Daniel Wolfromm et Michel Toulet, Grèves. Un siècle de conflits ouvriers, Paris, La Martinière, 2006, 255 p.

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Grève

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Réalisé par deux journalistes, ce livre de photographies s'inscrit clairement dans la catégorie des beaux livres. Très bien présenté, avec une alternance de rouge et de noir, brièvement préfacé, l'ouvrage donne à voir la richesse et l'importance des cartes postales pour les premiers temps de la grève. En effet, avant le début des années 30, le Front populaire marquant une césure, l'essentiel des photographies disponibles sur la grève (tout au moins celles reproduites dans l'ouvrage) sont des cartes postales, provenant de la collection personnelle de Michel Toulet, ancien photographe chez Larousse.

Les premières photographies datent du printemps 1905 dans le pays minier. Le lecteur est immédiatement frappé par ces représentations d'un prolétariat fier de poser devant l'œil du photographe. La photographie, ainsi qu'il est sobrement expliqué, a pour eux une importance stratégique : faire bonne figure permet de récolter un maximum de fonds de soutien. Les photos se succédant, on voit surgir la figure des femmes, dans les mines, des enfants et de la famille. Bien souvent ces représentations expriment plus la tristesse que l'héroïsme prolétarien. Les enterrements, la répression, se succèdent. De courts commentaires permettent aux lecteurs de se repérer et de contextualiser les photographies. La France du travail traditionnel d'avant 1914 occupe une grande part de cet important volume : les mines, les tisserands, la peausserie, la porcellaine, les mégisiers, les verriers se succèdent. La police est présente, massivement : les gendarmes à cheval, les « argousins », l'armée, les différents corps de répression sont toujours aux abords des manifestations et des moments grévistes. Lors de la grève des ouvriers du transpyrénéen de l'Hospitalet en 1907, les gendarmes posent devant l'objectif, exhibant comme une proie traquée un gréviste enchaîné dans ses vêtements de travail.

Il n'existe que peu de représentations des mouvements de grèves de la fin de la Première Guerre mondiale (aucune représentation durant la guerre elle-même) jusqu'en 1936. Cette période, jusqu'en 1938 constitue le second bloc important du livre, avec une place des photographies et non plus de la carte postale. Les années d'après guerre forment un ensemble tout à fait passionnant, car généralement peu connu. La CGT est présente dans chacun de ces conflits. Mention spéciale à l'extraordinaire photo sur double page (p. 216-217) montrant un meeting à la Bourse du travail, avec Marcel Paul, ancien ministre communiste à la Libération, quintessence caricaturale du camarade dirigeant. Toute la problématique de la délégation ouvrière envers ses chefs est présente dans cette photo particulièrement chargée de sens. 68 est à peine esquissé. L'ouvrage, symboliquement, se clôt en 2003, par l'image d'un ouvrer métallurgiste attendant le résultat du tribunal de grande instance de Béthune qui prononce la liquidation judiciaire de Métaleurop.

On saura gré aux concepteurs de ce livre à mettre entre toutes les mains d'avoir maintenu le choix esthétique du noir et blanc tout au long de l'album, conférant à toutes ces photos une profondeur inattendue. Quelques repères chronologiques et une bibliographie indicative n'oubliant aucun livre essentiel sur ce thème concluent cette somme documentaire.

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Georges Ubbiali, « Daniel Wolfromm et Michel Toulet, Grèves. Un siècle de conflits ouvriers, Paris, La Martinière, 2006, 255 p. », Dissidences [En ligne], Juillet 2012, Nos archives du mois : grèves et manifestations, publié le 08 juin 2012 et consulté le 16 avril 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=627

Auteur

Georges Ubbiali

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