Jean-Philippe Martin, Histoire de la nouvelle gauche paysanne. Des contestations des années 1960 à la Confédération paysanne, Paris, La Découverte, 2005.

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Enfin, voilà la synthèse nécessaire sur l’histoire de la dynamique ayant conduit à la création de la Confédération paysanne. Cette dernière est probablement moins connue que son médiatique porte-parole José Bové, mais elle n’en demeure pas moins au centre de ce livre passionnant. A sa manière, J.-P. Martin fournit une pièce essentielle à la connaissance des évolutions du monde agricole, du syndicalisme et du monde catholique1. La thèse qui est au cœur de l’ouvrage est qu’à côté du syndicalisme laïque et progressiste agricole qui s’est développé à partir de l’entre deux guerres (incarné jusqu’à ce jour par le MODEF), s’est mise en place une autre conception, issue des transformations des campagnes et de la religion. Le courant moderniste qui accompagne la modernisation agricole, soutenu par la JAC, se scinde au cours des années 60 entre ceux qui vont accompagner jusqu’au bout cette dynamique et ceux qui en refusent les conséquences sociales pour identifier le sort des paysans à celui du monde du travail. Cette évolution est soutenue par des changements dans le syndicalisme ouvrier, en particulier la création de la CFDT à la même période. Mai 68 servira en quelque sorte de révélateur à ces évolutions de longue haleine. A partir des années 70, un courant se revendiquant comme paysan-travailleur, radical et anticapitaliste, s’affirme dans le monde rural. Le rôle d’organisations d’extrême gauche, la Gauche Prolétarienne, mais surtout la Gauche ouvrière et paysanne (GOP, un courant maoïsant du PSU qui sera à l’origine de la création de l’OCT quelques années plus tard), est important dans ce contexte. Une série d’étapes, fort bien décrites par Martin, amène à une rupture croissante, puis à une autonomie à l’égard du syndicalisme dominant de la FNSEA. Tandis qu’une partie de cette gauche paysanne s’autonomise en un regroupement séparé, d’autres font au contraire le choix de maintenir une activité au sein des structures départementales. L’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 va rebattre les cartes, au moins pour un temps. Deux composantes s’affrontent au cours des premières élections pluralistes, la CNSTP et la FNSP. Leur double échec amènera les radicaux et les revenus du socialisme à s’allier en 1987 en donnant naissance à la Confédération paysanne. Non content de dresser une histoire de l’organisation, de ses ramifications et dissensions, l’auteur dresse un état des revendications mises en avant par cette composante du monde rural. Si aujourd’hui la thématique des OGM connaît un grand succès public, d’autres aspects, tels la revendication d’une agriculture paysanne ou la souveraineté alimentaire, sont longuement décrits au fil des chapitres. Loin du corporatisme qui a marqué le monde paysan, la Confédération propose, avec des tensions parfois fortes qui sont abordées de front, une articulation entre une défense professionnelle et une alternative de société. Un livre sobrement écrit, fourmillant d’informations et de portraits, qui propose un pendant à celui de Luneau2 sur le syndicalisme toujours majoritaire.

Notes

1 Voir aussi Pelletier Denis, La crise catholique. Religion, société, politique en France (1965-1978), Paris, Payot, 2005. Retour au texte

2 Voir aussi Luneau Gilles, La forteresse agricole, une histoire de la FNSEA, Paris, Fayard, 2004. Retour au texte

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Georges Ubbiali, « Jean-Philippe Martin, Histoire de la nouvelle gauche paysanne. Des contestations des années 1960 à la Confédération paysanne, Paris, La Découverte, 2005. », Dissidences [En ligne], Février 2012, Nos archives : le mouvement syndical, publié le 04 novembre 2011 et consulté le 28 mars 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=762

Auteur

Georges Ubbiali

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