Représentation et présence de l’auteure dans The Golden Notebook de Doris Lessing

DOI : 10.58335/intime.98

Résumés

The Golden Notebook offre, certes, une représentation de l’écrivaine, mais pas seulement. Le texte est en effet traversé par la présence de celle-ci tant dans l’écriture que la composition. La structure disjointe du roman, les ruptures dans l’écriture, le brouillage des limites entre les différentes sections ainsi qu’entre personnage et narratrice autobiographique reflètent l’écartèlement de la femme qui se veut aussi écrivaine et la fragilité de sa position. Ecartèlement et fragilité qui la mènent au bord de la folie. Mais la superposition des textes secondaires – brouillons, coupures de journaux, et journal intime – met au centre du roman le travail d’une écriture qui se veut consciemment de femme dans toute sa spécificité contradictoire.

The Golden Notebook does give the reader a representation of the woman writer, but it goes further in so far as the presence of the writer is woven into the structure as well as the writing of the text. The five notebooks, the ruptures in style, the blurring of borders between the notebooks and between characters and the autobiographical narrator reflect the way in which a woman writer is torn between the two roles of woman and writer, and the precariousness of her position. A situation that leads her to the verge of madness. But the sum of different secondary texts – rough draughts, fiction, diary – eventually construct a novel about writing, and more specifically a novel about feminine or female writing in all its assumed contradictions.

Plan

Texte

Doris Lessing est née en 1919, a donc plus 90 ans et son dernier livre, Alfred and Emily, aussi innovateur que les précédents quant à la forme, est sorti en 2008. Elle a obtenu le prix Nobel de littérature en 2007 alors que tous ceux qui connaissaient l’œuvre de cette grande dame de la littérature anglaise se demandaient si le bien pensant international (et masculin) allait réussir à l’oublier. Le fait que la majorité de ses romans est centrée autour de femmes confrontées au monde qui les entoure autant qu’aux contradictions et conflits internes spécifiques à leur condition de femmes a sans doute joué un rôle dans la lenteur à reconnaître l’importance de cette œuvre. The Golden Notebook 1 (1962) ne fait pas exception à la règle, ayant pour protagoniste une romancière Anna Wulf confrontée et se confrontant à la fois au monde et à la page blanche. Analyser la place de l’auteure dans ce roman est une tâche complexe qui ne peut être menée de manière tout à fait satisfaisante dans le cadre restreint d’un article. J’utilise le mot “place” à dessein car il apparaît vite que The Golden Notebook ne se contente pas d’offrir une représentation de l’écrivaine ; il marque également sa présence dans la composition du récit et dans son écriture. Je concentrerai donc ce travail sur ces deux points tout en reconnaissant d’emblée qu’ils sont difficiles à présenter séparément tant ils sont étroitement imbriqués dans le texte.

Je partirai de la représentation et par la remarque qui m’est venue à l’esprit en relisant le texte, remarque saugrenue peut-être mais persistante, de l’image d’un caddy d’hypermarché. Je tiens à préciser d’emblée que si la métaphore “caddy de l’écriture féminine” qui, jusqu’à un certain point du moins, guidera ce travail est résolument domestique, elle n’en est pas pour autant signe ou reconnaissance d’une quelconque trivialité ou infériorité de l’écriture ou de l’auteure.

Pourquoi ce parallèle ? D’abord parce qu’il me semble que The Golden Notebook, comme le chariot d’hypermarché, contient tous les besoins et tous les désirs d’une femme. On y trouve la lessive et la pâte à tartiner pour les petits, les pâtes et un mignon petit haut vert amande pas cher, la crème et la crème hydratante, sans oublier le dernier bouquin de Le Clézio ou de recettes de sushi. Ensuite, parce que dans ce chariot se dessine l’appartenance sociale de l’acheteuse : le type de produits achetés amoncelés sur le tapis roulant d’une caisse donne une indication empirique mais éclairante des ressources de la cliente. Et finalement parce qu’il révèle le zeitgeist du moment : alicaments, assortiments barbecue et packs d’eau minérale disent comment nous vivons. Le caddy d’hypermarché est donc un reflet des influences et des rôles multiples qui construisent une vie de femme : gestionnaire domestique, mère, amante, femme cultivée, et la liste n’est pas exhaustive. A l’instar de ce caddy, The Golden Notebook inclut tous les aspects de la vie de son héroïne et/ou narratrice. Ceux qui concernent sa vie de femme (amitié, amour, maternité, courses et cuisine, engagement politique) se superposent et se mêlent à ceux directement liés à sa vie d’écrivaine (réputation d’auteure à succès, difficulté à écrire, ébauches plus ou moins abouties de romans ou nouvelles et négociations avec des producteurs de télévision). Le roman la positionne également à la fois comme ex-coloniale de par sa jeunesse en Afrique du Sud et londonienne intellectuelle bohème par sa vie dans le roman. Et finalement il la situe dans l’atmosphère particulière de l’après deuxième guerre mondiale, dans un monde éclaté, désenchanté et à l’avenir incertain.

A cette position inconfortable de femme écrivaine dans un monde pré-féministe (anti- féministe pourrait-on presque dire de cette époque), et à ce monde fragmenté et en quête de sens correspond la démultiplication ou l’éclatement de l’expérience et du ressenti féminin dont le caddy de supermarché est la métaphore. Le fait que le personnage central d’écrivaine s’appelle soit Anna, soit Ella et se raconte soit à la première personne (Anna), soit à la troisième personne (Ella), est de ce point de vue significatif et demeure inexpliqué. Cette absence d’explication ainsi que le fait qu’elle traverse le roman sans théorisation suggère que le dédoublement de la femme et de l’écrivaine était alors perçu comme une évidence par le lecteur tout autant que par l’auteure. Mais une des citations qui disent ce dédoublement :

Je vois Ella ... Moi, Anna je vois Ella. Qui est bien sûr Anna. Mais et c’est ce qui compte, elle ne l’est pas. Au moment où moi, Anna, écris : Ella ..., alors Ella s’envole loin de moi et devient quelqu’un d’autre. Je ne comprends pas ce qui se passe au moment où Ella se sépare de moi et devient Ella. Personne ne le comprend.2

souligne déjà, en 1962, ce que théorise de nos jours Judith Butler, l’instabilité de toute fonction ou rôle genré. Tout comme elle inscrit l’auteur du texte dans le genre féminin à travers une utilisation du double que l’on retrouve dans toute la tradition romanesque féminine anglaise, de Charlotte Brontë à Kate Atkinson, en passant par Virginia Woolf.3

Ce dédoublement n’est cependant que le point de départ d’une fragmentation de plus en plus inconfortable. Comme le caddy débordant révèle les exigences et les désirs contradictoires de l’acheteuse, The Golden Notebook construit une protagoniste incertaine quant à la validité des rôles qu’elle assume en tant que femme et écrivaine. Elle doute de l’utilité de l’écriture, remet en question les convictions qui l’ont menée au parti communiste, tente de comprendre les raisons de ses relations difficiles avec les hommes et oscille entre surprotection et détachement envers son enfant. Des nombreuses instances de ces différents tiraillements je ne donnerai qu’un exemple, concernant la vie privée, celui d’un matin presque ordinaire où elle se réveille aux côtés de l’amant qui a passé la nuit avec elle : « Dans une demi-heure je dois me rappeler de faire cuire les pommes de terre et après je dois faire une liste pour les courses et après je ne dois pas oublier de changer le col de ma robe et après... »4 Levée et regardant sa petite fille s’habiller elle parle « d’intimité et du sentiment d’être seules au monde », d’une « gaîté chaude et intime ».5 Mais la présence de Michael lui rappelle qu’il « préfère qu’elle soit partie pour l’école quand il se réveille. Et je le préfère aussi, parce que cela me divise. Les deux personnalités – la mère de Janet, la maîtresse de Michael, sont plus heureuses séparées. »6 L’enfant partie, le moment d’intimité avec l’amant tourne au ressentiment lorsqu’il lui dit « Tu es toujours si efficace et si pragmatique » alors que, remarque-t-elle intérieurement, « c’est précisément mon efficacité et mon sens pratique qui lui permettent de dormir deux heures de plus. »7 L’amant parti, les urgences des tâches et des sentiments contradictoires se succèdent :

Et maintenant je dois me dépêcher ... je cours chez l’épicier et le boucher ... c’est un grand plaisir d’acheter de la nourriture que je cuisinerai pour Michael ; un plaisir voluptueux ... et puis je me rappelle qu’il faut battre le veau et que je dois le faire maintenant, parce que ce soir cela réveillera Janet ... puis j’attrape mon manteau et descends les escaliers en courant.8

Cette narration de l’écartèlement de la vie des femmes au quotidien explique sans doute l’écho que connut le livre à sa parution dans les années soixante et le fait que son auteure fut considérée par les féministes de la deuxième vague comme leur porte parole, rôle qu’elle rejeta par ailleurs dans une préface de 1971 où elle déclara :

Personne ne remarqua même ce thème central [de la folie] car le livre fut immédiatement rabaissé, par les critiques amicaux comme par ceux qui étaient hostiles, le décrivant comme un livre sur la guerre des sexes, et approprié par les femmes comme une arme utile dans la guerre des sexes.9

Je n’analyserai pas ici la folie au cœur du roman (elle est une des dimensions du genre de l’auteure mais le sujet est trop complexe pour être traité ici), je ne me pencherai pas non plus sur la guerre des sexes et me contenterai de regarder ce qui les accompagne ou les suscite. Il y a bien sûr en premier lieu les problèmes spécifiques à l’écrivain en ce début de deuxième moitié du vingtième siècle, comme par exemple celui de l’universalité ou de l’acceptabilité d’un texte. Anna raconte, avec humour, sa rencontre avec un producteur de télévision américain qui veut transférer en Angleterre son roman traitant des problèmes raciaux à travers la relation d’un jeune pilote en mission en Afrique du Sud et d’une jeune femme noire. Il veut faire d’une histoire de sexe et de race (très sensible à l’époque) une simple histoire d’amour entre un héros moderne et une fille du cru. La narration d’une autre rencontre suit immédiatement, avec cette fois une Américaine qui veut faire du roman une comédie musicale africaine sans sexe mais avec des chants et danses couleur locale. Elle couronne avec ironie la série par une troisième rencontre où elle est censée acheter pour le magazine pour lequel elle travaille une histoire publiée dans Femmes au foyer, une histoire d’orpheline séduite et abandonnée. C’est alors elle qui déclare au directeur du magazine qu’elle ne veut « pas de couvents, pas de nonnes, pas de religion »,10 peu attractifs pour la lectrice anglaise protestante. Sous l’humour de dérision et d’auto dérision de l’auteur sérieux dans un monde de culture de masse, ces anecdotes permettent d’ores et déjà d’affirmer que les problèmes de l’écrivain sont en fait ceux d’une écrivaine dans la mesure où tous les points qui posent problème durant les négociations concernent les personnages féminins et la (non) représentation de leur sexualité.

Elles révèlent également la fragilité pour ne pas dire la précarité du rôle et de la fonction d’écrivain, fragilité et précarité également inscrites de manière physique dans le texte à travers les annotations ajoutées en italiques tout au long des carnets et concernant l’écriture manuscrite et ses variations. Dès la première page des carnets manuscrits qui constituent la majeure partie du texte et sur lesquels je reviendrai, il est fait mention d’un changement et d’une écriture qui devient « étonnée ».11 Plus loin elle passe de « griffonnée »12 à « très claire et nette ».13 Ce passage d’une graphie claire, précise et généralement petite à une autre rapide, fluide et désordonnée ou vice versa est mentionnée à au moins deux autres occasions et indique l’enchevêtrement et l’indissociabilité des urgences contradictoires de la vie et du processus de création.

Il ne faut cependant pas se fier à ce va-et-vient entre écriture serrée et écriture lâche; le lecteur ou la lectrice se rend en fait vite compte que le texte de The Golden Notebook est un des premiers à poser un des principes fondamentaux de la pensée féministe qui commence à s’élaborer à l’époque, l’abandon du fort und da tel que l’avait décrit Freud, ou tel qu’il en était venu à être accepté comme universel. On n’en est pas encore à la figure du cercle féminin que Luce Irigaray prônera en XXX dans YYYY, mais les quatre carnets du roman peuvent être considérés comme constituant le carré de la perfection bouddhique (philosophie d’où la binarité est aussi absente). C’est de plus un carré que la cinquième composante du roman, Free Women, (partie ouvertement fictionnelle) commence à faire éclater, à faire glisser vers la figure du cercle qui deviendra une des figures majeures de Lessing, l’auteure. Cette remarque n’est pas aussi digressive qu’elle pourrait paraître au premier abord, pour qui connaît l’œuvre et le parcours de Doris Lessing, tendus tous deux vers la réalisation d’un tout englobant et mystique et menant finalement la femme à la pratique du soufisme. Mais nous quittons déjà, par cette remarque, le domaine des stratégies de représentation de l’écrivaine pour entrer dans le champ de la présence de l’auteure. Certainement, la structure du livre en quatre parties contenant chacune les quatre carnets, chaque partie précédée d’un épisode de Free Women reprenant certains des faits mentionnés dans les carnets, ainsi que le choix d’une double clôture par le carnet doré et par un cinquième épisode de Free Women contribuent également à créer un rythme d’écriture qui, en passant par l’éclatement du monde et de l’individu mentionné plus haut, casse la linéarité tout autant que la binarité, accumulant répétition/variation et tendant vers le circulaire mentionné ci-dessus.

Il faut cependant préciser que le terme « individu » s’entend ici « individu de sexe féminin ». En effet The Golden Notebook présente systématiquement les personnages hommes comme quasi monolithiques (Richard, l’ex-mari de l’amie d’Anna, Molly), ou binaires comme Paul, l’amant d’Emma ou Saul, celui d’Anna, qui souffre de ce qu’on appellerait de nos jours une pathologie bipolaire exacerbée. Seules les figures de femmes, Anna et Ella, les écrivaines, Molly, l’actrice et même Marion, la nouvelle femme malheureuse et alcoolique de Richard, sont dotées de cette capacité à dépasser la binarité et à s’ouvrir à la vie et au monde. C’est une source de souffrance, certes, mais cela mène en même temps à une perception et une connaissance plus complexes et plus achevées. Il y a donc à la fois représentation de l’écrivaine femme dans la narration et sa présence dans la structure même du texte qui choisit de refléter de manière formelle ce que la représentation réaliste montre.

Je vais reprendre un moment mon chariot de supermarché dont il faut éventuellement ranger le contenu sur les étagères. De la même manière, Anna tente de séparer les différents aspects de sa vie dans les différents carnets qui constituent le roman. L’introduction à ces carnets montre cependant la difficulté à ranger une vie :

Les quatre carnets étaient identiques ... Mais les couleurs les distinguaient – noir, rouge, jaune, et bleu. Quand on les ouvrait il semblait qu’un ordre ne s’était pas imposé d’emblée ... Puis un titre apparaissait comme si Anna s’était, presque automatiquement, divisée en quatre, et ensuite, à partir de ce qu’elle avait écrit, avait nommé ces divisions.14 

Cette introduction confirme bien sûr ce qui a déjà été noté des coupures qui marquent la vie d’une femme et donc d’une écrivaine en ce qu’elle est femme.

Les étagères sont certes bien séparées au départ : le carnet noir des souvenirs de jeunesse en Afrique du Sud pendant la guerre, le carnet rouge d’une communiste des années cinquante, une communiste que les exactions de Staline poussent peu à peu à quitter le parti, le carnet jaune d’Ella l’écrivaine en difficulté d’écriture et amoureuse d’un homme marié, et le carnet bleu d’Anna l’écrivaine et de son amitié avec Molly ainsi que de ses séances avec une psychanalyste qui la conduit finalement à admettre qu’elle souffre du bloc de l’écrivain. Les quatre carnets couvrent les deux aspects de l’auteure : la femme et l’artiste, tout comme il y a les étagères pour les produits ménagers et celles pour les produits d’hygiène ou de beauté. Ce désir d’ordonner un monde qui nous échappe est évidemment lié au désir de créer un nouvel ordre au moment où il devient évident que les dogmes s’effondrent de l’intérieur sous le poids de leur propre corruption (le communisme) ou s’effritent car obsolètes (le patriarcat). Mais il est également, me semble-t-il, un signe du fait que l’auteur est une femme habituée aux tâches d’organisation de la maison et de la vie, et d’une écrivaine dans un monde qui lui donne le sentiment que sa vocation d’artiste exige d’elle la séparation ou la coupure d’avec son rôle traditionnel de femme.

Mais si la vie n’est pas plus ordonnée qu’un caddy de supermarché, elle est cependant plus compliquée et on ne peut ignorer que l’auteure n’est pas dupe de ce sentiment de coupure et de catégorisation obligées. Elle tente en fait, tout au long du texte, de le combattre par ce qu’on pourrait appeler une stratégie de la porosité qui affirme la validité de son expérience de femme en tant que matériau de création littéraire. Elle se positionne ici de nouveau dans la droite ligne de l’écriture féminine anglaise et de son inscription du domestique dans la littérature. La citation ci-dessus d’un petit matin ordinaire n’est pas sans rappeler, contexte socio historique pris en compte, les scènes de grand ménage ou de préparation de Noël dans Jane Eyre, ou la remarque de V. Woolf :

Est-ce que les tâches ménagères vous intéressent ? Je pense qu’elles devraient simplement être aussi satisfaisantes que l’écriture, et je ne vois jamais [...] où la séparation entre les deux se situe. Je trouve du moins que si l’on doit mettre les livres d’un côté et la vie de l’autre, chacun devient une pauvre chose sans vie.15

Elle montre en outre la nécessité à la fois du procédé, de la conscience du procédé et de son dépassement quand elle répond à la question : pourquoi quatre carnets par « Evidemment parce qu’il m’a été nécessaire de me diviser, mais à partir de maintenant je n’en utiliserai qu’un.16 » De manière ironique, le carnet unique de la fin, le carnet doré est aussi celui de la plongée dans la folie. S’agit-il ici d’une déclaration par le biais de l’irréconciabilité des termes femme et auteure ?

Toujours est-il qu’une certaine confusion semble régner, à la fois différente et semblable de celle de la société de consommation qui a du mal à savoir ou pouvoir décider de ce qui est nécessaire, utile ou superflu et où il est donc très facile d’accumuler des objets apparemment différents mais en fait semblables (par exemple, les yaourts pour toute la famille mais un type spécifique pour chaque membre de la famille). De la même façon The Golden Notebook semble offrir une suite de variations sur le même objet narratif. Nous avons déjà mentionné la série de rencontres entre auteurs et adaptateurs, nous savons qu’Anna Wulf est Ella, et cela au-delà de ce qu’une simple remarque méta-narrative suggère. Les similarités entre personnages, évènements et attitudes entre les carnets à la première et à la troisième personne et Free Women ont pour conséquence une sorte de brouillage où le lecteur peut vite se perdre et ne plus vraiment savoir où il est. Les deux sont romancières, ont publié un livre à succès et sont en quête d’inspiration et de motivation pour le suivant. Elles se ressemblent physiquement, toutes deux présentées comme petites, brunes et le visage triangulaire. Elles sont toutes deux divorcées avec un enfant à charge, et elles vivent toutes deux une histoire d’amour à la fois intense et insatisfaisante avec un homme marié ainsi qu’une histoire d’amitié vraie avec une autre femme.

Et c’est au moment d’analyser cette suite de variations que nous devons abandonner notre caddy car il n’est qu’un contenant quand The Golden Notebook, comme ces dernières remarques le suggèrent, est cet objet étrange qui non seulement contient les étapes et les strates de sa propre composition et de sa propre écriture mais les élabore et les construit sous nos yeux. En effet, si Anna et Ella sont à la fois la même et différentes ce n’est pas dans une relation statique du type yaourt à la grecque et yaourt au bifidus mais dans une relation complexe de dialogues entre les deux figures de l’auteur, Anna et Ella, entre les différents aspects d’Anna dans les carnets noir, rouge et bleu, mais aussi entre Anna des carnets et Anna la protagoniste de Free Women, la novella qui, comme nous l’avons vu, ouvre le roman, le clôt et dont un épisode précède chaque série de carnets.

Cette relation entre les carnets et les représentations de l’auteure qu’ils élaborent, confrontent et affinent est clairement la trace laissée sciemment par l’auteur de sa présence et de son travail. J’ajouterais qu’elle est aussi trace d’auteure, genrée par une fluidité et un dynamisme qui, s’ils ne sont pas en soi féminins, fonctionnent de manière féminine. D’abord parce que, malgré la familiarité de l’auteure protagoniste avec la pensée marxiste (éminemment masculine), on ne peut parler dans The Golden Notebook de raisonnement ou de résolution dialectique. Les contradictions vécues par la femme, l’écrivaine et la femme écrivain ne mènent pas à un dépassement mais à un effondrement, celui de la folie qui commence dans le dernier cahier bleu et traverse le carnet doré. Nous sommes bien là dans la situation que nous rappelle Lisa Appignanesi dans Mad Bad and Sad des femmes échappant au dilemme entre désirs et contraintes à travers l’abandon de la raison (Appignanesi 2008). Mais il s’agit aussi sans doute d’une relation à la folie du monde autre, féminine. Alors que la pensée masculine, ici marxiste, vise avant tout à remettre en ordre ou à la norme, Anna entre dans la folie (avec son amant Saul), dialogue avec elle/lui, et ce dialogue apparaît comme plus important en fin de compte que le retour à la raison.

Et si l’on considère la sortie de la folie – la fin du carnet doré et du dernier épisode de Free Women – l’impression est plus d’une défaite acceptée que d’une transcendance. Les derniers mots inscrits par Anna dans le carnet bleu sont : « J’écrivis : ‘sur une colline sèche en Algérie, un soldat regardait la lune briller sur son fusil.’ » Suivi de la note rajoutée après coup « [Ici l’écriture d’Anna s’arrêtait, le carnet doré continuait avec, de l’écriture de Saul Green, un court roman sur le soldat algérien.] » Suit le résumé de l’histoire et la dernière phrase : « [Ce court roman fut plus tard publié et connut un certain succès. »17] N’y a-t-il pas là renoncement à dire le monde, résignation à ce qu’il soit dit par ceux qui ont traditionnellement la parole, les hommes ? Ce sentiment de défaite et d’abandon est comme souligné par la dernière phrase du roman (et de Free Women) : « Les deux femmes s’embrassèrent et se séparèrent »18 qui répond à la première : « Les deux femmes étaient seules dans l’appartement londonien. »19 et marque la fin d’une relation privilégiée entre deux femmes. La confrontation avec les contradictions d’une femme et d’une artiste ne mène pas à un dépassement mais au retrait des affaires du monde tout autant qu’au retrait du monde des femmes. S’il y a eu rêve d’un avenir radieux, on peut affirmer qu’à un certain niveau The Golden Notebook est un constat de désillusion. Quant au combat pour une solidarité et un pouvoir des femmes que va mener la deuxième vague féministe, s’il est esquissé, il est aussi abandonné. Le roman en fait enregistre les conflits et les déchirements d’une femme concernée par les luttes idéologiques de son temps, qu’elles soient d’ordre politique ou privé, ou artistique. Il enregistre surtout son impuissance, à ce moment précis, à les influer en tant que sujet ou écrivaine engagée. Mais là aussi la présence de l’auteure est perceptible derrière la représentation de l’auteure femme vaincue et impuissante. Car les conclusions des deux dernières parties sont déjà inscrites dans le premier carnet (noir), décrivant les frasques des jeunes communistes d’Afrique du Sud au début de la guerre, avec au centre Anna, prise dans un mariage sans amour et incapable de faire autre chose qu’observer.

Mais pour nuancer, fortement, le sentiment ou le constat d’échec et de résignation de la fin du roman, j’en reviendrai à la preuve irréfutable de réussite, i. e. le texte qu’il nous est donné de lire, le texte qui impose de manière systématique la présence de son auteure. D’abord en ce qu’elle se présente ouvertement en tant que telle. Le lecteur apprend qu’elle a écrit un premier roman qui fut un succès, Frontiers of War (Les frontières de la guerre). Preuve en est la transcription de trois critiques, insérée dans le texte. Preuve en est également la dernière section du carnet jaune, celui consacré à Ella, constituée de 19 notes ou sketches plus ou moins élaborés de nouvelles ou de courts romans. Les problèmes et la frustration n’empêchent évidemment pas la créativité, une créativité qui s’assume en outre sans ambiguïté comme féminine. En effet, quatre de ces ébauches commencent par « une femme » et douze utilisent « femme » et « homme » dans la première phrase en opposition ou en conjonction, mettant clairement les préoccupations de femme (relations personnelles) au centre de l’écriture, et suggérant des variations en miniature de The Golden Notebook. La huitième cependant nous concerne directement en ce qu’elle commence par « une artiste femme » et décrit (je résume) l’incapacité de cette artiste à créer à cause de l’absence d’un homme dans sa vie, puis l’arrivée de l’homme, un artiste en puissance qu’elle nourrit spirituellement jusqu’à ce qu’il devienne lui-même un artiste épanoui. Mais alors « l’artiste en elle est morte »20 et son compagnon la quitte car il a besoin d’une compagne artiste pour créer. En une douzaine de lignes c’est le « double bind » (le double piège) de toute femme créatrice, déchirée entre le rôle nourricier qui lui est dévolu en tant que femme depuis la nuit des temps et qu’elle a intériorisé, et son aspiration d’artiste à la production de culture qu’elle ressent confusément comme transgressive ou inadaptée ou anormale parce qu’elle est femme. L’auteure ici se révèle, à travers la création de sa créature Ella la romancière, comme une femme de son temps, d’avant la seconde vague féministe qui tentera de libérer les femmes de leur malaise face à leurs besoins profonds. Mais en même temps elle annonce le mouvement féministe à venir dans la lucidité avec laquelle elle analyse son propre comportement à travers l’histoire, transparente, de la femme artiste. Sans oublier bien sûr toute la partie Free Women, court roman achevé dont le titre dit la lucidité ironique de son auteur par sa distance avec le contenu, l’histoire de trois femmes incapables de se libérer des attentes des hommes avec qui elles vivent, mari, amant ou fils. Nous sommes en quelque sorte témoins d’une longue séance de « consciousness raising » (éveil de la conscience) à une.21

La présence de l’auteure est également inscrite dans le fait que les carnets sont présentés, et ce n’est pas innocent, comme des brouillons, ou des premiers jets relus et révisés. Plus qu’un blocage, ils disent le travail sur soi et sur l’écriture de tout écrivain qui veut faire sens, travail sur soi qui est présenté dans sa complexité, et ici bien sûr dans la complexité spécifique à une vie de femme. On peut ici reprendre l’idée que l’auteure de The Golden Notebook poursuit le travail des romancières anglaises du dix-neuvième siècle qui avaient mis le roman domestique dans le canon, et cela en nous faisant entrer dans le domestique de l’écriture, la cuisine où s’élabore le roman, comme un repas. La main de l’auteure est perceptible en premier lieu dans la présentation en italiques et entre crochets de chaque carnet :

[... Le premier carnet, le carnet noir, commençait par des petits dessins griffonnés, des symboles musicaux ici et là, des triples croches qui devenaient de £ et redevenaient des triples croches : puis un dessin compliqué de cercles entrelacés, puis des mots : ...],22

[Le second carnet, le rouge, avait été commencé sans la moindre hésitation. Le Parti Communiste Britannique occupait toute la largeur de la page, était souligné deux fois, et la date, 3 janvier 1950, était inscrit en dessous : ...]23

[Le carnet jaune ressemblait au manuscrit d’un roman dont le titre était L’ombre du troisième. Certainement il commençait comme un roman : ...] 24

[Le carnet bleu commençait par une phrase :] ‘Tommy semblait accuser sa mère.’ [Puis Anna avait écrit :] Je quittai la scène entre Tommy et Molly, remontai chez moi et commençai immédiatement à la transformer en une nouvelle.25

Le procédé est systématique, répété à chaque reprise d’un carnet. Il indique la présence d’une supra narratrice et suggère fortement le travail d’édition de l’auteure. Elle informe en effet ses lecteurs à travers ces indications en italiques qu’elle a divisé (ou prétendument divisé) ces carnets pour construire le texte définitif, The Golden Notebook. La citation d’entrée dans le carnet jaune, rappelle en outre la vieille technique romanesque du manuscrit trouvé et livré aux lecteurs. Quant à la dernière citation, elle souligne clairement les remords ou hésitations auctoriaux quant à la représentation romanesque, d’autant plus que la seconde phrase décrit à la première personne l’auteure se mettant à écrire ce que la première phrase introduisait.

Les carnets éclairent également la nécessité autant que la difficulté d’obtenir, de choisir et d’utiliser les matériaux : un exemple en est la quatrième partie du carnet noir qui ne contient pour les années entre 55 et 57 que des coupures de journaux rapportant des instances de violence et émeutes en Afrique. La seule page rapportée, de la main d’Anna est ensuite rayée d’un double trait noir qui finalise la perte des souvenirs africains et la « stérilité totale »26 qui l’accompagne ou qu’elle symbolise pour l’auteure. Le même travail est effectué dans le carnet rouge pour l’Europe, l’Union Soviétique et la Chine en 56 et 57. Le mot liberté est souligné en rouge chaque fois qu’il apparaît et comptabilisé (679 références). Les quelques pages manuscrites sont une histoire dans l’histoire, celle d’un communiste britannique idéaliste qui réécrit l’histoire de l’Union soviétique pour ne pas briser son rêve d’un monde meilleur. L’histoire est suivie de deux traits noirs qui marquent, nous dit l’auteure la fin du carnet rouge, qui marquent en fait à la fois la fin de l’engagement politique de la femme et le sentiment de futilité d’une auteure qui veut/voulait faire œuvre romanesque utile, dans la grande tradition britannique.27

Le processus créatif est également laissé volontairement visible à travers les mentions de changements, révisions et ratures. On remarque par exemple que dans la dernière partie du carnet bleu la présentation change après une dizaine de pages et on nous annonce que certains points sont marqués par des astérisques numérotés (18 en tout). Nous n’apprenons pas la finalité de ce marquage mais il est sans conteste une trace de l’écrivaine au travail, d’une étape donnée dans le processus d’écriture. Plus claire est la mention dans la deuxième partie du carnet bleu de la difficulté à accomplir l’idée de départ : [Le carnet noir continuait vide sous le titre Source, à gauche. La moitié droite de la page, sous le titre Argent était cependant remplie. »28] Quant à l’inclusion à deux reprises de pages collées dans le cahier, la première relatant une réunion tendue au parti communiste et la seconde l’histoire dans l’histoire (imaginaire) du communiste anglais reçu par Staline qui « a besoin de ses conseils ».29 La conjonction des deux donne un aperçu de la manière dont l’expérience de la femme est transformée – transmutée – en fiction par l’écrivaine.

Sans oublier la mention récurrente de pages barrées ; j’en ai compté huit instances dont la première à la fin de la deuxième partie du carnet bleu ne nécessite aucun commentaire : « [Tout ce qui précède a été barré – annulé et en dessous il y a, griffonné ; Non, ça n’a pas marché. Un échec comme d’habitude... »30] On peut noter au passage que ces rejets inclus dans l’œuvre finale indiquent que ce qui nous est donné n’est pas une simple relecture et un réaménagement mais le fruit d’un travail en au moins trois étapes : écriture, relecture et révisions et troisième lecture qui décide d’inclure les révisions, ou du moins de les mentionner. C’est bien la cuisine de l’écriture qui est ici livrée comme partie intégrante de l’œuvre. Certains parleront de méta fiction mais je pense qu’il s’agit d’autre chose, d’une remise en question du texte poli et fini, détaché de son auteur. À l’instar, si vous me permettez une autre image domestique et féminine, du bébé qui une fois né n’est ni fini ni détaché de sa mère. Il est de nouveau possible d’affirmer que des années avant que Luce Irigaray en conceptualise la nécessité, Doris Lessing a tenté d’inclure ce qu’elle ressentait comme le plus profondément féminin en elle dans son roman, je veux parler de la lenteur du temps et de la non adéquation du passage du temps avec le progrès linéaire ainsi que la relation de soi en miroir. Encore une fois je ne donne qu’un aperçu très rapide de points qui mériteraient d’être analysés plus avant.

Et le dernier point que j’inclurai dans cette observation du travail de l’auteure est la panne d’inspiration ou d’écriture :

[Pendant à peu près dix-huit mois, le carnet bleu ne consistait que de remarques courtes dans un style différent non seulement de celui des autres pages du carnet bleu mais aussi de tout ce qu’il y avait dans les autres carnets ... Il y avait quelque chose d’écrit pour chaque jour, des déclarations courtes et factuelles : ‘Me suis levée de bonne heure. Ai lu ça et ça. Ai vu un tel et un tel. Janet est malade. Janet va bien. On a offert à Molly un rôle qu’elle aime/qu’elle n’aime pas, etc.’...]31

On pourrait certes considérer cette partie comme un exercice d’observation ou de retour à la réalité et c’était peut-être l’intention de l’auteure. Tout ce qui précède dans le roman n’indique cependant aucun besoin d’une telle discipline. En outre, le fait que ces remarques factuelles sont mentionnées et non pas rapportées (c’est-à-dire éliminées du texte définitif), qu’elles sont également barrées page après page « d’une croix noire épaisse » et qu’Anna Wulf reprend le carnet par les mots : « Donc tout ça était un échec aussi »32 décrit, me semble-t-il, assez clairement la paralysie de l’écrivaine dans le creux de la vague qui essaie malgré tout d’écrire en attendant le rebond. On peut objecter qu’il s’agit là d’une trace d’écrivain plus que d’écrivaine. A quoi on pourrait répondre en se demandant quel écrivain homme avant Lessing a jamais inclus ses carnets de notes rejetées dans l’œuvre achevée.

Cette remarque sur l’échec mène à un autre aspect de la présence de l’auteure qui court tout au long du texte, la métafiction, dont je ne donnerai que quelques exemples :

Le sexe. La difficulté d’écrire sur le sexe, pour les femmes, le sexe est meilleur quand on n’y pense pas, quand on ne l’analyse pas.33

Le problème avec cette histoire c’est qu’elle est écrite sous la forme d’une analyse des lois de dissolution de la relation entre Paul et Ella. Je ne vois pas d’autre moyen de l’écrire. Aussitôt qu’on a vécu quelque chose, cela tombe dans un schéma ... La littérature c’est l’analyse après l’évènement. 34

Je devrais être comme un homme, plus intéressée par mon travail que par les gens ; Je devrais mettre mon travail en premier et prendre les hommes comme ils viennent ... mais je ne le fais pas, je ne peux pas être comme cela...35

Bien sûr, j’ai choisi mes citations, il y a d’autres références moins directement genrées, mais dans l’ensemble, la métafiction de The Golden Notebook dessine clairement les problèmes auxquels est confrontée une auteure.

L’auteure est donc au centre de The Golden Notebook dans sa narration d’un bloc de l’écrivaine qui n’en est pas un et dans la relation d’une défaite qui se termine en triomphe personnel (le livre est écrit) et littéraire (le livre est un énorme succès). Ces contradictions participent sans doute à la définition de l’auteur comme auteure dans le paradoxe d’une féminité ressentie comme à la marge mais mise délibérément au centre de l’œuvre à travers les points que j’ai brièvement évoqués, dédoublement, porosité et inscription du faire dans le produit fini.

Bibliographie

LESSING, Doris (1964), The Golden Notebook, Harmondsworth : Penguin Books.

LESSING, Doris (1973), “Preface”, The Golden Notebook, St Albans, Herts. : Panther, 1973.

LESSING, Doris (2008), Alfred and Emily, Fourth Estate.

APPIGNANESI, Lisa (2008), Mad, Bad and Sad. London : Virago, 2008.

ATKINSON, Kate (1995), Behind the Scenes at the Museum, London : Doubleway.

BRONTË, Charlotte (1864), Jane Eyre, New York : Carleton, Publisher.

BUTLER, Judith (1990), Gender Trouble, London : Routledge

WOOLF, Virginia (1928), Orlando.

Notes

1 Doris Lessing, The Golden Notebook, Harmondsworth : Penguin Books, 1964 et St Albans, Herts., 1973 pour la préface. La traduction française, approximative, du texte est Le carnet d’or. Toutes les citations en français sont de l’auteure de l’article. Retour au texte

2 “I see Ella … I, Anna, see Ella. Who is of course, Anna. But that is the point, for she is not. The moment I, Anna, write: Ella … the Ella floats away from me and becomes someone else. I don’t understand what happens at the moment Ella separates herself from me and becomes Ella. No one does.” (Lessing 1964 : 450). Retour au texte

3 Elle ouvre également une piste de réflexion plus générale sur les rapports entre auteur et narrateur, entre autobiographie et fiction, et sur le passage de l’expérience vécue à l’expérience de création. Retour au texte

4 “In half an hour I must remember to cook the potatoes and then I must write a list for the grocer and then I must remember to change the collar of my dress and then…” (Lessing 1964 : 329). Retour au texte

5 “a feeling of intimacy and exclusiveness”, “a warm, lazy, intimate gaiety” (Lessing 1964 : 329).  Retour au texte

6 “He prefers Janet to have left before he wakes. And I prefer it, because it divides me. The two personalities – Janet’s mother, Michael’s mistress, are happier separated.” (Lessing 1964 : 329). Retour au texte

7 “‘You are always so efficient and practical,’ when it is precisely my efficiency and practicality that gains him an extra two hours in bed.” (Lessing 1964 : 330). Retour au texte

8 “Then I run down to the grocer and the butcher. It is a great pleasure, buying food I will cook for Michael; a sensuous pleasure … then I remember that the veal must be beaten and I must do it now, because later it will wake Janet… Then I snatch up my coat and run downstairs” (Lessing 1964 : 332-323). Retour au texte

9 “... nobody so much as noticed this central theme [of breakdown] because the book was instantly belittled, by friendly reviewers as well as by hostile ones, as being about the sex war, or was claimed by women as a useful weapon in the sex war.” (Lessing 1973 : 8). Retour au texte

10 “no convents, no nuns, no religion”, (Lessing 1964 : 305). Retour au texte

11 “And then, in a changed, startled writing,” (Lessing 1964 : 63). Retour au texte

12 “scribbled”, (Lessing 1964 : 295). Retour au texte

13 “very neat and tidy”, (Lessing 1964 : 298). Retour au texte

14 “The four notebooks were identical ... But the colours distinguished them – black, red, yellow, and blue. When the covers were laid back … it seemed that order had not immediately imposed itself … Then a title appeared, as if Anna had, almost automatically, divided herself into four, and then, from the nature of what she had written, named these divisions.” (Lessing 1964 : 63). Retour au texte

15 “Does housekeeping interest you at all? I think it really ought to be just as good as writing, and I never see […] where the separation between the two comes in. At least if you must put books on one side and life on t’other each is a poor and bloodless thing.” (Lessing 1964 : 584). Retour au texte

16 “Obviously because it’s been necessary to split myself up, but from now on I shall be using one only.” (Lessing 1964 : 584). Retour au texte

17 “I wrote: ‘On a dry hillside in Algeria, a soldier watched the moonlight glinting on his rifle.’ [Here Anna’s handwriting ended, the golden notebook continued in Saul Green’s handwriting, a short novel about the Algerian soldier] … [This short novel was later published and did rather well.]” (Lessing 1964 : 626-627). Retour au texte

18 “The two women kissed and separated.” (Lessing 1964 : 650). Retour au texte

19 “The two women were alone in the London flat.” (Lessing 1964 : 9). Retour au texte

20 “the artist in her dead”, (Lessing 1964 : 525). Retour au texte

21 Les groupes de ‘consciousness raising’ réunissaient des femmes qui s’épaulaient et s’ent’raidaient dans une entreprise d’auto analyse de leurs désirs, contradictions et frustrations avec pour but de se libérer de l’intériorisation des normes patriarcales. Retour au texte

22 “[ … The first book, the black notebook, began with doodlings, scattered musical symbols, treble signs that shifted into the £ sign and back again: then a complicated design of interlocking circles, then words:…]” (Lessing 1964 : 63).  Retour au texte

23 “[The second notebook, the red one had begun without any hesitations at all. The British Communist Party was written across the page, underlined twice, and the date, 3 January 1950, set underneath: ...]” p. 154. Retour au texte

24 “[The yellow notebook looked like the manuscript of a novel The Shadow of the Third. It certainly began like a novel: …]” (Lessing 1964 : 169).  Retour au texte

25 “[The blue notebook began with a sentence:] / ‘Tommy appeared to be accusing his mother.’ / [Then Anna had written:] I came upstairs from the scene between Tommy and Molly and instantly began to turn it into a short story.” (Lessing 1964 : 225). Retour au texte

26 “Total sterility”, (Lessing 1964 : 516). Retour au texte

27 Ce sentiment de futilité est exprimé de manière directe dans les séances de psychanalyse d’Anna Wulf, la romancière en panne d’écriture. Retour au texte

28 “[The black notebook continued empty under the heading Source, on the left-hand side. The right half of the page, under the heading Money, was full, however.]” (Lessing 1964 : 279). Retour au texte

29 “‘I often wonder if I am getting the correct advice…”, (Lessing 1964 : 299). Retour au texte

30 “[The whole of the above was scored through – cancelled out and scribbled underneath ; No, it didn’t come off. A failure as usual …]” (Lessing 1964 : 359). Retour au texte

31 “[For something like eighteen months the blue notebook consisted of short stories different in style not only from the previous entries in the blue notebook but from anything else in the notebooks... Each day had its entry, consisting of short factual statements: ‘Got up early. Read so-and-so. Saw so-and-so. Janet is sick. Janet is well. Molly is offered a part she likes/doesn’t like, etc.’…]” (Lessing 1964 : 458). Retour au texte

32ruled out, every page, with a thick black cross” … “So all this is a failure too”, (Lessing 1964 : 458). Retour au texte

33 “Sex. The difficulty of writing about sex, for women, is that sex is best when not thought about, not analysed.” (Lessing 1964 : 212). Retour au texte

34 “The trouble with this story is that it is written in terms of the laws of dissolution of the relationship between Paul and Ella. I don’t see any other way to write it. As soon as one has lived through something, it falls into a pattern… Literature is analysis after the event.” (Lessing 1964 : 224). Retour au texte

35 “I ought to be like a man, caring more for my work than for people; I ought to put my work first, and take men as they come ... but I won’t do it, I can’t be like that …” (Lessing 1964 : 309). Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Marianne Camus, « Représentation et présence de l’auteure dans The Golden Notebook de Doris Lessing », L'intime [En ligne], 2 | 2012, publié le 07 juin 2012 et consulté le 28 mars 2024. DOI : 10.58335/intime.98. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/intime/index.php?id=98

Auteur

Marianne Camus

Professeure, Centre de Recherches Interlangues « Texte Image Langage » (EA 4182), Université de Bourgogne, UFR Langues et Communication, 2 bd Gabriel F-21000 Dijon – marianne.camus [at] u-bourgogne.fr

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