Décomposition et recomposition des territoires de la vigne et du vin. Exemple de la région Sud-ouest de la Roumanie, l’Olténie

Résumé

Après la deuxième guerre mondiale, les vignobles de la Région Olténie ont connu d’importantes transformations structurelles et dimensionnelles. Dans la période communiste, l’axe prioritaire était l’extension des territoires des vignes nobles. La période post communiste est caractérisée par la restructuration et la reconversion des vignobles. Dans les premiers années après 1990 on a constaté une croissance de surfaces cultivées avec des vignes hybrides (moins chères à entretenir) et une diminution des surfaces cultivées avec des vignes nobles (abandon ou changement de destination). Après l’entrée de la Roumanie dans l’UE, la situation est renversée en faveur des vignes de bonne qualité. La Région Olténie a été touchée également par d’autres facteurs qui ont contribués à la décomposition et à la recomposition des territoires des vignes et du vin. La fragmentation post-communiste du parcellaire en lames de parquet, l’abandon ou la destruction des systèmes d’irrigation, l’abandon du travail des terres, les sécheresses, l’érosion éolienne des minces surfaces riches en humus, la déforestation des lisières « pare-brise » et des plantations d’acacia, et l’indifférence et l’impuissance des autorités ont eu des répercussions négatives sur les activités et productions agricoles, y compris sur les vignes et vins. Dans ces circonstances, un processus de désertification s’est installé et beaucoup de vignes ont été abandonnées. Certains cultivateurs ont essayé d’utiliser la vigne comme remède pour valoriser les sols sableux. On note aussi l’apparition de nouvelles plantations de vignes et des nouveaux acteurs sur le marché du vin et sur la carte de l’œnotourisme.

Index

Mots-clés

Vigne, Vin, Territoires, Structures

Keywords

Vine, Wine, Territory, Structures

Plan

Texte

Transformations politiques et foncières à partir de la Loi 18/1990

L’état actuel de la viticulture roumaine est le résultat des transformations politiques, juridiques, sociales et économiques et leurs conséquences sur les politiques agricoles appliquées notamment après 1989. Les transformations récentes dans la politique générale du pays et les effets des politiques agricoles ont donné naissance à une instabilité dans le système de la production viticole. La transition de la société roumaine du système communiste à un capitalisme primitif et original a généré des restructurations et des reformes qui ont provoqué des discontinuités dans la fonctionnalité du système productif. Les conséquences de la politique agricole (transitions, reformes, restructurations, ajustements, retours et changements en marche, applications volontaires des lois et règles et corruption) ont généré une viticulture peu performante et une réduction inquiétante de la surface cultivée avec des cépages nobles.

La viticulture, qui est d’ailleurs un domaine très sensible aux changements politiques, a subi d’importantes transformations territoriales, structurelles et de production.

Pour une étude de cas nous avons choisi la Région Sud-ouest de la Roumanie, parce qu’elle a été soumise à un double système de contraintes : d’un côté il s’agit des problèmes communs pour l’ensemble du pays issus de l’application de la Loi 18/1990 et de l’autre côté ,nous somems confrontés un problème spécifique pour la région : la canicule et la sécheresse des dernières décennies, accompagnées par la destruction des systèmes d’irrigations sur des sols sableux du sud de l’Olténie, qui ont généré des évolutions contradictoires dans le domaine vitivinicoles.

Aire d’étude

La région étudiée correspond à la région historique de l’Olténie, à l’ouest de la rivière Olt, dans la partie sud-ouest de la Roumanie. Ce territoire bénéficie des conditions naturelles très complexes, avec une grande diversité morphologique, climatique, biogéographique et pédologique. Cette diversité est le résultat de la disposition des unités de relief en marches hypsométrique qui descendent, sur en écart altitudinal de plus de 2400m, dans un amphithéâtre avec une large ouverture vers la vallée du Danube. Des Carpates (à 2400m), situés dans le nord de la région, on descend vers les hautes collines subcarpatiques et les hauts plateaux (500 - 800m), vers les basses collines et plateaux (200 - 500m) jusqu’aux plaines (< 200m) bordées au sud par le Danube à environ 30 m d’altitude. L’Olténie est à la fois une région carpatique et danubienne, avec un écart thermique moyen compris entre 12°C dans le sud et -2°C dans les hautes montagnes. La favorabilité viticole de la région est donnée par l’encadrement thermique de 80% du territoire compris entre 8 et 12°C, et à des précipitations moyennes annuelles comprises entre 500 et 1400 mm. La viticulture est soutenue aussi par une diversité pédologique, avec des sols calcaires dans l’ouest, des cambisols et luvisols dans le centre et des tchernozems et sols sableux dans les plaines du sud. Carte 1. (La diversité naturelle peut être observée sur les cartes 8 et 9)

Carte 1. L’encadrement géographique de la région Sud-ouest (Olténie). (Carte de l’auteur)

Carte 1. L’encadrement géographique de la région Sud-ouest (Olténie). (Carte de l’auteur)

Matériel et méthodes

L’analyse des données statistiques et leur intégration dans la base de données spatiale ont été réalisées à l’aide du logiciel ArcGIS version 10.1. La collecte des données a été faite à partir des sources officielles, soit européennes (EEA), soit nationales (Recensement Agricole de la Roumanie – 2010, Institut National de Statistique et Etudes Economiques). Le processus de cartographie s’est basé sur l’intégration des données de Corine Land Cover Seamless Vector (1990 et 2012) dans la géométrie communale de 2011. Cette intégration suppose un processus d’intersection des fichiers vecteurs de CLC 1990 et 2012 avec le fichier vecteur contenant la carte des unités territoriales administratives élémentaires. Le maillage obtenu peut contenir des surfaces disjointes, à l’intérieur d’une même unité spatiale, ce qui suppose un pas supplémentaire de sous-totalisation des surfaces occupées par la vigne. Les divers tableaux de données construits ont été connectés à la géométrie communale, servant au processus de cartographie. Finalement, un test de détection des valeurs suspectes a été appliqué aux indicateurs de la base de données.

Tab. 1 Structure des données utilisées

Source

Set d’indicateurs

Méthodologie appliquée

EEA – CLC Seamless Vector (1990-2012)

- fichiers vecteurs cultures permanentes (vignes)

- intersection des fichiers vecteurs et sous-totalisation dans un environnement SIG

Recensement Agricole 2010

- structure des exploitations, structure des terrains

- transformation des valeurs

Institut National de Statistique et Etudes Economiques

- nb. d’habitants au niveau des communes (2011)

- contrôle des valeurs

Résultats et discutions

Evolution de l’agriculture roumaine

L’agriculture de la Roumanie est confrontée actuellement à des phénomènes économiques et sociaux graves, qui ont conduit à un problème majeur de l’espace rural : la diminution de la performance et de la production agricole dans les derniers 25 ans. L’absence d’une stratégie de continuité et d’une vision d’ensemble sur l’évolution de l’agriculture, en corrélation avec la fragmentation des terres agricole dans un parcellaire en lames de parquet ont produit des processus difficiles à corriger dans le futur proche. Les arguments statistiques mettent en évidence les graves processus qui ont affecté l’agriculture roumaine:

- La fragmentation des terres agricoles et la pauvreté généralisée du paysan roumain ont ramenées le pays à une agriculture de subsistance, peu performante et à un fonctionnement défectueux du marché agricole. La Roumanie a actuellement le plus grand nombre d’exploitations agricoles de l’Union européenne: 3.856.000 d’exploitations agricoles (32% de l’UE), avec une surface moyenne de 3,3 ha/exploitation, une surface totale de 14.685.000 ha de terrain agricole. Le grand nombre des fermes (2.740.000), qui ont une surface moyenne au-dessous d’un ha (71% du totale) est absolument étonnant alors que 1.049.000 de fermes ont une surface au-dessous de 10 ha1.

- La diminution significative de la surface agricole non travaillée et abandonnée en jachère: entre 1,5 et 1,7 millions ha de terres arables/an, entre 1,0 et 1,2 millions ha/an de pâturages abandonnées et envahis par des buissons ou de la végétation forestière. Un bon nombre des vergers et de vignes (1/3 du totale) a été abandonné ou a connu un changement d’affectation.

- La réduction sévère des activités zootechniques due à la diminution drastique des cheptels d’animaux, la perte de la majorité du potentiel génétique et la destruction de la plupart des espaces de production zootechnique.

- L’abandon ou la destruction quasi totale des systèmes d’irrigation et l’utilisation de 10% maximum du potentiel d’irrigation du pays.

- Le vieillissement de la population rurale et la dépopulation des espaces ruraux par émigration dans les pays occidentaux de l’UE.

- La disparition quasi totale de l’économie sociale rurale (coopération artisanale, petits ateliers villageois, services ruraux).

- Les effets de la pénurie du capital se retrouvent dans une production de subsistance pour 56% des terrains agricoles de la Roumanie.

- L’utilisation des technologies et équipements dépassés conduit à des rendements agricoles réduits.

- Une dépendance aux conditions météorologiques encore trop élevée.

La Roumanie a 7,6% des surfaces agricole communautaires au sein de l’Union Européenne, avec une dimension moyenne des exploitations agricoles de 3,6 ha, quatre fois plus réduite que la moyenne de l’UE. Dans la structure des terres agricoles utilisées, 63% sont représentés par des terres arables, 37,3% sont des pâturages (y compris à foin), 2,3% sont des cultures permanentes (vergers et vignes) et 1,2% sont des jardins, une situation qui se rapproche de la moyenne de l’UE.

Table 2. La structure des terrains agricoles de la Roumanie2

Type exploitation

Dimensions

(ha)

Nombre (miliers)

%

Surface

(milliers ha)

%

1. Fermes non-fiancées

< 1

2.740

71,1

5.073

34,5

2. Fermes de subsistance et semi-subsistance

1 - 10

1044

27,1

3.108

21,2

3. Fermes commerciaux, duquel

10 - 55.000

72

1,8

6.504

44,3

3. a. Familiales

10 - 50

60

1,5

1494

10,2

3. b. Sociétés

100 – 55.000

12

0,3

5.010

34,1

Total

x

3.856

100,0

14.685

100,0

Dans l’histoire récente de l’agriculture roumaine quatre moments de décomposition et recomposition territoriale ont existé, liés aux événements politiques internes ou externes. La grande réforme agraire de 1921 a attribué des terres aux combattants de la première Guerre Mondiale et également à des paysans pauvres. La réforme agraire de 1945 a poursuivi la distribution des terres pour les paysans et les combattants de la deuxième Guerre Mondiale. L’instauration du communisme a imposé la collectivisation des terres dans des grandes parcelles, propriétés de l’état ou propriétés communes, entre 1949 et 1962. La fin du communisme en 1989 a favorisé l’application de la célèbre Loi 18/1990, qui a restitué, avec des convulsions et évolutions contradictoires, les anciennes propriétés foncières, ce qui a conduit a une formidable décomposition territoriale agraire, jamais connu dans le pays.

Evolution de la viticulture et de la production du vin en Roumanie après 1989.

On a attribué de petites surfaces de vignes de qualité (nobles) aux paysans ayant revendiqué leur restitution sur les anciens emplacements. Les nouveaux propriétaires ont été confrontés à des prix de plus en plus élevés pour les traitements phytosanitaires en vigne noble, à l’absence d’argent pour la majorité des paysans, aux prix bas du vin, à l’absence de programmes gouvernementaux efficaces, au vieillissement de la population rurale, à la stagnation technologique et à l’absence d’éducation viticole et de savoir-faire. Ces problèmes, pratiquement insurmontables, ont conduit soit à l’abandon des vignes nobles, soit à la conversion en vignes HDP (hybride producteurs directs), soit à la vente à bas prix de ces terrains aux grands propriétaires ou encore la disparition de ces vignes au profit d’autres cultures.

Les mutations des systèmes agricoles locaux, pendant la période de transition d’une économie centralisée et planifiée vers une économie de marché, font que les dynamiques des surfaces agricoles sont aujourd’hui orientées par une double tendance – une fragmentation des structures de propriété et un épisode temporaire de mise en valeur des terrains dans des régions où les contraintes écologiques sont fortes. Cette deuxième logique s’explique surtout par un retour rural d’ampleur qui affecte des départements à bilan migratoire négatif pendant la période socialiste (Vaslui, Botoșani ou Maramures), avec des départements qui regagnent de la population après 1996 en raison d’un phénomène de désindustrialisation sans précédent dans l’histoire récente du pays. Les bassins miniers de l’Olténie se situent en tête de classement, en ce qui concerne les restructurations des systèmes agricoles locaux, une partie des nouveaux terrains mis en valeur étant dédiée à la vigne. Les données concernant la SAU ont été transformées en rapportant les indicateurs de 2012 à ceux de 1990. Les valeurs sur-unitaires sont spécifiques à des croissances de la SAU, au contraire, les valeurs sous-unitaires témoignent d’une réduction des surfaces agricoles. (Carte 2)

Carte 2. Evolution des surfaces agricoles (1990-2012) (Carte de l’auteur3)

Carte 2. Evolution des surfaces agricoles (1990-2012) (Carte de l’auteur3)

La distribution des surfaces viticoles de la Roumanie est le résultat de la juxtaposition des traditions de culture et des processus volontaristes de la période socialiste. Dans un respect total des conditions locales du milieu, les aménagements effectués pendant la période des années 1950-1970 exploitent le potentiel des terroirs viticoles à partir d’un schéma très efficace: production locale – valorisation primaire – distribution vers la consommation ou stockage, en fonction de la qualité de la production. D’ailleurs, dans ce schéma, intervenait à l’époque des expertises diverses, d’ordre agronomique, œnologique ou économique, des expertises qui témoignent des enjeux de la viticulture pratiquée en système centralisé et planifié.

En superposant le tracé approximatif des régions viticoles sur la carte de l’hypsométrie, on observe une concentration des régions viticoles dans des aires qui ne tendent pas dépasser 500m d’altitude. L’opposition des spécialisations entre vins blancs et vins rouges est plutôt de nature latitudinale, les vins rouges étant plus présents dans la partie sud du pays. (Carte 3)

Carte 3 Carte des régions viticoles de la Roumanie (carte de l’auteur)

Carte 3 Carte des régions viticoles de la Roumanie (carte de l’auteur)

Si le phénomène de croissance locale des surfaces agricoles, pendant la période de transition, est fortement contradictoire, une logique se dégage quand même de l’analyse de l’évolution des surfaces en vigne. Les augmentations communales des surfaces se déclinent soit en fonction des interventions ponctuelles dans les structures agricoles locales, soit en fonction des tendances départementales ou régionales. Dans un contexte général de diminution des surfaces en vigne, les évolutions positives des surfaces viticoles sont corrélées avec les terroirs capables d’assurer la production de vins de qualité, au moins pour l’Olténie. Peu capables de faire face aux exigences de nature écologique, les petits exploitants se sont orientés vers des cultures moins prétentieuses. En revanche, les investissements massifs dans la viticulture vont se positionner sur une production de qualité, en exploitant au maximum les ressources naturelles et … humaines. Comme les données adéquates ne sont pas disponibles à échelle communale, le calcul des évolutions a été fait à partir de l’intégration des données de Corine Land Cover récoltées en 1990 et 2012. De nouveau, les données supérieures à 1 indiquent une évolution positive des surfaces en vigne. L’effet de voisinage au niveau local explique, du point de vue de l’analyse spatiale, les dynamiques des surfaces. En général, deux communes contigües semblent présenter à peu près la même tendance, à l’exception notable de la Transylvanie, où les évolutions sont divergentes quand on se rapporte au contexte géographique local. (carte.4).

Carte 4 Evolution des surfaces agricoles en vigne (1990 - 2012) (carte de l’auteur4)

Carte 4 Evolution des surfaces agricoles en vigne (1990 - 2012) (carte de l’auteur4)

À une échelle d’analyse plus fine, celle de finage communal, on observe une forte compétition entre le potentiel de mise en valeur des surfaces viticoles et l’accessibilité aux centres de valorisation de la production. Contact avec l’infrastructure de transport, taille de parcelles, disponibilité de la main d’œuvre, sont tous concurrents pour créer un paysage viticole dominé pat l’autocorrélation spatiale négative. Des analyses locales et des études de cas supplémentaires pourraient mieux déchiffrer ces logiques d’évolution, cependant elles sont hors de portée pour cette étude. Peu de parcelles de taille importante ont survécu à la période de l’adhésion de la Roumanie à l’UE, elles sont marquées sur la carte par la ligne discontinue. Sous la pression des nouvelles logiques de l’organisation locale de l’agriculture, on observe que certaines communautés se sont profondément restructurées. C’est dans la ville de Dabuleni que cette mutation prend des caractéristiques quasi-catastrophiques, les grandes fermes viticoles de la période socialiste ne subsistant plus dans les nouvelles orientations imposées par la PAC. Cependant, la carte montre que la ville en question garde toujours des surfaces en vignes qui, en somme, dépassent 380 ha. L’explication de cette situation est fournie par le nombre considérable de petites exploitations (impossible de les cartographier), des exploitations peu intégrées dans le marché du vin, mais qui se présentent comme un potentiel local de remembrement pour l’avenir. Dans les autres villes analysées (Segarcea ou Draganesti-Olt), la dynamique négative des surfaces viticoles est atténuée, ce qui traduit la présence d’autres dispositifs spatiaux et économiques en jeu. (Carte 5)

Carte 5 Evolution des surfaces agricoles en vigne. Découpage détaillé (carte de l’auteur5)

Carte 5 Evolution des surfaces agricoles en vigne. Découpage détaillé (carte de l’auteur5)

Evolution du rapport vignes nobles/ vignes hybrides après 1989

Le nombre d’exploitations spécialisées dans le vin de qualité présente une forte tendance à la concentration, à l’échelle de la Région de Développent Sud - Ouest (Olténie). Trois noyaux plus importants de forte densité des exploitations sont visibles – la zone de Dragasani (dans la partie Nord), la ville de Segarcea et la ville de Dabuleni. Elles se superposent partiellement sur les régions à label AOC de la région, en tirant profit de la marque de qualité, mais en se confrontant aussi avec les exigences extrêmement précises des cahiers des charges imposés par les agences nationales de réglementation dans le domaine de la viticulture. La carte est quand même enrichie par la présence des nouvelles entreprises, en quelque sorte des véritables « aventurières » sur un marché exigu, productif et fortement compétitif. Ce sont des producteurs qui ont trouvé des niches de distribution de leurs vins en s’éloignant de filières classiques et très hermétiques des chaines des HORECA. Par exemple, un producteur situé dans la commune de Maglavit (village Cetate) distribue ses vins de qualité dans des café-librairies, compte tenu du fait que c’est un poète roumain contemporain très apprécié. D’autres notabilités nationales, comme par exemple le gouverneur de la banque nationale de la Roumanie, ont préféré les opportunités induites par les économies d’agglomérations et se sont localisées dans la région viticole de Drăgășani. Leurs stratégies de différenciation des produits ont comme ligne directrice la mise en exploitation des parcelles cultivées avec des variétés autochtones et des innovations en matière de goût des vins. (Carte 6)

Carte 6 Nombre d’exploitations spécialisées en vin de qualité, 2010 (carte de l’auteur6)

Carte 6 Nombre d’exploitations spécialisées en vin de qualité, 2010 (carte de l’auteur6)

Si les vins de qualité sont fortement réglementés par de lourds cahiers des charges, les vins de table et les vins de consommation courante sont très permissifs vis-à-vis de la production et de la consommation, surtout si cette consommation a lieu dans un milieu familial ou des ménages. D’ailleurs, dans les espaces ruraux de la Roumanie (l’Olténie ne faisant pas exception), ces vins sont monnaie courante dans le payement du travail des employés journaliers. On note ainsi une ubiquité quasi-totale et un paysage cartographique monotone, si on fait abstraction de la singularité introduite par la partie Nord du département de Valcea. Si ce n’est pas une déficience d’enregistrement statistique, il s’agit certainement d’un phénomène qui mériterait plus d’investigations, compte tenu des conditions naturelles à peu près similaires de cette zone, par rapports aux autres aires de sous-montagne et montage de la région.

Un deuxième élément à mentionner est constitué par la présence des vignes à production de vins plus que médiocres dans les anciennes régions minières de l’Olténie, surtout dans les bassins de département de Gorj, aspect qui suggère la présence d’un effet d’auto-corrélation territoriale positive et peut-être un phénomène de contamination locale, vue la mixité sociale et géographique de ces bassins miniers. Même les communes situées à des altitudes considérables présentent des stocks d’exploitants qui, par une ténacité surprenante, font que les limites académiques de la culture de la vigne sont constamment questionnées. (Carte7)

Carte 7 Nombre des exploitations actives dans la culture de vigne – vin de table (carte de l’auteur)

Carte 7 Nombre des exploitations actives dans la culture de vigne – vin de table (carte de l’auteur)

La distribution spatiale des vignobles de l’Olténie est liée de la disposition des principales marches de relief et aux conditions topo climatiques locales. La carte hypsométrique nous présente des concentrations dans le centre et le sud de la région, dans les plateaux, les basses collines et dans les plaines situées en dessous de l’isohypse de 200m d’altitude. Une petite concentration est localisée au nord de la région dans les collines subcarpatiques, favorablement influencée par une circulation locale de type foehn. Ces vignes sont cultivées avec des vignes hybrides, destinées à la consommation familiale (carte 8).

Carte 8. Carte hypsométrique et des surfaces actives en vigne (carte de l’auteur7)

Carte 8. Carte hypsométrique et des surfaces actives en vigne (carte de l’auteur7)

Carte 9 Les zones thermiques et de concentrations des vins AOC (carte de l’auteur8)

Carte 9 Les zones thermiques et de concentrations des vins AOC (carte de l’auteur8)

La situation actuelle des vignes et du vin en Roumanie

La situation de la viticulture roumaine connait des évolutions contradictoires. D’un côté nous assistons à une diminution légère de la surface cultivée en vigne en raison du changement d’affectation des terrains viticoles, pour la plupart des cas dans des espaces résidentielles. Ce phénomène est présent notamment en périphérie des villes ou il y a une expansion des espaces battis au détriment des espaces agricoles. La diminution est déterminée également par l’obligation de la reconversion des terres cultivées avec des vignes hybrides en vignes de qualité. Elle découle également d’un renoncement à une grande partie de ces cultures en faveur d’autres plantations. La plupart des paysans ont changé arrachés leurs vignes hybrides pour planter d’autres cultures. D’autre part, nous assistons à l’apparition des nouveaux cultivateurs et producteurs de vin de qualité. Il y a des entrepreneurs roumains qui ont réalisé des investissements récents importants et qui ont bénéficié du support de l’Union européenne en cultivant exclusivement des vignes nobles dans des régions spécialisées en vins AOC. À cette tendance de croissance de la qualité des vins roumains, participent aussi des italiens et des françaises qui ont investi dans la viticulture locale. Conformément aux politiques européennes communes, la Roumanie a reçu entre 2009 et 2014 un montant annuel de 42 millions euros pour son programme de reconversion viticole. La reconversion consiste en des changements de cépages, des changements d’emplacement des parcelles situées initialement dans des conditions moins favorables, en la modernisation des technologies viticoles et au remplacement des vignes anciennes ou malades. Entre 2007 et 2014, au niveau national, environ 42000 ha ont été restructurés ou reconvertis en production de vins de qualité, dont plus de 5200 ha en Olténie.

Figure 1 Evolution de la surface cultivé en vigne en Roumanie9

Figure 1 Evolution de la surface cultivé en vigne en Roumanie9

En ce qui concerne la production du vin, cet indicateur est fortement influencé par les conditions météorologiques. Au niveau du pays on a connu quelques années favorables (2007, 2008, 2009) avec des productions de plus de 5 millions Hl, mais aussi des productions médiocres (2010, 2012), à cause de la sécheresse accompagnée par la canicule et, en 2014, en raison de la pluviosité excessive. La production est revenue à une tendance positive en 2013 (plus de 5 millions d’Hl et, en 2015, plus de 4 millions d’Hl). De cette production, les vins de qualité représentaient plus de la moitié, soit une quantité de 2,3 millions d’Hl. La Région d’Olténie participe à cette quantité pour une valeur de 267 000 hl.  

Figure 2 Evolution de la production totale de vin en Roumanie10

Figure 2 Evolution de la production totale de vin en Roumanie10

Figure 3 Evolution de la surface destinée à la reconversion en Roumanie11

Figure 3 Evolution de la surface destinée à la reconversion en Roumanie11

Conclusion

La Roumanie est un grand pays vitivinicole, avec une honorable sixième place Européenne et la 13ème place au niveau mondial en ce qui concerne les surfaces viticoles et les productions de vin. Le pays a une tradition ancienne de culture et production du vin, mais cette activité a connu des convulsions et des fluctuations dans son évolution, provoquées, soit par les tribulations de l’histoire, soit par les changements politiques ou climatiques. Après avoir connu des déstructurations territoriales importantes avec des fragmentations, des changements d’affectation, des recompositions territoriales, des influences climatiques sévères, les territoires viticoles roumains ont tendance à évoluer positivement grâce à une reconfiguration territoriale rassemblant la reconversion technologique et qualitative et l’acquisition de savoir-faire modernes et performants. Le support européen, l’implication de nouveaux spécialistes, l’éducation de la consommation de vin de qualité, l’existence de terres bon marché, d’une importante main d’œuvre, l’existence de cépages autochtones à valeur commerciale élevée, … Tous ces éléments sont des facteurs favorables à un développement de ce secteur dans un futur proche.

Notes

1 Otiman Paun Ion « Romania’s current agrarian structure a great (and unsolved) social and economic problem of the country » in Revista Română de Sociologie, serie nouă, anul XXIII, nr. 5–6, p. 339–360, Bucureşti, 2012 Retour au texte

2 Otiman Paun Ion « Romania’s current agrarian structure a great (and unsolved) social and economic problem of the country » in Revista Română de Sociologie, serie nouă, anul XXIII, nr. 5–6, p. 339–360, Bucureşti, 2012 Retour au texte

3 Source des données : Corine Land Cover 1990 – 2012) Retour au texte

4 Source des données : Corine Land Cover 1990 – 2012) Retour au texte

5 Source des données : Corine Land Cover 1990 – 2012) Retour au texte

6 Source des données : Corine Land Cover 1990 – 2012) Retour au texte

7 Source des données : Corine Land Cover 1990 – 2012) Retour au texte

8 Source des données : Corine Land Cover 1990 – 2012) Retour au texte

9 Source des données : Institutul National de statistică, 2014. Retour au texte

10 Source des données : Institutul National de statistică, 2014 Retour au texte

11 Source des données : Institutul National de statistică, 2014 Retour au texte

Illustrations

Citer cet article

Référence électronique

Eugen Rusu et Florin Alexandru Enia, « Décomposition et recomposition des territoires de la vigne et du vin. Exemple de la région Sud-ouest de la Roumanie, l’Olténie », Territoires du vin [En ligne], 8 | 2018, publié le 01 février 2018 et consulté le 28 mars 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/territoiresduvin/index.php?id=1363

Auteurs

Eugen Rusu

Université « Al. I. Cuza » d’Iași, Roumanie ; Académie Roumaine, Filiale d’Iași ; Chaire UNESCO « Culture et traditions du vin », Université de Bourgogne, Dijon, France

Florin Alexandru Enia

Université  « Al. I. Cuza » d’Iași, Roumanie, Université de Bourgogne, Dijon, France

Droits d'auteur

Licence CC BY 4.0