François Bonnaud, Carnets de lutte d'un anarcho-syndicaliste (1896-1945). Du Maine-et-Loire à Moscou, Montaigu, Éditions du CHT, 2008, 261 p.

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Communisme, Syndicat

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François Bonnaud (1896-1981) fut longtemps absent du Maitron, ce dernier ne l'intégrant qu'en 1997. Figure du syndicalisme ouvrier du Maine-et-Loire, l'homme méritait pourtant d'y figurer pour son parcours qui le voit combattre en 1914-1918 puis, socialiste, peser dans sa fédération pour la scission. Devenu communiste, il est rapidement dissident et maintient -tout comme Monatte- au sein de la CGTU une opposition syndicaliste révolutionnaire. Les sirènes de l'ISR n'y peuvent rien. Invité -pour mieux le circonvenir pense-t-il- au congrès de l'ISR en 1928 à Moscou, il en sort plus défiant que jamais. La campagne de calomnie qui s'ensuit en Maine-et-Loire motive la rédaction d'un cinglant «  Ce que j'ai vu à Moscou » reproduit ici.

Faut-il alors acquiescer au titre ? Oui, si l'on juge du parcours, non si l'on juge l'épithète : anarcho-syndicaliste fleure la stigmatisation communiste, François Bonnaud est davantage syndicaliste révolutionnaire. Il s'inscrit dans cette tradition en horsain , d'usine en usine, au début des années 20, pacifiste aux convictions trempées par la Grande Guerre , il prêche la paix, refuse une Seconde Guerre mondiale qu'il lit avec les représentations de la première. Il est alors - Maudite soit la guerre !, son journal de 1939 à 1945- un en-dehors de la société française en guerre, étranger à la III e République agonisante et déjà bien à droite, hostile à Vichy qui conclut ce tropisme vers le fascisme. Durant ces années, les points d'exclamations se suivent dans le journal, contrastant avec le ton plus ordinaire d'autres pages des carnets. François Bonnaud n'apparaît jamais plus tonitruant et incisif qu'en pacifiste, quand ce positionnement est inaudible, illisible. On songe alors, à le lire, aux notations qui parsèment Dépositions de Léon Werth, étonné devant la continuité des sentiments pacifistes d'une guerre l'autre : «  Et j'en reviens à me demander ce que sont devenus les pacifistes purs, ceux dont le pacifisme était la source essentielle. Planant au-dessus des massacres, ne font-ils de vœux pour aucun des belligérants ? Ne répondent-ils à l'événement que par le dégoût et le désespoir  ? »1

Les carnets de François Bonnaud permettent non de répondre, mais de poursuivre ce questionnement. C'est là leur sel que d'aider, pour qui les parcourt, à saisir une culture anarchiste, malthusienne, autodidacte et profondément pacifiste, au fil du premier XX e siècle, d'une guerre -d'une avant-guerre- l'autre. Plus qu'une notice du Maitron impropre à rendre compte du cheminement, cette édition témoigne d'un secteur encore trop marginal de l'historiographie du mouvement ouvrier, écrasé, comme de leur vivant, par le poids du communisme. Ce qui transparaît ici au fil des pages procède de l'inscription d'un parcours dissident dans la chair et les traditions du mouvement ouvrier.

Notes

1 Léon Werth, Dépositions , Viviane Hamy, 1992, p 324. Retour au texte

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Vincent Chambarlhac, « François Bonnaud, Carnets de lutte d'un anarcho-syndicaliste (1896-1945). Du Maine-et-Loire à Moscou, Montaigu, Éditions du CHT, 2008, 261 p. », Dissidences [En ligne], Février 2012, Nos archives : le mouvement syndical, publié le 03 novembre 2011 et consulté le 24 avril 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=745

Auteur

Vincent Chambarlhac

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