thing very clever … or two things moderatly clever—or three things very dull indeed ». Emma ne peut résister à l’engagement de Miss Bates de dire trois choses très ennuyeuses et répond : « Ah ! ma’am, but there may be a difficulty. Pardon me—but you will be limited as to number—only three at once.2 » (Austen 1816 : 335)

Cette flèche décochée par Emma est en fait le point d’orgue d’une caricature de la bavarde intarissable qui a été développée tout au long du roman. Miss Bates est sans doute l’exemple qui démontre le mieux la maîtrise parfaite de Jane Austen de l’art de la caricature par le verbe. Elle se construit sous les yeux du lecteur dans les moments où Miss Bates occupe la scène et dont l’un des plus frappants est celui où elle propose à Emma, en visite de courtoisie, de lui lire la lettre qu’elle vient de recevoir de sa nièce Jane. Celle-ci a été élevée après la mort de ses parents par un ami de son père, le Colonel Campbell, ayant lui aussi une fille. La fille est maintenant mariée et Jane annonce son retour dans sa famille. Mais ni Emma ni le lecteur n’entendra la lettre car Miss Bates parle « extremely fast » (Austen 1816 : 140), ne s’arrêtant que pour reprendre son souffle et permettre à Emma une remarque polie qui la relance immédiatement. Ce quasi monologue qui occupe six pages est en fait une accumulation ou plutôt un enchevêtrement de digressions, d’informations contenues dans la lettre et dans des lettres antérieures et d’expression de sentiments personnels, une sorte de concentré de parler pour ne rien dire ou presque.

Les digressions concernent le fait que la lettre a été égarée (et retrouvée sous le nécessaire à couture), qu’elle a déjà été lue (?) à d’autres voisines, que la mère de Miss Bates a la vue basse et n’entend plus très bien. Sans oublier la narration de la première lecture et des sentiments qu’elle a suscités. Ces digressions sont encore alourdies par la répétition et l’inclusion de détails sans rapport avec la lettre du jour. Un exemple suffira :

My mother’s deafness is very trifling you see—just nothing at all. By only raising my voice, and saying anything two or three times over, she is sure to hear; but then she is used to my voice. But it is very remarkable that she should always hear Jane better than she does me. Jane speaks so distinct! However, she will not find her grandmamma at all deafer than she was two years ago; which is saying a great deal at my mother’s time of life—and it really is two full years, you know, since she was here. (Austen 1816 : 140)

La même tendance à ajouter des détails sans intérêt marque la partie qui informe Emma du contenu de la lettre. Nous apprenons avec la visiteuse, et pour ne citer que deux exemples, que les Campbell partiront rejoindre leur fille et leur gendre en Irlande le lundi après le départ de Jane et que cette dernière a attrapé un rhume le 7 novembre. Détails auxquels s’en ajoutent d’autres évidemment tirés de lettres antérieures comme le fait que les Campbell insistaient pour que leur fille ait un chaperon quand elle rencontrait son fiancé (elle est maintenant mariée et de retour de sa lune de miel) et une référence au fiancé sauvant Jane d’une chute dans l’eau lors d’une promenade en bateau (avant le mariage daté dans le passage au mois d’octobre). Sans oublier les informations données en deuxième ou troisième main quant à l’amabilité et au charme du fiancé, Mr Dixon, qu’elle n’a jamais rencontré ou à la beauté de sa propriété en Irlande qu’elle n’a jamais vue et dont Jane lui a parlé en partant de dessins que le jeune homme lui a montrés.

De plus, si l’interlocutrice ou la lectrice se perd dans tous ces détails superflus, ce n’est pas faute de les avoir répétés. L’incertitude du jour de l’arrivée de Jane, le vendredi ou samedi de la semaine suivante est mentionnée trois fois, tout comme la durée de son séjour dans sa famille, trois mois. Il est impossible de ne pas comprendre que Jane n’est pas en très bonne santé car Miss Bates y fait allusion à neuf reprises : « unwell » et « cold » sont utilisés deux fois, auxquels s’ajoutent « not quite so well », « ill », « illness », « grown thin and looking very poorly » et « cure » ! Quant à l’affection des Campbell, de leur fille et de son nouveau mari pour Jane, ainsi que leur désir de la garder auprès d’eux, elle revient comme une sorte de leitmotiv. Le plus drôle est sans doute l’allusion répétée à la lecture annoncée de la lettre : « as I am going to have the pleasure of reading to you », « we shall see presently in Jane’s letter », « as you will hear presently », « as I am going to read to you », « as you will find in Jane’s letter », (Austen 1816 : 141-3) lecture qui ne se fait finalement pas, mais dont Emma n’a nul besoin car « she had in fact heard the whole substance of Jane Fairfax’s letter » (Austen 1816 : 144).

4. Une caricature morale

La caricature demeure cependant ici anodine comparée à celle de personnages comme Robert Ferrars, Lady Catherine de Burgh, Mr Collins et Mrs Elton qui font grincer des dents en même temps qu’ils font sourire car le désir de supériorité et de contrôle qui les caractérise révèle les travers d’une société où le paraître l’emporte sur l’être. Il est possible d’affirmer qu’il s’agit ici de caricature morale mais, comme dans le cas des bavards inoffensifs, il est également possible d’y voir une critique sinon politique du moins idéologique par le biais. Cette manière détournée de s’attaquer aux failles d’un système, qu’il s’agisse de l’inégalité des rôles sexuels ou du détournement de la hiérarchie sociale, peut également être perçu comme une marque du féminin dans la caricature austenienne en ce qu’il souligne de manière récurrente la position secondaire des femmes.

Nous en donnerons pour exemple la déclaration d’amour/offre de mariage de Mr Collins à Elizabeth dans Pride and Prejudice où il se découvre tout entier, ou plutôt confirme dans une situation très privée ce qu’il avait déjà révélé de lui-même dans des situations semi publiques (une lettre à Mr Bennet qu’il ne connaît pas annonçant sa visite et une conversation avec Elizabeth lors d’un bal à propos des convenances sociales). Ce qui frappe tout d’abord est la répétition de « I », « me » et « my », utilisés trente-deux fois sur quarante cinq lignes. « We », pourtant essentiel dans un projet de vie commune, n’apparaît qu’une seule fois. Quant au « you » faisant référence à la bien aimée, la première des dix occurrences de la scène n’intervient qu’à la vingt-deuxième ligne. De plus la position de ce « you » est révélatrice : « you will find », « I assure you » deux fois, « your father » deux fois, « you may be entitled to », « a thousand pounds that will not be yours » (Austen 1813 : 95-6). Les modaux de permission accordée (may) ou d’inévitabilité (will) et la position en tant qu’objet par rapport au père ou au soupirant, en conjonction avec la récurrence lourde des déterminants à la première personne, celle du locuteur, Mr Collins, constituent un exemple empirique, et caricatural dans sa perfection même, de ce que Luce Irigaray décrit dans son étude, la concentration du discours masculin sur lui-même, l’enfermement qu’il effectue de son interlocutrice dans un discours qui ne lui laisse aucune possibilité si ce n’est l’accord ou la soumission.

Le monde se désigne le plus souvent, dans le discours des hommes, comme inanimés abstraits intégrés à l’univers du sujet. La réalité y apparaît […] liée à l’histoire collective et individuelle du sujet masculin […] les réalités dont parle le discours sont artificielles, tellement médiatisées qu’elles ne sont pas réellement partageables. (Irigaray 1990 : 460)

Elizabeth a d’ailleurs dans cette scène bien du mal à prendre la parole et encore plus de mal à se faire entendre.

La caricature ne se limite cependant pas au langage révélateur de l’égocentrisme masculin. Le langage construit en effet un discours qui, dépassant la caricature des relations de genre, vient en fait la compléter. Mr Collins annonce d’emblée qu’il va exposer les raisons qui le poussent à demander la main d’Elizabeth. Suit alors une parodie de dissertation en trois parties clairement marquée par premièrement, deuxièmement et troisièmement. L’effet dans une déclaration d’amour est sans conteste comique, mais c’est également une attaque sans merci de la soi-disant supériorité des hommes éduqués à l’université. Mr Collins n’est qu’un butor qui n’a retenu de ses trois ans à Oxford que la forme du discours raisonné en usage dans les « debating societies » étudiantes. Qu’il juge bon de l’appliquer pour déclarer sa flamme montre, sans le dire, à quel point il est à la fois satisfait de lui-même et borné.3

Le fonds du discours confirme d’ailleurs la petitesse d’esprit du personnage déjà visible dans la forme. La première partie annoncée de sa déclaration concerne en effet son confort d’homme et d’homme d’église qu’une épouse dévouée devrait assurer, enfonçant le clou de l’égoïsme masculin. La deuxième partie, centrée sur la cour servile qu’il fait à la châtelaine à qui il doit sa cure, donne une idée de l’ambition sociale sans envergure qui l’habite. Quant à la troisième elle se veut d’ordre moral. À la mort de Mr Bennet, sa femme et ses cinq filles se retrouveront sans toit, le testament spécifiant que Longbourn doit revenir à un héritier mâle, en l’occurrence Mr Collins. Il fait donc, de son point de vue, œuvre charitable en offrant un toit à l’une d’entre elles, malgré leur manque de dot. Cette bonne conscience facilement acquise parachève la caricature d’un homme mesquin à tous points de vue qui comme tous les mesquins conjugue l’aptitude à la flagornerie envers ses supérieurs, le désir d’imposer sa loi à ceux (celles) qu’il considère inférieur(e)s et une haute conscience de sa propre valeur. La signature de la caricature est tout entière dans la seule phrase ‘amoureuse’ du discours : « And now nothing remains for me but to assure you in the most animated language of the violence of my affection » (Austen 1813 : 73). C’est la seule phrase du discours de Mr Collins qui ne dise rien et qui ne nécessite aucun commentaire.

Cette approche par le biais, le « tell it slant » d’Emily Dickinson, est féminine en soi, dans le contexte historique au moins. Elle l’est également dans la forme dans la mesure où la caricature s’effectue à travers le discours même du personnage, qui d’une certaine manière se caricature lui-même. Chacun – Miss Bates et Mr Collins ne sont que deux des exemples possibles – est en effet doté d’un idiolecte personnel et soigneusement élaboré. C’est le signe de l’écoute attentive et sur le long terme de la narratrice et de l’auteure,4 mais aussi, pour reprendre les termes de Béatrice Didier du fait que « la culture orale […] a longtemps été le fait des femmes » (Didier 1981 : 151).

5. Caricature et narration

Mais le fait que l’instance narrative laisse la caricature se dessiner elle-même ne signifie pas qu’elle est innocente ou spontanée. L’espace textuel occupé par Miss Bates en solo ou presque est sans réel rapport avec l’importance du personnage, très secondaire, dans le roman. Cinq pages sont consacrées à l’épisode de la lettre non lue développé ci-dessus, puis quatre pages à l’annonce du mariage du pasteur, Mr Elton, pour enfin lui consacrer presque deux chapitres (9 pages) pour quasi rien au niveau de l’intrigue. Cette longueur fait en fait partie intégrante de la caricature, car en même temps qu’elle charge le trait, elle permet à l’absence de forme qui caractérise le discours de Miss Bates de s’ancrer dans l’esprit du lecteur. La même remarque peut être faite à propos de Mr Collins. La longueur de ses deux longs discours à Elizabeth (explication durant le bal des règles de comportement en société et offre de mariage) et des deux lettres transcrites in extenso dessinent avec force par leur style interchangeable la suffisance bornée du personnage et en font un grotesque que même Dickens ne surpassera pas.

Il faut cependant noter que les caricatures sont tissées dans le texte et participent à l’effet de réel. Les longs monologues de Miss Bates fournissent de manière naturelle de nombreux détails essentiels à la construction du monde fictionnel et à la compréhension des personnages et de leur interaction. Ceux de Mr Collins, bien que plus théâtralisés – un reste de la forme première du texte, épistolaire – ouvrent le roman sur le monde extérieur à Longbourn : ils expliquent le silence hautain d’un Mr Darcy confronté à ce milieu pour lui vulgaire et préparent le lecteur à la condescendance aristocratique de Lady Catherine de Burgh. Cette intégration des caricatures dans le monde fictionnel et les personnages qui l’habitent constitue un autre aspect du féminin de l’écriture de Jane Austen. Au contraire des grands caricaturistes hommes (déjà mentionnés) qui l’ont précédée, elle ne sépare pas le monde de la raison de celui de la folie, elle ne part pas en guerre contre le ridicule, elle se contente de le souligner ainsi que son impact négatif sur les relations humaines au quotidien.

Ceci, bien sûr, explique le fait que la voix narrative sait s’arrêter autant que s’étendre. Les discours de Miss Bates et Mr Collins, personnages qui évoluent en fond d’intrigue, sont, une fois le portrait achevé, coupés sans pitié chaque fois qu’ils réapparaissent. Miss Bates, appelée lors des consultations sur l’arrangement de la salle de bal donne son approbation « at once general and minute, warm and incessant » (Austen 1816 : 230), résumé succinct et suffisant de ses discours précédents. De la même manière, quand Elizabeth accompagnée de Mr Lucas et de sa fille cadette, rend visite à Mr Collins nouvellement marié à sa meilleure amie dans son presbytère de Hunsford, la narratrice se contente de remarquer que la jeune fille :

could not help fancying that in displaying the good proportions of the room, its aspect, and its furniture, he addressed himself particularly to her, as if wishing to make her feel what she had lost in refusing him. (Austen 1813 : 106)

De nouveau l’économie de mots de la voix narrative rappelle la prétention bavarde du pasteur sans tomber elle-même dans le même travers et ennuyer le lecteur.

Cette maîtrise de la transcription du discours et la stylisation essentielle à toute caricature réussie sont clairement perceptibles dans d’autres portraits charge. Celui de Mrs Elton par exemple que Jane Austen laisse s’exprimer apparemment librement lors d’une première visite de courtoisie à Emma. Et ce qu’elle exprime le plus clairement c’est qu’elle n’a rien à dire si ce n’est d’énumérer les signes extérieurs de richesse de sa vie de jeune fille: Maple Grove, la superbe maison (de son frère !) dix fois, Bath, lieu de villégiature à la mode cinq fois, les voitures (« chaise » et « carriage ») deux fois et « barouche-landau » quatre fois. (Austen 1816 : 244-7). Le reste n’est qu’une suite de clichés, sur l’importance de la musique, le fait que le Surrey est le jardin de l’Angleterre et sur « [the] many resources within [herself] » (Austen 1816 : 247) qui l’aideront à supporter la vie à la campagne. Mais c’est plus tard dans l’épisode de la cueillette des fraises dans les jardins de Mr Knightley que le vide intellectuel du personnage est rendu de manière magistrale :

‘The best fruit in England—everybody’s favourite—always wholesome.—These the finest beds and finest sorts.—Delightful to gather for one self—the only way of really enjoying.—Morning decidedly the best time—never tired—every sort good—hautboy infinitely superior—no comparison—the others hardly eatable—hautboys very scarce—Chili preferred—white wood finest flavour of all—price of strawberries in London—abundance about Bristol—Maple Grove—cultivation—beds when to be renewed—gardeners thinking exactly different—no general rule—gardeners never to be out of their ways—delicious fruit—only too rich to be eaten much of—inferior to cherries—currants more refreshing—only objection to gathering strawberries the stooping—glaring sun—tired to death—could bear it no longer—must go and sit in the shade.’ (Austen 1816 : 324)

Les tirets indiquent évidemment le reste de la conversation (qui dure une demi heure) sans intérêt du personnage et la volonté de la voix narrative de se concentrer sur un aspect seulement de ce flot de paroles. Tandis que la disparition rapide de la ponctuation et l’absence de tout mot d’ordre grammatical ou syntaxique marquent le caractère très frustre de la pensée de cette élégante, limitée à ses réactions immédiates aux stimuli du moment. La sophistication assumée du personnage lors de sa première intervention est ici démontée sans pitié. Le personnage devient marionnette, autre version de la caricature, dans la tradition occidentale.

La tirade de Mrs Bennet à propos du mariage de sa fille aînée Jane avec Bingley dans Pride and Prejudice fournit un autre exemple en même temps qu’elle démontre la versatilité de la caricature austenienne en ce qu’elle s’effectue entièrement en discours rapporté. L’autosatisfaction bavarde et complaisante du personnage ainsi que son désir de briller à bon compte apparaissent de manière évidente dans la liste qu’elle dresse des avantages du mariage de Jane avec Bingley : « Such a charming young man, and so rich, and living three miles from them … and then it was such a comfort … and to be certain … it was moreover such a promising thing … Jane’s marrying so greatly … and lastly it was so pleasant … » (Austen 1813 : 89). La répétition des « and » et ses équivalents scandent le discours, en marquent la reprise de souffle tout autant que la crainte de se voir interrompre. Celle de « such » et « so » souligne le désir de marquer un point dans la rivalité qui l’oppose à la voisine à qui elle communique cette bonne nouvelle, elle aussi mère de famille avec des filles à marier. L’association de ces termes à des adjectifs ou adverbes vagues et passe partout – « charming », « rich », « greatly », « pleasant » – révèle tout ce qu’il y a de superficiel dans cet enthousiasme. Et ce qui parachève la caricature pour le lecteur du roman est que tout ce discours est en contradiction absolue avec les faits. Le mariage de Jane est totalement hypothétique, le discours d’auto congratulation est donc vide de contenu.

La même stratégie de contradiction interne peut être observée dans la caricature de la grande dame sûre de sa supériorité, Lady Catherine de Burgh (Pride and Prejudice) et sa conversation lors de la visite d’Elizabeth. Elle se caractérise par l’assomption d’un droit de regard sur toutes les activités de la vie de ce qu’elle considère comme les classes inférieures, éducation donnée aux enfants, séjours à Londres, mais aussi soins aux vaches et aux poules et améliorations dans la maison, tout cela en contradiction avec la position d’éminence sociale qu’elle ne laisse personne ignorer. Qu’il s’agisse de discours direct – « ‘Why didn’t you all learn ?—You ought all to have learnt.’ (Austen 1813 : 109) » – ou bien de discours rapporté – « She asked her at different times, how many sisters she had … whether any of them were likely to be married, whether they were handsome … what carriage her father kept, and what had been her mother’s maiden name?» (Austen 1813 : 109) – l’impertinence du ton d’autorité est sans ambiguïté.

La représentation de l’inaptitude à produire un discours approprié aux circonstances est donc toujours une manière indirecte de caricaturer la folie humaine, mais avec une différence féminine. Car c’est toujours la folie subie par les femmes en général et les jeunes femmes en particulier qui est en cause, celle d’une autorité ou d’une supériorité (masculine, maternelle ou sociale) qu’elles ne sont pas en mesure, de par le rôle qui leur est assigné, de contrer ouvertement. Il faut cependant, et ce sera le dernier point de cet article, se garder de considérer les caricatures de Jane Austen comme des mouvements d’humeur qu’un don pour le langage et l’écriture lui permet d’utiliser pour amuser le lecteur en passant. La caricature chez Jane Austen est en effet encadrée dans un processus de construction que l’on retrouve, avec de légères variations, dans tous les exemples.

La caricature que le personnage effectue sur lui-même à travers son discours et que nous avons tenté d’analyser ci-dessus est en effet systématiquement précédée d’une amorce par le narrateur. Il peut s’agir comme dans le cas de Robert Ferrars d’une description du jeune homme passant un temps fou chez le bijoutier à discuter de l’ornementation d’un cure-dents, petite scène qui prépare le lecteur à la vanité creuse du discours quand un peu plus tard le personnage prend la parole. Mais le plus souvent il s’agit de ce qu’on pourrait appeler une ride dans la surface lisse du texte narratif, souvent le fait de la voix narrative. Une clôture (même provisoire) de la caricature est ensuite effectuée par ce qu’on pourrait appeler un mot de la fin, prononcé en général par un autre personnage qui confirme ainsi l’annonce faite par le narrateur, et le sentiment du lecteur à la fin du discours caricatural proprement dit.

Les réserves d’Emma au sujet de Mrs Elton apparaissent certes très vite mais pas cependant avant une petite phrase remarquant qu’on ne pouvait se faire une opinion de la nouvelle venue « beyond the nothing-meaning terms of being ‘elegantly dressed, and very pleasing’ » (Austen 1813 : 242). La petite ride est ici « nothing-meaning » qui est en fait l’expression clef de la caricature qui va suivre d’une femme qui n’a rien à dire, qui veuille dire quoi que ce soit si ce n’est sa haute opinion d’elle-même. L’ayant patiemment écouté discourir, la réaction d’Emma est sans ambiguïté : « ‘Insufferable woman !’ was her immediate exclamation. ‘Worse than I had supposed. Absolutely insufferable !… a little upstart, vulgar being with … all her airs of pert pretension and under-bred finery’ » (Austen 1816 : 250). Quant à Mrs Bennet, c’est après une scène qu’on pourrait qualifier de comédie domestique, drôle et légère que la voix narrative intervient pour préciser : « She was a woman of mean understanding, little information, and uncertain temper … The business of her life was to get her daughters married; its solace was visiting and news » (Austen 1813 : 4). Le lecteur, ainsi prévenu ne peut s’étonner que sa tirade sur le beau mariage de Jane, mentionnée plus haut, soit suivie des réactions de sa fille « [who] blushed and blushed again with shame and vexation » et de Darcy, le seul vrai gentilhomme présent – « The expression of his face changed gradually from indignant contempt to a composed and steady gravity » (Austen 1813 : 68) – air grave qui par sa retenue même est la condamnation la plus sévère de la bêtise et du manque de tact de Mrs Bennet.

6. Une caricature féministe ?

Les exemples pourraient être multipliés, le processus étant observable, avec des variations, pour tous les personnages-caricatures. Cette régularité dans la présentation, ou l’encadrement, de la caricature austenienne pourrait être considérée comme anecdotique, une caractéristique stylistique de la narration. Ce serait ignorer le fait qu’elle participe à la dimension du féminin dans la caricature de Jane Austen. Ayant noté des aspects (choix du domaine d’action et utilisation du langage) qui relèvent de ce que l’on considère généralement comme des spécificités féminines, ne pourrions-nous avancer que cette formalisation du processus, de par son caractère délibéré et systématique, relève quant à elle pas d’un certain féminisme ? La réponse, il est vrai, est on ne peut plus ambiguë. La caricature vise certes des comportements dont les victimes sont les femmes mais il est impossible d’oublier que la majorité des personnages soumis au procédé caricatural sont féminins. Il est en outre possible d’émettre des doutes sur la masculinité de Robert Ferrars et Mr Collins, les deux caricatures d’hommes mentionnées dans cet article. Robert Ferrars, figure typique du jeune homme à la mode du dix-huitième siècle, n’est-il pas, de par son narcissisme et son intérêt pour les frivolités, sinon féminin, du moins efféminé ? Quant à Mr Collins, malgré le discours trahissant sa perception de lui-même comme mâle dominant, il n’est en fin de compte que le pasteur d’une paroisse de campagne, menant la vie protégée et d’une certaine manière domestique (les soins de la paroisse) qui caractérise sa profession. Cela n’en fait-il pas un personnage à la limite de la masculinité ?5 Certainement son intérêt pour sa maison et son désir de plaire à ceux qui ont le pouvoir sur lui vont dans ce sens.

On ne peut s’empêcher de noter cependant que si la caricature de Mr Collins s’effectue de la même manière que les autres, l’introduction des indices préparant le lecteur est confiée dans son cas à un personnage masculin, Mr Bennet, dont l’intelligence a été clairement établie. Il lui faut quinze jours de réflexion avant de répondre à la première lettre de Mr Collins. À cette hésitation s’ajoute la remarque faite à sa femme, d’emblée opposée à la venue de cet usurpateur : « If you will listen to his letter, you may perhaps be a little softened by his manner of expressing himself. » (Austen 1813 : 12) Si la prudence extrême de la phrase indique évidemment le sentiment négatif de Mr Bennet, ce sentiment gagne en pouvoir de conviction de par le fait qu’il est exprimé par un homme de sens. C’est aussi Mr Bennet qui, après la lecture de la lettre, scelle le sort de Mr Collins dans l’esprit du lecteur en même temps qu’il valide l’intelligence d’Elizabeth qui réagit comme lui.

« ‘Can he be a sensible man, sir?’
‘No, my dear, I think not. I have great hopes of finding quite the reverse’» (Austen 1813 : 44).

Cette modulation de la construction de la caricature est aussi significative que subtile et marque sans doute la difficulté à laquelle nous avons fait allusion plus haut pour une femme de ridiculiser un homme de manière directe. Elle indique également un choix de non engagement direct dans une critique que nous appellerions aujourd’hui féministe. Encore que pour qui lit en entier les discours de Mr Collins, il n’y en a pas vraiment nécessité. Il fait le travail lui-même a contrario.

Plus gênant est le fait que toutes les caricatures de femmes sont des caricatures de femmes de pouvoir ou en mal de pouvoir, qu’il s’agisse de Lady Catherine de Burgh, de Mrs Bennet ou de Mrs Elton, ou même de la terrible Mrs Norris dans Mansfield Park.6 Bien sûr, ce sont encore des femmes qui subissent ce pouvoir, les hommes étant en mesure de l’éviter ou l’ignorer. On peut néanmoins se demander pourquoi le plus grand ridicule qui pourrait toucher une femme serait l’aspiration à une position d’autorité à l’égal des hommes.7 L’impression à ce niveau est certainement d’un conservatisme certain en ce qui concerne le féminin. L’exemple de Miss Bates confirme cette impression. En effet elle est le seul personnage caricature dont la présentation dévie clairement de la norme. Si le paragraphe qui l’introduit dans le roman finit par l’indice habituel, « she was a great talker upon little matters » (Austen 1813 : 18), il n’en fait pas moins, par la voix narrative, un portrait qui ne laisse aucun doute sur la vertu, la patience et la bonté sans faille du personnage. Quant à la clôture, elle n’a pas lieu, ou plutôt elle est contrariée par une voix d’autorité, celle de Mr Knightley qui rappelle à Emma les épreuves traversées par Miss Bates et le fait qu’elle s’y est résignée avec patience et bonne humeur. Emma admet très vite la justesse du reproche et s’impose ensuite volontairement l’ennui des monologues sans fin de la vieille demoiselle.

La raison de cette ambiguïté quant à une position féministe dans la caricature austenienne réside sans doute dans le fait qu’elle est fondamentalement et avant tout, comme nous l’avons mentionné dès le départ, d’ordre moral. Cet ordre moral et ses devoirs de raison et d’intégrité concernent tous les êtres humains, femmes et hommes. Nous pourrions conclure en affirmant que la caricature austenienne, parce qu’elle montre clairement qu’elle ne dispense pas les femmes de ces devoirs, peut finalement être perçue, dans la parité de l’exigence morale, comme un aspect du féminisme de l’auteure. Hypothèse que confirmerait une étude qui prendrait en compte les personnages sérieux et dotés de la capacité de penser à travers lesquels Jane Austen développe la notion d’une égalité fondamentale entre hommes et femmes. Mais c’est là le sujet d’un autre article.

Bibliographie

Sources primaires

Austen, Jane (1811). Sense and Sensibility, Oxford : Oxford University Press.

Austen, Jane (1813). Pride and Prejudice, New York : Norton & Company.

Austen, Jane (1814). Mansfield Park, London : Dent.

Austen, Jane (1816). Emma, Oxford : Oxford University Press.

Austen, Jane (1818). Northanger Abbey, Oxford : Oxford University Press.

Austen, Jane (1818). Persuasion, London : The Folio Society.

Smollett, Tobias (1771). Humphry Clinker, Oxford : World’s Classics.

Sources secondaires

Didier, Béatrice (1989). L’Ecriture femme, Paris : PUF.

Forster, Edward Morgan (1927). Aspects of the Novel, London : Penguin.

Irigaray, Luce (1990). Sexes et genres à travers les langues, Paris : Grasset.

Notes

1 « flat characters […] are sometimes called types, and sometimes caricatures. In their purest form, they are constructed a single idea or quality ». (Forster 1927: 73). Retour au texte

2 Mr Knightley qui se permet ensuite de réprimander Emma pour son manque de gentillesse a sans doute raison dans l’absolu dans la mesure où Miss Bates est dépourvue de toute malice. Il n’en demeure pas moins que la sympathie de toute lectrice qui a écouté avec Emma les digressions tout aussi interminables qu’inintéressantes de Miss Bates ira spontanément vers la jeune femme. Retour au texte

3 Elle démontre peut être aussi, par le biais, à quel point la supériorité assumée du sexe masculin a peu de fondement. Retour au texte

4 Elle est différente, par exemple, de celle d’un autre romancier grand créateur de caricatures, Dickens. En effet, si comme Jane Austen il dote ses grotesques d’un idiolecte spécifique, il l’utilise de manière beaucoup plus générique et répétitive. Le personnage est immédiatement défini et ensuite reconnu par une tournure de phrase quasi immuable. Retour au texte

5 La question est pertinente quand on se rappelle que les décennies qui vont suivre vont voir l’extension et l’organisation du domaine d’action des femmes de la maison à la paroisse ou au quartier en même temps qu’elles verront se développer chez les hommes d’église ce christianisme musclé (« muscular Christianity ») typique de l’époque victorienne. Retour au texte

6 Nous n’avons pas inclus Mrs Norris dans notre étude car elle n’entre pas vraiment, à notre avis, dans la définition de la caricature, en ce qu’elle ne fait ni rire ni même sourire. Retour au texte

7 La précision est d’importance car il existe dans les romans de Jane Austen une autorité féminine reconnue et défendue qui n’est pas sujette à caricature. Il faut pourtant admettre qu’elle se conforme au rôle féminin traditionnel d’épouse influente ou de mère attentive. Mrs Smith qui joue le rôle de mère envers Ann, l’héroïne de Persuasion ou Mrs Bertram dans Mansfield Park qui néglige l’éducation de ses enfants sont deux exemples de traitement des difficultés de l’exercice de cette autorité féminine. Retour au texte

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Référence électronique

Marianne Camus, « Jane Austen ou la caricature littéraire domestique », Textes et contextes [En ligne], 3 | 2009, publié le 01 juin 2009 et consulté le 20 avril 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=164

Auteur

Marianne Camus

Centre Interlangues « Texte Image Langage » (EA 4182), Université de Bourgogne, UFR Langues et Communication, 2 boulevard Gabriel, F-21000 Dijon

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